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Ces autres Polonais qui agissent pour un monde meilleur...

Publie le mardi 6 juin 2006 par Open-Publishing
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de Konrad Markowski, journaliste au mensuel Rabotnik(Pologne).

Pourquoi le pape Benoit XVI est-il resté muet sur la montée de l’antisémitisme en Pologne ?

Lors de sa visite en Pologne, le pape Benoît XVI a voulu rassembler les Polonais et se poser en digne héritier de Jean-Paul II. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il n’a pas abordé des questions qui auraient pu déplaire au gouvernement de droite et d’extrême droite, à la population et à l’Église polonaise.

Le pape, bien silencieux sur la problématique centrale de l’antisémitisme en Pologne, a sans doute failli à sa mission. Benoît XVI est de tendance conservatrice mais, en comparaison avec la hiérarchie catholique polonaise, il peut quasiment être considéré comme un libéral.

L’Église polonaise est en effet dominée par des fondamentalistes ouvertement réactionnaires (à l’image de Radio Maryja) ou moins extrémistes, comme le sont la majorité des évêques.

L’événement le plus important du pèlerinage de Benoît XVI a été sa visite au camp d’Auschwitz-Birkenau. Le jour de ce voyage, le rabbin de Pologne a été agressé à Varsovie. Selon la police, cette attaque avait pour unique but de donner une mauvaise image de la Pologne à l’échelle internationale.

Les autorités ont préféré reléguer au second plan la dimension antisémite de l’acte. La Pologne n’est pas plus antisémite que d’autres pays d’Europe, d’autant moins que l’antisémitisme a été remplacé par l’islamophobie dans les couches moyennes.

Mais cette agression démontre une fois de plus l’étroite pénétration de ce fléau dans la vie publique, dont le meilleur exemple est l’entrée au gouvernement d’hommes liés aux milieux antisémites, homophobes et antidémocratiques. Ainsi, le plus haut niveau de l’État polonais réunit aujourd’hui trois forces politiques de droite et d’extrême droite.

La principale d’entre elles est le PiS (Loi et justice), qui se présente comme un parti démocrate chrétien, proche de Solidarnosc et plutôt eurosceptique. Son slogan « Pour la Pologne solidaire » est un camouflage car, à côté des quelques miettes accordées à la population pauvre, le gouvernement ne fait que continuer les réformes néolibérales d’abaissement des impôts sur les entreprises, de diminution des budgets sociaux, de dérégulation du marché du travail.

Autodéfense est la seconde force de la coalition. Ce parti populiste a pour unique programme électoral le pouvoir et pour seul atout son leader, Andrzej Lepper. La Ligue des familles polonaises est la plus extrémiste de ce gouvernement. Son leader, Roman Giertych, a obtenu le poste de ministre de l’Éducation.

Il a milité, comme beaucoup de ses collègues du gouvernement, dans l’organisation d’extrême droite la Jeunesse polonaise. Celle-ci s’est battue contre les manifestations des homosexuels et contre les piquets de grève tenus par les organisations de gauche.

Mais de cet accroissement inquiétant de l’influence de l’antisémitisme en Pologne, le pape n’a rien dit. Peut-être ne souhaite-t-il pas se mettre à dos les catholiques polonais, qui soutiennent assez ouvertement ce gouvernement populiste, comme Radio Maryja par exemple...

N’oublions pas que le PiS, qui a formé cette alliance gouvernementale, se présente comme un parti chrétien. Pour Benoît XVI, il convient sans doute de ne rien dire de ces évolutions inquiétantes afin de ne pas contrarier des soutiens indispensables pour gagner les cœurs des Polonais, tout acquis à son prédécesseur Jean-Paul II.

La gauche sociale-libérale ne se distingue pas de cette droite extrême par son humanisme. Elle a en effet poussé la Pologne à soutenir les États- Unis en Irak et a privatisé l’économie nationale contre l’avis de la majorité de la population. Elle souhaite utiliser le mouvement grandissant des écoles et universités contre le ministre de l’Éducation, sans chercher à résoudre les véritables problèmes sociaux qui touchent les couches populaires polonaises.

La gauche sociale suit une tout autre démarche politique puisqu’elle prépare le 24 juin une manifestation nationale à Varsovie dont le mot d’ordre est « Pour l’école laïque, l’université gratuite, l’État social ». La trêve des conflits sociaux due à la visite du pape est donc terminée.

Ce 24 juin, la grève générale est attendue dans les métiers de la santé, les mineurs se mettront eux aussi en grève. Benoît XVI parle d’un monde meilleur dans l’abstrait, sans volontarisme, sans joindre les actes à la parole. Des Polonais préfèrent combattre et agir pour un monde meilleur. Ici et maintenant.

http://www.humanite.fr/journal/2006-06-03/2006-06-03-831121

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