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Au coeur du "ghetto scolaire français"
Publie le lundi 21 novembre 2005 par Open-Publishing4 commentaires
Au coeur du "ghetto scolaire français"
En s’attachant à l’origine des prénoms des collégiens de l’académie de Bordeaux, une équipe de sociologues fournit les preuves de la ségrégation ethnique à l’école. Et propose quelques pistes pour sortir de "l’apartheid scolaire" français.
A l’école des riches et des pauvres se superpose celle des Blancs, des Arabes et des Noirs... Fruit d’une enquête sur le choix des établissements scolaires des familles menée dans l’académie de Bordeaux en 2001, L’apartheid scolaire (Seuil, paru le 7 octobre) démontre comment la fracture scolaire se redouble d’une césure ethnique qui corrode les principes d’un des derniers piliers de la République.
Aucune preuve chiffrée n’avait jusqu’alors dressé le triste tableau de l’école des ghettos. La résistance de l’institution face à une "sorte de tabou", tout comme le respect de l’identité des élèves dans les fichiers "scolarité", obturait l’investigation.
"Il fallut donc ruser quelque peu avec les données disponibles pour établir un fait que chacun perçoit confusément, si tant est qu’il s’intéresse aux questions scolaires : il se crée en France de véritables ghettos scolaires", écrivent les sociologues Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, coauteurs de l’enquête. La ruse consista à croiser l’origine du prénom avec la nationalité des 144 000 élèves de l’académie de Bordeaux afin de construire une mesure statistique de leur origine ethnique et de leur répartition dans les 333 établissements publics et privés de la région.
Le résultat est sans appel : 10% des collèges concentrent 40% des élèves immigrés ou issus de l’immigration. Mention spéciale pour les élèves originaires du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie, qui sont "cantonnés dans des proportions considérables dans les établissements les plus défavorisés" et réussissent notamment moins au brevet des collèges (54,2%) que les autres (80,1%). Innovation sémantique : afin d’éviter l’ambiguïté des termes tels que "français de souche" ou les appellations "faussement branchées" ("Beurs" ou "Blacks"), les auteurs ont préféré utiliser les mots d’"autochtones" (personnes perçues comme étant d’ici) et d’"allochtones" (ceux qui viennent d’ailleurs ou sont perçus comme tels). Le terme d’"apartheid", quant à lui, relève davantage de la stratégie éditoriale que de la rigueur des sciences sociales, car, comme le reconnaissent les auteurs, il n’y a pas de volonté politique de séparation des "races", plutôt "un ensemble de processus sociaux diffus conduisant à une ségragation ethnique forte".
10% des collèges concentrent 40% des élèves immigrés ou issus de l’immigration. Mention spéciale pour les élèves originaires du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie, cantonnés dans les établissements les plus défavorisés. En effet, l’enquête confirme "l’ethnicisation" progressive des rapports sociaux (l’usage des catégories ethniques pour appréhender la vie collective) : "les voisins bruyants deviennent alors des "Arabes du troisième", et l’élève perturbateur au collège un "Black" mal intégré dont les parents ont "démissionné". Derrière ces "univers pacifiés" que constituent ces collèges bigarrés, les tensions interethniques pointent leur nez : "Ca se passe bien superficiellement, mais je pense que, s’il y avait le moindre problème, là ce serait vraiment haineux, on le sent", remarque un professeur interrogé par les enquêteurs. Mais, pour l’instant, "les conflits restent tus, car il existe chez certains élèves français une forte peur des élèves maghrébins", constatent les sociologues.
La culpabilité des adultes peut conduire les enseignants à être "plus cléments" avec les "allochtones", notent les auteurs, en pointant les "effets pervers" d’un certain antiracisme qui se retourne en son contraire et crée une "frustration" et un "fort ressentiment" chez les "petits Blancs", qui s’estiment autant "ségrégués", mais beaucoup moins choyés ou positivement discriminés.
Ainsi, "si le racisme est souvent externe au système scolaire, l’école crée elle-même les conditions de son renforcement, voire de son apparition". En résumé, la "spirale identitaire" prend souvent "chez les "Blancs" le visage du racisme et chez les allochtones, celui d’une revendication exacerbée et conquérante".
Ségrégation urbaine, dérogations, contournements de la carte scolaire, choix d’options rares ou du privé expliquent en large partie cette formation de ghettos scolaires, d’autant qu’un certain "désordre bureaucratique joue contre les plus faibles".
Que faire, puisqu’une "politique urbaine de mixité sociale et ethnique à elle seule ne suffit pas, car elle est toujours contrecarrée par des stratégies de recréation d’un entre-soi" ? Soit supprimer "purement et simplement" la carte scolaire, ce qui permettrait au moins aux élèves des zones urbaines ségrégués "d’être scolarisés dans des collèges qui le sont moins". Soit la "renforcer de manière draconienne" et "interdire tout changement de secteur". Soit, préfèrent les auteurs, mettre en oeuvre une véritable politique volontariste et locale d’éducation sous l’impulsion de l’Etat, auprès des "établissements ségrégués" (nominations des enseignants les plus expérimentés, etc...). On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
Nicolas Truong
Le Monde de l’éducation - Octobre 2005
http://www.histoiresdememoire.org/article.php3 ?id_article=181
Messages
1. > Au coeur du "ghetto scolaire français", 21 novembre 2005, 22:37
Je dirais tout simplement , Monsieur, que vous restez dans vos à priori et que vous ne voulez pas
ou envisager une autre approche de ce probléme et pour moi vous allez à la facilitée sans la détermination d’avancer . Votre exposé devient fatiguant car vous oubliez ceux qui des "Beurs" qui des Black" ont réussi à trouver une vie qui leur convienne. IL est trop facile de donner l’escuse de ses origines pour attendre une facilité bien que je suis d’accord avec vous quant aux préceptes de l’éducation nationale mais pour tous les ADOS qui se retrouvent avec un problème non conforme à la société passée et actuelle qu’il soit vert jaune rouge bref de la couleur que vous voulez, Monsieur, un ado est un Ado.
Nicole
1. > Au coeur du "ghetto scolaire français", 21 novembre 2005, 23:22
Madame,
voici un phrase qui résume l’enquête de Nicolas Truong :
"Le résultat est sans appel : 10% des collèges concentrent 40% des élèves immigrés ou issus de l’immigration. Mention spéciale pour les élèves originaires du Maghreb, d’Afrique noire et de Turquie, qui sont "cantonnés dans des proportions considérables dans les établissements les plus défavorisés" et réussissent notamment moins au brevet des collèges (54,2%) que les autres (80,1%)"
On a la clairement une ghettoïsation de l’Education nationale !
Voir dans ces résultats accablants pour l’école de la République , la recherche de quelconque excuses de la part de ceux qui vivent la ghéttoïsation, c’est montrer énorment de vieux préjugés et s’engluer dans un conservatisme stérile.
Je ne peux pas vous laisser ainsi, au dépourvu. C’est pourquoi je vous fais cadeau de ce proverbe arabe :
graver dans le jeune âge, c’est graver dans la pierre ; graver dans le vieil âge, c’est comme graver dans l’eau.
Mes salutations.
Mohamed
2. > Au coeur du "ghetto scolaire français", 22 novembre 2005, 18:29
BIEN D’ACCORD AVEC MOHAMED...
D’autant plus que c’est la réalité qui revient après un détour, lors d’un débat (au sujet de la laïcité, notamment) ici même, il y a une paire de mois avec un enseignant (probablement au SNES) qui après avoir mis en doute les capacités intellectuelles et culturelles de son interlocuteur, puis protesté de son engagement à gauche, avait quand même dit que des élèves qui ne s’intéressaient pas à l’école on ne devait pas les forcer à y rester (façon de se débarasser du problème qui n’est pas que pédagogique) car ils détruisaient le climat de travail dont avaient besoin les autres élèves... Je ne pense pas trahir la pensée de ce contributeur au débat...
J’aimerais aujourd’hui savoir ce qu’il pense du retour au travail des enfants dès 14 ans (en attendant pire, parce qu’avec ce gouvernement on peut attendre le pire)...
Mais Mohamed montre de manière magistrale et rapide le processus et la nature ségrégatifs actuels du système éducatif et le besoin d’un réinvestissement et d’une réappropriation populaires de l’école. On ne peut pas la laisser fonctionner comme un ghetto et comme une machine à reproduire voir à agraver les inégalités...
L’école ne peut être abandonnée entre les mains des seuls enseignants. C’est une conquête sociale comme les autres et elle appartient à tous. Elle doit être changée avec tous !
NOSE
2. > Au coeur du "ghetto scolaire français", 23 novembre 2005, 16:03
Comme d’hab, Le monde de L’educ fait son tartuffe.
Qu’est-ce que ça veut dire "nominations des enseignants plus expérimentés" dans les établissements-ghetto ? C’est pas déjà assez la caserne comme ça, l’Educnat, pour qu’il faille en plus bafouer le droit qu’on les personnels, qui NE SONT PAS DES ESCLAVES, à choisir leur affectation en fonction d’un barême élaboré AVEC leurs représentants, et non en fonction de ce que voudrait une pseudo société civile ?