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LES SUPERMARCHES DE L’INCINERATION ANIMALE

16 août 2008, 16:47

Madame,

Je dois dire que votre histoire m’a beaucoup ému. Il n’y a pas si longtemps j’ai aussi eu la douleur de perdre un être cher, et j’ai éprouvé une expérience pareille à la votre. Voici ce qui m’est arrivé :

J’ai eu la douleur de perdre mon Titl. IL faut que je vous dise que Titl et Mitl étaient mes deux poissons rouges, qui vivent avec moi dans un aquarium dans le salon (enfin, eux sont dans l’aquarium, pas moi). Et voila que debut juillet, le pauvre Titl apparait un matin flottant le ventre en haut dans son aquarium.

Vous pouvez aisément imaginer mon chagrin. D’autant plus que Mitl n’a rien fait pour me consoler. Elle continuait à nager comme si de rien n’était. Peut-être était-elle trop émue de la mort de son compagnon ? Peut-être faisait-elle une névrose de négation ? Faudra que j’en parle à mon analyste. Toujours est-il qu’il a fallu réflechir aux obsèques, vu que Mitl semblait hors d’état de s’en occuper.

J’ai d’abord pensé à un enterrement dans le jardin, mais je me suis dit que Mitl aimerait pouvoir le visiter de temps en temps, et j’avais pas trop envie de devoir sortir l’aquarium dans le jardin à chaque toussaint. J’ai donc décidé de le faire incinérer, puis de mettre l’urne avec ses cendres dans l’aquarium, dans un petit caveau digne de mon petit Titl. Et c’est là que les problèmes ont commencé.

D’abord, j’ai du vérifier l’accord du défunt pour l’incinération. Après avoir fouillé pendant deux jours l’aquarium, j’ai du me rendre à l’évidence : malgré tous mes conseils, Titl était mort sans avoir couché par écrit ses dernières volontés. Il revenait à sa femme d’en décider. J’ai donc posé la question à Mitl... mais elle est restée muette comme une carpe. A croire qu’elle ne se rendait pas compte de la situation... la pauvre... j’ai donc du me résoudre à prendre toute seule la décision. J’ai confiance que c’est ce que Mitl aurait voulu.

Ensuite, ce malotru de vétérinaire m’a rit au nez. Il paraît que dans notre beau pays personne n’a encore pensé à faire construire des fours d’incinération pour poissons rouges. On se demande que font les politiques. A la fin, j’a trouvé parmi mes voisins Marcel, un restaurateur dont j’ai pu apprecier, en d’autres circonstances, l’habilité à incinérer le poisson. Je me suis donc arrangé avec lui pour organiser la veillée funèbre dans sa cuisine. On a mis Titl dans un grand plat, réposant sur un lit de pissenlits en fleur... c’etait magnifique. Mais j’ai un un moment d’inattention pour allumer deux cierges... et quand je me suis retourné, le corps du défunt avait disparu et le chat de la cuisine me regardait avec un air coupable.

Je ne vous raconte pas ce qu’il a fallu faire pour attraper le chat, le conduire chez le vétérinaire, et obtenir qu’il accepte de l’opérer d’urgence pour extraire le corps de mon cher Titl. Ce fut un chemin de croix, vous pouvez me croire. Et je ne vous raconte pas la facture du vétérinaire : 500 € plus TVA pour ouvrir un misérable chat, ces gens, ma bonne dame, sont des voleurs.

On ramena donc le corps du regretté chez le restaurateur, on alluma le four... et là je me suis rendu compte que ma chère Mitl n’était pas là pour dire un dernier adieu à son compagnon. Il fallut donc aller la chercher avec la camionette. On a eu beaucoup de mal a sortir l’aquarium de l’appartement, à le descendre par les escaliers cinq étages et à le charger dans la camionette, mais Marcel me consola avec un "hereusement, il n’en meurt pas un tous les jours". C’etait très gentil à lui.

Le retour au restaurant fut très tendu, parce que je criais tout le temps à Marcel de se dépecher. J’avais peur que le chat recommence, mais je me suis souvenu lorsqu’on est arrivé chez lui que le chat était encore en train de récupérer de son opération. De toute façon, on n’a rayé que deux voitures et renversé un motocycliste. Il a fallu indemniser tous ces gens sur le champ pour qu’ils arrêtent de crier, surtout que Marcel s’impatientait parce qu’il avait laissé le four allumé.

Bon, j’abrège la fin : on a mis Titl dans le four en présence de Mitl et de moi même, et au bout d’une heure on a sorti un morceau de charbon que Marcel a très gentiment broyé avec son moulin à café. On a mis ses restes mortels dans une petite bouteille, qu’on a disposé au fonds de l’aquarium. Mitl, je dois dire, ne fit aucun effort et continua à nager comme d’habitude. Qui sait, peut-être aurait-elle souhaité une cérémonie plus grandiose, avec le reste de la famille ?

En tout cas, tout ça m’a couté fort cher : 500€ pour opérer le chat, 1000€ pour le cycliste, 500€ pour deux portières rayées, 200€ de gratification à Marcel... C’est scandaleux. Je me demande comment font les pauvres lorsqu’un malheur les frappe...

Cordialement,

Marion Perraudot