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DE RARES NOUVELLES DE LA GRANDE ILE .

Publie le jeudi 16 février 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

MADAGASCAR

Marasme et instabilité

Tous les économistes observateurs, étrangers comme nationaux sont unanimes : l’économie malgache se trouve dans une situation critique. Les chiffres en cascades publiés ici ou là en témoignent, ils dénoncent que 74% de l’ensemble de la population malgache vit au-dessous du seuil de pauvreté, et 60% de cette population "vit dans un état de pauvreté extrême".

MADAGASCAR

L’inflation qui approche les 30% l’an, la dépréciation de la monnaie, la flambée du prix du pétrole sont autant de facteurs qui maintiennent les Malgaches dans une pauvreté durable. Dernièrement, au début de cette année, le président Ravalomanana a annoncé une augmentation du salaire des fonctionnaires de 12%, qui atteint ainsi un minimum de 521.000 Fmg (Francs malgaches - NDLR) par mois. De son côté, le secteur privé vient de décider d’augmenter le salaire minimum des salariés, qui passe de 253.062 Fmg à 282.930 Fmg, soit environ 21 euros.

James Bond, le représentant permanent de la Banque mondiale à Antananarivo, note que "le niveau de vie des Malgaches fait du sur place". Il regrette par ailleurs, au plan économique, que les investisseurs étrangers soient plutôt réticents à travailler à Madagascar, vu la lourdeur des démarches administratives qui freinent leur installation. Mais l’instabilité politique n’est-elle pas aussi une raison du désintéressement des investisseurs étrangers ? Les récents événements donnent à l’entendre :
Le désaccord entre les chefs d’institutions, notamment le président de la République et le président de l’Assemblée nationale, Jean Lahiniriko, a éclaté au grand jour. Le président Lahiniriko est interdit de parole sur les médias officiels, et une manifestation organisée par l’Assemblée nationale, à Fianarantsoa, n’a pas été autorisée. On murmure même, que “ordre” a été donné afin que des dossiers compromettants soient “trouvés” pour faciliter la destitution du président Lahiniriko.

De grosses pointures de la scène politique malgache, MM Herizo Razafiniahaleo du Parti Leader Fanilo et ancien ministre ; Roland Ratsiraka, maire de Toamasina, du Mouvement TTS et Ramaromisa du WSV sont montés récemment au créneau. Sur les écrans et les ondes de télévisions, et radios privées, ils ont tous les trois "soulevé un lièvre" de taille. En effet, le Gouvernement vient de décider que l’élection présidentielle aura lieu en 2007 au regard des délais impératifs prescrits par la loi fondamentale. Cela signifie que Ravalomanana n’a pris officiellement ses fonctions de président de la République que le 6 mai 2002.

Ainsi, la “première” prestation de serment du 22 février 2002 n’aura été qu’une vaste fumisterie. Un "véritable coup d’état", affirment ces hommes politiques. Quid des décrets et autres décisions prises par Ravalomanana et son équipe entre le 22 février et le 6 mal 2002 ? M. Ramaromisa, autrefois fervent partisan de Marc Ravalomanana et conseiller spécial éphémère du président, a même avoué que l’actuel Premier ministre avait été désigné à son poste contre l’avis de la Communauté internationale, qui avait mandaté l’OUA pour dénouer la crise malgache et normaliser la situation (Dakar I et Dakar II). Les retombées de la présidentielle de 2001 sont loin d’être enterrées, car le 27 janvier 2006 était attendu le verdict de la Cour d’Appel suite à la comparution de militaires accusés d’avoir "soustrait frauduleusement entre février et mai 2002, des explosifs au préjudice du Ministère de la Défense" qui auraient été utilisés pour détruire des ouvrages d’art.

Les accusés avaient exposé à maintes reprises devant les juges qu’ils avaient agi sur ordre de leurs supérieurs hiérarchiques et que des officiers supérieurs du camp de Ravalomanana auraient commandité la destruction de ces ouvrages. Ainsi, des questions fondamentales ont été soulevées, sans aucune réplique ; ni de la Présidence, ni de la Primature. L’instabilité politique chronique actuelle ne fait qu’apporter un frein supplémentaire à la recherche des solutions qui s’imposent, pour faire sortir le pays du marasme ambiant.

Bernard Yves

Marasme et instabilité
Article paru dans Témoignages le jeudi 16 février 2006

Messages

  • Merci Claude, pour cet article sur un pays africain dont on ne parle que très rarement.
    J’ai passé quelques mois à Fianarantsoa et Antananarivo en 2002 ; c’était au moment des élections législatives suivant la difficile élection de Marc Ravalomanana, et beaucoup de Malgaches étaient dubitatifs quant à l’amélioration de leur sort après ce changement politique, et ce malgré les promesses du FMI et de la communauté internationale et les très bonnes relations du nouveau Président avec les USA.
    Il faut dire que la Grande Ile, perdue dans l’Océan Indien, en pleine catastrophe écologique (déforestation massive), sans infrastructures routières ou ferroviaires, sans gaz ni pétrole, n’intéresse guère.
    Et ce n’est pas les quelques usines de yaourts et crèmes glacées du président Ravalomanana qui peuvent faire vivre toute l’économie !
    Hélène

    • CHERE HELENE ,

      je me suis documenté sur madagascar , pendant mon sejour à la réunion . J’ai été surpris par toutes les actions de solidarité que les réunionnais menent au profit de Mada !
      créoles , zoreilles , peu importe , tous se sentent concernés , de l’ecole de danse des avirons qui donne un spectacle , dont la moitié de la recette ira à une ecole , pour acheter des cahiers , des stylos et quelques livres , jusqu’a ces jeunes metro qui partent à mada , sans oublier de remplir leurs valises de medicaments recoltés qui seront remis à des dispensaires , vraiement , meme si nombre de créoles sont d’origine malgache , c’est toute une ile qui pense à sa grande soeur .
      claude de toulouse .

    • Cher Claude,
      Je sais que les Réunionnais se sentent très concernés par le sort de la Grande Ile, mais
      qui n’aide pas Madagascar ? Je crois que j’ai vu là-bas la plus grande concentration au mètre carré d’ONGs et d’émanations caritatives des différentes Eglises qu’on puisse imaginer.
      L’ennui est que toute cette aide, apparemment, tombe dans un puits sans fond ou s’évapore en tout cas avant d’atteindre les gens vivant dans une pauvreté absolue, qui forment la grande majorité de la population malgache. Que tout l’argent versé (par la Communauté européenne, entre autres) pour reconstruire les routes, priorité absolue pour qui voudrait faire repartir l’économie du pays, n’empêche pas que les quelques routes soient impraticables une grande partie de l’année (impossible par exemple en décembre de convoyer les récoltes excédentaires de litchis depuis le sud-est de l’île jusqu’au seul port de marchandises (Tamatave), ce qui fait que ce sont d’autres pays qui vendent leurs fruits en occident pour les Fêtes, et que les litchis malgaches pourrissent sur place), etc, etc...
      On pourrait citer, hélas, bien d’autres secteurs en déliquescence complète. Du temps de l’ancien président, on pouvait accuser sa politique calquée sur le socialisme soviétique pour expliquer les maux permanents de Madagascar. Mais il y a maintenant plusieurs années que Marc Ravalomanana a pris le pouvoir : il devait promouvoir une politique libérale en rupture complète avec le passé (avec l’aide, j’imagine, de conseillers étatsuniens) qui devait rapidement porter ses fruits (et lutter contre la concussion permanente)... Résultat : Madagascar continue de s’enfoncer... On ne peut pas accuser "l’âme" malgache ! Ces gens sont tout aussi intelligents et entreprenants que d’autres... Alors, quoi ? La réponse doit être complexe, et j’avoue que je ne l’ai pas.
      Hélène

    • La réponse n’est pas si complexe que ça : l’actuel président est là pour que ses yaourts lui rapportent du flouze, pas pour que le peuple ait de meilleurs conditions de vie. Le problème est que les peuples du Sud sont très portés sur les calottes de toutes obédiences : cela, pour arriver au pouvoir, le tartuffe laitier la bien compris.

    • Chers amis,

      Heureusement qu’il y a les ONG. Ravalomanana se rend compte qu’un pays ne se gère pas tout à fait comme une entreprise. Lors de sa campagne électorale pour les présidentielles, il ne cessait de répéter que Madagascar serait entre de bonnes mains puisque ses usines l’étaient.

      « Résultat : Madagascar continue de s’enfoncer... On ne peut pas accuser "l’âme" malgache ! Ces gens sont tout aussi intelligents et entreprenants que d’autres... Alors, quoi ? La réponse doit être complexe, et j’avoue que je ne l’ai pas. »

      La réponse doit être complexe, certainement, mais je ne pense pas qu’elle se trouve dans le mélange des genres. Chef d’État est inconciliable avec chef d’entreprise, à mon avis.

      Heureusement aussi qu’il y a le père Pédro. Pedro Pablo Opeka.

      Depuis que ce religieux argentin s’est installé à Madagascar, il y a plus de trente ans, il s’est consacré à l’aide aux communautés les plus pauvres. C’est un grand ami de l’Abbé Pierre.
      Aujourd’hui, les projets qu’il a montés lui permettent de sortir de la misère la plus complète plus de 20 000 personnes dont 9000 écoliers.

      Il faudrait sans doute beaucoup de pères Pédro à Madagascar, mais il faut surtout un président qui ne se préoccupe que des intérêts de son pays et de ses habitants. Comme la plupart des pays africains, Madagascar n’a jamais connu un tel président. Voilà le malheur !

      Durdo REIL

    • Ce n’est pas de curés dont Madagascar a besoin.
      Mais de révolutionnaires qui mettront à bas la propriété privée des moyens de production.

    • Vous connaissez le père Pédro ?
      Apparemment non.

      Je ne suis pas, comme vous, fan de curés. Mais celui-là mérite d’être pris en considération.

      Il souhaite probablement la même chose que vous, mais il essaie de faire tout ce qu’il peut - en attendant mieux - pour que le moins de gens possible meurent de faim, pour que le moins de gamins possible n’aillent se nourrir dans les décharges publiques.

      Votre position est facile à tenir le ventre plein. Les malgaches ont de moins en moins le ventre plein.

      Les français devraient sérieusement méditer sur la question : le MEDEF vide leur ventre progressivement. Un peu plus, chaque jour !

      Durdo REIL

    • Ami Durdo Reil, oui je connais le père Pédro et je l’estime, mais la réponse pour Madagascar, pas plus que pour les autres peuples, n’est entre les mains de la CHARITE mais entre les mains de la JUSTICE !
      Ce n’est pas parce que quelques dizaines ou centaines de milliers de personnes mangent à leur faim grâce aux organisations caritatives, qu’un pays décolle économiquement. Vous vous souvenez du proverbe : "donner un poisson, c’est bien, apprendre à pêcher c’est mieux"...
      Mais toutes ces Eglises et ONG veulent-elles perdre leur pouvoir sur ce peuple et accepter que celui-ci apprenne à se débrouiller tout seul ? Je crois que c’est bien là la question.
      Amicalement,
      Hélène

    • "le MEDEF vide leur ventre progressivement."

      Vrai au sens figuré, faux au sens propre. Le taux d’obésité ne cesse de grimper, et les plus pauvres sont les premiers concernés.

      Se pourrait-il, par extraordinaire, qu’il y ait un lien entre obésité des plus pauvres et substitution de leur conscience de classe par un certain geignardisme larmoyant ?

    • « faux au sens propre »

      Pas si sûr. L’obésité n’est pas qu’une histoire de ventre plein...de nourriture ! Sinon, comment expliquer le fait que chez les petits africains - ou autres - mourrant de faim on ne voit plus que les os et l’énorme ventre ?

      « geignardisme larmoyant »

      C’est ce que dit le MEDEF : « CNE, CPE… acceptez sans geindre. Sinon vous allez devenir obèses ! ».
      Le MEDEF aussi a fait le lien.

      Durdo REIL

    • Amie Hélène,

      Absolument d’accord. L’avenir d’aucun pays ne peut dépendre de la charité.

      Mais en attendant que les consciences se réveillent – le salut ne peut venir que de là – et réclament, exigent même, la justice dont tu parles, on ne peut que louer les gens qui s’emploient à éviter que les plus faibles ne meurent de faim.

      Pedro Pablo Opeka - oublions que c’est un religieux si ça dérange, la religion n’est pas ma tasse de thé non plus - a bien compris qu’il s’agissait d’apprendre aux malgaches à pêcher plutôt que de leur donner des poissons. Dans ses projets, il est avant tout question de constructions d’écoles, d’éducation, de prise en charge des enfants orphelins ou abandonnés et de mise en place de structures fournissant du travail aux plus défavorisés.

      C’est ce qui le différencie de ceux qui cherchent à rendre les gens dépendants ou à les embrigader.

      Amicalement,

      Durdo REIL