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Le film l’Atlantide : docufiction ou autophobie communiste en action !

31 mars 2011, 19:12, par arnold

Que Lénaïg Bredoux (la journaliste) et Médiapart me pardonne ce copié/collé. Il me semble que certain ferait mieux de se taire avant de dégueuler leur bile. Qu’il lise les ex. Innombrables, inutile de les citer.

Titre de l’interview : Documentaire : nous étions des communistes, « mais pas des salauds »

Chapô : Marcel Trillat est l’auteur de nombreux documentaires, notamment Femmes précaires et Silence dans la vallée. Maurice Failevic a tourné beaucoup de fictions, comme C’était la guerre et Jusqu’au bout. Le premier fut communiste jusqu’en 1987. Le second l’est toujours. Ils sont amis de plus de quarante ans. De cette histoire commune, ils ont voulu faire un documentaire, diffusé jeudi soir sur France-2 (à 22h50), qui tente de raconter l’histoire des communistes, ou plutôt l’histoire du PCF. Ou comment une « extraordinaire organisation porteuse de tant d’espoirs » a pu être balayée par l’histoire en quelques années. Rencontre.

Avec votre histoire militante et malgré les nombreux documentaires existants déjà sur le PCF, pourquoi avez-vous choisi de faire ce film ?

Marcel Trillat. J’ai une filleule, qui s’appelle Élise. Elle est fille d’anciens communistes et petite-fille d’une héroïne de la résistance, dirigeante de la CGT, militante du parti jusqu’au bout. Élise m’a demandé des comptes. Elle me disait : « Pourquoi vous n’avez pas su défendre vos valeurs ? vous n’avez pas su combattre l’inacceptable ? Et maintenant, nous, les jeunes, on a Sarkozy et on a plus personne pour nous défendre »... On a essayé de lui répondre.

Est-ce pour cela que vous affichez une volonté de pédagogie tout au long du film, avec un récit chronologique ?

Maurice Failevic. Pour répondre à Elise, il fallait partir du début. Il fallait comprendre dans quel contexte la révolution soviétique a commencé... Il fallait reprendre à la guerre de 14. On s’est aussi aperçu que c’était intéressant de raconter cette histoire à travers des subjectivités différentes, puisque Marcel a quitté le parti en 1987, et que moi j’y suis toujours.

Marcel Trillat. On se connaît depuis 1965, on a été dans la même cellule de Cognac-Jay dans les 1960 et 1970. Mais quand on en parle entre nous, on n’a pas vécu, on n’a pas vu, les mêmes choses.

Avez-vous fait des découvertes sur ce qu’était votre parti à l’occasion de ce film ?

Marcel Trillat. On a au moins redécouvert que le moule forgé au début reste jusqu’au bout. Le parti reste dans le moule bolchevique, tel qu’il était imposé dans les années 1920 avec les conditions drastiques fixées par Moscou. Et il n’arrive pas à sortir de cette gangue : le chef continue d’avoir un rôle déterminant jusqu’au bout.

Maurice Failevic. Cette organisation du parti dont on a hérité est née en 1905, après la première révolution russe, et elle est reprise en 1917 alors qu’elle était le produit d’un contexte très particulier où il fallait une discipline de fer, un chef, une organisation militaire. Cela a ensuite été imposé aux autres partis, d’où cette organisation très centralisée, fonctionnant avant-guerre comme une armée, avec cette toute-puissance du chef. C’est un péché originel que j’ai découvert en faisant le film...

Marcel Trillat. (en riant) Il a vu ce qu’il ne voulait pas voir ! (puis sérieux) Il faut dire que Maurice était, pendant la guerre, un enfant juif planqué par des Justes. Et le soir, il y avait la carte d’Europe et les petits drapeaux qui suivaient l’avancée de l’armée Rouge. C’est pratiquement inscrit dans ses gènes que l’armée Rouge l’a sauvé. Pour lui, il a une dette à la vie, à la mort vis-à-vis des Soviétiques. Et c’est très douloureux de remettre en cause ce grand frère...

Mais comment avez-vous géré vos sensibilités différentes pendant le tournage du film ?

Maurice Failevic. C’est quand il a fallu monter, et faire des choix draconiens, qu’il y a eu des discussions quelquefois violentes...

Marcel Trillat. Parfois on était à deux doigts de s’attraper par le colbac, tellement c’était fort, tellement c’est une épopée incroyable. Par exemple, il y avait des choses qui étaient pour lui impossibles à regarder en face, comme le pacte germano-soviétique.

Maurice Failevic. Moi je me souviens surtout de l’histoire du foyer de Vitry (détruit par la mairie en 1980). Pour moi, c’était un fait divers sans trop d’importance. Marcel a lui insisté. On s’est vachement engueulé. On a fini par le traiter, et je le regrette pas. Mais je me souvenais pas que cet événement avait eu un tel impact...

Marcel Trillat. Pourtant, lorsque ça s’est produit, ça a été un coup de tonnerre. La cellule de Cognac Jay, dont Maurice était aussi un membre actif, a demandé à voir Marchais. Il nous a reçus, il nous a engueulés : « Quoi vous voulez dire que je suis raciste ? » En tout cas, les communistes comme moi, le lendemain de cette affaire, rasaient les murs. Parce que c’était une honte, contraire à toutes nos valeurs. Par ailleurs, une militante du parti, qui était aussi militante au MLAC (mouvement de libération de l’avortement et de la contraception, ndlr), nous a raconté que quand elle tendait la main à ses camarades pour les saluer en cellule, les femmes lui répondaient : « Tu t’es lavé les mains au moins ? » Et ça, Maurice, ça le rendait malade de mettre ça dans le film. Et on ne l’a pas mis. Autre exemple : en 81, Marchais appelle à voter Giscard, d’une manière un peu enrobée...

Maurice Failevic. Moi je n’avais pas vu, ni entendu ça par exemple... De manière générale, dans nos disputes, Marcel avait tendance à charger un peu, et moi j’avais tendance à mettre en avant des choses positives.

Après tout ce travail, avez-vous trouvé une réponse pour Élise ?

Marcel Trillat. Ce communisme n’était pas du communisme... Les révolutions ont toujours deux ailes, une aile sociale – pour s’émanciper des injustices – et une aile de liberté. Et toutes les révolutions plus ou moins consciemment coupent la deuxième aile. Or une révolution qui n’établit pas une démocratie, ça crève. C’est systématique. Les militants ont réussi à se convaincre que la démocratie, c’était pour après. Pour eux, il fallait d’abord construire le socialisme...

Maurice Failevic. J’ai une explication a contrario : maintenant que tout cela s’est écroulé, on voit bien la difficulté à retrouver un enthousiasme, une envie de luttes... Il y a aussi l’idée qu’une militante aborde dans le film en disant qu’on était tellement dans les luttes, dans les boîtes, contre la guerre d’Algérie ou du Viêtnam que ça nous aurait troublés de prendre en compte tout ça... Cela nous aurait désarmés.

Vous dites que vous n’avez pas voulu faire une saga nostalgique. Mais n’êtes-vous pas vous-mêmes porteurs d’une nostalgie, au sens d’un espoir détruit ?

Marcel Trillat. C’est sûr. Le parti était un rempart pour les exploités, et leur donnait de l’espoir, l’espoir de vivre, de se cultiver. Les cellules étaient formidables : c’étaient des lieux de rencontres, d’échanges, d’engueulades formidables. Parce que là, sauf exception, on pouvait tout dire. C’était vraiment un lieu de fraternité et d’abolition des frontières sociales. Aujourd’hui, on voit plein d’orphelins à gauche qui essaient de retrouver des lieux comme ceux-là... Cela leur manque, cet intellectuel collectif. Il faut absolument que quelque chose d’autre se reconstruise. Nous, on est des naïfs... on espère que quelque chose va se faire autour du Front de gauche. On espère. Mais en même temps, on en a vu d’autres... Et on se dit que peut-être, on ne sera plus là pour le voir.

Maurice Failevic. On espère quand même, mais c’est difficile. Y’a des résistances dans le parti. Je les condamne pas mais il y a une sorte de dévotion dans le parti qui est restée. Le parti aujourd’hui est fait de militants formés à une autre époque, ils portent le poids de ce qu’ils ont vécu. Pour eux, le parti est sacré. Ils lui ont tout donné.

Dans le documentaire, Henri Malberg, dirigeant du PCF, dit qu’il est communiste, « mais pas un salaud ». Ce film a-t-il répondu à un besoin de légitimation de votre propre parcours politique ?

Marcel Trillat. Pour moi, oui. Ce film, c’est voilà pourquoi j’ai été communiste et voilà pourquoi je ne le suis plus. Mais j’assume complètement cet héritage. Et je suis fier en 1956 d’avoir été communiste, et non pas socialiste (à cause de l’Algérie, ndlr). Malheureusement, il y a tout de suite eu la Hongrie ! Y’a des gens qui ont tendance à regarder de haut les anciens communistes et qui pourraient regarder dans leur cour. Que dire de l’aveuglement des maoïstes par exemple ? Chacun à sa façon a eu des aveuglements. Cela mérite d’être apporté à la réflexion de tout le monde mais pas d’être stigmatisé.

Maurice Failevic. Moi, j’ai surtout voulu comprendre mon histoire. J’ai découvert des choses...

L’enregistreur est coupé. Trillat et Failevic continuent de débattre, sur Gide et son Retour d’URSS, sur ceux qui auraient voulu ou pu voir, et dénoncer. Et de se demander : l’histoire aurait-elle pu être différente ?