Accueil > Chroniques citoyennes (5) : Se tuer à la tâche
Quand M. Leroy est entré dans l’usine de transformation des métaux de Forbach en Moselle ce 12 août 1991, il ne se doutait certainement pas que cette mission d’intérim allait l’obliger à passer les 16 ans qui lui restait à vivre à combattre à la fois le mal qui le rongeait et l’incommensurable vénalité des hommes.
En effet, brûlé à prés de 60% aux deuxième et troisième degrés, sa vie s’est achevé dans un énième hôpital après tant et tant de souffrances endurées. Tout cela parce qu’un ordre est un ordre et que ce jour là, il fallait intervenir sur cet accélérateur de particules. En l’absence de formations et d’informations préalables (le temps c’est de l’argent !), avec ses 2 collègues, M. Leroy ne pouvait se douter de la dangerosité de la manœuvre. M. Leroy est mort, le PDG de l’usine et le responsable de l’agence d’intérim, tous deux condamnés ont bénéficié d’une grâce présidentielle comme pour un simple PV.
Quand M. G…. agriculteur utilisait des herbicides, fongicides et autres insecticides sur les conseils de sa coopérative céréalière qui lui fournit aussi les plants et graines pour son exploitation, il ne se doutait pas qu’un cancer l’emporterait en si peu de temps, à l’orée de sa retraite. Il n’avait jamais fumé et il menait une vie de grand air et de travail avec des journées bien remplies qui lui laissait le temps de participer à la vie associative de son bourg de campagne. Il rejoignait ainsi le funèbre cortège des 2800 décès annuels pour 15 à 20 000 cas recensés dans le monde agricole suivant les dernières estimations contradictoires*. La firme Bayer continue de proposer ses produits, même si les pictogrammes sur chaque emballage renvoient à des précautions à prendre.
Les bénéfices de cette entreprise sont en fortes hausses en 2006 tant dans son secteur phare de l’agroalimentaire que dans son secteur florissant des médicaments.
Quand M. R… a appris que ses mains rugueuses le trahissaient en montrant les tâches brunâtres à son médecin, il ne pouvait se douter que 20 ans de chantier s’arrêtaient net. Habitué au béton par tout temps, cet artisan maçon de 40 ans venait de comprendre qu’il allait devoir se reconvertir si le « crabe » lui en laissait le temps. Il comprenait mieux maintenant ses douleurs aiguës qui parfois lui vrillaient les doigts et qu’il mettait sur le compte d’une quelconque crampe. Les Ciments Lafarge ont bien indiqué sur chaque sac la dangerosité du produit. L’action du cimentier a augmenté de 4,65% depuis le 1er janvier.
« Se tuer à la tâche » n’est finalement qu’un privilège dévolu à ceux qui travaillent.
* http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=1705
Le 27 mars 2007
Démocrite