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Victor Hugo et Sarkozy

1er mars 2008, 16:49

Certes, cela est bien dit, mais...

« Il est des hugolâtres de bonne compagnie, monarchistes, voire même républicains, qui s’effarent aux engueulades des Châtiments : ils n’en parlent jamais ou si parfois ils les mentionnent, c’est avec des précautions oratoires et des réticences infinies. Leur pudibonderie
les empêche de reconnaître les services que ce pamphlet enragé rendit et rend encore aux conservateurs de toute provenance. Hugo agonit d’insultes les Canrobert et les Saint-Arnaud de la troupe bonapartiste de décembre ; mais il ne décoche pas un seul vers aux Cavaignac, aux Bréa et aux Clément Thomas de la bande bourgeoise de juin. Massacrer les socialistes en blouse lui semble dans l’ordre des choses, mais charger sur le boulevard Montmartre, emporter d’assaut la maison Sallandrouze, canarder quelques bourgeois en frac et chapeau gibus ! Oh ! le plus abominable des crimes ! Les Châtiments ignorent Juin et ne dénoncent que Décembre : en concentrant les haines sur Décembre, ils jettent l’oubli sur Juin.

Dans sa préface du 18 Brumaire, Karl Marx dit à propos de Napoléon le Petit : « Victor Hugo se borne à des invectives amères et spirituelles contre l’éditeur responsable du coup d’État. Dans son livre l’événement semble n’être qu’un coup de foudre dans un ciel serein, que l’acte de violence d’un seul individu. Il ne remarque pas qu’il grandit cet individu, au lieu de le rapetisser, en lui attribuant une force d’initiative propre, telle qu’elle serait sans exemple dans l’histoire du monde. »

Mais en magnifiant, sans s’en douter, Napoléon le Petit en Napoléon le Grand, en empilant sur sa tête les crimes de la classe bourgeoise, Hugo disculpe les républicains bourgeois qui préparèrent l’Empire et innocente les institutions sociales qui créent l’antagonisme des classes, fomentent la guerre civile, nécessitent les coups de force contre les socialistes et permettent les coups d’Etat contre la bourgeoisie parlementaire. En accumulant les colères sur les individus, sur Napoléon et ses acolytes, il détourne l’attention populaire de la recherche des causes de la misère sociale, qui sont l’accaparement des richesses sociales par la classe capitaliste ; il détourne l’action populaire de son but révolutionnaire, qui est l’expropriation de la classe capitaliste et la socialisation des moyens de production. - Peu de livres ont été plus utiles à la classe possédante que Napoléon le Petit et Les Châtiments. »

Paul Lafargue – La légende de Victor Hugo