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Débat ouvert

Publie le lundi 24 janvier 2011 par Open-Publishing
4 commentaires

La discussion sur le passé glorieux ou tragique de notre mouvement ne cesse pas, s’approfondit au contraire avec le temps. Il semble qu’il soit impossible pour un communiste d’exister sans se positionner vis-à-vis de grands événements comme la Révolution d’Octobre, Stalingrad, la Résistance, la Révolution Culturelle, ou de personnalités considérables (Lénine, Staline, Trotski, Mao, le Che). Pourquoi ? Parce que ces événements et ces personnes caractérisent l’époque où notre mouvement avait atteint son maximum d’influence sur les consciences et sur les événements historiques. La construction du socialisme s’avère une affaire de longue haleine (au moins sur cela Marx s’est trompé) et ces figures conserveront leur actualité tant que le capitalisme existera, tant que la pré-histoire continuera.

Mais dans quel sens devons nous utiliser cette histoire ? Marx nous indique en tout cas la marche à ne pas suivre : faire comme les révolutionnaires de 1848 fascinés par la Montagne de 1793 qui cherchent à rejouer, et qui souvent se déguisent en révolutionnaires plutôt qu’ils n’agissent. Certains se plaisent à me faire jouer le rôle du « dernier stalinien » ce qui dans leur bouche n’est pas un compliment. Ils se trompent : je ne suis pas stalinien, et par contre il y en a beaucoup d’autres, pas toujours où ils s’attendent à les trouver.

Mais si on en revient à l’évaluation du rôle de Staline, certains me demandent pourquoi diable le remettre sur le tapis ? Surtout nous autres communistes français qui n’avons après tout pas participé aux excès de son régime en URSS et dans les pays de l’Est ? C’est se cacher derrière son petit doigt : le PCF a toujours été loyal envers l’URSS, jusques et y compris celle de Gorbatchev, pour son malheur.

Or il faut reconnaitre le fait que dans le monde entier les révolutionnaires prolétariens déterminés, à l’exception de quelques anarchistes espagnols, se sont rangés du coté de Staline quand il gouvernait l’URSS. Et une grande partie des mouvements bourgeois de libération nationale dans les colonies et le Tiers Monde aussi. Et que l’URSS s’est consolidée et a vaincu l’Allemagne hitlérienne sous sa direction, sans quoi il n’aurait pas survécu beaucoup de communistes dans le monde y compris en France. Que nombre d’antistaliniens, à commencer par Khrouchtchev, ont été de son vivant des exécutants fidèles et zélé des aspects le plus répressifs de sa politique. Et que le mouvement communiste n’a fait que décliner depuis la déstalinisation.

Donc nous voilà devant le dilemme suivant : devons nous accepter comme des « dommages collatéraux » les aspects négatifs de ce moment de l’histoire communiste ? Ce serait vraiment d’un niveau d’analyse insuffisant ! Ou devons nous chercher à convaincre, en nous prenant les pieds dans le tapis d’ailleurs que nous n’avons rien à voir avec cette histoire et qu’elle nous cause des remords terribles ? Devons nous tenter d’ajouter aux mensonges il est vrai assez nombreux de la propagande stalinienne un mensonge de plus, qui consiste à dire que Staline n’est pas un communiste (ou pas un « vrai » communiste) ? Je pense que notre mouvement a mal géré son repli idéologique depuis 1960 environ, et qu’il faut reprendre la critique au début :

La critique anticommuniste a raison sur trois postulats :
Staline est un communiste authentique, ceux qui s’intitulent encore communistes doivent assumer et expliquer pourquoi ils le font. Je prétends que ce défi est très facile à relever, et sans provocation ni extrémisme ! Il suffit de savoir ce qu’on veut, la respectabilité ou la révolution.

L’URSS a été une tentative de réaliser une utopie économico-politique qui a échoué. Sauf que pour nous, ce n’est pas l’utopie en elle qui la condamne, au contraire ! Et de plus en plus clairement, c’est le projet économique capitaliste dans son ensmble qui semble une utopie dangereuse.

Et le fascisme s’explique, le tableau de ses effets meurtriers n’exige de la postérité aucun mutisme craintif, aucune sidération. Ce n’est qu’une réaction de panique de la bourgeoisie, face à ce qu’elle appelle le « bolchevisme », terme émotionnel dont le contenu est à peu près le même que celui de « Staline » aujourd’hui, et cette critique, qui a été présentée avec cohérence par Ernst Nolte en Allemagne, est en fait un aveu de la bourgeoisie, qui replace Auschwitz sans mystère au terme de l’escalade criminelle de la contrerévolution.

Donc j’affirme que tous les communistes actuels, s’il était possible par magie de les transporter dans l’époque et les circonstances qui ont vu naître et grandir l’URSS, et la contre révolution fasciste, dans la mesure où ils sont honnêtes et déterminés, seraient staliniens, et sans doute bien plus que moi. J’en viens enfin à ce qui me parait important : les communistes actuels, forts de leur expérience historique inestimable et chèrement acquise par les camarades qui les ont précédés dans la lutte et dont beaucoup maintenant âgés regardent avec désolation l’état de leur parti, ne doivent rien renier de leur passé s’ils veulent avoir un avenir. Ils doivent utiliser l’échec global de l’expérience commencée en octobre 1917 pour corriger leur théorie, mais non pour se replier dans un humanisme inconsistant qui ne permet aucune analyse, ne justifie aucune prise de risque et aucune révolution. S’il s’agit d’être utile aux « gens », pas besoin d’être communiste ! S’il s’agit de relancer la révolution prolétarienne, plus nécessaire que jamais, alors il faut avancer, en refusant d’être enfermé dans une « prison scripturaire », dans les mythes de l’histoire contre-révolutionnaire en contestant point par point tous les procès qui concernant le passé de notre mouvement, et en suivant ces principes :

1) une grande partie des allégations de l’historiographie antistalinienne sont fausses ou exagérées. Soljenitsyne, Conquest, Trotsky ne sont pas des sources fiables, mais des auteurs partisans.

2) dans l’affrontement entre la révolution mondiale et la contre-révolution mondiale, depuis 1914, le camp capitaliste est responsable de crimes innombrables et n’a pas de leçon de morale à donner.

3) Nous éviterons à l’avenir les dérives antidémocratiques, les erreurs et les excès violents en étudiant toute l’histoire de notre mouvement et non en reproduisant les critiques de l’adversaire.

4) Les critiques émanant de mouvements ou d’hommes pseudo-révolutionnaires qui n’ont pas agi (comme celles de Georges Orwell par exemple) sont de peu de valeur, ainsi que celles émanant d’acteurs de l’histoire du communisme qui tentent de couvrir leurs responsabilités, comme Trotski et Khrouchtchev.

Gilles Questiaux, PCF section de Paris XXème, 16 janvier 2010

PS le mot "communisme" doit s’entendre dans ce texte comme "mouvement politique communiste réellement agissant".

Messages

  • 1) une grande partie des allégations de l’historiographie antistalinienne sont fausses ou exagérées. Soljenitsyne, Conquest, Trotsky ne sont pas des sources fiables, mais des auteurs partisans.

    bravo le petit mélange...
    c’est ce qui reste quand on a tout oublié...

    Bien...

    On peut penser ce qu’on veut de Trotsky. Notamment que je pense qu’il a eu des périodes très diverses et de valeur différente, mais la période anti-stalinienne est un progrès de Trotsky, insuffisamment accompli sur le fond mais pas mal.

    Sur la question de la répression et de l’assassinat de TOUS les communistes pratiquement ayant fait la révolution par la nomenclatura hyper-hiérarchisée , il traite correctement la mécanique de la répression et ses contes (ou cauchemars) à dormir debout.

    c’est quoi les auteurs non partisans ? des staliniens ? lesquels ? ceux qui n’ont pas été zigouillés ?

    Quelle histoire raconte-t-on et qui la raconte ?

    Comment des états du socialisme réel sont-ils tombés sans une bataille rageuse de la classe ouvrière ?

    Sur Trotsky...

    Trotsky n’accomplit pas assez une rupture en termes d’analyse de classe sur la question de ce que signifie le stalinisme . Son analyse ne va pas jusqu’au bout des mécanismes qui font qu’une couche sociale issue d’une révolution (issue, car nous l’avons vu, dans les affidés de Staline il n’y aura plus rapidement de communistes qui ont fait la révolution, ils sont passés à la casserole), s’autonomise et exerce une dictature contre le prolétariat, dirige les travailleurs avec les méthodes du despotisme capitaliste dans les entreprises .

    C’est pour ça que TOUTES les bureaucraties ont basculé dans le capitalisme, et aucune n’est (re)devenue révolutionnaire.

    Au fur et à mesure que les forces productives se sont développées dans ces pays de l’est, les bureaucraties n’ont cessé de virer de plus en plus vers la corruption, le népotisme, l’appropriation et le capitalisme...

    Plus la classe ouvrière était grosse numériquement et plus la bureaucratie ne se distinguait de la classe capitaliste.

    Avant la chute du mur de Berlin, déjà, une belle partie de l’économie était privatisée dans plusieurs pays .

    Se chamailler sur Staline est accessoire par rapport à ces phénomènes de fond hyper-hiérarchisés des nomenclaturas dont le destin a été de toutes devenir bourgeoises (une seule exception Cuba).

    Pas une n’y réchappe et ceux de ces pays qui donnaient des leçons à plus rouge que moi tu meurs, sont devenus des managers et capitalistes cravates au vent qui répriment toujours la classe ouvrière , une vieille habitude sur laquelle ils n’ont pas débandés.

    La négation de ces mécanismes est extremement grave car elle empêche de comprendre la source de ceux-ci, leur universalité, leur proximité avec les méthodes de commandement de la bourgeoisie, leur caractère répressif ;

    • Le fait que tu cites un extrait prouve que tu n’as pas tout lu ; tu ne réagis pas à la totalité du texte.

      Tu ne veux pas t’approprier le texte proposé (intellectuellement, s’entend) ; tu ne veux que t’en détacher.

      Par esprit critique ?

    • écoutes je pense qu’il a raison.

      peut être comprendre que les êtres humains ( y compris les prolétaires et les révolutionnaires ( professionnels ? ) ) ne sont pas que des homos econmicus.

      ma dernière lecture est l’interview de Miguel Bensayag qui sert de préface à la réimpression de La servitude volontaire de La Boetie

      autrement plus interessant pour essayer d’entre-apercevoir une des multiples raisons des échecs depuis 150 ans.

      autre chose :

      le capitalisme est un moment de l’histoire ; le socialisme/communisme/anarchisme, bref l’émancipation sociale peut être le prochain moment de la civilisation mais se peut être aussi la barbarie comme prochaine étape.

      rien n’est écrit ; il serait temps de sortir de la gangue chrétienne : le prolétariat n’est pas le peuple élu, les révolutionnaires ne sont pas ses prêtres et le leader tant attendu n’est pas Jésus.

      le capitalisme a mis 700 ans avant de prendre le pouvoir ; il est multi-forme et souple ; il est la vie , actuellement.

      De nouveaux rapports sociaux peuvent apparaitre mais ils ne seront d’abord que tentatives ; c’est en ce seul sens que je te rejoins : l’aventure stalinienne est une tentative qui a très mal fini, mais ce n’est pas une raison pour ne pas l’assumer.

      d’autres tentatives apparaitront tant qu’il y aura des êtres humains pour estimer que tout être a le droit de vivre dignement.

      ces tentatives sont aussi bien des révolutions que des alternatives concrètes ; c’est l’expérimentation et le tatonnement , c’est la vie quoi !

      C’est d’abord sur une attitude éthique que se fondent les ruptures individuelles qui durent tout au long de la vie ; c’est à mon sens ce qui explique la différence entre ceux qui seront révolutionnaires un temps et ceux qui auront la flamme toute leur vie.

      le reste n’est qu’ "enrobage".

      l’autonomie, l’écoute des autres, les moyens en adéquations avec les buts , le refus intransigeant de penser qu’un seul humain ( fusse-t-il Lenine ou Marx ) détienne la vérité , sont fondamentals pour essayer d’éviter une nouvelle aventure destructrice du type stalinien.

    • Le fait que tu cites un extrait prouve que tu n’as pas tout lu ; tu ne réagis pas à la totalité du texte.
      Tu ne veux pas t’approprier le texte proposé (intellectuellement, s’entend) ; tu ne veux que t’en détacher.
      Par esprit critique ?

      en partie oui, car quand on croise des histoires qui mélangent choses justes :

       le capitalisme classique a fait un nombre gigantesque de crimes, de guerres et de malheurs

       en réaction, ce qui fut appelé "communisme" par la bourgeoisie, et socialisme par ses acteurs (les mots ont un sens, et même staliniens, ce que je fus, on n’employait pas le langage de l’adversaire par commodité), fut un système qui doit s’analyser en termes marxistes, en analyse de classe honnête et non en désir d’entretenir une croyance

      J’ai été éduqué à croire qu’il n’y avait que deux histoires, celle de la bourgeoisie des pays impérialistes et celle des glorieux pays socialistes...

      Et puis je fis la découverte qu’il y eut bien d’autres façons de voir les sociétés grandir qui ne furent pas capitalistes et certaines mêmes bien avancées.

      Cette histoire complexe niée et simplifiée à l’extrême, un peu comme de l’iconographie religieuse (dés l’âge de 4 ans le petit Staline défendait ses petits camarades ) s’était écartée completement de la réalité.

      Au fur et à mesure que le souffle révolutionnaire s’épuisait dans les masses, le pouvoir d’une caste s’accroissait, d’une caste ne rêvant que des prébendes de la bourgeoisie.

      Ma petite histoire intervient à l’époque du stalinisme sénile mais encore meurtrier et toujours toujours fumier avec les travailleurs. Je parle bien là du stalinisme de la bureaucratie des pays de l’Est.

      La mort de Staline ne fut bien sur pas la mort du stalinisme comme phénomène historique mais le début d’un deal entre fractions de la nomenclatura afin d’éviter les défauts de l’hyper-hierarchisation de leur caste (qui aboutissait à des liquidations jusqu’au sommet), afin de pouvoir espérer mourir dans leur lit normalement .

      les rejetons de celle-ci dirigent la Russie et se font bronzer le cul sur la Rivierra française, pile poil à l’endroit où les anciens Russes blancs reposent dans les cimetières, après avoir claquer les richesses volées à la Russie.

      Tout ça pour ça.

      Retour à l’analyse des sociétés en termes de classes et de couches sociales agissantes, qui se battent et défendent leurs interets collectifs.

      La question nomenclaturiste traverse l’ensemble des sociétés pré-capitalistes, capitalistes et dites "socialistes".

      Cette question apparait dans la distance qui s’opère entre la propriété des moyens de production par une classe et la gestion concrète de celle-ci par une couche sociale payée à cette fin.

      Je dis cela pour les grandes lignes, mais le phénomène nomenclaturiste est bien la cristallisation d’une couche sociale dotée de pouvoirs élargis aux méthodes de commandement qui sont celles du capitalisme.

      D’ailleurs la bourgeoisie est confrontée elle-même au problème de contrôle de cette couche sociale à la tête de ses entreprises et du seul véritable parti politique qui représente la classe exploiteuse, l’état.

      La bourgeoisie tient en laisse ces commis en permettant un flux permanent entre elle et cette caste, elle lui offre ses filles et les tickets d’entrées dans sa classe (quand leur origine n’est pas de son sein)

      Pour les sociétés des pays de l’Est, le cassage des classes précédentes (aristocratie surtout, féodaux et bourgeoisie) sous les chocs révolutionnaires des masses a aboutit à une situation où une puissante paysannerie, une classe ouvrière minuscule, ont porté un parti aux affaires sans les moyens de controler et d’exercer le pouvoir sur celui-ci.

      Pour les Pays de l’Est qui furent dans l’orbite de ’lURSS après la 2eme guerre mondiale, de puissantes et vieilles classes ouvrières furent là rencontrées, Allemagne, Tchécoslovaquie, et plus concentrées mais plus faibles en Hongrie et en Pologne.

      C’est donc un processus différent. Et ce sont des classes ouvrières pures de ces sociétés que les révoltes par rapport au nomenclaturisme vinrent.
      Très tôt en, Allemagne (là où la classe ouvrière était la plus puissante, en 1953), etc.

      la révolte anti-nomenclaturiste des pays se disant "socialistes" vint d’abord des états à forte classe ouvrière.

      L’écrasement de ces révoltes et révolutions permit alors la marche paisible vers le capitalisme et cette marche fut accomplie par cette couche sociale qui muta en bourgeoisie pour l’essentiel.