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Cinquante ans après, la guerre d’Algérie reste un sujet d’embarras pour le PCF

Publie le vendredi 29 octobre 2004 par Open-Publishing
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de Caroline Monnot

Le Parti communiste français organise, jeudi 28 octobre place du Colonel-Fabien à Paris, une soirée à l’occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire du 1er novembre 1954, date du début de l’insurrection en Algérie. Le PCF peine encore à se pencher sur son histoire algérienne. Deux vérités bien distinctes s’entrechoquent.

La première est celle des historiens, qui montrent une direction du PCF extrêmement prudente vis-à-vis de l’insurrection armée et du fait national algérien. L’autre celle du vécu et de la mémoire militante communiste de base, qui a d’autant plus le sentiment d’avoir été parmi les rares à la pointe du combat anticolonialiste que c’est ce récit qui en interne a primé.

Dans cette perception, les saisies à répétition de l’Humanité pour ses dénonciations de l’usage de la torture, les manifestations pour "la paix en Algérie", les figures d’Henri Alleg, de Maurice Audin, les morts de Charonne - ce que l’historien Benjamin Stora appelle le "patrimoine sacré" - l’emportent sur le soutien jusqu’en 1956 à l’Union française, le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, les louvoiements vis-à-vis de la revendication d’indépendance.

Ce choc des vérités fait tout l’intérêt de la soirée du jeudi 28 octobre. Interpellé par ses vieux militants, le PCF a mis en place en 2001 un groupe de travail sur "les communistes et la guerre d’Algérie". Le 8 juin 2001, Roland Leroy, ancien directeur de l’Humanité, avait pris les devants. Dans un entretien qui demeure l’introspection la plus aboutie du PCF sur sa politique vis-à-vis de la question algérienne, celui qui fut jeune député communiste en 1956 estimait que le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet était une "erreur d’appréciation". Et reconnaissait que, au-delà de la faute tactique, ce vote "touchait à quelque chose de plus profond qui avait à voir avec la stratégie politique du parti communiste à l’époque".

Dans le discours qu’elle devait prononcer jeudi soir, la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, montre que la guerre d’Algérie reste un sujet d’embarras important pour son parti. En 1954, "les forces politiques qui appellent alors à maintenir l’ordre contre le mouvement national algérien (...) prennent appui sur un sentiment populaire majoritaire", explique Mme Buffet. Elle affirme, dans la foulée : "Seul le PCF (...), marqué par un combat anticolonial identitaire, est engagé dans le mouvement qui conduira à l’indépendance."

Des forces politiques, certes très marginales (pivertistes, trotskistes, libertaires), avaient toutefois pris position, dès 1954, pour l’indépendance. Ensuite, la direction du PCF ne s’est pas vraiment engagée en 1954 dans un mouvement vers l’indépendance : la ligne officielle du parti est restée pour deux ans encore le soutien à l’Union française.

En revanche, pour la première fois, est évoquée par un numéro un du PCF l’existence d’"actes individuels" de militants, sous-entendu allant plus loin dans l’engagement que la ligne du parti de l’époque et donc en marge de celui-ci. "On ne reconnaît pas assez cette multitude d’actes politiques effectués individuellement ou au nom de la direction du PCF pour la solidarité, la justice et pour les droits du peuple algérien", déclare Mme Buffet.

Evoquant l’action de ceux et celles qui s’engagèrent pour aider personnellement le FLN, elle indique : " Je sais combien celles et ceux qui avaient fait ce choix se sont sentis abandonnés." Pour autant, Mme Buffet estime que si "un recul critique est toujours nécessaire"," notre parti ne doit ni mythifier, ni dénigrer ce qui a été fait". Evoquant le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, le mot erreur ne figure pas dans son intervention. "Si le contexte politique du moment (...) a pu justifier ce vote, il en reste cependant un geste difficile à assumer", indique-t-elle.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-384877,0.html

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