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Caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste
Publie le mercredi 13 janvier 2010 par Open-Publishing7 commentaires
Il y a quelques jours était diffusée une émission sur les caisses automatiques, destinées à terme à remplacer les caissières de supermarché. Deux camps s’affrontaient alors, l’un pour prétendre que cette évolution allait permettre une satisfaction plus grande du client (rapidité), et l’autre que ce système automatisé allait mettre à la porte un grand nombre de travailleurs déjà mis à rude épreuve (au nom de la rentabilité). Je ne reviendrais pas sur les prétextes fallacieux destinés à défendre l’emploi de ses malheureuses (le sourire des caissières, la relation humaine qui disparaîtra), mais plutôt sur la rentabilité que permettra ce remplacement de l’homme par la machine… encore qu’on peut se demander, comme l’a fait l’animatrice, si le fait de faire soi-même le travail de la caissière (transformée dans le meilleur des cas en agent de sécurité au contrôle de la caisse automatique) vaut vraiment le coup de se séparer de ces esclaves modernes.
Réfléchissons bien à ce problème, qui symbolise parfaitement une des contradictions majeures du capitalisme : la rentabilité fera toujours préférer la machine à l’homme dans toutes les tâches difficiles et répétitives. Mais les emplois sont menacés par ces machines, qui leurs enlèvent peu à peu leur gagne-pain. Pourtant, ces travaux sont difficiles, souvent rébarbatifs et épuisants, autant physiquement que moralement. Si dans un monde en progrès nous devrions nous satisfaire du remplacement de ces pénibles travaux par les machines, la plupart des gens « de gauche » se voient dans l’obligation de défendre l’asservissement de ces personnels, au nom de leur pouvoir d’achat.
Ce serait à se tordre de rire si la situation n’était pas réellement ubuesque. Car ceux-là mêmes qui défendent la dignité humaine, qui critiquent la pénibilité des conditions de travail, sont en même temps ceux qui se voient contraints de protéger ces mêmes emplois qui nuisent à la santé et la dignité des personnes. Et ceux qui ne jugent que par la rentabilité se disent en mesure de faire cesser une exploitation physique et mentale dont ils ne font pourtant pour la plupart aucun cas.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
En théorie nous devrions tous nous réjouir de la suppression de tous les travaux pénibles et rébarbatifs. En théorie cette suppression devrait permettre soit plus de loisirs, soit la création d’emplois plus attrayants. Mais en pratique cette suppression engendre chômage et précarité, désocialisation et tout ce qui s’en suit… le tout en terme de « coût économique » à supporter pour la collectivité.
On s’aperçoit en définitive qu’une fois de plus, le secteur privé (la grande distribution) va réussir à faire travailler gratuitement les consommateurs, tout en augmentant ses marges (car il ne faut pas croire que les prix baisseront) et en faisant de grandes économies sur le facteur travail. De l’autre côté, l’Etat ne sera bien sûr pas en mesure de proposer autre chose à tous ces nouveaux exclus, qui bénéficieront d’une aide sociale payée par la collectivité, et à qui on reprochera sans doute ensuite de coûter cher.
Ce phénomène n’est bien sûr pas nouveau, et de nombreux emplois tels que les pompistes ou autres poinçonneurs ont disparu du fait même de l’automatisation. l’informatisation va elle aussi à terme mettre un bon nombre d’employés à la porte, comme elle a conduit de nombreux agriculteurs à déserter les campagnes.
Que faire alors ? leur faire creuser des trous pour les reboucher ensuite, afin de pouvoir justifier leur salaire, ou considérer que le système arrive à un terme où le progrès technique devrait être en mesure de nous libérer d’une contrainte dont tant de nos anciens auraient rêvé : le travail.
Mais le capitalisme ne fonctionne pas comme ça : là où le bon sens ferait qu’en travaillant tous un peu moins nous pourrions faire travailler tout le monde, ici on préfère parfois se passer d’une technologie utile pour ne pas avoir à créer du chômage, facteur de trouble social (encore que le trouble social soit parfois utile au capitalisme du point de vue répressif, ce qui permet de faire travailler également police et justice).
On le voit bien, c’est donc un problème de vision globale de la société que le problème des caisses automatiques met en exergue, et de la définition de ce qu’on nomme « la valeur travail ».
Si pour certains, le travail consiste en la pratique d’une activité intéressante et bien rémunérée, il est pour la plupart une contrainte dont ils voudraient bien se passer ; sans compter le salaire qui ne suffit parfois même pas à faire oublier les heures de labeur.
En dehors des quelques privilégiés qui, pour moi, ne travaillent pas (au sens étymologique du terme, c’est une souffrance), mais réalisent leur passion, l’Etat se devrait d’être le pourvoyeur de tous les travailleurs, en leur offrant soit le moyen de se reconvertir dans une activité plus attrayante ou utile socialement (éducation, santé, services publics dont nous avons tant besoin), et faire en sorte que son objectif soit de libérer, à terme, le maximum de personnes des contraintes afférentes à des travaux pénibles. En poussant même un peu plus loin, il serait presque plus logique d’accorder un meilleur salaire à celui qui fait ce genre de travail qu’à celui qui se plaît dans son activité. D’une part on gagnerait en candidats à ce genre de postes, et d’une autre on comblerait ainsi le manque de mains d’oeuvre dans certains métiers difficiles pour lesquels aucune machine ne pourra venir les remplacer.
Ensuite, il serait également possible d’envisager la création d’autres métiers fort intéressants, métiers d’innovation et de recherche qui auraient pour but de remplacer peu à peu tous les travaux inintéressants et nuisibles à notre santé physique et mentale.
Au lieu de se demander s’il coûtera plus cher de supprimer les caissières que de les laisser en poste, nous ferions mieux de nous interroger sur la manière de faire cesser l’exploitation de l’homme pour la recherche du profit, car en supprimant le « travail » nous supprimerions une injustice, et réglerions un paradoxe.
Messages
1. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 13 janvier 2010, 21:40
Les canuts de Lyon, question éternelle et toujours reposée : A qui doit profiter le progrès ? Au travail ou au capital ?
2. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 13 janvier 2010, 22:21
Le capitalisme est bien un vaste gachis de nos capacités humaines.
Il n’y a pas à tortiller. Il faut l’abattre pour travailler tous, moins et autrement qu’a des boulots inutiles.
3. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 13 janvier 2010, 23:18, par le retraité
je fais une partie de mes courses en grande surface, comme tout le monde
j’essaie d’être sympa avec les caissières car je sais que c’est un métier difficile
mais je n’irai jamais dans ces caisses automatiques car ça va malheureusement les priver d’emploi
je trouverai une solution en allant ailleurs
le capitalisme............
mais si les gens étaient moins C............
Le retraité
4. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 14 janvier 2010, 08:54
bonne reflexion .je la rapproche du travail du groupe Krisis dans le manifeste contre le travail.
Makhno
5. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 14 janvier 2010, 11:16
Moi non plus je n’irai plus au supermarché si les caissières disparaissent,c’est déjà tout réfléchi !
6. caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 14 janvier 2010, 12:14
Des caisses automatiques, ça doit être fragile de toute façon, non ?
7. Caissières contre caisses automatiques : le paradoxe capitaliste, 16 janvier 2010, 02:05
Les caissières sont le seul élément humain, nos seuls interlocuteurs quand nous faisons nos courses . Je ne vais que dans des petites supérettes discounts ( comme le Netto cosmopolite près de chez moi, bonne ambiance familiale donnée par le manager) ou des petites épiceries aux caissières rigolardes et sympas et pour les légumes , les fruits les oeufs et le fromage parfois ( un luxe) je n’achète qu’aux petits producteurs sur le marché du dimanche .
Hypermarché sans caissières égale hypermarché mort, à fuir .