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Défendre le Livret A

Publie le samedi 1er mars 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

La décision (en date du 10/05/07) de la Commission européenne oblige la France à supprimer le monopole de gestion des livrets A (détenu par La Poste, les Caisses d’Epargne et le Crédit Mutuel).

Cette décision fait suite à une plainte de grandes banques françaises (Crédit Agricole, BNP, etc.) pour obtenir le droit de gérer aussi des livrets A. Elles considèrent que cela leur permettrait d’avoir un produit d’appel, et elles pourraient ensuite proposer d’autres types de placements à cette clientèle (Sicav, assurance-vie, etc. soi-disant plus rémunérateurs). La Commission européenne y est favorable afin que soit respectée la libre concurrence (non faussée ! de sinistre actualité) et que des banques étrangères puissent venir en France pour proposer à leur tour ce service. Le gouvernement français a demandé des "aménagements" de cette décision, mais le gouvernement Sarkozy vient de se coucher devant Bruxelles.

1. Situation actuelle. Le monopole a été établi pour permettre d’une part le recueil de fonds pour financer le logement social et d’autre part pour garantir un intérêt fixe (fixé par l’État) et défiscalisé aux petits épargnants. Les conditions d’accès sont minimes : on peut ouvrir un livret avec 15 € et nombre de personnes qui n’ont pas accès à un compte bancaire se servent de leur livret A comme d’un compte courant avec de nombreuses petites opérations (ce que les banques "privées" refusent de faire). Le livret est plafonné à 15.300 €.

1.1. Que représente cette épargne ? D’après la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC, banque publique) qui rassemble ces fonds collectés, les garantit et les gère, le montant annuel est de 112 milliards d’euros (Md€) en 2006. Ce montant est stable depuis des années et représentait 3 % du patrimoine des ménages en 2001 (en baisse sensible puisqu’il constituait 16 % de ce patrimoine en 1981). 46 millions de personnes possèdent un livret A et les ¾ de l’épargne des ménages est drainée par le livret A.

1.2. Comment est gérée cette épargne ? Des lois définissent les règles de gestion et les lois des finances précisent certains points chaque année : ensemble légal complexe difficile à connaître dans le détail (d’autres études seraient à développer avec des spécialistes). Voici ce qu’on peut retenir en première approche :

• La CDC doit conserver 51 % de l’épargne collectée pour garantir le remboursement des épargnants ;
• 31,4 % sont placés en effets publics et assimilés ;

• 13,7 % sont placés en obligations et assimilés ;

• 2,5 % sont placés en actions et revenus à taux variables.

A noter, que ce sont ces 2,5 % qui rapportent suffisamment d’intérêts pour couvrir le "déficit" du système. Donc l’État joue en Bourse, contribue à la spéculation pour que le système fonctionne, alors que l’État prélève des excédents chaque année ! Ainsi 2,3 Md€ ont été prélevés en 2000 (il faudrait trouver les chiffres pour les années suivantes, mais il n’y a aucune raison de penser que le mécanisme a été modifié…). Sur la période 1984 à 2000, l’État a prélevé 60 Md€ en cumulé… Autant d’argent détourné de son objet principal, le financement du logement social.

1.3. Alors pour quoi le "déficit" ? Parce que les intérêts versés aux épargnants (2,5 %) et les frais de gestion (3 à 4 %) dépassent de quelques pourcents la masse collectée dans la mesure où celle-ci est stagnante depuis des années. (La stagnation est elle-même une conséquence de la création d’autres types d’épargne, les Livrets d’épargne populaire –LEP, par exemple, dont le montant a été multiplié par 5 entre 1984 et 1999, passant de 7,5 à 37,5 Md€.)

2. Les impacts prévisibles de cette décision

Tout d’abord, cette décision européenne va obliger à un travail législatif pour adapter la loi française sur cette question. Le débat doit être suivi et plus il y aura de députés au courant et décidés à protéger l’épargne populaire et le financement du logement social plus il y aura de chances pour que les objectifs de la loi SRU puissent être réalisés (en particulier 20 % de logements sociaux dans chaque commune).

Mais du point de vue l’épargnant, on peut imaginer une position consumériste : je place mon épargne là où les intérêts sont les plus forts… L’argumentation des banques sera vite attractive et les contreparties en seront immanquablement le refus des petites opérations de compte courant (il suffit d’en augmenter les tarifs pour les rendre prohibitives) et l’assèchement des livrets A et donc celui du financement du logement social…

3. Quelle position a cette question dans le processus communiste ?

A noter que ce sont les épargnants populaires qui dans le système actuel mutualisent leurs efforts pour financer le logement social : il est donc bien dans son fondement une solidarité pour permettre à chacun de se loger quels que soient ses revenus, la contrepartie étant un intérêt (aujourd’hui indexé sur l’inflation) garanti par l’État et des services de banque de proximité et populaire à un coût accessible.

Nous pouvons donc considérer que ce système est fondamentalement cohérent avec ce que nous souhaitons voir s’étendre puisque nous considérons que le logement est un droit et qu’un service public du logement passe par la maîtrise de son coût pour les locataires et par un financement collectif et non par les financements privés qui alimentent la spéculation foncière et immobilière.

Nous avons donc à réfléchir sur les moyens concrets que nous pourrions mettre en œuvre afin que ce système soit non seulement maintenu mais développé (les besoins non satisfaits sont considérables).

4. Points à défendre et points à développer
4.1. La position du PCF (2005 et après) :
II. L’accès au crédit comme fondement de nouveaux financements pour une Sécurité sociale du logement.
1. Les causes de l’inflation foncière et immobilière.
• Le rationnement de la dépense publique pour le logement.
• Les efforts réactionnaires pour développer un certain type de propriété contre le logement social.
• Le rôle des banques et de la BCE permettant un crédit facile pour les placements financiers, immobiliers.
2. Un autre crédit est possible.
• La liaison à la bataille pour les FREF et la FNEF : responsabiliser socialement les entreprises.
• Le rôle novateur d’un pôle financier public.
• Des mesures d’urgence.
3. La remise en cause du Pacte de stabilité.
• La relance de la dépense publique du logement.
• Des programmes communs de soutien au logement social en Europe.
• Un Pacte pour la croissance, l’emploi et la qualité de vie, la réorientation de la BCE.

Commentaires sur cette position : elle est juste, évidemment, mais elle donne en fait le programme de travail des députés communistes.

Comment pouvons-nous faire changer les choses et rendre crédibles qu’elles peuvent changer sans que nous ayons la majorité au parlement ?

4.2. Il est indispensable de définir des points concrets à maintenir dans le fonctionnement actuel :
• La fonction d’épargne populaire (petits montants) à taux garanti (le plus élevé possible) ;
• La fonction de financement public du logement social ;
• Les services de compte courant (opérations fréquentes de faibles montants) pour tous ;
• La proximité des agences des lieux d’habitations populaires.

4.3. Il faut donc développer :
• La maîtrise collective de la gestion du système, plus de transparence dans le rôle de l’État et des prélèvements qu’il effectue, des décisions débattues au parlement ;
• Le suivi de l’affectation des fonds (critères d’attributions des prêts) tout ce chapitre est en dehors de cette étude mais pourrait être traité parallèlement.
• L’idée que placer son épargne sur le livret A est un placement éthique de soutien et de développement du logement social.

Remarque : Si les conditions actuelles, telles qu’elles sont imposées par le monopole, sont maintenues, l’ouverture des livrets A pourrait être possible dans toutes les banques. En effet le caractère "public" de la Banque postale, des Caisses d’épargne est devenu largement illusoire, et en attendant la constitution d’un pôle financier public nous devons exiger et contrôler que toutes les banques respectent les règles du fonctionnement du livret A.

5. Actions immédiates
5.1. Faire pression sur le gouvernement pour qu’il obtienne que les conditions du fonctionnement du livret A soient maintenues même si les banques privées, nationales ou étrangères, sont autorisées à collecter l’épargne du livret A. L’aspect "monopole" n’est pas le caractère décisif en la matière.
5.2. Faire pression au parlement pour que la gestion de cette épargne soit démocratisée en liant davantage le contrôle de la collecte et celui de l’affectation des prêts (participation des collectivités territoriales, etc.).
5.3. Faire une campagne pour que le livret A soit bien perçu comme un placement éthique de solidarité :
• Ouvrir un site internet "Je soutiens le logement social", appeler à des soutiens institutionnels, partis, syndicats, etc., donner toutes les informations sur cette question, indiquer le suivi des actions et les impacts de celles-ci, etc. ; (cf. le site VSP qui a initié une partie de cette lutte http://www.v-s-p.org/article908.html, et http://www.v-s-p.org/IMG/pdf/lettreouverte_LA_nov_2007.pdf)

• Faire signer une charte de soutien au financement public du logement social ("Je me sers de mon livret A comme premier niveau d’épargne, je vérifie que ma banque respecte le cahier des charges du livret A, je refuse que la Commission européenne empêche un financement public du logement social, je refuse que l’État place en Bourse une partie de cette épargne et alimente la spéculation, je vote pour les candidats qui soutiennent cette charte et le financement public du logement social, etc.") ;
• Totaliser les apports individuels : montants de l’épargne déposée volontairement sur les livrets A (compteur permanent) en réponse à l’appel.
5.4. S’appuyer sur la mobilisation pour élargir la campagne sur l’application de la SRU, sur la gestion des logements sociaux, sur les aides aux locataires. (On peut imaginer une carte maintenue régulièrement à jour sur le taux de logements sociaux par commune, etc. et faire ainsi pression sur les élus pour qu’ils respectent la loi.)

6. Décisions et mises en œuvre
Il n’est pas besoin d’attendre que les élections aient lieu pour démarrer cette action, au contraire nous pourrons soutenir tous les candidats qui s’engageront dans ce projet. Les informations que nous rassemblerons aideront les citoyens à prendre conscience de la réalité du problème et de ses implications et surtout à s’impliquer concrètement dans l’action…

Une pétition est lancée : Touche pas à mon livret : http://www.pastoucheaulivreta.org/phppetition/index.php?petition=3

C’est un point de départ...

Messages

  • Pour info : La Lettre ouverte à laquelle il est fait allusion est une initiative de l’intersyndicale du secteur semi-public économique eet financier qui a été reprise par le site VSOP

    Le site pastoucheaulivreta.net est une initiative du Collectif Pas touche au Livret A qui est lui même une initiative de l’intersyndicale du secteur semi-public économique et financier.

    Les militants et élus PC peuvent et doivent prendre toute leur part dans ce combat (l’ANECR est membre du Collectif)

    Là où cela ne va plus, c’est quand tu recommandes un copier-coller du programme du PC.

    Le Collectif Pas touche au Livret A incrit sa démarche dans une logique unitaire donc pas de suivisme vis-à-vis de telle ou telle formation politique ....

    • Il me semble que si je donne le programme du PCF sur la question :

      1/ C’est à titre d’information

      2/ Que je ne "recommande" pas ce programme, même si je suis d’accord avec l’essentiel

      3/ Que je crois en faire un commentaire critique et que je propose d’autres actions

      4/ Que je ne vois pas en quoi rappeler ce programme serait contradictoire avec ce que propose le Collectif, intéressant, mais insuffisant à mon avis.

      5/ Pour débattre, il vaut mieux aller au fond et ne pas avoir de crise d’urticaire superficielle.

      JeanNimes

    • LEP, par exemple, dont le montant a été multiplié par 5 entre 1984 et 1999, passant de 7,5 à 37,5 Md€.)

      Pourquoi ? C’est pas lié à son succès, mais seulement que pour y avoir droit, il ne faut pas payer d’impôt ou si peu aujourd’hui. Ca prouve bien que ces chiffres montrent la dégradation de la situation des salariés entre 84 et 99. Aujourd’hui le chiffre doit être encore plus fort.

  • A l’attention de JeanNimes

    Je propose que tu changes de pseudo et prenne celui de
    Monsieur Jesaistout
    Il t’irait très bien

    Question urticaire, tu es dermato je suppose ?