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Coolitude - Destruction d’un lieu de mémoires à La Réunion
Publie le mercredi 7 mars 2007 par Open-PublishingBonjour.
Permettez-moi de signaler cet article
Unissons nous contre la destruction du patrimoine culturel réunionnais
Témoignages.re
paru dans Témoignages de ce jour, et de vous proposer ma réaction.
Avec mes remerciements anticipés,
Khal Torabully
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Madame, Monsieur,
Vous appelez les Réunionnais à protester contre la destruction d’un
monument pouvant servir de liant entre les parcours et histoires des
réunionnais de diverses origines. Permettez-moi de signaler que cela
dépasse le cadre strict de votre île qui a vu se recontrer les humanités
que vous signalez, humanités qui de nos jours, se connectent dans leur
désir d’histoire, et ce, par-delà les frontières.
Tout d’abord, je tiens à souligner le fait que j’approuve votre
approche qui consiste à considérer l’histoire hors des cloisonnements
ethniques ou idéologiques et comme référents d’un récit à partager, en
écho à la praxis de Paul Ricoeur, comme je l’avais exposé dans mon
article paru dans Africultures (N° 67, publié le 15/06/2006), plaidant
pour un dialogue entre les mémoires de l’engagisme et de l’esclavage.
Cette exigence n’est pas étrangère à celle d’un travail de mémoire,
que je préfère de loin à un "devoir de mémoire", car il répond à un impératif de dignité
doublé d’un part-pris d’utiliser les rémanences historiques comme des
outils de construction par-delà les clivages ou blocages stériles.
Cela ne signifie nullement un gommage de faits spécifiques, comme dans
le cas précis que vous portez à l’attention des lecteurs de
Témoignages. Il s’agit, comme vous le faites de bon aloi, d’opérer une
mise en relation entre des mémoires que l’historiographie a souvent
séparées, voire, opposées. Cela ne signifie pas, non plus, que chacune
ou chacun ne doive assumer ses responsabilités, au vu des faits et des
informations démontrant des situations criminelles ou abusives, afin
d’avancer en posant des leçons et des actes concrets, débarrasés de
lectures exclusives, coupables.
Je tiens à signaler que cette perspective transcommunautariste a
alimenté le cahier des charges de l’Unesco en amont de son classement
de l’Aapravasi Ghat à Maurice en 2006, car ce lieu a accueilli le
coolie africain et l’engagé d’Asie, et il était essentiel, dans
l’esprit de la coolitude, de favoriser ce travail de mise en relations
dans un lieu ouvert à la diversité des faits historiques. J’ai abondé
dans cette démarche car Maurice a aussi besoin de "marqueurs
historiques" d’un nouveau genre, qui ne se contentent pas de signaler,
par des traces empilées les unes sur les autres, ou les unes à côté
des autres, des récits multiples, souvent coupés les uns des autres.
Comme La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Fiji,
l’Afrique du Sud... l’heure des "chocs des identités" impose de les
relier pour mieux saisir un paysage humain fait de la diversité
intrinsèque des parcours.
Aussi, je regrette comme vous l’ablation de ce lieu de mémoires.
A l’heure où les pays revendiquent un passé, au devant des
accélérations des histoires mises en présence, et parfois, en
concurrence, le cas que vous soulevez mérite que l’on s’y arrête, car
il est impensable de rendre à la poussière les traces des récits à
conjoindre pour un meilleur vivre ensemble.
Avec vous,
Khal Torabully