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Deux vieillards assassinés par l’Etat turc pour l’idéal de leurs fils par stopusa (Belgique)

Publie le vendredi 17 mars 2006 par Open-Publishing
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Les parents du directeur de l’Institut kurde de Bruxelles, Derwich M. Ferho, ont été torturés puis assassinés dans leur maison à Mizizah, un village du Kurdistan turc, ce jeudi 2 mars 2006. Monsieur Ferho Akgül (85 ans) était très malade. Son épouse Fatim Akgül (80 ans) était encore en bonne santé.
Le couple était menacé depuis plus d’un mois par les forces de répression turques afin qu’il persuade leur fils aîné Medeni de cesser d’apparaître à la TV Roj et leur deuxième fils Derwich de stopper ses activités contre l’État turc. Tous les deux, citoyens belges, vivent en Belgique. Medeni Ferho est un journaliste et écrivain qui travaille à la TV kurde Roj (située en Belgique).

Tout indique que l’assassinat du couple âgé serait l’oeuvre des Forces spéciales - les escadrons de la mort - levées par l’État turc. Derwich M. Ferho demande avec insistance que les autorités belges s’informent sur la véritable raison de ce lâche assassinat et mettent la pression sur l’État turc pour avoir des éclaircissements sur ces évènements.

L’action contre les parents des frères Ferho n’est malheureusement pas isolée. Elle cadre dans la répression du peuple kurde. Et plus généralement dans l’action de l’armée turque qui marque son empreinte sur la politique actuelle.

La Turquie a sombré de plus en plus profondément dans la répression et le sous-développement économique au cours de trois coups d’Etat : en 1960 d’abord et surtout en 1971 et en 1980. Les deux putschs sanglants des généraux en 1971 et en 1980 ont été marqués par les arrestations massives notamment dans les rangs des communistes et des syndicalistes, la torture, la mise à mort de nombreux opposants, les violations des libertés d’expression et d’association, l’appauvrissement et la négation des droits fondamentaux des Kurdes et autres minorités nationales.

L’armée détient le véritable pouvoir

Lors de la remise officielle du pouvoir des militaires aux civils (à partir de 1983), les militaires ont imposé une série de procédures qui les assuraient de pouvoir continuer à exercer le pouvoir de fait. Ainsi, après le coup d’État de 1980 ont-ils réclamé une nouvelle constitution et la fondation d’un Conseil national de la sécurité, aux compétences très étendues sur tous les aspects essentiels de la société.

Ce conseil est composé de tous les généraux importants et des quelques ministres occupant les postes clés. En outre, il exige la présence de militaires dans les tribunaux de la sécurité d’État qui jugent les délits politiques. Les juges militaires n’ont été remplacés qu’en 2004 ou, mieux, la plupart ont opté pour un statut civil.

Les hautes instances militaires continuent à s’ingérer dans la vie politique. Les responsables des coups d’État de 1971 et 1980 n’ont d’ailleurs jamais été punis. L’état-major général de l’armée y va toujours de déclarations hebdomadaires sur la politique intérieure et étrangère. Des parlementaires sont poursuivis sur simple indication du chef d’état-major de l’armée. Il n’y a même pas d’apparence de neutralité politique de l’armée. L’intervention des militaires n’est même pas dirigée contre les prétendus opposants politiques radicaux.

Le Conseil national de la sécurité exerce le pouvoir de fait. Le conseil est entièrement dominé par les militaires. Récemment, il a été révélé que le Conseil exerçait son pouvoir conformément à un document politique secret qualifié par les commentateurs de « constitution parallèle et secrète ».

« Deep State »

Le « deep state » est un embrouillamini d’escadrons de la mort, de criminels, de milices fascistes et de services de police et de renseignements qui, pour le compte des organes de l’État, organisent la terreur contre les opposants aussi bien au pays qu’à l’étranger.

L’Etat turc fonctionne encore en s’appuyant en partie sur la terreur, la répression des communistes et des syndicalistes, les arrestations arbitraires, les escadrons de la mort, les assassinats et les prisons pleines d’opposants politiques.

Avec les négociations des dernières années pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, il y a eu une diminution importante des actes de terreur. Mais ils reviennent sur l’avant-scène. Ainsi le 9 novembre 2005, un escadron de la mort, issu de l’armée, a détruit une librairie et tué une personne à Semdinli, une petite ville kurde, près de Hakkari dans l’extrême Sud-Est de la Turquie.

Le général Yasar Buyukanit, n°2 de l’armée et aussi son futur chef, est impliqué dans cette affaire. Il est poursuivi pour « interférence avec la justice, constitution de bande armée, de falsifications de documents et d’abus de pouvoir ». Des contradictions entre différentes forces au pouvoir - principalement entre le gouvernement et l’armée - se développent. L’assassinat de Ferho et Fatim Agkül intervient dans cette conjoncture. Est-il un nouveau signe de la recrudescence de la terreur ?

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