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Darcos veut fouiller les cartables

Publie le vendredi 22 mai 2009 par Open-Publishing
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Le ministre de l’Éducation propose de créer une« force mobile d’agents » et de transformer les chefs d’établissements en « officiers de police judiciaire ».
Comment l’UMP replace l’insécurité sur le devant de la scène politique à la veille des européennes, dans l’Humanité des débats de samedi.

Depuis 2002, le thème sécuritaire, si chère à l’UMP, ressurgit à l’approche des échéances électorales avec la régularité d’une hirondelle au printemps. Et à ce petit jeu téléguidé depuis l’Elysée, Xavier Darcos ne donne pas sa part au chien. Il faut dire que - malheureusement - l’actualité des écoles a été généreuse avec lui. Le 15 mai dernier, dans un collège de Fenouillet (Haute-Garonne), une enseignante a été légèrement blessé au couteau par un élève de 5e. Un fait grave et rarissime. Sur lequel le ministre de l’Education nationale surfe grossièrement depuis une semaine, provoquant la consternation du milieu éducatif.

Après avoir suggéré, au lendemain de l’incident, l’installation de portiques détecteurs de métaux à l’entrée de « certains » établissements, Xavier Darcos a repris, jeudi, son accent le plus martial. Cette fois, pour proposer la création d’une « force mobile d’agents » intervenant dans les collèges et lycées « sur des missions de prévention et de contrôle ». Selon l’entourage du ministre, il ne s’agirait pas de policers mais de personnes « formées et assermentées », tels les principales ou les conseillers principaux d’éducation (CPE), susceptibles de constater des délits, de confisquer des armes et « d’opérer des fouilles si nécessaire ». Proposition gonflée qui a suscité, hier, un véritable tollé dans l’opposition et le monde enseignant.

« Ce sont des fausses réponses qui ne traitent aucun des vrais problèmes auxquels on peut être confrontés dans les établissements », peste le secrétaire général de la FSU, Gérard Aschieri. Même son de cloche chez les lycéens de la Fidl ou encore auprès d’ Hervé Villeneuve, le responsable FCPE de Fenouillet. A ses yeux, l’idée de Xavier Darcos n’aurait « évidemment pas » permis d’éviter l’agression de la professeur de maths. « L’agresseur était un petit garçon tranquille de 13 ans, et nous étions à mille lieues de penser qu’il aurait pu apporter une arme à l’école et passer à l’acte. On ne peut pas contrôler tous les cartables de tous les élèves, dans un établissement de 634 élèves… »

Inutile et inapplicable. Voilà donc comment est résumée la proposition de Xavier Darcos. Mais qu’importe, doit penser le ministre. À l’évidence, celui-ci prend un malin plaisir à noircir le tableau des violences scolaire.
Depuis deux mois, il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne parle de « sanctuariser » les établissements, de les protéger du « phénomène » des bandes extérieures, d’installer de la vidéosurveillance, de surprendre ces élèves armés jusqu’aux dents… Un discours anxiogène à rebours de la réalité des chiffres qui montrent, au contraire, une certaine stabilité de la violence scolaire depuis 1993.
D’après les derniers résultats de l’enquête nationale Sivis (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire), en décembre, seul 1,2 % des faits de violence grave à l’intérieur des établissements scolaires sont commis avec arme blanche et 0,1 % avec armes à feu. Les agressions à l’arme blanche dirigées contre les enseignants sont, elles, tout aussi exceptionnelles. Depuis 2007, on en recense une dizaine (cinq depuis janvier 2009), dont l’une avec une paire de ciseaux et une autre avec le contenu d’un extincteur. Des chiffres bien modeste au regard des 4,5 millions d’élèves qui fréquentent quotidiennement un collège ou lycée en France.

« Mais à chaque fois qu’un fait divers de ce type se produit, ça génère un fort intérêt médiatique qui fait croire, à tort, à la banalisation des violences les plus extrêmes », souligne le chercheur Eric Debardieux, président de l’Observatoire international des violences scolaires. En revanche, cette focalisation, plus ou moins orchestrée, masque ce qui constitue l’essentiel de la violence en milieu scolaire : les incivilités, les conflits entre élèves, notamment les bagarres, et les agressions verbales.

Un phénomène quotidien et problématique sur lequel le ministre se garde bien d’intervenir. Paur cause. « Seules des mesures éducatives de prévention et de dialogue avec les élèves et leurs familles sont adaptées, note le SNES-FSU. Or, les personnels de l’éducation nationale peuvent de moins en moins assurer leurs missions éducatives du fait des 30 000 suppressions d’emplois réalisées depuis trois ans. » Et il y a fort à parier que les 17 à 18 000 suppressions envisagées pour 2010 n’arrangeront pas la situation…

Laurent Mouloud

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