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Depuis 1994, les conditions de travail se sont dégradées

Publie le jeudi 30 décembre 2004 par Open-Publishing

de Claire Guélaud

Une étude, réalisée auprès de 50 000 salariés, confirme cependant une baisse des horaires.

Contraintes horaires, rythmes de travail, pression temporelle et urgence, contact accru avec le public, agressions sonores, développement du travail sur écran : en dix ans, l’exposition des salariés à la plupart des risques professionnels a eu tendance à s’accroître, même si les longues journées et les tâches répétitives se sont faites plus rares. Tels sont les résultats de la dernière enquête Sumer, rendus publics par le ministère de l’emploi ( Premières synthèses, numéro 52.1), à quelques jours de l’ouverture, début 2005, d’une négociation interprofessionnelle sur la pénibilité au travail.

Réalisée de juin 2002 à la fin 2003 auprès de 50 000 salariés et effectuée, comme celle de 1994, par des médecins du travail, cette étude montre que, dans l’ensemble, les risques et les pénibilités ont davantage augmenté pour les ouvriers et les employés, ainsi que dans l’agriculture et la construction.

Les salariés sont moins nombreux qu’il y a dix ans à pratiquer de longues semaines. La tendance structurelle à la baisse de la durée du travail et les 35 heures ont produit leurs effets : 20 % des salariés déclarent en 2003 avoir travaillé plus de 40 heures la semaine précédant l’enquête (contre 29 % en 1994). La moitié des cadres (51 %) sont dans ce cas.

Exception faite des ouvriers et des employés administratifs, les salariés travaillent moins souvent le samedi (43 % en 2003 contre 46 %), mais un peu plus le dimanche (20 % au lieu de 19 %). Le travail de nuit concerne 13 % des salariés. Il s’est notablement développé chez les ouvrières qualifiées (+ 6 points) et non qualifiées (+ 4 points). Un salarié sur dix déclare par ailleurs subir des astreintes. Cette proportion a doublé en dix ans, et toutes les catégories sont mises à contribution.

Dans des entreprises ou des administrations davantage tournées vers le client, les contraintes organisationnelles se renforcent : en 2003, 55 % des salariés signalent devoir répondre rapidement à une demande extérieure (contre 49 % en 1994). C’est chez les ouvriers que cette contrainte s’accroît le plus (+ 7 points en dix ans). Un salarié sur quatre estime que son rythme de travail est imposé par la surveillance de la hiérarchie (ou du contrôle informatisé). La dépendance vis-à-vis des collègues de travail s’accroît (28 % des salariés contre 14 %) tout comme le sentiment de travailler dans l’urgence (trois salariés sur cinq). Cette pression temporelle, forte sur les cadres, augmente le plus nettement chez les ouvriers non qualifiés (+ 14 points), soumis aux contraintes du juste-à-temps. Le contact avec le public se développe et concerne plus de 7 salariés sur 10. Il peut être vécu comme un risque : 40 % des employés de commerce et de service en contact avec les clients s’estiment, en 2003, exposés à un risque d’agression physique. En revanche, les salariés ont plus d’autonomie pour faire face aux contraintes croissantes de l’organisation du travail, qui génèrent souvent du stress.

Si plus de 3 millions de salariés sont exposés à un bruit supérieur à 85 décibels, les expositions de longue durée ne progressent pas. Par ailleurs, la proportion de personnes travaillant sur écran plus de 20 heures par semaine a quasiment doublé en dix ans et atteint 22 %. Si le travail répétitif, facteur de troubles musculo-squelettiques (TMS), est en recul, la manutention de charges lourdes est plus fréquente (7,5 millions de salariés concernés). Et les femmes y sont davantage soumises (30 % contre 26 %).

L’exposition aux agents biologiques (15 % des salariés, + 4,7 points) et aux produits chimiques (38 % des salariés, + 3 points) a progressé. Surtout, les catégories socioprofessionnelles sont de plus en plus inégalement exposées aux produits chimiques. A cet égard, les conditions de travail des ouvriers et des employés se sont notablement dégradées.

Claire Guélaud

Le syndrome du canal carpien et autres TMS

A l’instigation de l’Institut de veille sanitaire (InVs), un réseau expérimental de surveillance des troubles musculo-squelettiques (tendinite de l’épaule, syndrome du canal carpien, etc.) a été mis en place en 2002 dans les Pays de la Loire (5 % de la population et de l’économie française) et doit être progressivement étendu à l’ensemble des régions métropolitaines. Il a permis d’établir que près de 13 % des salariés consultant un médecin du travail présentent au moins un TMS des membres supérieurs, et 3 % au moins deux. La probabilité d’avoir au moins un des six principaux troubles musculo-squelettique augmente fortement avec l’âge.

L’enquête a montré, pour la première fois en France, que leur prévalence est nettement corrélée au secteur d’activité et à la profession. L’industrie (biens intermédiaires, agroalimentaire, biens de consommation) et l’administration sont les plus touchés. De même, les ouvriers non qualifiés de l’industrie sont les plus fréquemment atteints par ces troubles. Viennent ensuite les manutentionnaires, les personnels de services aux particuliers et les ouvriers agricoles.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-392334,0.html