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Décret de Noël

Publie le mercredi 28 décembre 2005 par Open-Publishing

À la lutte contre le chômage, le gouvernement, on le sait, préfère la guerre contre les chômeurs. Et dans cette traque sans merci, il ne s’accorde aucun répit. C’est ainsi qu’à la veille de Noël il fait paraître au Journal officiel un décret qui autorise les agents du ministère de l’Emploi chargés de « contrôler » les travailleurs privés d’activité salariée à se faire communiquer non plus seulement les documents dont dispose l’ANPE, mais désormais également toutes les données de l’administration fiscale. « Présomption de fraude », le mot est lâché. Gageons qu’en autorisant le regroupement des fichiers les fins limiers lancés aux trousses des chômeurs ne ramèneront guère d’irrégularités - de l’avis des experts, elles sont de toute façon infimes.

Mais l’essentiel n’est pas là : un pas de plus est franchi dans le climat de suspicion et d’opprobre que la droite veut instiller dans la société à l’encontre des plus pauvres. Ils étaient déjà présumés coupables de fainéantise s’ils n’acceptent pas des emplois au rabais et menacés de perdre leurs indemnités, les voilà aujourd’hui soupçonnés de vouloir abuser des deniers publics ! Survenant quasiment au lendemain de l’accord UNEDIC obtenu par le MEDEF, qui durcit les conditions d’indemnisation, et en ces fêtes de fin d’année, quand les familles touchées par le chômage ressentent plus durement encore qu’à d’autres périodes l’injustice sociale, le décret du 24 décembre apparaît comme une provocation et une injure lancée à des millions de Français.

Alors, quelles peuvent être les raisons, ou plutôt les mobiles, comme on dit d’un crime, qui inspirent le gouvernement ? Elles sont idéologiques et politiques. Dans une volonté de remise au goût du jour des idées les plus rétrogrades, y compris le mythe des classes dangereuses, l’UMP déploie beaucoup d’efforts et moult décrets pour accréditer la thèse qu’il y aurait de bons et de mauvais chômeurs, qu’il faudrait séparer le bon grain de l’ivraie. Et ainsi le chômage de masse ne serait pas uniquement de la responsabilité des patrons. Le tour est joué.

Mais il s’agit aussi pour le gouvernement de parachever un dispositif de mise sous tutelle des chômeurs, engagé dans la loi dite de « cohésion sociale », qu’il serait plus juste d’appeler loi de « coercition sociale ». Et dont l’application ne cesse de se durcir, comme en témoignait déjà, avant la publication du décret scélérat, la circulaire Gaeremynck, publiée à l’automne, sous la signature du délégué général du ministère de l’Emploi, qui vise, en augmentant le nombre des sanctions, dont les radiations, de faire baisser d’autant les chiffres du chômage. Dans ce même esprit, nous avions révélé dans l’Humanité du 8 décembre dernier un document de l’ANPE préconisant un véritable tri sélectif des demandeurs d’emploi, avec l’objectif d’en pousser certains à une rapide reprise d’emploi dans n’importe quelle condition, de multiplier les contrôles, et de laisser d’autres chômeurs sur le bord du chemin. Cette politique de Gribouille n’a rien à voir avec la lutte pour l’emploi, c’est tout juste une lutte pour la statistique.

Enfin, par touches successives, le pouvoir démantèle le Code du travail, en même temps qu’il s’attelle à la mise sous surveillance des salariés et des chômeurs. Le recoupement des dossiers ANPE et des données fiscales, en cas de présomption de fraude, ne constitue-t-il pas une première étape vers un contrôle généralisé au mépris des libertés publiques ? Sous un air faussement décalé, Jean-Louis Borloo ambitionne-t-il de devenir

le Big Brother des sans-emploi ?

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