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Comment garantir le pluralisme de la presse ?

Publie le mercredi 21 juin 2006 par Open-Publishing

de Caroline Constant

Syndicalistes, patrons de presse, observateurs de l’éducation nationale ont posé les grands enjeux des journaux de demain.

Quel est le rôle des journaux payants dans une démocratie ? Comment assurer leur avenir, lorsque les concentrations dans la presse quotidienne nationale comme régionale ne cessent de démontrer leur fragilité ? Pour discuter du « pluralisme, coeur de la démocratie », François d’Orcival (président de la Fédération nationale de la presse française et du SPPMO) et Francis Morel (président du Syndicat de la presse parisienne), ainsi que Michel Muller (secrétaire de la FILPAC CGT), Françoise Sampermans (Graines de citoyens), Benoît Menu (Centre de liaison de l’enseignement et des médias), Daniel Panetto (Union nationale des diffuseurs de presse) et Michel Diard (SNJ CGT) se sont retrouvés, samedi après-midi, à l’Humanité.

Tous ont noté le « côté absolument indispensable de la presse écrite », comme Francis Morel. « La radio annonce, la télé montre et la presse écrite explique », résume Benoît Menu. « Il n’y a pas de vie démocratique sans presse écrite. L’information, on l’a partout : à la radio, à la télévision, sur Internet, et même sur les portables. Mais la réflexion et la mise en perspective de l’information ne peuvent se faire que dans la presse écrite », renchérit Francis Morel. « Le point essentiel qui nous rassemble, c’est le débat politique : la presse parisienne et d’opinion écrit des papiers politiques. C’est le premier défi de la presse écrite, mais c’est aussi celui de la vie démocratique. Cela dit, il ne peut pas avoir d’existence si le débat politique n’est pas vivant et intense », reprend-il. La presse est menacée par le même problème que la vie politique : le rétrécissement de son audience, en particulier chez les jeunes, explique le président de la FNPF. Michel Muller, lui, s’inquiète : « Avant France Soir et Libération, d’autres titres ont disparu. Aujourd’hui, ça fait d’autant plus mal que ceux qui restent, c’est le noyau dur. »

Les intervenants, sur le constat, sont assez d’accord. Premiers incriminés : les journaux gratuits, qui captent la publicité, source de financement traditionnel de la presse. D’autant, souligne François d’Orcival, que les générations les plus jeunes sont habituées à l’information gratuite sur de nouveaux supports. D’ailleurs, notent Françoise Sampermand et Benoît Menu, le peu d’attrait des jeunes pour la presse quotidienne écrite expliquerait, aussi, en partie, les difficultés des lectorats à se renouveler (1 % déclarerait la lire, d’après la représentante de Graine de citoyens). Michel Diard, du SNJ CGT, met justement en cause les lignes rédactionnelles des journaux : alors que TF1 « essaie d’avoir le public le plus large possible », un quotidien, au contraire, doit se recentrer « sur les attentes de son lectorat », alors que depuis des années les lignes éditoriales, justement, sont floues. La distribution en kiosques, le manque de structures adaptées pour distribuer les journaux ont aussi été mis en cause par Daniel Panetto.

Du coup, on en arrive à un sacré paradoxe, souligné par Michel Muller : « Un journal peut disparaître en gagnant des lecteurs », tant les coûts sont lourds et les restructurations importantes dans ce domaine. Quelles solutions, alors ? Michel Muller reprend la proposition qu’il avait déjà émise au Conseil économique et social, en juillet 2005 : il faudrait repenser les aides à la presse et les attribuer « aux titres qui en ont vraiment besoin ». En tout cas, « il faut revoir l’architecture des aides à la presse ». Il propose de créer un fonds pour la presse en taxant la publicité télévisée et les journaux gratuits, à l’identique de ce qui se fait dans le cinéma, « et qui permet de financer les grosses productions comme les films d’auteur ». Il faudrait aussi, selon François d’Orcival, que l’État « accepte de défiscaliser les journaux qui deviennent bénéficiaires », à l’instar des jeux vidéo ou de la musique. Et qu’il valorise, aussi, les actions promotionnelles qui permettraient aux journaux de survivre. Parce que les journaux ont un problème : ils verrouillent les budgets promotionnels quand ils sont en difficulté, alors que cette promotion assurerait leur développement et leur survie ».

Autre préoccupation notée par plusieurs intervenants : il faut élargir le lectorat, sans perdre la base d’origine. Lorsque des adolescents, interrogés par le CLEMI sur leurs habitudes de lecture, déclarent : « Le quotidien, c’est chez nos grands-parents », il y a du souci à se faire. Ce qui nécessite, pour nombre de titres, une réflexion sur la ligne éditoriale. « Il faut se mettre d’accord sur ce que doit être un quotidien qui participe au débat d’idées et au débat démocratique », lance Michel Diard. Parce qu’une France avec un titre unique, à l’allure où vont les concentrations dans la presse, ça reste du domaine du possible.

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