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Après les élections : avenir de Front de Gauche

par AB-BA

Publie le samedi 7 juin 2014 par AB-BA - Open-Publishing
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Texte écrit avant les élections (février 14) que je crois de plus en plus d’actualité au moment où le PC snobant le FdG initial tente de reconstituer un FdG bis avec de bons PS et autres... dans quel but ?

a Texte complet.

Couches et classes sociales au 21ème Siècle, dans un pays comme la France, et « révolution  ».

Résumé :

On ne peut plus nier que le capitalisme mondialisé et financiarisé mène le monde vers des « lendemains qui déchantent » et même vers des catastrophes sociales, écologiques, humaines. Les victimes de cette course de plus en plus accélérée doivent y mettre un frein sans tarder.

Dans un pays développé, et encore démocratique comme la France, une perspective de progrès s’est ouverte avec le Front de Gauche (FdG). Il est l’amorce d’une union des deux principales couches sociales, ou tout au moins de la plus grande partie d’entre elles. Elles englobent la grande majorité des citoyens : ce sont les « couches populaires » et les « couches moyennes ». Dans une vision s’inspirant de Marx, il y aurait là le fondement de la réunion des « exploités en tous genres du capital ». C’est-à-dire de ceux qui ont en commun une raison puissante d’unir leur combat et de se constituer ainsi en « classe sociale » au sens de Marx, « la classe des exploités du Capital », antagoniste de celle, minuscule en termes numériques, « du Capital ». Ainsi est créée, pour cette classe des exploités, la possibilité d’imposer une solution démocratique par la conquête pacifique du pouvoir d’état, mécanisme que l’on a pris l’habitude de nommer : « révolution citoyenne ».

L’expérience montre cependant que l’obtention d’une majorité assise sur un projet partagé entre les diverses composantes de cette classe est difficile à atteindre, et a fortiori à dépasser et à conserver. L’explication n’est pas évidente, même si l’on fait appel aux mécanismes complexes de « l’aliénation » et du « fétichisme » de Marx, éventuellement complétés par des considérations anthropologiques.

Ce constat montre néanmoins l’énorme responsabilité qui repose sur les épaules de ceux qui promeuvent cette « transformation sociale » citoyenne : pour l’essentiel aujourd’hui, le PC et le PG, associés à quelques autres…

On pense que cette responsabilité d’union et de travail en commun, qui s’est concrétisée dans le FdG est la seule voie possible pour avancer. Son premier test électoral (les présidentielles) a d’ailleurs montré cette aptitude. Mais sa dynamique s’est depuis atténuée. On pense qu’une des raisons principales est que ses initiateurs (PC et PG) n’ont pas pleinement intégré l’idée qu’ils ont en commun une mission « de classe » fondamentale. Cette « ardente obligation » s’est limitée à ses seuls avantages tactiques (« l’union fait la force »…électorale en l’occurrence !). Il leur faut, à tout prix, et quelle qu’en soit la difficulté, épouser cette mission fondamentale de classe et la faire vivre sans discussions oiseuses, conjointement, dans la transparence et l’honnêteté. Le FdG est aujourd’hui « l’avant-garde éclairée » de la « classe des exploités en tous genres du Capital ».
1 Introduction

La France est entrée dans une période de grande instabilité : l’avenir, même à court terme, est peu prévisible et en tout cas, chargé de menaces. Après un gouvernement de droite tout puissant sur le plan électoral (présidence de la république et parlement à sa botte) un gouvernement dit de gauche, ou plus exactement socialiste, tout aussi puissant électoralement (présidence, parlement, direction des principales régions et villes…dont Paris) a poursuivi la mise en œuvre de la politique de droite antérieure. ». On a de plus en plus l’impression que la politique (ou « la classe politique » comme disent les médias) est impuissante désormais à changer les choses de manière conséquente. Tout cela après un petit basculement de la majorité électorale autour de 50%. Dans le passé, on avait connu des basculements similaires, la victoire d’un camp ou de l’autre se faisant toujours à « 50 % + quelque chose. Est-on condamné à une telle précarité du pouvoir en place ?

Une « gauche de transformation sociale » tente de surmonter l’éparpillement entre de multiples organisations politiques et organisations du « mouvement social », quelquefois groupusculaires, et d’engager la construction d’une alliance de celles-ci, en réunissant pour commencer, les deux principales forces de transformation, le PC et le PG (lequel est lui-même issu de son ancien berceau, le PS, aujourd’hui aux commandes de l’état…mais pour y poursuivre le travail de la droite !). Cette alliance en gestation (le FdG) a été approuvée déjà à 11% lors de la présidentielle avec la candidature de J.L. Mélenchon. C’est un résultat très encourageant, qui serait donc à amplifier. Mais, aujourd’hui, cette progression semble bloquée. Comment espérer surmonter cette situation d’alternance, souvent observée dans le passé, et qui butte sur ce mur si difficilement franchissable, pour les uns comme pour les autres, du « 50 % » ? Et comment amener même à ce niveau la nouvelle force représentée par le FdG ? Comment, en définitive, mettre sur pied une « transformation sociale » pérenne à partir d’une « révolution citoyenne » ? En notant que cette terminologie signifie qu’elle sera fondée (ou approuvée in fine) par les « urnes ». La révolution en question, quant à elle, consistant à amorcer le chemin, et probablement le long chemin, conduisant à évacuer le capitalisme, de plus en plus prédateur et mortifère, au profit d’un monde plus humain. On a donné à ce nouveau monde, pour certains, le nom de « socialisme du 21ème Siècle », « d’éco-socialisme » pour d’autres, et même, pour une minorité (actuelle) d’irréductibles, de « communisme »… Comment réussir cette transformation ? Comment assurer ensuite sa pérennité tout au long de son développement progressif, et à coup sûr « résistible », avant que son succès indubitable la rende définitive... si l’épée de Damoclès du « paradoxe 50/50 » menace perpétuellement son existence ?

On s’est proposé d’examiner ce problème, qui nous préoccupe depuis longtemps, et que les circonstances actuelles semblent amplifier au détriment des forces de progrès. Alors que ces mêmes circonstances devraient au contraire favoriser la progression des forces en question.

Si l’on considère les études sociologiques portant sur les élections (voir par exemple les travaux de Nonna Mayer et Daniel Boy) on note que celles-ci se développent, en gros, autour de trois visions : 1) une vision fortement sociologique qui prend en compte des variables socio-économiques (sexe, âge, classes sociales, etc… 2) une vision psycho sociologique qui privilégie l’appartenance ou la proximité avec un parti politique… 3) une vision inspiré de modèles économiques qui, en quelque sorte, identifie « homo politicus » et « homo aeconomicus ». Ce dernier, comme l’on sait, n’ayant qu’un but : maximiser égoïstement ses intérêts…

Ancien membre du PCF, se disant d’ailleurs toujours « communiste de cœur et de raison », il va de soi que nous rejetons la 3ème vision, libérale ! Les deux premières nous paraissent cerner le problème. Et nous pensons qu’il faut chercher de ce côté-là, en précisant encore davantage les choses. Quant au fait de laisser de côté la troisième hypothèse, ce n’est pas être dogmatique ni sectaire, c’est simplement faire un postulat : si les développements que l’on peut déduire des hypothèses retenues s’avéraient vérifiées dans leurs applications pratiques…c’est qu’elles seraient bonnes, et la 3ème, mauvaise, ou inutile ! Evidemment, la démonstration reste à faire !

On s’est donc proposé d’examiner la question d’une manière théorique, « à la lumière du marxisme », ce qui signifie que l’on commencera par tenter de bâtir une explication à partir de certains principes proposés par Marx, en se limitant à des propositions simples, facilement accessibles au « commun des mortels » auquel nous appartenons. Et ceci pour une raison principale : nous n’avons pas les connaissances étendues qu’il faudrait pour aller vers des développements subtils, que seuls des spécialistes de haut vol maîtrisent. En somme, nous voulons en rester à ce que le « bon peuple » pourrait prendre aisément à son compte. Faire plus élaboré, c’est se limiter, si encore on en est capable, à n’être compris que par une minorité de savants. Est-ce suffisant pour changer les choses ? Et pour faire mieux, est-ce qu’il existe des vulgarisateurs faisant ce travail nécessaire d’éducation du plus grand nombre ? Ceux-ci devraient se trouver, en principe, au sein des partis politiques de transformation sociale : y sont-ils ? Font-ils ce travail, ou restent-ils dans leur « tour d’ivoire » ? Comme nous n’avons pas les capacités à nous poser en intellectuels marxistes, ou encore, de « dépassement » du marxisme, nous nous comporterons en émules, en « petits vulgarisateurs », pas toujours compétents ni irréprochables, mais toujours convaincus qu’une certaine méthodologie marxienne, telle que nous la comprenons, est la voie la plus féconde pour progresser. Il faut dire aussi que nous n’avons pas trouvé autour de nous une nouvelle philosophie politique plus puissante que celle de Marx, et surtout unifiée au point de s’imposer naturellement comme un guide incontournable. Dans toutes les incursions que nous avons tentées dans la profusion actuelle des théories qui ont fait florès, surtout après mai 68, ou après la chute du « socialisme réel », ou encore après le « TINA » de Margaret Thatcher, et finalement après le déclin des partis communistes, notamment occidentaux, il y a des points communs, mais chacune veut voler de ses propres ailes.

Or, et c’est incontestable, tous les « maîtres à penser » qui ont tenté de faire du nouveau, à propos de ces évènements, ont, quelquefois désespérément, voulu « dépasser Marx », souvent accusé de n’avoir pas su, 150 ans en arrière, imaginer toutes les circonvolutions du capitalisme moderne. Mais aucun de ces penseurs actuels, semble-t-il, n’a réussi à bâtir une théorie et une méthodologie unifiée de la puissance de celle de Marx. Une méthodologie, qui plus est, pouvant être pour ses enseignements principaux, assimilée et utilisée dans l’action par les peuples, les travailleurs exploités, à la recherche d’une voie pour combattre le capitalisme, et le colonialisme associé (ancien ou nouveau) de plus en plus prédateurs. Connait-on aujourd’hui une force politique quelconque qui se dirait disciple de l’un de ces nouveaux penseurs : un parti Foucaldiste, Althusseriste, Toninégriste, etc… (en citant quelques noms au hasard, parmi bien d’autres) ? D’ailleurs, tous ces penseurs, même lorsqu’ils le contestent, sont peu ou prou obligés de reprendre à leur compte des concepts marxiens… Les seuls partis politiques qui ont affiché les noms des « maîtres à penser » dont ils s’inspiraient, sont des partis communistes (marxistes, léninistes, maoïstes, trotskystes) qui sont tous issus du marxisme. Il est à noter, d’ailleurs, que ces partis politiques ont eu dans leurs rangs des penseurs emblématiques qui étaient aussi des dirigeants politiques (Lénine, Gramsci…) c’est-à-dire qu’ils associaient une vision philosophique et un militantisme politique quotidien ( l’une et l’autre, de haut niveau). Tous les intellectuels radicaux autres que ces derniers et postérieurs à Marx, branchés sur le monde actuel, sont plutôt des chercheurs universitaires, qui limitent en général leur action dans la société, à quelques incursions « dans la rue », à l’occasion de mouvements sociaux importants, mais eux-mêmes issus d’autres prémisses que celles du message principal de ces chercheurs, même quand ceux-ci tentent de faire coller leurs théories avec les évènements réels. Ce qui ne condamne pas leurs travaux d’analyse de la société de l’époque du capitalisme financier et mondialisé actuel, qui est généralement l’objet, à juste titre, de leurs préoccupations principales. D’autant plus que les précurseurs du temps de Marx, ou s’en inspirant directement, s’ils avaient souvent entrevu et imaginé la suite, n’avaient pas les moyens de la décrypter « in vivo ». Mais ces néo marxistes ou « dépasseurs » du marxisme n’ont, semble-t-il, pas encore réussi à fonder une philosophie politique de la force de Marx. Nous faisons toutefois quelques exceptions parmi tous ces penseurs, d’abord en reprenant partiellement, à coup sûr, certaines de leurs réflexions, quand nous les connaissons.

Et nous adhérons toujours beaucoup à celles d’Yvon Quiniou, un des rares philosophes actuels, à notre avis, qui semble demeurer communiste « de cœur et de raison ». Ou à celles de Tony Andréani, un des rares sociologues actuels, à travailler sans défaillance à imaginer théoriquement un socialisme de notre temps. Ou encore à celles d’Anicet Le Pors, qui poursuit un travail analogue. En fait, pour la majorité des autres chercheurs, nous pensons qu’ils se sont révélés plutôt, pour reprendre approximativement une célèbre phrase de Marx, des analystes souvent subtils du monde tel qu’il est, mais qui n’ont pas véritablement abordé l’étape suivante… qui consiste à le changer !

Toutes ces raisons nous ont convaincus qu’il fallait donc revenir à Marx, pour commencer, et tenter de s’inspirer d’abord de ses principes et de la capacité qui en découle à préparer l’avenir, en donnant aux exploités et opprimés du capital, des outils intellectuels pour le faire.

Pour être plus précis, nous nous centrerons sur une réflexion en termes de « lutte des classes ». Ce concept, rappelons-le, recouvre l’existence d’un « camp » d’individus « exploités » par un autre « camp », celui des « exploiteurs ». De nos jours, comme au temps de Marx, l’exploiteur peut être nommé : le Capital. Les exploités sont, plus qu’autrefois, un ensemble complexe. Nous chercherons d’abord à identifier cet ensemble qui constitue une « classe sociale » dès lors qu’il s’oppose au Capital en tant qu’entité consciente antagoniste. Puis nous chercherons à voir comment cette classe peut prendre le pouvoir d’état et le garder, en dépit de ce fatidique « 50 % », dont la prise en compte est imposée par le choix d’une voie démocratique et pacifique, dénommée « révolution citoyenne » ( la note 1 expose les raisons de ce choix démocratique). Enfin, nous regarderons si les forces en présence, et notamment au sein du FdG, répondent aux objectifs découlant de ces précédents éléments. Et nous conclurons …

2 La « classe de transformation sociale » actuelle (ou « révolutionnaire » selon la terminologie d’autrefois).
Cherchons donc à identifier ce qu’est la lutte des classes aujourd’hui, et donc de définir ce que peut être la classe « révolutionnaire » actuelle. On propose de la nommer : la « classe des exploités du Capital ». On la décrit par la juxtaposition de deux entités principales : les « exploités totaux », et les « exploités partiels ». Les « exploités totaux » seraient l’équivalent actuel de « la classe ouvrière » des 19ème et début du 20ème Siècle, car elle inclut la catégorie sociale de l’ouvrier salarié. Mais elle inclut aussi désormais d’autres catégories sociales, qui se sont beaucoup développées depuis le milieu du 20ème Siècle, sans bénéficier d’un standing supérieur aux ouvriers salariés d’aujourd’hui : les employés subalternes des services, par exemple. A tous ceux-ci, il faut désormais aussi ajouter la cohorte grandissante des « sans travail », des chômeurs, des « laissés pour compte », des « intérimaires » épisodiques, des « travailleurs pauvres », qui ne sont pas, dans leur masse, le « lumpen prolétariat » d’antan. C’est-à-dire un prolétariat maintenu dans un tel délabrement physique et moral, qu’il serait mis dans l’incapacité de combattre collectivement son exploiteur, sinon quelquefois à la manière du gangster individualiste, ou du terroriste. A noter d’ailleurs que cette catégorie actuelle des « sans »résulte de l’évolution du contexte général du travail (l’automatisation), mais aussi d’une volonté délibérée du Capital d’avoir en permanence à sa disposition un volant de manœuvre, pour peser sur tous les travailleurs. Ainsi, tous forment « les couches populaires » d’aujourd’hui. Du côté des « exploités partiels » on trouverait dans un large éventail de situations, également des salariés (et à ce titre, exploités) techniciens, cadres, couches sociales intellectuelles, etc…, ceux que le marxiste Jacques Bidet nomme : les « experts et compétents » (qualificatif qui convient d’ailleurs plutôt à la frange supérieure de ces exploités partiels … mais n’entrons pas dans les détails !). Ce sont sans doute aussi « les intellectuels organiques » du Capital, pour reprendre une terminologie de Gramsci. A côté d’eux, désormais, un fort groupe de non salariés (ou presque !) que sont des patrons de PME, de start up ; des agriculteurs ; des « auto entrepreneurs » ; etc… totalement placés sous la coupe des banques et des donneurs d’ordre capitalistes. Ils sont donc exploités à ce titre… ce qui ne les empêche pas d’exploiter à leur tour leurs employés, quand ils en ont, ou eux mêmes ! Tous ces « exploités partiels » peuvent être nommés dans le langage courant : « couches moyennes » (voir la note 2 qui développe un peu plus ces problématiques, et les raisons, peut-être non totalement « orthodoxes », qui nous font classer ces catégories sociales dans un même sous-ensemble). Il faut noter que ce terme très usité de « couches moyennes », comme celui de « couches populaires », n’est jamais défini clairement par ceux qui les promeuvent, créant ainsi un flou souvent instrumentalisé par ces derniers. Surtout en ce qui concerne le seuil entre les deux catégories ! (Notons que c’est une méthode assez malhonnête, car selon les besoins on situera la limite plutôt vers le « total » ou vers le « partiel »…) Quoiqu’il en soit, ces définitions englobent la grande majorité (80-90 % ?) du peuple d’un pays « avancé » comme la France. On devrait donc facilement (Marx l’a proclamé en un temps où on était loin d’un tel partage, dans le plus avancé des pays capitalistes, la Grande Bretagne) pouvoir changer les choses « démocratiquement ». Mais il y a le « paradoxe 50/50 » à atteindre et à franchir, puis à conserver en l’état et même à accroître !

Pour tenter de l’expliquer, car on trouve assez peu d’éléments à ce sujet, y compris, comme nous l’avons noté en introduction, dans les travaux des sociologues spécialisés dans les questions électorales, on revient vers Marx en considérant les concepts de « classe en soi » et de « classe pour soi ». Le premier terme identifie les éléments concrets de la réalité qui définissent « l’exploitation capitaliste » : nous utiliserons la notion de « survaleur ». C’est la quantité de travail non rémunérée au salarié et accaparée par le capitaliste ; par extension, la quantité de travail, ou le prélèvement financier (impôts, intérêts d’emprunt, etc…) accaparé par le Capital… « à l’insu du plein gré » des individus concernés, c’est-à-dire des « exploités en tous genres ». Cette « survaleur » nous paraît la plus intéressante des notions utiles, pour caractériser ces derniers car, en des modalités et importances diverses, elle est leur « bien commun », si l’on peut dire. Donc, fondamentalement, ce qui peut les réunir. En notant qu’elle est certainement perçue de plusieurs façons. En termes « sonnants et trébuchants » directs, pour beaucoup. En termes plus abstraits aussi, lorsqu’il s’agit par exemple d’atteinte à l’environnement, de certaines questions d’ordre sociétal… Le second terme (« classe pour soi ») identifie comment un « exploité en soi » prend conscience de l’exploitation qu’il subit et des moyens de s’en affranchir.

Réciproquement, notons-le, on pourrait appliquer une démarche similaire d’analyse pour la classe exploiteuse. C’est, à notre avis, cette prise de conscience qui dirige principalement un vote lors d’une élection (affirmation qui résulte d’un choix explicité en introduction, quant à la sociologie des choix électoraux), ainsi il devrait y avoir plus de chances que, étant « exploité en soi » par exemple, on choisisse de soutenir un parti ou un candidat s’appuyant sur ce concept pour défendre la « classe » à laquelle on appartient corps et biens (« en soi »). Notons que la réciproque n’est pas symétrique : « l’exploiteur en soi » (on pourrait dire « total » qu’est le capitaliste ou ses serviteurs conscients et zélés !) fait en général bien corps avec son double (« l’exploiteur pour soi ») : voir Warren Buffet !

Marx (et d’autres qui ont marché sur ses traces) était bien conscient de cette situation et à forgé des concepts spécifiques pour tenter de débrouiller ce problème et s’en affranchir : il a introduit les notions « d’aliénation » et de « fétichisme ». Mais en les retournant dans tous les sens, on a de la peine à atteindre le résultat « 50/50 ». On pense qu’il faut un peu compliquer les choses. Deux pistes principales d’ordre « anthropologique » sont avancées : le concept « d’homme de gauche » et « d’homme de droite ». Ce dernier concept a été proposé par le sociologue Emmanuel Terray dans son ouvrage récent : « Penser à droite ». Il remarque qu’il y a des hommes (homo sapiens) qui pensent plutôt à gauche (pensée consciente et pensée subconsciente, que l’on caractérise, de façon imagée, par l’idée approximative « d’homme de gauche, de cœur et de raison »), et symétriquement pour ceux de droite. Avec toutes les gradations imaginables, on conçoit qu’une population (« loi des grands nombres ») se trouve rangée moitié, moitié, de part et d’autre…ce qui n’est pas loin du « 50/50 » !

Cet effet joue donc très probablement un rôle et il est sans doute accentué par une autre donnée d’ordre anthropologique, que l’on peut caractériser comme « l’ancrage progressif » et difficile à éliminer, dans le système de pensée d’un individu, des convictions que son histoire personnelle, tout au long de sa vie et souvent à son insu, a générées. Enfin, on peut ajouter une combinaison de ces mécanismes sous la forme de ce que l’on peut nommer : « instinct de classe », ou « conscience de classe » quand, dans ce dernier cas, la « raison » prime plus que le « cœur », au sein de la notion dite de « cœur et de raison ». Cette notion, que nous avons dit partager, est présente souvent de façon confuse dans les têtes des exploités. C’est elle qui leur fait, par exemple, réagir instinctivement à diverses manifestations, voire au physique ou à l’accoutrement mêmes du « bourgeois ». Ce même sentiment inversé est aussi présent chez ce dernier, face à l’exploité (qu’on pense à sa manifestation extrême, exprimée par des bourgeoises parisiennes après la Commune, lorsqu’elles crevaient les yeux avec leur ombrelle, des communards morts …)

Ces mécanismes contribuent à la persistance chez chacun d’un système de références, difficile à modifier, même lorsque la réalité devrait incontestablement bouleverser les « pré-acquis » de l’histoire personnelle des intéressés. Au total, le constat objectif de l’existence de classes en soi, « exploiteuses » ou « exploitées », est mal appréhendé. Cela brouille l’adéquation de la perception (« classe pour soi ») avec la nature « en soi », avec la position concrète de l’individu concerné.

L’ensemble de ces considérations, judicieusement corrélées, explique peut-être pour l’essentiel le « paradoxe 50/50 » et les difficultés pour les exploités en tous genres, de s’en approcher et surtout de le dépasser ? En tout cas, il confirme que la voie d’un changement social démocratique, ne bénéficiera pas d’une dérogation considérable au « 50/50 ». Le résultat des urnes ne pourra être que fragile et difficile à atteindre. Il sera probablement encore plus difficile à maintenir, après la victoire dans les urnes, au cours de la mise en oeuvre progressive d’un programme ou d’un projet de « transformation sociale ». En effet, au cours de ce processus, il y aura de la part des promoteurs du changement des hésitations, des retours en arrière, des échecs, en dépit d’avancées. L’histoire des révolutions historiques, depuis 89 jusqu’à 1917 et au-delà, est là pour le montrer. Et n’oublions pas que dans un tel processus, malgré les expériences antérieures, on innovera constamment, on prendra des risques, on ne mesurera pas toujours toutes les retombées d’une décision nouvelle. Or, toute faiblesse sera impitoyablement sanctionnée par les tenants de l’ancien régime, en embuscade perpétuelle, et que l’expérience pluri centenaire de l’exploitation a armé de méthodes efficaces de domination, longuement expérimentées, et qui n’excluent pas la violence en cas de besoin …

Les « révolutionnaires » qui innovent constamment, tâtonnent à découvrir ces « recettes » longuement affinées de l’autre côté, pour les surmonter, et pour en bâtir de nouvelles fondées sur d’autres principes, qui se veulent nécessairement moins féroces…Comment résoudre ces difficultés ?

Au vu des réflexions précédentes on peut penser qu’il y a deux étapes principales à examiner … Et elles doivent être accompagnées de réflexions, de discussions approfondies, voire d’expérimentations, pour savoir si le nouveau contexte réel suit bien l’agenda imaginé…
3) Première étape : prendre le pouvoirLa signification de ce terme est : prendre le pouvoir d’état, car il parait impossible de nos jours de changer les choses en profondeur dans un pays comme la France, sans franchir tôt ou tard ce passage obligé (voir en note 1 des compléments d’argumentation). Toute l’histoire du monde est là pour le prouver : la Commune, victorieuse à Paris, n’a pas pu dépasser un stade préliminaire, cantonné à Paris. Cette remarque confirme d’ailleurs le concept de « révolution citoyenne », qui implique une réalisation à l’échelle d’un pays, c’est-à-dire d’un état « démocratique » constitué, et fondé sur une constitution qui lui est propre, même si elle doit être révisée dans le cadre même du projet poursuivi. Ainsi, on peut espérer mieux cerner les enjeux, à tout instant, en limitant les interférences avec les pays extérieurs, non nécessairement parvenus au même état propice à la transformation sociale, donc pas nécessairement prêts à appuyer la démarche en cours…chez d’autres, ou à s’y engager. L’exemple de la révolution d’octobre 1917 en Russie, réussie, et des révolutions non abouties, ailleurs, et notamment en Allemagne, confirme cette remarque. Elle confirme aussi que les « révolutionnaires nationaux » doivent faire le nécessaire pour expliquer, faire partager leurs objectifs spécifiques aux autres peuples : c’est ce qu’on appelait « l’internationalisme prolétarien ».

Dans cette hypothèse de base (révolution possible dans la nation qui en réunit les conditions) on peut noter, ce qui n’a rien d’étrange, que la réalité sociale profonde de la structuration en classes antagonistes, a une traduction au niveau des organisations du mouvement politique et social dans leur ensemble, sur le territoire national. Au premier chef, il s’agit des partis politiques « de gauche » qui s’y réfèrent, ou s’y inscrivent peu ou prou, et pas forcément en toute connaissance de cause. Il en est de même pour la multitude d’organisations du « mouvement social » (terme que l’on a pris l’habitude de réserver à ce qui n’est pas lié aux partis politiques, allant des syndicats aux ONG très spécifiques d’un problème particulier : féminisme, défense de l’environnement, des « sans », etc…). Pour simplifier, on raisonnera en priorité sur les seules organisations politiques, car la politique demeure l’approche la plus globalisante des choses et qui, en somme, « surplombe » la totalité des prises de conscience, dès lors que l’on prétend « changer le monde ». En effet, pour qu’un combat spécifique triomphe de façon pérenne, il faut bien qu’il trouve sa place aux côté d’autres, donc s’inscrive tôt ou tard dans le système politique global, dans le mouvement global. Ce qui motive la simplification annoncée… mais qui n’épuise évidemment pas le sujet !...

Alors, et pour se référer à un exemple connu (la France) que voyons-nous ? Depuis toujours, ou plus précisément depuis 1920 (Congrès de Tours), la classe des « exploités en tous genres » s’est rassemblée autour de deux idées fondamentales (matérialisées par deux organisations politiques principales) : le réformisme et le changement révolutionnaire. Avec des périodes de prépondérance plus ou moins prononcée de l’une ou l’autre, allant jusqu’au presque effacement de l’une d’elles dans certains cas, ou de distorsion de sa nature, voilant les véritables enjeux. Pour simplifier, à nouveau on limitera nos premières réflexions aux deux principales forces représentant aujourd’hui chez nous ces deux volets : le PS et le PC. Ces réflexions pourraient être étendues, sur la base de raisonnements voisins, à tout le champ politique de gauche ou du « mouvement social ». Mais ne compliquons pas pour l’instant…
Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de prépondérance plus accentuée de la tendance réformiste. Une des raisons tient sans doute à ce que la structure de la société a évolué dans un passé récent, en augmentant sensiblement le poids des exploités partiels, des couches moyennes (en terme de « classe en soi »). Mais ce mouvement reste insuffisant pour légitimer totalement le « 50/50 ». Les exploités « en tous genres » restent très majoritaires (80-90 % ?). Le « paradoxe » ne peut s’expliquer alors qu’en termes de « classe pour soi ». Ce que révèlent certaines enquêtes d’opinion récentes : on peut les comprendre par le fait que la crainte de la dévalorisation conduit des couches populaires, « en soi » de manière incontestable par leur niveau de vie ou leur place dans le processus productif, à refuser cette classification au profit d’une autre plus valorisante (celle de « couches moyennes » auxquelles elles s’assimilent alors). Elles revendiquent cette assimilation, dont l’enquête rend en somme compte. Ce glissement de perception tient à tous les mécanismes d’aliénation et anthropologiques évoqués précédemment. En outre, il est clair qu’une frange haute des « exploités partiels » (les CSP+) a désormais totalement accepté d’être le meilleur rouage du capitalisme actuel internationalisé et financiarisé (bien qu’elle n’en fasse pas fondamentalement partie, « en soi »).

Situation qui n’est évidemment pas sans avantage pour cette catégorie, et dont un Cahuzac représente un exemple extrême et emblématique. Elle fait d’eux des gens globalement « tirés d’affaire » sur le plan social, mais qui ne croient pouvoir conserver cet avantage qu’en bénéficiant de l’exploitation des autres par le Capital, à laquelle ils contribuent à leur place, quelquefois avec une affectation cynique, quelquefois subrepticement et honteusement, et même pour certains, douloureusement (car leur « anthropologie » et quelquefois des considérations religieuses associées, contredit l’abandon de valeurs humanistes). Mais à peu près tous ont globalement acquis la conviction, dans le monde égoïste et barbare actuel, qu’ils doivent être du côté du Capital, et non de la masse des exploités « totaux » ou « partiels » moins chanceux qu’eux. Car ceux-ci sont trop nombreux pour bénéficier des mêmes avantages : ils sont donc susceptibles, s’ils amélioraient leur sort, d’écorner le leur, car la taille du gâteau est trop faible pour que la part des uns, ne s’enfle pas aux dépens de la part des autres. On a bien intégré le fait que nous vivons une époque de crise, économique, sociale, culturelle, de conservation de la planète… qui interdirait de grossir beaucoup le gâteau ; on théorise et valorise même cette contrainte par des considérations d’ordre écologique par exemple (qui peuvent aller jusqu’au concept de « décroissance » pour justifier ce point de vue).

Une petite fraction (actuelle) de ces « couches moyennes », pour des raisons qui ont certainement à voir avec « l’anthropologie » (ce sont davantage des « hommes de gauche de cœur et de raison »), ne suit pas le gros des troupes, acquis peu ou prou au Capital. Et il est certain que le nombre de ces derniers augmenterait sensiblement si cette fraction embryonnaire prenait de l’importance au point de représenter une force significative allant résolument vers un changement humaniste devenant alors crédible. Pour cela il faut qu’elle amalgame à elle de plus en plus de gens de la même catégorie sociale, mais aujourd’hui encore sur la réserve. On pense que cette amorce de dynamique a aujourd’hui pris corps, chez « ces exploités partiels », principalement avec le PG (toutefois une partie d’entre eux reste au PS, en se proclamant aile gauche de celui-ci, mais on peut s’interroger sur leur motivation profonde, dès lors qu’ils « ménagent » ainsi l’avenir, à toutes fins utiles…). Ces couches moyennes, quant au fond de leurs motivations, se partagent donc clairement désormais entre deux visions politiques principales, tout au moins à gauche. L’une, encore majoritaire et ceci depuis un certain temps, reste acquise au PS, par anthropologie, aliénation, fétichisme…et intérêt ! Cela se traduit par une vision assez égoïste de ses intérêts immédiats, système de pensée que l’on peut interpréter par la crainte de perdre un statut encore favorable. L’autre, qui pour des motifs similaires, mais de signe opposé, a pris conscience de la nécessité d’une action unie contre le Capital. L’union ne pouvant être alors réalisable sur ces positions-là, que de deux côtés.

D’un côté, le leur, en attirant encore davantage vers eux leurs « frères de classe », aujourd’hui encore accrochés au PS et en tout cas, à sa ligne officielle. D’un autre côté, en acceptant de faire cause commune avec les plus exploités qu’eux, qu’ils soient « totaux » (couches populaires) ou « partiels » (couches moyennes moins bien nanties, voire couches populaires acquises « pour soi » à l’idée d’être fondues au sein des couches moyennes). Cette union ou cette alliance peut revêtir deux aspects : un aspect individuel : on rejoint individuellement (par adhésion ou en étant seulement sympathisant, ami, « compagnon de route », électeur) une force politique traditionnellement, ou « officiellement » liée aux couches populaires, et émanant même de celles-ci (le PC, en l’occurrence). Rappelons que l’on simplifie les choses en laissant de côté d’autres composantes du monde politique de gauche… d’où ce raccourci (ou cette partialité ?) qu’on peut nous reprocher, mais qui, en fait, pour être complété, entraînerait des développements compliquant trop le schéma, sans en clarifier plus le principe …

Le second aspect de cette alliance concerne une démarche collective. L’alliance se construit alors entre une organisation politique (un « intellectuel collectif ») telle que le PG, s’unissant avec l’autre « intellectuel collectif », plus spécifiquement parti politique des « exploités totaux », ou « partiels » de statut social voisin des premiers : le PC. La distinction entre ces deux mécanismes d’alliance est importante pour la raison suivante. De tous temps, mais avec des hauts et des bas, le PC par exemple, alors qu’il était clairement catalogué de « parti de la classe ouvrière », a intégré à titre individuel des adhérents, des militants, ou a été accompagné de « compagnons de route », issus des couches moyennes (généralement intellectuelles, et souvent de haut niveau : philosophes, scientifiques, artistes, etc…). On disait d’ailleurs que ces intellectuels « faisaient alliance » avec le PC (ou selon une terminologie alors en usage, avec la « classe ouvrière »). Ce mot d’alliance n’est probablement pas le meilleur pour caractériser l’acte individuel (il vaudrait mieux parler d’adhésion fraternelle, impliquant le « cœur et la raison »), car le terme d’alliance convient mieux pour désigner le lien entre « intellectuels collectifs », entre partis politiques, tels le PG et le PC. Ces deux processus (individuel et collectif) sont simultanément à l’œuvre pour unir les « exploités en tous genres » qui n’ont pas succombé aux attraits (supposés !) du Capital. Ils agissent de concert, c’est-à-dire que certains se rapprochent individuellement de l’alliance en cours des forces politiques, et d’autres commencent le processus en adhérant d’abord à l’une ou l’autre des forces politiques en question. Et il est certain que nous n’en connaissons que le début avec l’alliance du PC et du PG, et qu’un but majeur de cette alliance est précisément d’amplifier le phénomène.

L’alliance est aujourd’hui théoriquement réalisée sous la forme du Front de Gauche (FdG). Celui-ci voit unis un PC, plutôt parti des exploités les plus déshérités, et un PG, plutôt parti des exploités partiels ou couches moyennes, acquis à la nécessité de cette union de fond, par comparaison à la fraction de celles-ci, toujours liée au berceau d’origine (le PS), alors que ce dernier a totalement abandonné la défense des plus exploités (voir la « théorisation » qu’a bâtie le think tank Terra Nova du PS, relativement à la nouvelle ligne politique qu’il préconise : abandonner les couches populaires au FN, et se centrer sur les couches moyennes !). C’est effectivement la voie suivie au PS, qui inclut l’existence d’une gauche du PS, dont le but pratique n’est pas de réfuter cette vision, voire de la remplacer, mais de donner le change en paroles, et tenter de draîner large, sur le plan électoral… Le tournant concrétisé par la création du PG et son alliance avec le PC, est incontestablement une espérance de progrès. Selon les développements exposés précédemment, on peut penser qu’elle est à la fois viable et porteuse d’avenir sur le plan théorique ( prise en compte de la structuration actuelle des classes sur le modèle proposé ici pour le temps présent), et évidemment sur le plan stratégique (l’union fait la force)…car il y avait longtemps (peut-être jamais ?) qu’on n’avait pas bâti une telle construction, sinon empreinte de non-dits et d’intentions sournoises (qu’on pense à la vision assez féroce qu’en avait, dès le départ, Mitterand… pour écraser le PC !).
Peut-on conclure que tout est pour le mieux et qu’il ne reste plus qu’à agir sur ces bases, pour que ce FdG que l’on s’efforcerait de dynamiser toujours davantage, prenne le pouvoir (d’état) essentiellement par les « urnes », appuyée évidemment par la « rue » (voir 1936), fut-ce en étant tributaire de ce malheureux paradoxe « 50/50 » ?

C’est malheureusement plus compliqué que cela !

Il y a d’abord en effet ce fichu « paradoxe », quand bien même on l’aurait expliqué par notre réflexion précédente. Ce « 50 % plus quelque chose » au profit du FdG, sera difficile à atteindre ; il sera encore plus difficile à maintenir, y compris en mettant en œuvre au plus vite des mesures de rupture (ou révolutionnaires) lorsqu’ on l’aura obtenu, c’est-à-dire lorsque ce FdG aura pris le pouvoir d’état (voir chapitre suivant)…

Et il y a la situation concrète des forces en présence, et notamment des deux composantes principales du FdG qui, qu’on le veuille ou non, sont les seules forces porteuses des bases nécessaires, notamment quant à leur implantation déjà acquise dans la société (« effet majoritaire »…encore embryonnaire, pour l’instant !) susceptible de mobiliser les deux principales « sous-classes » de la « classe des exploités en tous genres », largement majoritaires « en soi » dans un pays comme la France. Ces forces sont, en somme, les seuls artisans crédibles aujourd’hui pour aller démocratiquement vers ce « socialisme du 21ème Siècle » (on retiendra ce seul nom pour simplifier, et englober les autres appellations, en usage ici et là ... mais cette appellation, parmi d’autres, montre au passage qu’il y a déjà du pain sur la planche pour accorder les violons, sur le seul nom à donner à ce monde meilleur !).

Tentons de préciser encore davantage les choses…

Deux forces essentielles ont donc fait alliance, pour changer en profondeur. Pour l’instant elles ne mobilisent qu’environ 10% de l’électorat. Chacune doit donc de son côté agir pour faire monter ce score. L’action a deux composantes : l’éducation politique. On appelait cela il y a bien longtemps, « l’agit-prop », expression qui est sans doute trop limitative aujourd’hui car elle ignore l’aspect éducation politique. Ce dernier terme a pris de l’importance car, d’une part, comme on l’a vu, la « lutte des classes » s’est énormément compliquée, et oblige à un décryptage difficile, d’autre part le niveau moyen d’éducation générale de ces « exploités en tous genres » s’est sensiblement accru. Cela permet « d’élever le niveau de conscience » (selon une formule tombée en désuétude, et pourtant riche de signification !) de l’ensemble de ces exploités. De ce point de vue d’ailleurs, il faut admettre que les bases, les « pré-acquis », ne sont pas similaires chez les uns et les autres de ces exploités. D’où, incontestablement, le besoin que chaque partenaire (PC et PG) parle une langue mieux adaptée aux uns et aux autres…ce qui devrait ne pas poser de problème fondamental, puisque, en quelque sorte, cette langue coule de source, compte tenu de la composition des deux forces. Il ne s’agit cependant pas de cantonner chacun dans un discours différent au prétexte de tenir compte de « pré-acquis » différents. Il s’agit bien de parvenir à une élucidation aussi détaillée que possible et accessible à tous, des rouages du monde capitaliste, et de celui que l’on veut bâtir pour le remplacer.

Dans ce travail de conviction on devra ainsi faire vivre ou revivre un faisceau de « valeurs » que le capitalisme actuel s’efforce d’éradiquer et de remplacer par ses valeurs individualistes, égoïstes destinées à détruire toute velléité de recherche de commun, de fraternité, d’égalité. Ainsi, tous devront être des inventeurs et des constructeurs collectifs du nouveau monde. En somme, le Front de Gauche dans sa diversité, et notamment celle liée à la structuration des couches sociales que chacun a plutôt vocation à animer, devra veiller à unifier sa parole. Ce qui, évidemment, suggère d’âpres et « riches » débats à venir… mais peut-on s’en passer ?

Un second volet concerne les luttes sociales à conduire dans un cadre aussi unitaire que possible. Car elles sont un outil d’approfondissement de la compréhension même des mécanismes de l’exploitation afin de les détruire : on fait ainsi des « travaux pratiques », on vérifie et ajuste la théorie sur la réalité, en marchant. Un tel mouvement d’action et de formation, a pour but de politiser davantage et de repolitiser des couches populaires aujourd’hui délaissées, découragées, dont il faut qu’elles prennent part à nouveau au combat politique, notamment pour beaucoup d’entre elles, en sortant de l’abstention, ou d’un vote résigné de moindre mal pour le PS… parce qu’il est majoritaire à gauche (« effet majoritaire »). En outre, pour certaines fractions de ces couches, totalement dépassées par la complexité et la violence du monde capitaliste qui les entoure, souvent prises à la gorge par les délocalisations, le chômage, qui les forcent à trouver des réponses immédiates de survie, généralement non pérennes : il faut leur montrer la vanité d’aller vers un FN, pratiquant une démagogie de façade, mais quant au fond, faisant le jeu des exploiteurs.

Remonter la pente au-delà des 10% actuels est un rude combat, qui doit être de chaque instant, qui doit s’appuyer sur toutes les entorses aux progrès social constatées et accumulées avec obstination par les exploiteurs (le Capital), et ses alliés indubitables (forces de droite et du centre), mais aussi, ce qui est plus inattendu, par le PS au pouvoir… Pas à pas, on doit faire basculer la vision des exploités en tous genres du côté de cette alliance. Il est certain - voir l’épisode de l’élection présidentielle - que la dynamique progressive en faveur d’un tel FdG peut faire « boule de neige » et s’auto alimenter…jusqu’à la conquête du pouvoir d’état, même si elle se fait dans les difficiles conditions du « paradoxe 50/50 », des structures anti-démocratiques de la 5ème République, etc… Processus démocratique qui devra aussi être accompagné, ce qui est probable, d’un puissant « mouvement social » (en bref : « la rue », comme en 1936).

Dans cette phase, il faut compter sur la force d’entraînement d’un projet solide de société à venir, soutenu par les deux partis politiques en question (ce « socialisme du 21ème Siècle » et ses étapes intermédiaires). Il servira de ralliement aussi bien pour les « couches moyennes » y trouvant un projet non tributaire du Capital, ralliées qu’elles sont faute de mieux à celui-ci, dans la crainte de la dévalorisation d’un statut chèrement acquis, et pour les « couches populaires » y trouvant un projet crédible à leurs yeux, compréhensible, indépendant des visions mensongères du FN… y compris lorsque ces dernières empruntent, verbalement, des propositions qui « ressemblent » à celles du FdG, ou du PC, ou du PG… ou d’autres organisations en marge de celles-ci. Ce travail d’élaboration d’un projet reste, pour l’instant, très peu entamé et demandera un gros travail pour les forces unies du FdG : mais encore une fois, peut-on s’en passer ? D’autant plus que ce travail intellectuel n’est plus à l’ordre du jour des penseurs radicaux actuels, sauf de quelques uns, bien isolés, tel Tony Andréani, qui a le courage de poursuivre obstinément cet objectif…au milieu d’un quasi désert !
On peut penser que « l’anthropologie » sous ses diverses formes, servira l’alliance en gestation, car il n’est pas douteux que nombre de « gens de gauche » de bonne volonté, que la peur retient de faire le saut, en viendront à approuver un projet de société plus humaine, devenant crédible.

En surmontant leurs réticences passées, ils grossiront des rangs que « l’effet majoritaire » au profit cette fois du nouveau projet, décuplera. Il faut cependant noter que la cooptation de ces nouveaux adeptes qui dans le passé n’étaient pas les plus actifs à promouvoir le changement… introduira aussi des hésitants, des « hommes un peu moins de gauche » au sens anthropologique, que des circonstances défavorables à venir pourraient rejeter vers leurs anciennes croyances… C’est pourquoi il faut que les forces politiques fondamentales du processus (PC et PG) ne lâchent pas pied et se développent simultanément, chacune gardant sa spécificité, mais étroitement liées dans le projet commun. On peut penser qu’un tel mouvement verra revenir à lui des « ex » membres du PC et du PS que la tournure des choses avait éloigné du combat politique. Tout naturellement, les uns retrouveront le chemin du PC, d’autres d’un PS rénové en PG, d’autres encore le chemin d’une des composantes diverses du FdG…voire d’aucune, se contentant de les prendre toutes en considération, ou plutôt globalement, sous leur forme rassemblée (le FdG lui-même)…

Il y a donc de l’espoir !

4) Difficulté ultérieure : garder le pouvoir.

4.1) Remarques générales

La suite est difficile à imaginer dans la mesure où on ne peut prévoir les multiples actions « contre révolutionnaires » (« citoyennes », sans doute pour certaines, mais aussi, s’il le faut, beaucoup moins citoyennes, de la part des perdants de l’affaire : la classe capitaliste !).
Dans le prolongement des réflexions précédentes, on va seulement noter quelques atouts favorables au développement positif du processus après la victoire initiale, sans chercher à en imaginer les péripéties (d’ailleurs totalement imprévisibles aujourd’hui !). Il s’agit seulement de vérifier que les prémisses évoquées pour conquérir le pouvoir peuvent être extrapolées positivement, car le contraire serait terriblement décourageant… puisque ayant conquis le pouvoir, on découvrirait l’impossibilité de continuer ! Et si, dès maintenant, on n’avait aucune idée pour la suite : qui nous croirait sur parole ?
D’abord concernant sa dynamique même après conquête du pouvoir. Le fait que les choses bougent et même avancent, va contribuer à crédibiliser la démarche et va en somme refouler des craintes, aussi bien chez les « exploités totaux » que « partiels » (effet s’apparentant à un dépassement de l’aliénation, par la mise en pratique de démarches de progrès, concrètement réalisées et non plus seulement d’intentions d’action, de projets à venir, qui restent forcément problématiques ). Il est permis de penser que c’est là le processus que redoute le plus « l’ennemi de classe », le Capital aujourd’hui aux manettes (étant entendu que le pouvoir socialiste n’a pas modifié cette donnée de grand poids). Comment expliquer autrement, par exemple, que les médias aux ordres, taisent ou déforment avec une telle énergie, les propos d’un Mélenchon qui, après tout, n’est soutenu pour l’instant que par un malheureux 10% de l’opinion ? C’est bien que l’on sait, du côté du Capital, et de ses appuis politiques et médiatiques, que ce chiffre peut croître bien au-delà. Simultanément et bizarrement, on se soucie bien moins des 20% (ou plus) d’une Marine Le Pen, qu’on présente sans modération dans ces mêmes médias, car on sait qu’elle n’est pas le vrai danger, au contraire, puisque on la promeut sans complexe. On peut penser que du côté du Capital, on a parfaitement jugé que là est le danger : l’alliance des deux catégories d’exploités partiels et totaux…en gestation. Courage donc !
Evidemment, après prise du pouvoir, la question alors essentielle c’est que l’on engage sans tarder les changements annoncés, tout en surveillant leur application avec un esprit critique aiguisé et constructif : il faut à tout prix éviter les faux-pas, difficiles à rattraper, d’autant plus qu’ils seront exploités à fond par l’adversaire… Notons qu’ici, on ne fera pas de propositions sous l’angle du contenu du projet : elles relèvent d’une démarche évidemment différente de la présente réflexion, et qui reste à mener à bien, pour l’essentiel. On reste centré sur le contexte permettant d’amorcer le changement, quel qu’en soit le contenu en somme… à condition évidemment qu’il soit supporté par ce FdG, supposé outil principal de la transformation sociale !

De ce point de vue, la coordination entre les composantes du FdG au pouvoir et l’affirmation de leur leadership commun, restent fondamentaux. On pourrait penser qu’alors le moment serait venu de les fondre en un seul parti, pour assurer mieux ces objectifs. Ceci ne devrait pas être trop précipité, et, a fortiori, dans la phase de conquête du pouvoir : on n’aura pas d’emblée avec la victoire du FdG éliminé le clivage entre « exploités totaux » et « partiels », qui est au fondement de l’existence des visions réformistes et révolutionnaires, et des partis politiques qui les développent, donc de la difficulté à les unir en un même mouvement. Il faut donc toujours assumer ce contexte en tant que tel. Ce qui peut être d’ailleurs favorable à l’étoffement du FdG : par exemple, il est probable que la sensibilité actuelle écologiste, portée principalement par des couches moyennes, trouvera plus facilement une alliance (dans les deux aspects du terme évoqués plus haut) avec un PG, plutôt qu’avec un PC. C’est d’ailleurs une démarche en cours dès maintenant…même si le PC ne peut ignorer, dans sa structure et ses options, ce nouvel objectif des temps modernes. Il est probable qu’il en traitera avec des adhérents et « compagnons de route » souvent différents, physiquement et dans leurs options sur cet aspect, de ceux des Verts actuels, et même de ceux qui rejoindraient ou se rapprocheraient du PG : question d’anthropologie ? Question de démarche philosophique (adhésion au marxisme, par exemple) ?... car c’est un sujet (l’écologie) particulièrement mis en avant du côté des couches moyennes intellectuelles depuis pas mal de temps et qui s’est démultiplié en de nombreuses tendances, plus ou moins antagonistes ; en outre, cette sensibilisation à l’environnement est beaucoup moins prioritaire du côté des couches populaires.

On peut d’ailleurs penser que si cette « nouvelle société », allant vers ce « socialisme du 21ème Siècle » se développe et perdure, les choses changeront, de ce dernier point de vue. L’ambition d’un tel socialisme est, d’une manière ou d’une autre, de promouvoir « l’égalité par le haut », c’est-à-dire de réussir à bâtir une société où la très grande majorité de ses citoyens deviendront en quelque sorte l’équivalent a minima, en terme de standing, de culture générale, des « couches moyennes » d’aujourd’hui. On peut penser que dans leur masse les revendications d’une telle majorité de citoyens, moins clivés socialement, se rapprocheront alors entre elles tout naturellement, et avec celles de nos couches moyennes actuelles, qui bénéficient d’un standing suffisant pour s’attacher à la résolution de problèmes sociétaux généraux, auxquels les couches populaires, au statut social inférieur, ne donnent pas encore la priorité. Alors, tous deviendront de plus en plus sociétaux dans leur masse ! Logiquement il devrait y avoir correspondance entre ces sensibilités devenant universelles et les forces politiques en présence. Un seul parti des « ex exploités en tous genres » devrait alors voir le jour… Mais nous n’en sommes pas encore là !

Maintenir une structure de FdG de type « cartel » d’organisations autonomes est certainement bénéfique, tant que les conditions sociales de la société ne sont pas parvenues à cette égalité souhaitable. L’étoffement du FdG en nouveaux adhérents devrait se faire à travers le double mouvement d’alliance cité plus haut : certains de ces nouveaux, issus du PS ou de sa sensibilité, postérieurement aux premiers courageux qui ont créé le PG actuel, préfèreront sûrement rejoindre ce parti ou ses abords, car ils se sentiront « protégés » par « l’appareil » même de ce parti, dans l’alliance organisationnelle qu’il construit avec le PC. Par contre, de ce côté-là, il est plausible de penser que les « ex » de retour, voudront plutôt renouer avec le parti qui était le leur (ou leur « compagnon de route ») autrefois. Et pour ceux qui, issus des couches populaires, trouveront ou retrouveront le chemin du combat politique, le PC devrait représenter un meilleur milieu d’accueil, qu’une équipe formée de gens qui risquent d’être assimilés à la catégorie des « petits bourgeois », voire des « bobos », quand on les regarde avec les yeux d’un « exploité total » ou au statut similaire.

Tout cela laisse penser qu’en termes de recrutement de nouveaux adhérents, de nouveaux sympathisants, chaque parti jouit de potentialités équivalentes. La crainte qu’un camp supplante l’autre et tire le FdG d’un mauvais côté, ou plutôt d’un côté qui ne conviendrait pas à l’autre composante, n’est pas exclue, mais diminuée incontestablement. De toute façon, in fine, on ne peut éviter par des mesures administratives…que le meilleur gagne ! Ce qui signifie, qu’on le veuille ou non, que les deux composantes principales du FdG devront faire preuve d’un maximum d’imagination et de réflexions pertinentes conjuguées, pour éviter de ne traiter que les questions relevant des couches sociales dont elles sont préférentiellement issues. Il faudra beaucoup d’abnégation de part et d’autre pour que cela marche !... En fait, la nécessité aidant, on peut ici encore être optimiste !

Mais cela amène, tout de même, à examiner les choses de manière plus concrète…

4.2) Considérations finales … assez « terre à terre »

On a développé une problématique théorique qui se veut rigoureuse en termes de données concrètes, de « classes en soi », et même de « classes pour soi », quant aux mécanismes généraux qui gouvernent, dans la période actuelle, la « lutte des classes », et la marche vers une autre société. Mais ce point de vue, qui nous parait fondamental pour progresser vers une société meilleure (le « socialisme du 21ème Siècle ») par une « révolution citoyenne » démocratique et pacifique, est-il bien pris en compte par les partenaires des développements actuels de la transformation sociale ? En somme : le FdG fonctionne-t-il selon ces schémas ? N’a-t-on pas été trop optimiste dans notre théorisation ? C’est bien la question cruciale à examiner maintenant.
a) Il est manifeste de constater que le FdG a connu une impulsion initiale favorable dès sa création, dont témoigne le score de J.L. Mélenchon à la présidentielle. Mais cet intérêt naissant s’est rapidement atténué (élections législatives et la suite).

b) On peut proposer une première explication dans le cadre de notre analyse. Le FdG n’a pas assumé et assuré convenablement le fondement de classe de l’alliance qui se formait, il faut le dire, laborieusement. Il s’est contenté d’en écumer les avantages tactiques (l’union fait la force…électorale en l’occurrence). Démarche qui donnait d’emblée un avantage (« effet majoritaire » au sein du FdG) au PCF, car il a plus d’adhérents, de sympathisants, d’électeurs, d’élus déjà en place au départ, que l’autre partenaire, juste créé. Le partenaire PC a utilisé à son profit l’avantage en question, plutôt que de l’associer unitairement à la construction de ce FdG en gestation : il a tiré la couverture à lui. Il serait facile d’étayer cette assertion par les péripéties qui ont entouré la construction de majorités à alliances variables, pour les élections municipales à venir, notamment à Paris. On n’insiste pas… Mais cette démarche n’a pu qu’affecter la perception par les citoyens, de la crédibilité du processus, et la compréhension du fondement de classe nécessaire à cette construction d’une nouvelle majorité autour du FdG, en la réduisant à une simple alliance circonstancielle, électorale, au caractère opportuniste, non pérenne.
c) Dans ces conditions le PG s’est trouvé isolé, pour ne pas dire discrédité, alors qu’il conservait quant à lui apparemment l’esprit de l’alliance initiale. Bien que cette fidélité ne soit pas analysée pleinement par lui, nous semble-t-il, en termes de nécessité de classe, mais seulement peut-être en termes de nécessité de « cause républicaine supérieure » à défendre. Ce qui lui enlève tout de même de la force. Et surtout, dans le contexte d’urgence actuel, électoral, mais aussi général, où il faut une lutte décuplée contre la guerre impitoyable et accélérée, engagée par le Capital international contre les peuples. Evidemment toutes ces manœuvres électoralistes dévalorisent le FdG dans son ensemble. Mais elles contribuent aussi à favoriser la gestation de parades, notamment au PG, qui ne sont pas foncièrement bénéfiques pour la cause globale qui doit être, pour la part qui lui revient, la sienne (mobilisation unie, aussi forte que possible, des exploités en tous genres pour un changement de société, dans le cadre du FdG). Plus précisément : le PG, sentant l’éloignement du PC, recherche une alliance renforcée avec les écologistes. Très bien (voir plus haut).

Mais il n’est pas sûr que ce soit le plus urgent dans la période : il faut à tout prix « parler » aux couches populaires et se faire comprendre d’elles, découragées qu’elles sont de la politique et, pour une part croissante, semble-il, ne trouvant plus d’autres espoirs que du côté du FN. Incontestablement, le PG penchant ainsi préférentiellement du côté des exploités partiels, ne se place pas suffisamment en défenseur des moins privilégiés, mais c’est un peu « dans la nature des choses ». Ce déséquilibre devrait être compensé du côté du PC mais il s’est tourné lui aussi vers ces couches moyennes, soit en s’alliant au PS, soit en se comportant davantage en parti de couches moyennes (comme PS et PG), notamment par sa défense affirmée des revendications sociétales (issues plutôt de ces couches-là). Simultanément, peut-être pour tenter de compenser ce déséquilibre, il met l’accent sur la défense des plus démunis, des « sans », c’est-à-dire d’une catégorie particulière des exploités. Ce qui ne favorise pas non plus la compréhension de son combat, par les exploités totaux et partiels du bas des revenus, mais que le Capital n’a pas encore réduit au rang des « sans », des « laissés pour compte ». En somme, le PC, en voulant « jouer dans la cour des couches moyennes » où il n’est pas le mieux placé, néglige les couches populaires dont il est issu et qu’il a davantage mission à défendre. D’où, peut-être, la perte d’audience que le PC continue à supporter au sein de ces couches populaires-là, notamment dans leur fraction la plus nombreuse, et un peu plus favorisée, qui, comme dit plus haut, se veut davantage assimilée aux couches moyennes. Celle-ci se tourne dès lors en partie vers l’abstention, en partie vers le FN, ou suivent le PS comme un moindre mal, puisque le PC ne leur semble plus être leur défenseur principal…

d) Dans le prolongement de ce constat, il faut aussi prendre en compte certains aspects importants du programme politique du FdG, ou du projet de société que ce programme amorce. Il est clair que ce projet (« l’humain d’abord »), dans certaines de ses propositions, énonce des mesures « révolutionnaires », en donnant à ce terme à la fois une signification d’avenir (dessiner des idées-forces du socialisme à venir) mais aussi une signification immédiate, afin de lutter sans délai pour tout ce qui peut être gagné au jour le jour.

On peut penser, au vu du relatif succès du FN, et à travers l’analyse de son contenu, que la principale contradiction à l’origine de l’incrédulité portant sur le projet du FdG, et certaines de ses propositions de changement accessibles dans le monde tel qu’il est, réside dans sa vision pro européenne, au sens de pro UE et pro euro. D’ailleurs, les rédacteurs du projet n’avancent pas d’argumentation solide pour étayer leur adhésion à l’UE et à l’euro (voir la faiblesse de l’argumentaire des économistes du PC à ce sujet, face aux critiques d’un certain nombre de leurs confrères économistes aussi, mais partisans d’une sortie de l’euro et de l’UE). Du côté des couches populaires, même si la réfutation est moins « technique » et plus proche des idées-forces (en parole !) d’un FN, elle est de plus en plus profondément ancrée dans les têtes : on a de la peine à imaginer que l’austérité prônée et mise en oeuvre par l’UE, qui a verrouillé toutes les voies démocratiques de contestation, ne rendra pas illusoires les meilleures intentions affichées dans son programme par le FdG. Cette question, qui n’est pas seulement d’ordre économique mais politique est importante, et il est étonnant que le PC, qui se veut à l’écoute des couches populaires, ne l’affronte pas, ne serait-ce que par égard pour le fond de pensée que celles-ci ont progressivement fait leur. On ne peut pas traiter par le mépris cette hypothèse, en la réduisant à une mesure ultra réactionnaire, inique, dont seul serait porteur un FN, raciste et xénophobe.

Notons cependant que le PG, à travers divers propos et écrits, penche de plus en plus vers, a minima, un examen sérieux de la question (voir notamment les positions exprimées par Généreux). Mais c’est assez contradictoire avec sa base sociale, européiste à tous crins, quand elle reste proche du PS, et qui ne peut pas facilement s’extraire du « formatage » lié à cette option, y compris quand elle se rapproche du FdG. Si le PG se place ainsi en précurseur devant le PC pour les questions européennes, on peut penser que les catégories sociales ( les exploités partiels formant les couches moyennes plutôt intellectuelles qu’il entraine à sa suite) sont sur la bonne voie…peut-être par ce reflex anthropologique de partage et de fraternité, cité plus haut sous le terme de « cœur et raison », et qu’il faudrait développer encore davantage. A ce sujet, il est important de noter la création toute récente d’un « think tank », nommé « Gauche d’opposition » qui se donne pour but de promouvoir l’option de sortie possible de l’euro et de l’UE. Les choses avancent !...Mais cela ne suffit pas pour convaincre les couches populaires dans leur masse : il faut que le PC s’en empare !…

On peut s’interroger sur les motivations profondes du PCF en la matière, autrefois ardent défenseur de la nation et d’une politique de transformation sociale au sein de la nation. En dehors de considérations opportunistes liées à la volonté de coller au PS pour avoir des élus, et donc d’en épouser les thèses, on peut penser à deux grandes explications.

 La composition du PC et surtout de ses équipes dirigeantes a beaucoup changé depuis quelques années. Le marxiste Jean-Claude Delaunay a analysé ce phénomène. Il met en exergue le fait que ces militants, même s’ils n’appartiennent pas, dans leur masse, aux catégories CSP+ et au dessus (il n’y a pas d’énarque au PC au contraire du PS !) appartiennent beaucoup plus que par le passé aux couches moyennes en général. En outre, leur formation politique est moins qu’autrefois le résultat d’une formation interne marxiste (les « écoles du parti »). Enfin, la plupart étant des élus territoriaux, leur formation se fait beaucoup sur le tas au contact des élus PS. Leur savoir-faire de « cadres » ainsi instruits, appartenant au monde des couches moyennes, a marqué profondément leur mode de pensée et les a éloigné des couches populaires, qu’ils devaient défendre. En outre, il a contribué à l’éloignement d’adhérents ou sympathisants, qui restent pour beaucoup des « communistes de cœur et de raison »… Les élus PC, sans doute à leur corps défendant, sont « intoxiqués ».

Un détail significatif matérialise cela : l’adhésion, probablement d’ordre anthropologique, et d’une anthropologie humaniste quant au fond, à toutes les thèses « sociétales » qui font le pain béni du PS (voir la profusion actuelle des initiatives sociétales engagées par le gouvernement PS)… en regard des mesures sociales, inexistantes, car reprises du MEDEF ou de ses « experts », et elles-mêmes déguisées sous des appellations démagogiques, des « éléments de langage » !.
 Lié aux éléments précédents, sans qu’on sache bien ce qui a été l’élément déclencheur, il y a le fait indéniable de l’abandon quasi-total au PC de la référence au marxisme. Et, en tout cas, aux « fondamentaux » de cette démarche : la lutte des classes, l’abolition du capitalisme, la construction d’une société socialiste. Tout cela est maintenant considéré comme définitivement discrédité par la « chute du mur de Berlin », l’échec des pays du socialisme réel (on ne s’appesantit pas sur ce qui en reste, Cuba, la Chine …). Il n’y a plus un fil de pensée directeur, on peut même craindre qu’il n’y ait plus d’horizon communiste au sens de « lendemains qui chantent ». Pire, on ne veut plus entendre parler de socialisme « étape » vers des progrès à venir : le « socialisme du 21ème Siècle » n’est pas revendiqué au PC… On retrouve ces idées défaitistes (chose étrange là-aussi, quand on se dit socialiste !) dans la pensée profonde du PS…
Comment sortir de cette impasse ?

Du côté du PC, il n’y a probablement qu’une voie : une reprise de conscience que l’on peut encore revenir aux fondamentaux d’antan, cités plus haut, et accorder le temps nécessaire à se refonder sur ceux-ci, en les adaptant à la situation d’aujourd’hui. C’est un peu ce que nous avons tenté avec notre recherche d’une description actuelle de la lutte des classes, et une description actuelle des classes en présence dans ce 21ème Siècle commençant. Inutile de dire qu’un tel réexamen, que nous ne prétendons pas avoir correctement détaillé, et qui est donc à remettre sur le métier, peut déboucher sur des visions assez nouvelles et insolites des combats à mener. Il peut conduire aussi à des revirements « déchirants » (sur l’UE, par exemple) à des renouvellements des élites pensantes et dirigeantes au sein du parti et dans ses « compagnons de route » ou « maîtres à penser », etc… Quant au PG et aux autres organisations du FdG, ils auraient tout à gagner à avoir un interlocuteur davantage impliqué dans le combat de classe et préférentiellement défenseur de la « classe ouvrière » (ou « classe des exploités totaux » et « partiels » du bas de l’échelle des revenus)… Car, il faut bien le dire, le moment n’est pas encore venu de faire des seules couches moyennes le fer de lance unique de la transformation sociale, il faut y associer les plus démunis…ne serait-ce que parce qu’il y a ce fameux « paradoxe 50/50 » !...

5) Conclusions

Nous entrons dans une période de guerre toujours plus féroce, menée par le Capital (aujourd’hui mondialisé et financiarisé) sous la direction des Etats Unis, contre les peuples de la terre et les humains en général. Une riposte de ces derniers s’impose au plus vite, sinon elle risque bien d’être « coiffée au poteau » par un processus encore plus catastrophique.

En France, nous avons le malheur d’avoir remplacé une droite, activant sans complexe son processus de destruction des acquis, par une gauche (PS et Verts) qui a capitulé, et qui a repris le flambeau de la droite, pour poursuivre, sans trop de complexes apparemment, le travail antérieur de la droite.

Heureusement, des forces politiques (et du mouvement social), n’ont pas abdiqué ou pas abdiqué totalement. Elles se sont pour l’essentiel regroupées en un Front de Gauche promouvant des voies nouvelles de résistance. Sa composition (principalement représentée par le PC et le PG) met en symbiose deux expressions politiques (la réforme et la révolution) liées aux deux principales couches sociales de la société (couches populaires et couches moyennes). Le FdG peut ainsi prétendre construire une majorité (civile et électorale) de changement à travers un processus de « révolution citoyenne ». Car il met en commun, ou commence à le faire, deux couches où se retrouvent la grande majorité de la population aujourd’hui soumise aux attaques du Capital et de ses serviteurs, eux-mêmes présents dans la sphère gouvernementale. Ainsi, cherchant à allier les plus exploités (les couches populaires) et des catégories moins durement concernées (les couches moyennes), il peut espérer construire une force politique hégémonique, c’est-à-dire suffisamment majoritaire, pour être totalement justifiée (au sens démocratique) à mener une politique correspondant aux besoins de tous…ou presque ! On a donc la possibilité et donc l’espoir d’une victoire paisible, par la voie électorale…

Mais il faut évidemment que ces forces rassemblées (et les partis politiques associés) travaillent en commun, chacun jouant son rôle quant aux besoins des couches sociales qu’ils ont vocation respectivement à représenter et animer préférentiellement, mais chacun doit aussi rester respectueux des propositions de l’autre, car les couches sociales en question sont indissociablement liées. Tout au moins quand on essaye de comprendre leur interaction en s’inspirant de Marx. Ce que nous avons tenté de faire. Cette union, inscrite dans les données mêmes de la réalité, peut se faire, même si la chose est difficile à réaliser, dans un contexte qui n’engendrerait pas de contradictions insurmontables entre elles. Tout simplement parce que chaque combat s’inscrit dans un « combat de classe » qui unifie en dernier ressort, les propositions, les analyses. Ce qui, évidemment, impose un travail de conviction difficile, mais non voué à l’échec, pour peu qu’on le prenne à bras le corps, sans volonté de tirer la couverture à soi, mais en surmontant les contradictions subalternes (dans la mesure où elles ne sont pas, quant au fond, de la nature inconciliable de celles qui opposent exploiteurs et exploités).
La mise en chantier d’un projet commun de programme, et à termes, de société (un « socialisme du 21ème Siècle ») est l’outil principal de la convergence des actions de ces composantes du FdG. Et on peut l’inscrire dans un processus favorable dès la prise de pouvoir. L’adhésion progressive des couches populaires et moyennes à ce projet, leur participation toujours accrue à son édification doit favoriser l’alliance en gestation : on développe ainsi un projet rassembleur et même susceptible d’emporter l’enthousiasme de ses constructeurs. Tout cela donne de l’espoir !

Toutefois, dans le moment présent, ce bel édifice qui sort de terre tangue et semble avoir arrêté son progrès. Ancien membre du PC, on pense que la responsabilité de celui-ci est, aujourd’hui, pour beaucoup dans cette difficulté, alors qu’il est nécessairement un artisan indispensable de l’édification. La perte au fil des ans de ses « fondamentaux » issus de Marx (lutte des classes, abolition du capitalisme, construction d’un socialisme) pèse considérablement dans les raisons de ce déclin. Sans prétendre avoir fait une analyse irréprochable de la lutte des classe actuelles, nous pensons qu’elle à au moins le mérite d’ouvrir des horizons. Le PC limite de plus en plus sa réflexion à la défense de revendications sociétales, qui le place sur le même terrain qu’un PS, dans ses combats perdus d’avance, et qui identifient le PC avec une fraction seulement de ces couches moyennes plutôt « tirées d’affaire ». Si le rôle du PC n’est pas d’ignorer leurs revendications, il doit prioritairement s’intéresser aux revendications sociales des couches populaires. Car dans l’union représentée par le FdG, il est le mieux placé, et peut-être le seul placé, pour cela. En outre, avec cette perte du repère que fournissaient ses fondamentaux, son efficacité ne peut que décliner, car, précisément il se trouve démuni, pour en discuter avec son partenaire PG et quelques autres…

Le FdG demeure bancal. Pire, dans ce contexte, le combat du PC devient opportuniste faute de fil directeur. C’est pourquoi je mets un terme à cette conclusion par une citation d’un père du socialisme et de la lutte des classes, souvent cité au PC désormais (il est en outre le créateur du journal l’Humanité !) et il n’est certainement pas récusé par le PG : Jean Jaurès.
« Sous peine de se perdre dans le plus vulgaire empirisme, et de se dissoudre dans un opportunisme sans règle et sans objet (le PCF ?… le FdG ?) doit ordonner toutes ses pensées, toutes ses actions, en vue de l’idéal communiste »

Annexe : notes.

(1) Différentes façons de conquérir le pouvoirNous faisons implicitement un choix en ne prenant en compte que l’hypothèse d’une « révolution citoyenne ». Cela mérite quelques explications. On peut penser, par référence à l’histoire, à trois démarches principales pour « prendre le pouvoir ».

1) La voie démocratique : c’est précisément celle de la révolution citoyenne, puisqu’elle s’imposerait, ou serait avalisée, dans un pays comme la France, par des élections « démocratiques », probablement dans le cadre d’une constitution antérieurement établie (en l’occurrence : la 5ème), pas forcément la mieux adaptée à cette option ! C’est la voie que nous adoptons. L’histoire nous donne un exemple sous la forme des élections de Chavez, en leur temps. Les difficultés de la prise du pouvoir sont donc théoriquement résolues par cette option (il faut évidemment surmonter le « paradoxe 50/50 » et mettre en œuvre tout un ensemble d’actions citoyennes de haut niveau et de grande intensité, pour y parvenir !).Le maintien ultérieur de ce score ouvre évidemment la porte à des difficultés nouvelles, non moins difficiles à surmonter … mais que l’on ne peut sérieusement imaginer, tant elles peuvent être diverses… On en évoque cependant quelques aspects dans le texte principal.

Nous écartons dans cette démarche la variante « démocratique-mondialiste » qui, dans l’histoire, n’a jamais été essayée, et qui reste pour le présent peu crédible, même sous une forme réduite à une région comme l’Europe, par exemple. Il parait illusoire d’espérer à court-moyen terme réunir de multiples peuples aux histoires, aux structures, aux cultures, à l’état de développement, trop différents pour qu’ils soient dans l’état de s’unir simultanément sur un objectif de transformation partagé, et de le faire triompher dans une élection européenne ou mondiale, même accompagnée de mouvements sociaux puissants. L’histoire ne nous donne aucun exemple de ce genre, pouvant l’accréditer. Les « révolutions arabes » récentes se sont développées dans plusieurs pays par un effet « tâche d’huile » qui n’avait pas été élaboré en commun au départ. Evidemment, on peut s’armer de patience, et attendre que ces conditions universelles soient un jour remplies : c’est une option peu mobilisatrice, et qui laisse le temps à l’adversaire de contrarier sans cesse son avènement, ou bien qui donne le champ libre à des forces impatientes et pas forcément démocratiques, de prendre en main l’affaire avec un objectif totalement différent…

2) La voie dictatoriale : un dictateur prend le pouvoir par un coup de force, par une tromperie savamment mise en œuvre, etc… contre, en réalité, la « volonté du peuple », ou sans faire appel à l’expression de celle-ci, c’est-à-dire, sans aval ostensiblement exprimé. La conquête du pouvoir par Franco était de ce type (coup d’état). La méthode est peu prisée du côté des forces recherchant une solution humaniste…
3) La voie de la « dictature » (supposée temporaire) d’une « minorité agissante » qui dans un épisode révolutionnaire prend le pouvoir. Par exemple : la « dictature du prolétariat » établie à la suite de l’épisode révolutionnaire de la prise du Palais d’hiver en 1917 ! L’expression est ambiguë, car si le prolétariat est largement majoritaire « en soi »… on ne peut pas parler de dictature ! Toutefois, ce n’est pas le peuple dans sa masse qui est au pouvoir, mais une organisation politique (fut-elle du type alliance) qui en émane. Et il y a les mécanismes de la « classe pour soi », c’est-à-dire de l’aliénation combinée aux données anthropologiques (voir texte principal et note 2) qui brouillent l’adéquation entre classe « en soi » et « pour soi ». Ce qui signifie que le pouvoir conquis n’est pas nécessairement le reflet majoritaire de l’opinion (classe pour soi) du peuple concerné (classe en soi, pourtant prépondérante). Tout cela fait que dans le branle-bas d’une « révolution » plutôt violente, la notion de légitimité démocratique est pratiquement impossible à vérifier, ou trop risquée à légitimer par une consultation électorale « libre et non faussée ». La fragilité du « 50/50 », temporairement mis de côté dans l’épisode révolutionnaire, risquerait de valoriser une option qui peut ne pas être réellement représentative (c’est probablement à nouveau le cas observé dans les « révolutions arabes » récentes en Tunisie et Egypte ; on peut imaginer aussi que l’on était sur cette voie en 1968 ? C’est probablement un scénario analogue qui intervient en Ukraine aujourd’hui ?…) Il faut attendre un certain équilibre de la nouvelle société pour que soient réalisées ces conditions paisibles, propices à une expression démocratique légitime. Tant qu’il y a toujours présentes des forces contre-révolutionnaires actives, elles chercheront par tous les moyens à renverser le cours des choses ou, à défaut, à créer du désordre pour fausser les résultats, et les contester. L’expérience montre (révolutions arabes, révolution russe de 1917 malgré ses 70 ans de vie) que la méthode est donc d’un emploi difficile ! En outre il y a dans de tels processus un aspect aléatoire : comment se met en route un tel bouleversement, souvent issu de la base ? Qui le déclenche ou le soutient en sous-main ? Sur quel motif ou sur quel évènement fortuit se déclenche-t-il ? Qui se révèle en état, après déclenchement, de prendre le relais et de conduire le mouvement au delà ? De le mener vers un terme ou un autre ? L’expérience montre (notamment la plus récente) de nombreuses inconnues non clairement prévisibles à l’avance. Mais il est clair aussi que ces mouvements apparaissent lorsqu’une certaine exaspération généralisée a enflé petit à petit, qu’un certain ensemble d’issues ont muri, pas forcément au grand jour, dans l’apparente tranquillité qui précédait. Alors, voir l’exemple de 1917, il est probable que le fil directeur du déroulement de la révolution et de l’après-révolution sera plutôt celui que les forces agissantes antérieurement les plus dynamiques, auront su propager et consolider dans la tête de chacun.

Dans un pays comme la France actuelle, cette voie de la « minorité agissante révolutionnaire » parait actuellement irréaliste, d’autant plus qu’elle n’est pratiquement pas admise comme « perspective de travail », sauf, peut-être, par des organisations groupusculaires. La majorité des organisations de transformation sociale impliquée ne voudra pas y recourir.

C’est pourquoi nous ne pensons pas crédible d’envisager « à froid » une des hypothèses précédentes (la dictature ou la dictature planifiée à l’avance par une minorité agissante) comme hypothèses de travail. Bien sûr, si une séquence à caractère révolutionnaire du type de Mai 68 se déclenchait…il faudrait que le FdG, quant à lui, assume ses responsabilités. Elles seraient d’autant plus aisées à formuler et mettre en œuvre que ce FdG aurait gagné en influence et gagné en propositions crédibles auparavant. Donc, il convient d’élaborer une démarche approuvable par le suffrage universel, dans la tranquillité habituelle des échéances électorales périodiques : prêt à vaincre paisiblement, on serait bien placé pour « transformer l’essai » issu d’un mouvement social impromptu… Il ne nous reste donc qu’une voie à envisager, ce que nous avons fait : la première, celle de la conquête « démocratique » du pouvoir, celle de la « révolution citoyenne » dans un pays comme la France. C’est pourquoi nous avons adopté cette option… et cherché à montrer sa faisabilité. (2) L’exploitation capitaliste de nos jours (couches populaires et couches moyennes)

Nous avons adopté une structuration des classes sociales actuelles fondée sur le critère de survaleur, appliqué aussi bien aux plus exploités qu’aux couches moyennes mieux nanties. C’est une démarche qui ouvre des perspectives intéressantes, comme nous avons tenté de le montrer. Dans le passé, nous avions soumis les réflexions associées à ce choix à l’appréciation de marxistes politiques reconnus : communistes, trotskystes. Sans recevoir de critiques ou d’observations quelconques… Et nous avions l’impression que ce concept de survaleur (et donc les prolongements que l’on peut en tirer) devait être rangé au placard historique du marxisme… Tout récemment, Yvon Quiniou, dans son dernier livre « Retour à Marx », notamment dans le chapitre « Les conditions sociales » développe des réflexions qui nous paraissent avaliser notre problématique…et qui montrent même que Marx était clairement à l’origine de tels prolongements de sa pensée. Evidemment, notre apport (si apport il y a !) s’en trouve renforcé. Pour être bien compris, il nous semble donc nécessaire de préciser les particularités de notre utilisation de ces concepts.

A) La survaleur comme critère de l’exploitation capitaliste.
La survaleur, par définition, est une quantité de travail, fournie par l’exploité, qui ne lui est pas rémunérée, ni en salaire, ni en prestations sociales (salaire différé car reporté à plus tard quant à son paiement, mais aussi, comme certains le pensent, salaire différé parce que représentatif d’un futur travail de type différent, réalisé par exemple par un retraité consacrant du temps à des œuvres utiles et gratuites : actions humanitaires, actions d’enseignement, de promotion de la culture, etc…). La survaleur créée par le salarié est accaparée par le capitaliste.

Cette notion apparaît clairement quand, toutes choses égales par ailleurs, le capitaliste veut augmenter sa part de prélèvement : il ne dispose pour cela que du moyen de la réduction du « coût du travail », c’est-à-dire, d’augmenter la survaleur qu’il s’approprie, réduisant d’autant la part de valeur concédée à l’exploité… ce qui explique au passage la guerre menée par le Capital contre les salaires directs, mais aussi contre les prestations sociales ! La survaleur ainsi engrangée, et dont l’exploité qui l’a produite par son travail ne reçoit rien, n’est bénéfique qu’aux « propriétaires de l’outil de travail », aux capitalistes, ou actionnaires (en simplifiant un peu la complexité de l’affaire !). Dans la survaleur il y a une part de prélèvement destiné à l’accroissement du capital, sous la forme de « l’investissement productif » (perfectionnement de l’outil et extension de celui-ci). Une autre part se contente, si l’on peut dire, de « rémunérer » le propriétaire, l’actionnaire (copropriétaire parmi d’autres de l’outil). A noter d’ailleurs que la première part n’est pas perdue pour lui, mais mise de côté et à profit, pour poursuivre sans fin le processus… ce qui est une manière de multiplier le gain et de le pérenniser !
La survaleur est bien un critère de l’exploitation capitaliste : la fabriquer, mais n’en rien bénéficier, caractérise l’exploité. La faire fabriquer par ce dernier et se l’accaparer, caractérise l’exploiteur. Mais la réalité est un peu moins simple, même si en décryptant la complexité du monde actuel, on retombe finalement sur ce schéma. En particulier, le prélèvement de survaleur n’est pas uniforme pour toutes les catégories de travailleurs impliqués dans la production. D’où les réflexions ci-après.

B) La survaleur, comme critère de l’intensité ou du degré d’exploitation des différentes catégories d’exploités.
La diversité des cas de figures est évidente. Mais il est difficile de chiffrer cas par cas la proportion de survaleur prélevée sur tel ou tel travailleur impliqué dans la chaîne de production. On peut tout de même préciser un peu les choses pour deux cas types, qui encadrent forcément les autres.

 « l’exploité total ». C’est le travailleur salarié qui ne reçoit que son salaire (augmenté, si elles existent, par les prestations sociales du salaire différé). L’ensemble est juste suffisant pour le faire vivre (ou comme on disait autrefois, pour lui permettre de « reconstituer sa force de travail »). Pour éclairer cette caractéristique on dira que ce travailleur est dans l’incapacité, par exemple, de mettre de l’argent de côté, qu’il « placerait » pour le faire « travailler »… faisant de lui par ce geste, un petit, tout petit…exploiteur ! On peut même noter qu’aujourd’hui, beaucoup de ces exploités totaux vivent plus ou moins à crédit : par ce biais ils sont dépouillés d’une part supplémentaire de survaleur…

 « l’exploité partiel ». C’est aussi un travailleur, exploité pour son travail. Mais qui est dans l’échelle des compétences un spécialiste d’un domaine particulier qu’il a généralement acquis par une scolarité longue et quelquefois difficile. Son travail est rémunéré en conséquence sur une base qui dépend du « marché du travail ». Il reçoit aussi une part plus ou moins grosse (très grosse pour les catégories sociales supérieures - les CSP- et encore plus grosse pour les CSP+ !), de ce que le capitaliste a engrangé en survaleur, redistribuée alors (par exemple en « intéressement », en stock options, en primes diverses d’allure salariale, en parachutes dorés, etc…) à ces travailleurs « d’excellence ». La chose est évidemment modulée en fonction de la part qu’ils prennent… à l’exploitation de leurs collègues moins cajolés ! A ce niveau de rémunération on est donc « exploiteur » par la nature du « sursalaire » perçu, « partiel » parce qu’on est simultanément dépouillé d’une partie de survaleur…puisqu’on est pour une part de son activité, salarié ! On est aussi exploiteur par le fait qu’à ces niveaux de rémunération, on peut à son tour, et en supplément, « boursicoter », acheter de « l’immobilier de rapport » et, suprême avantage, se payer des œuvres d’art, dont on est sûr qu’elles fourniront une plus value à la revente…puisque celle-ci croitra toujours dans un monde où les riches sont toujours de plus en plus riches… et pratiquement seuls acheteurs de ces « trésors du patrimoine de l’humanité » !...

Il est bien évident que l’on a décrit ici des extrêmes, en haut et en bas. La réalité est plus répartie entre ceux-ci. D’où ce terme d’exploités partiels. Ils sont rémunérés pour un travail réel, et sont donc exploités à ce titre…et pour une caractéristique particulière de ce travail qui, plus ou moins, fait d’eux des « serviteurs du Capital »… Ils sont « exploités partiels », bien que pour les CSP+, le terme « d’exploiteurs partiels » serait sans doute plus judicieux ! Mais ne compliquons pas !...

En fait, il faut tout de même faire une distinction d’ordre fonctionnel. La catégorie précédente apparait plutôt comme celle « d’exploités exploiteurs ». Ce sont les techniciens, les cadres et ingénieurs, les dirigeants des « staffs » de la grande industrie, des banques, des multinationales, et spécialement celles du CAC 40, qui forment la base pensante du Capital. Ce sont ceux que le marxiste Jacques Bidet dénomme « les experts et compétents », ou que Gramsci nommait les « intellectuels organiques », ici, du Capital. Mais il faut y ajouter une autre catégorie que l’on pourrait nommer les « exploiteurs exploités ».

On peut identifier ceux-ci à l’ensemble des patrons de PME, de starts up, d’artisans, de patrons du petit commerce, d’agriculteurs individuels et familiaux, de marins-pêcheurs, etc… Ce qu’on appelait autrefois la petite bourgeoisie. Dans la mesure où ils ont des employés (et même s’ils n’en ont pas : les auto- entrepreneurs)…ils sont objectivement exploiteurs. Ils prélèvent de la survaleur sur leurs employés (ou sur eux-mêmes : les auto- entrepreneurs). Mais dans le monde actuel, sans exception, tous ces « patrons » en tous genres sont sous la coupe des banques et des donneurs d’ordre, qui généralement émargent au CAC 40 ou en sont proches, c’est-à-dire appartiennent à la sphère du grand capital. La plupart sont sous-traitants de la grande industrie (équipementiers automobiles par exemple) ou subordonnés aux centrales d’achat de celle-ci (industrie agro-alimentaire, par exemple pour les agriculteurs, les marins-pêcheurs, etc…). Quant à la dépendance aux banques, elle résulte du fait qu’aujourd’hui aucun de ces patrons ne peut se suffire de sa trésorerie, au jour le jour, pour subsister… On rappelle que l’on simplifie beaucoup les choses pour dégager des principes généraux, mais la complexité de ce monde décrite par le menu risquerait de voiler l’essentiel.

Au total, ce que l’on décrit ici avec des dénominations inhabituelles n’est rien d’autres qu’une réalité décrite par une terminologie d’usage courant à laquelle on peut se référer. Ainsi :

 les « exploités totaux » désigne ce que l’on nomme ou nommait aussi « prolétariat », « classe ouvrière » et que l’usage actuel tend à englober dans le terme de « couches ou classes populaires ». Ce terme rend d’ailleurs compte, faute de mieux, du fait qu’à côté de la catégorie de l’ouvrier, on trouve les employés des services, catégories qui se sont beaucoup développées, et qui ont un standing et des conditions de travail similaires aux ouvriers. On ne peut les laisser de côté et il est clair que le critère de la survaleur permet de les ranger (surtout pour les employés du bas de l’échelle) au côté de leurs « frères de classe » ouvriers.

 les « exploités partiels » englobent des catégories sociales encore plus complexes. Un terme rebattu aujourd’hui, bien qu’aussi vague que celui de couches populaires, est utilisable pour les distinguer : ce sont les « couches moyennes » (le terme de « classes moyennes » prête à confusion et semble à éviter). Dans cette vaste marmite des couches moyennes se rangent les deux catégories définies ci-dessus « d’exploités-exploiteurs » et « d’exploiteurs- exploités » et probablement quelques autres, qu’il faudrait répertorier pour être complet… .

Mais il est clair que la perception qu’ont d’eux-mêmes ou plus exactement de leur fonction de classe, ces deux « sous-classes » n’est pas similaire. Les premiers, experts et compétents, sont portés à voir dans l’exploitation une nécessité « scientifique » liée aux processus de production et de commercialisation, qui dégage en somme leur responsabilité partielle « d’exploiteur ». Les seconds sont plus directement confrontés à l’exploitation physique, vis-à-vis de leurs employés. Pour ceux qui subissent simultanément l’exploitation de leurs donneurs d’ordre ou banquiers, ils l’englobent plutôt dans les mécanismes propres du système politico-économico-financier, c’est à dire l’administration étatique ou supra nationale qui, passage obligé, est une contrainte partiellement attribuée par eux non pas au Capital, mais à « l’Administration » avec un grand A ! La cause fondamentale est ainsi dissimulée, et l’exploitation qu’ils infligent, tend à les placer dans une situation similaire (fraternelles ?) à celle de leurs « exploiteurs totaux » : le grand capital, avec lequel ils acceptent de cohabiter…en « grognant » !

L’ensemble de ces exploités partiels est donc loin de se comporter comme un bloc homogène, il est parcouru par des contradictions internes et externes qui complexifient leur prise de conscience et sur lesquelles on revient dans les développements de notre texte de base.

Messages

  • Bonjour,
    Je suis l’auteur du message ci-dessus...vide !
    Ne peut-on savoir, à titre individuel (puisque vous détenez mon mail) les raisons de la non publication du texte non vide que je vous avais adressé ?
    Merci et salutations.
    AB- BA

    • Drole de facon... demander de repondre individuellement avec un commentaire publique ??? et directement avec "l’accusation" d’avoir interdit la publication volontariement. ... va chercher la bonne foi en tout ca....

      Bref... le motif de la "non publication" été un problème tecnique que nous a pris un certain temps a le trouver, voilà réparé, par contre ne change rient que le texte est indigeste trop long et avec un enorme problème d’impagination qui rende la lecture impossible...

    • ROBERTO STALINIEN !!

       :)
      Ce texte est , pour moi,TRES IMPORTANT

      Le premier qui me gonfle en taclant lasoi disante longueur de ce qui restera comme un INCOMPARABLE ENRICHISSEMENt du MARXISME (soit dit en toute immodestie mais "lla VERITE est REVOLUTIONNAIRE)

      .................je le renvoie à cet article.!

      Battu, écrasé, le viel A.C !

       :)

      Là ou tu es particulièrement injuste, d’un point de vue "contradictoire", c’est quand tu évoques la difficulté à lire ce"machin"jusqu’au bout

      NON.

      Il suffit de zapper , au bout de 4 secondes.!

      Quand l’ABBE Trucmuche nous sert le B-A/BA de la langue de bois laurento-mélanchonienne, en postulat de son ersatz d’analyse !

      Dans un pays développé, et encore démocratique comme la France, une perspective de progrès s’est ouverte avec le Front de Gauche (FdG). Il est l’amorce d’une union des deux principales couches sociales, ou tout au moins de la plus grande partie d’entre elles.

      Entre nous, ROBERTO..

      Je pense qu’INTERNET a hélas ouvert une"perspective" : le premier mec venu s’en tenant une" sacré couche", peut s’inventer un pseudo et se "palucher" devant son ordi en imitant(inconsciemment) l’Ami Moustic de GROLAND...

      Les voilà devenus philosophes , commentaeurs, politologues
      Ce serait simplement ridicule mais ils se disent "communistes" !
      C’est de la triche

       :)

      Comme le Papy de 82 ans qui "parkinsonne" sur son ordi, en "tchatant" sur un site de rencontres, pendant que Grrmaine est parti traire la Biquette , avant qu’elle lui prépare sa tisane et ses pantoufles, cherchant dans son caleçon de flanelle ou abien pu passé son "ex" sexe !

      "Slt, moi, c’est Xavier, DRH de multinationale, 1 m80 72 kgs, yeux verts, brun, trs sensuel et romantique "

      Façon, un instant en espérant , comme les traders, un redressement des biourses,...

      En donnant crédit à la description de son interlocutrice , "latine, lascive, Esthéticienne 170 cm, 52 kgs longs cheveux, yeux noisette 90C.."

       :)

      On excuse ce commentaire, c’est Lundi de pentecôte, et à article rigolo, commentaire con, n’est ce pas ?

      Amitiés

      Le vieux dit A.C

      NB Info perso..

      Comme un con , croyant que Raffarin avait fait de ce lundi une journée "citoyenne" de solidarité , de"travail gratuit INTEGRAL",(aurait dit le Barbu que devrait lire l’ABBE machin, ) j’ai voulu aller me chercher à bouffer:Tout est fermé dans Merignac33700, 62000 habitants !!!!

      Moi je serais adhérent del’UMP., savoir qu’un bossu charentou-poitevin de cette trempe, laisse son idée originelle et originale ..transformée en simple racket d’un jour de salaire,

      ..............cela ne me rassurerait pas qu’il soit du Triumvirat chargé de virginaliser "la boutique" , simple filiale , apprends je, de l’officine de com’, PYGMALION..

    •  ;-) salut Alain finalment pas tres con ton commentaire.... par contre le texte.... ;-))))

    • Merci Roberto,
      Je reconnais ma faute : un peu coléreux sur le moment, texte un peu long.
      Un abbé, surtout Béat, ça cause souvent un peu trop...
      Cordialement.

    • avec un enorme problème d’impagination qui rende la lecture impossible

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