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ANPE - Unedic ! mariage de raison ? ou piège à...?
Publie le lundi 8 mai 2006 par Open-Publishing1 commentaire
ANPE - Unedic ! mariage de raison ? ou piège à...?
Attention Travaux ! : le Service public de l’emploi est en plein chantier. Bonne ou mauvaise nouvelle ?
La convention tripartite Etat-ANPE-Unedic, signée vendredi 05 mai, relative à la coordination des actions du Service Public de l’Emploi s’inscrit dans le plan de cohésion sociale et entend marquer une étape déterminante dans la rénovation du service public de l’emploi.
Une des principales mesures de cette convention [1], dont la presse s’est largement fait écho [2], est la création d’un guichet unique entre l’ANPE et l’Assedic, ce dont tout le monde se félicite puisque cela va dans le sens d’une simplification des démarches administratives qui jalonnent le parcours du combattant du demandeur d’emploi.
Mais cette mesure emblématique est un peu l’arbre qui cache la forêt. D’ailleurs, la convention se contente de fixer un objectif pour la fin 2006 d’au moins un guichet unique ANPE-Unedic par région et prévoit que « d’ici au 30 septembre, un "plan d’action détaillé sera arrêté", pour que les deux organismes recherchent systématiquement des locaux communs où s’installer, pour toute nouvelle ouverture » ; on le voit, on est encore loin de révolutionner la vie du demandeur d’emploi de base et le rapprochement entre l’ANPE et l’Assedic mettra donc un certain temps à devenir palpable pour lui. Cela vaut également pour l’entreprise (qui, après tout - ce serait même plutôt pas mal -, pourrait aussi souhaiter bénéficier de ces services).
En revanche, et c’est là toute la finalité de cette convention, le rapprochement entre les deux institutions va, quant à lui, rapidement s’opérer, sous le contrôle d’un comité regroupant l’Etat, la direction de l’ANPE, et celle de l’Unedic sous l’égide du Comité supérieur de l’emploi (CSE).
Outre le guichet unique, quelles sont donc les principales mesures de cette convention ? [3]
La mise en place d’un dossier unique pour chaque demandeur d’emploi par « un rapprochement des systèmes informatiques de l’ANPE et de l’Unedic qui sera totalement opérationnel fin 2008. Le chantier est lancé "immédiatement" et les premiers dossiers devraient voir le jour à l’automne 2006 »
Une aide à la recherche d’emploi par « un suivi personnalisé plus rapide, via le rapprochement des deux services. »
Un rapprochement de la demande et de l’offre d’emploi des entreprises : « un "diagnostic local partagé du marché de l’emploi faisant apparaître par bassin d’emploi et par secteur professionnel, les besoins en main d’œuvre et les difficultés de recrutement", sera établi. »
le recours à des agences privées « pour le placement des allocataires de l’assurance-chômage rencontrant des difficultés particulières de reclassement ... La rémunération de ces agences privées de placement par le régime d’assurance-chômage "doit majoritairement dépendre des résultats en terme de retour à l’emploi, et de qualité de l’emploi". Les services proposés par ces agences seront gratuits pour les chômeurs. » (quand même !)
Revenons sur chacune de ces mesures, qui, toutes, visent à "simplifier, faciliter le parcours des demandeurs d’emploi" et "mettre en œuvre un projet personnalisé d’accès à l’emploi ". (dixit Gérard Larcher, ministre délégué à l’Emploi, lors de la cérémonie de signature, au ministère du Travail) :
Concernant le dossier unique ANPE/Assedic, le risque est grand de n’y voir qu’un moyen supplémentaire d’exercer un contrôle administratif accru sur les demandeurs d’emploi ; c’est la crainte qu’expriment les syndicats (notamment FO et la CGT) et les mouvements de précaires (AC ! parle de « fichage-flicage des chômeurs »). En effet, un diagnostic préliminaire (qui porte le doux nom de "profilage") sera "partagé" ( ... par l’Unedic et l’ANPE) et servira de socle à l’établissement du "projet personnalisé d’accès à l’emploi" (voir le détail de la procédure qu’en donne EmploiStageEnvironnement [4] ). Il n’est pas fait allusion à la façon dont le principal intéressé partagera son profilage, ni sur les éventuelles incidences sur ses indemnités Assedic.
L’aide à la recherche d’emploi se concrétise par l’entretien de suivi mensuel personnalisé effectué par un conseiller "référent" de l’ANPE. Dans l’état actuel des moyens dont dispose l’ANPE, cet accompagnement individualisé nous apparaît parfaitement illusoire (compte tenu du nombre de demandeurs d’emploi par conseiller) et vide de sens, ... faute d’offres d’emploi ou de formation, ce qui, hélas, fait le plus cruellement défaut à l’ANPE [5] .
Le rapprochement de l’offre et de la demande [6], s’il n’est pas accompagnée d’importants moyens de formation, s’apparente souvent à la méthode Coué et conduit à "placer" un peintre en lettres comme bancheur-ferrailleur en béton armé. C’est dans ce domaine que la pression risque d’être la plus forte vis à vis des demandeurs d’emploi.
Enfin, concernant la sous-traitance de l’accompagnement de certains demandeurs d’emploi (qui permet au Figaro de titrer : « Reclassement des chômeurs : le privé plus efficace que l’ANPE »), nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sujet dans un précédent article relatif à l’expérience Ingeus, il y a un peu plus d’un an.
Tel est le premier décorticage (sommaire) que l’on peut faire de cette convention tripartite, en nous associant volontiers au communiqué qu’en a fait la CGT.
Mais il convient d’appréhender les véritables enjeux qui se cachent derrière cette "rénovation du Service public de l’emploi".
Et pour cela, il faut tout d’abord signaler que cette convention est directement issue du Rapport Cahuc-Kramarz sur la réforme du marché du travail [7] remis en décembre 2004 aux ministres de l’Economie, des Finances et de l’Industrie ainsi que de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion Sociale (rapport intitulé « De la Précarité à la Mobilité : vers une Sécurité Sociale Professionnelle »). Tout y est : le profilage, le guichet unique, le "bon usage des opérateurs externes", le contrat unique, ...
Derrière le discours concernant la simplification et l’efficience dans le service apporté au demandeur d’emploi, il y a, nous semble-t-il, trois principaux objectifs visés :
la fusion effective de deux services publics, l’ANPE et l’Unedic. Or, comme dans toute fusion, on peut craindre qu’il y ait la recherche "d’économie d’échelle" avec compression de personnels. Il faut savoir que ces deux institutions sont de cultures complètement différentes ; les Assedic sont dans une approche purement administrative et gestionnaire du chômage, l’ANPE tente d’avoir une approche plus sociale et humaine de sa mission (au moins pour une large partie de ses effectifs, malgré des pressions hiérarchiques importantes, qui souhaite être autre chose qu’un simple "compteur" du chômage). Le mariage entre les deux institutions n’est donc pas forcément amoureux ; laquelle des deux cultures prendra le pas (ou sera privilégiée) sur l’autre ?
une externalisation d’une mission de service public par la sous-traitance et la libéralisation du "marché" de l’accompagnement vers l’emploi.
la (soit disant) substitution d’une logique de ’moyens’ par une logique de ’résultats’. "Soit disant" parce qu’il apparaît que nous sommes déjà depuis longtemps dans une logique de résultats et de traitement purement comptable du chômage (sans doute pas encore assez aux yeux du gouvernement) et pas du tout dans une logique de moyens (humains, sociaux, économiques, ...) à la hauteur du séisme sociétal que représente le chômage de masse.
Il faudra revenir sur cet antagonisme entre logiques de moyens et de résultats (une autre fois) ; il est évident que tout travail humain, fut-il "social", peut faire l’objet d’évaluation, de quantification et, donc, viser à l’obtention de "résultats" : c’est même souhaitable. Pour autant, dans le domaine social, la recherche de résultats en l’absence (ou en défaut) de moyens nous semble, non seulement inepte, mais qui plus est contre-productive.
Terminons en disant qu’il est une question qui semble avoir échappé à MM Cahuc, Kramarz et Borloo : de quoi a le plus besoin un demandeur d’emploi ? Réponse : d’offres d’emploi ! Or, actuellement, ni l’ANPE ni les Assedic ne sont en mesure de lui être d’un réel secours sur cette question. Avec ou sans fusion. Pas plus, sans doute, hélas, que les cabinets privés.
Alors, la grande réforme du Service public de l’emploi : poudre aux yeux ? Et si ça n’était pas tout simplement la réduction des dépenses publiques qui était visée ?
[1] pour avoir un aperçu synthétique de la convention, nous conseillons de se référer au communiqué Reuters de Boursier.com
[2] voir notamment (la liste n’est pas exhaustive) : Libération, Le figaro, l’Humanité, ...
[3] Pour détailler cette convention, nous citons exclusivement Le Nouvel Observateur
[4] EmploiStageEnvironnement : « Une prise en charge plus rapide du demandeur d’emploi : C’est au cours de l’entretien préliminaire de calcul des droits assuré par l’Assédic, que sera effectué le diagnostic préliminaire permettant de mesurer la distance à l’emploi. Ce premier diagnostic sera affiné par l’ANPE au cours du premier entretien professionnel. Afin de simplifier les démarches du demandeur d’emploi et d’accélérer l’élaboration de son projet de retour à l’emploi, l’entretien à l’ANPE devra intervenir dans un délai de 8 jours au 1er juillet 2006 puis de 5 jours à compter du 1er juillet 2007 (actuellement ce délai peut représenter une période de 20 jours). Par ailleurs, ces deux entretiens complémentaires pourront s’effectuer le même jour dans les maisons de l’emploi et à terme dans les implantations communes de l’ANPE et de l’Unédic. Un diagnostic initial partagé, pour un accompagnement personnalisé : Partagé par l’Unédic et l’ANPE, le diagnostic initial de la distance à l’emploi permettra de proposer à l’intéressé des prestations appropriées au travers de parcours d’accompagnement différenciés. C’est sur la base de ce diagnostic que sera établi, avec le demandeur d’emploi, son « projet personnalisé d’accès à l’emploi ». Ce projet pourra être adapté à tout moment avec lui. Il sera formalisé dans un « dossier unique » auquel auront accès les principaux acteurs du service public de l’emploi. Cela permettra une plus grande cohérence dans l’intervention des différents acteurs. »
[5] on considère que moins de 40% du marché de l’emploi transite par l’ANPE
[6] le rapprochement de l’offre et de la demande, déjà bien connu des Chargés d’insertion professionnelle des PLIE (Plan Locaux pour l’Insertion et l’Emploi) par la méthode IOD (Intervention sur l’Offre et sur la Demande), n’a généralement pas donné les résultats escomptés, comparativement à un véritable accompagnement individualisé visant à la construction d’un projet personnel.
[7] lecture passionnante, quoi qu’un peu fastidieuse : fichier pdf de 512 Ko, 213 pages
(cf citron vert)
Messages
1. > ANPE - Unedic ! mariage de raison ? ou piège à...? , 9 mai 2006, 14:55
Suivi des chômeurs par le privé : l’Unedic pourrait étendre les expériences
Le bureau de l’Unedic, réuni mardi en fin d’après-midi, devait discuter d’une éventuelle extension des expériences de suivi des chômeurs de longue durée par des sociétés privées, selon l’Assurance-chômage.
Ces expériences concernent des demandeurs d’emploi dont une évaluation montre le risque de chômage de longue durée, et qui sont orientés vers des opérateurs privés (Ingeus, Adecco, Altedia, BPI, Etap’Carrières).
Ils bénéficient d’un accompagnement renforcé dans la recherche d’emploi, avec des moyens supérieurs à ceux de l’ANPE, pendant 9 ou 10 mois. Les prestataires sont payés "au résultat", en fonction du retour à l’emploi des chômeurs.
L’Unedic avait envisagé dès novembre 2005, lors des négociations de sa nouvelle convention, une extension du dispositif, estimant que si le dispositif concernait plusieurs dizaines de milliers de bénéficiaires, cela permettrait de réduire le coût par chômeur suivi de ces prestations privées, situé entre 3.600 et 6.000 euros.
Actuellement, environ 10.000 chômeurs sont suivis par des prestataires privés, dont 6.000 par Ingeus (Lille et Rouen) et 2.000 par Adecco (Rhône-Alpes).
D’autres expériences sont menées dans la région PACA, notamment à Sofia Antipolis, dans l’Ouest francilien et en Alsace.
Certains syndicats sont cependant réservés. La CGT est "en l’état actuel, contre l’extension des expériences", en raison de la "disproportion entre le coût de l’expérience et le résultat".
Le bilan présenté mardi montreque "53% des chômeurs reclassés ont déclaré avoir retrouvé un emploi soit par démarches personnelles soit par relations personnelles, et 18% seulement grâce au référent".
Jean-Claude Quentin (FO) reste "prudent" car "il n’y a pas de véritable bilan des expériences en terme de reclassement durable et de coût financier, ni de comparaison avec les autres dispositifs proposés par l’ANPE".
Par ailleurs, M. Quentin émet comme "condition" à une éventuelle extension des expériences que "le demandeur d’emploi ait le choix entre se confier à un opérateur privé ou rester dans le schéma classique de l’ANPE".
ADECCO est une boîte d’intérim !!!!! beau mélange des genres