Accueil > De la liberté d’expression parlons-en !
de Yahyaoui Mokhtar
Il y a deux ans à l’occasion de la tenue du sommet mondial de la société de l’information (SMSI) en Tunisie, une autre action dans ce sens a réussi à attirer l’attention du monde entier sur la situation dans notre pays. Huit représentant de la société civile et de l’opposition démocratique, dont j’ai fait moi-même partie, ont observé une grève de la faim d’un mois pour protester contre l’absence de liberté d’expression en Tunisie exigeant la levée de tous les entraves à sa réalisation par libération de tous les prisonniers d’opinion et la reconnaissance du droit à la libre association.
La mobilisation que cette action a réussi à entraîner, n’a pas pu être sauvegardé et imprégner d’un élan ascendant. La majorité a préféré opter pour une stratégie de front politique opposée au pouvoir en place et destinée à le remplacer pour mettre eux même en application leurs revendication. J’été le seul des grévistes à me dissocier publiquement de cette stratégie, de part son manque de réalisme, elle revient à mettre la charrue devant les bœufs. Aujourd’hui nous nous trouvons dans des conditions encore plus détériorés, une société civile totalement soumise à la tutelle du parti et les rares ONG qui ont pu existés sont tous bloqués alors qu’on commence à se poser la question sur l’utilité de l’opposition face à un pouvoir qui a doublé d’autoritarisme et dont le caractère despotique totalitaire ne laisse plus personne indiffèrent.
Il y a dans l’histoire des luttes démocratiques pour les liberté en Tunisie depuis son indépendance ces dernier cinquante ans une incohérence évidente dans le classement des priorités qui peut expliquer le secret de leurs échecs répétés. Entre la conscience de la profondeur et de l’endurance nécessaire pour assoire définitivement les valeurs démocratiques et des libertés publiques dans notre paysage politique et dans ses rapports avec la société et les ambitions irrésistibles et pressés au sein de l’élite à se substituer aux titulaires du pouvoir, les ambition de ces derniers ont à chaque fois remis en question les acquis des premiers. Nous constatons d’autre part que dans les rares intervalles d’ouverture et d’apaisement politique que notre pays a connu la liberté d’expression à pu s’exercer et produire l’essor de grand organisation de la société civile affichant une nette autonomie vis-à-vis du pouvoir. Aujourd’hui la méfiance des tunisiens de tout ce qui a trait à la politique s’explique par cette tradition réformatrice qui à donné depuis plus d’un siècle auparavant la priorité à l’action associative et syndicale comme moteurs de réforme que les politiques n’ont fait que bloquer ou cherché à confisquer.
Espace de prédilection de militantisme et d’altruisme ces organisations ont étés les véritable espaces de libertés et de débat contrairement aux partie que les luttes intestinale de clan et la tradition de clientélisme n’ont consacré qu’une piètre tradition d’égoïsme et de tyrannie fondée sur l’épuration et la subordination. C’est ainsi qu’il est autant difficile de mettre en question la politique du pouvoir que celle des partis. Les mêmes pratiques se sont manifestées des deux cotés, manque de transparence, allergie à la critique et absence de rotation sur les responsabilités. La liberté d’expression ne fait pas seulement peur aux hommes de pouvoir mais autant aux chefs de l’opposition.
Les conséquences de cet état de fait, sur l’instauration d’un climat propice à la liberté d’expression, ne sont certainement pas égales des deux cotés, mais ne pas le signaler revient à prendre parti et à politiser un débat qui a intérêt à se mettre au dessus de toute appartenance ou parti. Il s’agit plutôt d’appréhender une élite qu’elle soit au pouvoir ou non et dont on ne peut pas dire qu’elle prêche par modestie ni qu’elle est consciente totalement du poids qu’elle est en train de peser sur sa propre société au point de la suffoquer.
La liberté d’expression tend avant tout à donner voix à ceux qui ne l’ont plus tellement leur avis est négligé. « La liberté d’expression est la matrice de toutes les libertés »[1] la place qu’occupe la liberté d’expression dans tout processus d’évolution vers une société libre et émancipée comme dans tout système démocratique n’a plus besoin d’arguments. C’est plus qu’une priorité, un préalable à tout changement.
En Tunisie, au terme d’un demi siècle de dictature politique, la liberté d’expression à du mal à trouver son sens propre au sein de l’opinion publique. Pour la majorité la liberté d’expression est encore associée au délit de sédition[2]. Exclus du champ politique et de la participation effective dans la gestion de la cité les tunisiens ont de plus en plus tendance à ne concevoir la liberté d’expression que dans sa fonction de dénoncer cette exclusion. Cela produit une torsion dans le concept lui-même qui le réduit dans l’esprit des gens comme l’apanage d’une minorité d’opposants, contestataires déclarés du régime en place dont rares sont aujourd’hui prêt à payer le prix qu’ils ont du payer ni prétendre aux protections dont leur notoriété les font bénéficier. Cette réalité à fini par arranger la dictature qui s’est apprivoisé à se nourrir de leur discours incendier en arme de dissuasion intérieure et comme argument de manque de crédibilité face aux étrangers.
Cette fausse compréhension qu’une certaine opposition aussi clientéliste que la dictature participe à sa diffusion n’est pas à même de faciliter une véritable mobilisation pour la liberté d’expression. On a avant tout besoin de dissocier entre le sens de la notion de liberté d’expression et celui du contenu qu’elle peut produire comme discours.
L’article 8 de la constitution ne donne à la liberté d’expression qu’une citation laconique dans une série d’énumération de liberté conditionnée par les lois réglementant leur exercice : « Les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi. » en pratique le loi à défaut de protéger la disposition d’une liberté vient purement et simplement l’empêcher.
La liberté d’expression est citée à l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme suit : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Chez les juristes la liberté d’expression est définie par « l’absence de contrainte préalable »[3] La liberté d’expression est ainsi l’absence de contrainte exercée à l’encontre d’individus en raison de l’expression de leurs opinions. Promouvoir la liberté d’expression doit ainsi nécessairement dévoiler les contraintes et les appréhensions qui empêchent tout individu de s’exprimer librement…
Yahyaoui Mokhtar Tunis 11 06 2007
[1] - le juge Benjamin Cardozo 1932
[2] - les grecs de l’antiquité avaient frappé de restriction trois type de discours :
– la sédition : critique du gouvernement
– la diffamation : critique des individus
– le blasphème : critique de la religion
[3] - William Blackstone (1723- 1780) Commentaires sur les lois d’Angleterre