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Bari, un "laboratoire" pour Refondation communiste
Publie le dimanche 16 octobre 2005 par Open-Publishing3 commentaires
Italie. Alors que les leaders de la gauche italienne s’affrontent dimanche pour la tête de liste aux prochaines législatives, les communistes ont trouvé dans la région des Pouilles et dans son leader, Nichi Vendola, un modèle séduisant de politique sociale alternative.
de Paul Falzon
"Les socialistes avec Prodi", "Votez Bertinotti" : à Bari comme dans toute l’Italie, les partis de gauche ont couvert les murs d’affiches appelant à participer, ce dimanche, aux élections primaires qui désigneront le leader de l’opposition aux législatives d’avril 2006. La capitale des Pouilles, région du Sud parmi les plus pauvres du pays, accueille ce soir l’un des derniers meetings de Fausto Bertinotti, président du parti de la Refondation communiste (PRC), avant la consultation. "Il est normal de finir la campagne des primaires ici à Bari, confie un proche du leader communiste. Cette ville et sa région, c’est l’exemple à suivre pour le PRC."
Le mouvement social en soutien
Car les Pouilles n’en sont pas à leurs premières primaires. Début 2005, un intense duel pour la tête de liste aux élections régionales du printemps y a opposé un cacique du centre gauche au représentant de Refondation, Nichi Vendola. Contre toute attente dans cette terre catholique ancrée à droite, le candidat du PRC a emporté la bataille à gauche en assumant ses convictions pro-immigrés, antimilitaristes et radicales en matière sociale, ainsi que son homosexualité. Et c’est à une large majorité de suffrages sur son nom qu’il s’est ensuite emparé de la présidence du conseil régional, une première pour un candidat communiste depuis la disparition du PCI au début des années quatre-vingt-dix.
« S’il n’avait pu s’appuyer que sur le PRC, Vendola n’aurait pas gagné, affirme sans détour le secrétaire régional du Parti communiste dans les Pouilles, Nicola Fratoianni. Il l’a emporté grâce au soutien du mouvement social dans toutes ses composantes -associations de défense des droits sociaux et des droits de l’homme, groupes de défense des immigrés, syndicalistes (1) - mais aussi de nombreux individus qui, sans être communistes, ont soutenu son discours proche de leurs besoins. Vendola a montré quest possible de gagner une élection en restant fidèle à ses idéaux de gauche. Mieux, il est en train de prouver qu’il est possible de mener une politique alternative. »
En à peine cinq mois à la tête des Pouilles, Vendola a lancé plusieurs réformes dont les plus importantes concernent la santé, une compétence des régions en Italie. La nouvelle majorité a supprimé, pour les classes modestes, le « ticket » que doivent verser les assurés sociaux quand ils paient leurs médicaments ou engagent des soins. 80 % de la population serait aujourd’hui dispensée du ticket, dont le montant pouvait atteindre pour les personnes âgées et les malades chroniques plusieurs centaines d’euros par mois.
Vendola a aussi remis à plat le Plan de réagencement des hôpitaux lancé par la précédente majorité de droite, un programme très impopulaire qui a entraîné la fermeture de nombreuses structures sur des critères de rentabilité. Sur le plan administratif, il a fait adopter un paquet législatif pour impliquer les communes dans la gestion locale, ainsi que pour lutter contre le népotisme dans une zone gangrenée par la Mafia.
« Toutes ces réformes étaient des promesses de campagne : Vendola les a respectées dès son arrivée au pouvoir, remarque Davide Carlucci, journaliste à l’édition locale de la Repubblica. C’est une des raisons de sa popularité actuelle. Mais Vendola est aussi un excellent communicateur et un très bon politique, habile à trouver des compromis. Il a su donner une place à tous les acteurs de sa majorité. »
Les chômeurs enfin soutenus
Longtemps hostile à celui qu’ils présentaient, dans la campagne pour les primaires régionales, comme un « radical » utopiste, les partis du centre gauche, qui pèsent la moitié des sièges au sein de la majorité, affichent aujourd’hui leur satisfaction. « Nos relations avec le président sont excellentes, juge le secrétaire régional des Démocrates de gauche (DS), Michele Bordo. Le principal conseiller de Vendola est issu de notre parti, et nous partageons une stratégie et un programme communs pour la région. » Les DS, si timorés sur le plan national, sont même à l’origine au niveau des Pouilles d’un projet de « revenu minimum d’insertion » (2) dont bénéficieraient chômeurs et précaires. Du côté du PRC, on réfléchit plutôt à un « revenu social » qui soutiendrait les ménages pauvres dans leurs frais quotidiens : transport, éducation, culture.
« L’idée serait ensuite d’harmoniser cette aide spécifique aux Pouilles avec des mécanismes comparables dans d’autres régions de gauche, pour combler l’absence de politique nationale sur ces questions », indique-t-on à Refondation. Des discussions sont en cours au niveau des partis et avec les exécutifs voisins, Basilicate, Calabre, Campanie. Dans cette dernière région, le conseil municipal de Naples a déjà créé, il y a bientôt cinq ans, un « revenu citoyen » de 350 euros d’aides diverses pour les familles en difficulté. « En Italie, l’idée qu’une mesure expérimentée localement puisse inspirer l’exécutif national est populaire, souligne un observateur politique local. Sous Vendola, les Pouilles sont devenues ce laboratoire, avec l’espoir d’influencer un futur gouvernement de gauche en cas de victoire aux législatives. » Refondation en profite : Bertinotti obtient, dans cette région où le vote communiste n’a jamais été fort, ses meilleurs sondages pour les primaires de dimanche, avec environ 27 % de soutien contre 22 % en moyenne nationale.
Immigration : contre les centres prisons
Ce rôle d’aiguillon politique, Vendola tente aussi de le remplir sur l’une des questions les plus sensibles du moment en Italie, celle de l’immigration. En juillet, il a été à l’origine d’un forum des présidents de région sur les centres d’accueil temporaire (CTP) destinés aux clandestins. Quatorze présidents, sur les quinze élus cette année, ont signé un document dénonçant les conditions de vie indignes et les violations des droits de l’homme dans ces centres (3). « Une initiative sans précédent, qui ouvre la voie à une coordination avec le gouvernement », espère Alessandro Cobianchi, responsable régional d’Arci, la plus grande association d’action culturelle et sociale d’Italie. L’espoir des défenseurs des droits des immigrés est maintenant que l’engagement des chefs de région qui tous, sauf Vendola, appartiennent au centre gauche, contraindra Romano Prodi, probable successeur de Silvio Berlusconi, à fermer les CTP.
(1) Indépendants des partis politiques, les syndicats n’ont pas donné de consigne de vote pour les primaires, régionales comme nationales.
(2) Aucun mécanisme d’aide comparable à notre RMI n’existe en Italie.
(3) Voir l’Humanité d’hier.
http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-10-14/2005-10-14-815955
Messages
1. > Bari, un "laboratoire" pour la Gauche européenne, 16 octobre 2005, 11:27
Comme quoi, dans la période actuelle en Europe, en allant à gauche (je ne parle pas là de surenchère mais de défense basique de la majorité sociale de la population, de la démocratie, des droits de l’homme, etc) , on peut être majoritaire et, cerise sur la gateau, on tire à gauche les forces qui sont sur notre droite.
Ce qui est completement different des politiques menées précedemment qui consistaient à faire sans cesse des concessions sur la droite pour attirer les partis dits sociaux democrates et être majoritaire, politiques qui affaiblissaient concretement le sort des populations.
Je pense là aux alliances destructrices passées du type de celle de la "majorité plurielle" qui ont fait énormement de mal aux travailleurs.
La situation française, bien que differente organisationellement parlant (il y a des organisations d’extreme gauche puissantes et influentes, en terme électoral du moins), est sur le fond comparable (montrant ainsi que les batailles sociales commencent à marcher du même pas partout en Europe face à une politique unique et coordonnée de la bourgeoisie).
C’est à gauche que ça se passe. Aux côtés des interets des travailleurs, des chômeurs et des retraités, aux côtés de la solidarité et des droits de l’homme, ....
Partir de là permet de dérouler plus facilement les alliances, et on trouve sur son chemin d’autres forces qui peuvent s’allier, plus aisement. On pourrait même aller jusqu’à Lutte Ouvrière. Il serait plus aisé ainsi de tirer à gauche le PS...
Et, en sus, il est possible qu’une telle politique ramene à gauche, par sa consistance, des millions de travailleurs et de chômeurs qui s’étaient réfugiés dans la deseperance, l’abstention, voir des votes à droite ou à la social-democratie ces dernières dizaines d’années, qui n’osaient plus bouger dans les grêves, manifs et mouvements sociaux, terrorisés qu’ils étaient par une précarisation sociale renforcée et des partis de gauche qui n’obéissaient plus à leurs interets.
Il ne faut pas se tromper : l’instabilité politique, en termes electoraux du moins, est extreme en Europe parceque les orientations sociales des dirigeants des états de l’UE et les instances de l’UE cognent largement toutes les couches sociales de la classe ouvriere, cadres compris. L’offensive est tous azimuts et laissent des droites agonisantes que seules des politiques suicidaires et à droite des grands partis sociaux-democrates permettent de sauver.
Les directives sur les services vont commencer également, si elles étaient appliquées, à cogner sur des couches sociales qui se croyaient auparavant gagnantes dans la nouvelle UE liberale. Et ça, à très grande vitesse. je pense là, par exemple, aux professions liberales qui auraient pu s’imaginer que la logique du droit du pays d’origine ne s’appliquerait qu’aux plombiers et qu’ils n’étaient pas concernés.
Tout le monde a noté l’incroyable pourcentage d’abstentionistes en Pologne + la politique corrompue et libérale de l’ancien parti de gauche au gouvernement, qui ont permis à la droite de gagner.
La base sociale de la droite ne cesse de se dégrader, comme celle des Partis socialistes... L’union de droite en Allemagne a reculé electoralement, comme le PSD, la poussée significative étant sur la gauche.
L’étroitesse de la base sociale de la pensée unique existe partout en Europe et on peut la dégommer de ses places fortes et des leviers de commande.
Il faut, pour celà, aller à gauche, clairement, dans les politiques menées, comme dans les alliances.
Copas
1. > Bari, un "laboratoire" pour la Gauche européenne, 16 octobre 2005, 21:58
CE qu’il y a de bien avec cette expérience, comme nous dit Falzon, c’est qu’elle est en train de réussir. Elle s’étendra donc à toute l’Italie dès l’année prochaine, lorsque Berlusconi perdra les élections, et ensuite à toute l’Europe, qui aura enfin un exemple de politique et de justice sociales qui fonctionne à se mettre sous l’esprit critique.
Grâce à Vendola, on peut d’ores et déjà considérer que la gauche européenne, le triomphe pouillan aidant, est au pouvoir pour les cent ans à venir !
C’est les medefs qui vont en faire une gueule.
Vive la sociale !!!
2. > Bari, un "laboratoire" pour la Gauche européenne, 28 octobre 2005, 19:17
Sans être aussi enthousiaste que toi je pense quand même que ce genre de gestion combinant le "pouvoir " obtenu a la suite d’élections et le travail avec les associations peut en effet tirer vers la gauche les sociaux démocrates qui en ont bien besoin !
Mais je crains aussi que l’expérience italienne possède des spécificités dont l’existence du PRC avec ses tendances et son histoire particulière que l’on ne peut calquer simplement sur la France par exemple.
Affaire à suivre quand même : les bonnes nouvelles sont rares de nos jours !