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Dider Le Reste (CGT Cheminots) répond à François CHEREQUE

Publie le vendredi 7 mai 2010 par Open-Publishing
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Monsieur le Secrétaire Général,

Dans le cadre du Grand Rendez‐vous Europe 1 / Le Parisien ‐ Aujourd’hui en France, auquel vous avez participé le Dimanche 25 Avril 2010, vous avez fait des déclarations à propos du conflit social du mois d’Avril à la SNCF qui m’obligent à réagir en tant que premier responsable de la Fédération CGT des Cheminots.

Quand la Direction de la SNCF ou des Ministres du Gouvernement se servent des médias pour diffuser de fausses informations, ou s’attaquer de manière indigne aux cheminots en grève, ces méthodes nous insupportent, mais elles sont malheureusement devenues coutumières. Par contre, lorsqu’il s’agit du premier dirigeant d’une Organisation Syndicale, cela devient incompréhensible et intolérable, notamment dans la période que traverse l’ensemble du salariat, qui a plus que jamais besoin de l’unité des forces syndicales.

Selon vos propos, le mouvement de grève largement suivi par les cheminots du Fret, de la Traction (Conducteurs …) et des Etablissements Commerciaux Trains (Contrôleurs …) aurait été inutile. Il est donc de mon devoir de vous faire connaître quelques éléments que vous semblez ignorer ou occulter.

Dans son budget 2010, la Direction de la SNCF prévoyait entre 1000 et 1800 recrutements pour 5400 départs, soit un bilan négatif de 3600 à 4400 emplois qui se seraient ajoutés aux 22 000 emplois supprimés depuis 2002. Dans le cadre des négociations qui font suite à cette action, ce seront entre 2300 et 3000 jeunes qui vont être recrutés cette année. Pour les cheminots qui vivent la casse de l’entreprise publique, notamment au Fret, et la dégradation de leurs conditions de travail, pour les usagers qui subissent au quotidien la dégradation du Service Public ferroviaire, pour les jeunes en recherche d’emploi, ces effectifs supplémentaires gagnés par l’action sont loin d’être négligeables. Il en va de même concernant les acquis de cette grève sur les organisations du travail et la production qui s’opposent frontalement à la stratégie d’éclatement de l’entreprise publique menée au pas de charge par la Direction de la SNCF.

Il est vrai que les revendications portées par les cheminots en grève à l’appel de la Fédération CGT des cheminots sur les questions d’emplois, de salaires et de défense du Service Public sont d’un autre niveau que les quelques « mesurettes » qui ont servi de prétexte à la CFDT et à son association corporatiste de conducteurs autonomes pour sortir d’une démarche unitaire, que la CGT avait initiée depuis plusieurs mois. Il est une évidence, nous sommes sur des conceptions bien différentes de l’utilité du syndicalisme et du combat syndical. La Fédération CGT des cheminots ne s’inscrit pas dans une démarche syndicale qui se contente d’accompagner socialement la casse du Service Public ferroviaire, la privatisation de l’entreprise publique, la destruction du statut des cheminots et la déréglementation du travail.

Toujours dans cette intervention médiatique, vous affirmez que la CFDT aurait obtenu un accord salarial avant l’action. Il est donc nécessaire de rétablir quelques vérités. La CFDT et l’UNSA ont jugé favorablement des propositions de la Direction SNCF en matière d’augmentation générale de salaire qui représente 0,6 % sur l’ensemble de l’année 2010. La Fédération CGT des cheminots a refusé de signer un tel accord qui entérinait une baisse du pouvoir d’achat des cheminots au regard de la hausse des prix sur les 12 derniers mois. Au‐delà du fait que sur un tel sujet nous avons, je le concède et l’assume, des appréciations très différentes, il ne vous est pas permis de laisser croire qu’un accord aurait été signé car vous connaissez parfaitement le contenu du texte de loi du 21 Août 2008 sur la représentativité syndicale qui établi que les seules signatures de la CFDT et l’UNSA totalisant moins de 30% des voix à la SNCF ne permettent pas la validation d’un accord.

Il est une autre évidence, nous n’avons pas la même approche revendicative en matière de salaire, mais cela ne vous permet pas de faire de fausses déclarations pour masquer le fait que la CFDT cheminots se soit mise au service de la Direction de la SNCF pour essayer de valoriser un recul social pour tous les cheminots.

Les premiers dirigeants de la Fédération CFDT ont tenté de démobiliser les cheminots argumentant sur le fait qu’il fallait garder des forces dans la préparation d’une bataille à mener sur les retraites. Comment des syndicats avisés peuvent‐ils diffuser un discours aussi incohérent ? Les cheminots ne sont pas dupes, ils savent très bien que la pérennité des régimes solidaires par répartition et celle de notre régime spécial de retraite passent avant tout par la défense de l’emploi, par la revalorisation des salaires et par le maintien du Service Public Ferroviaire. De plus, sur cette question majeure des retraites, la CGT n’a aucun conseil à recevoir de votre part, tant sur le contenu revendicatif, que sur la construction de la mobilisation.

Dans une histoire récente, ce ne sont pas l’attitude et la stratégie syndicale de la CFDT en 1995, en 2003, et plus proche de nous, en 2007, qui nous serviront d’exemples. Dans chacune de ces étapes où les différents gouvernements en place ont tenté de remettre en question les acquis des salariés sur le dossier des retraites, votre Organisation Syndicale s’est toujours retirée la première de la lutte en affaiblissant de fait la mobilisation par la rupture de l’unité syndicale, pour s’inscrire dans une position d’acceptation des reculs sociaux.

Enfin, dans votre intervention médiatique, vous avez poussé la délicatesse jusqu’à mettre en cause l’honneur des cheminots en grève, qui, selon vous, auraient du cesser le mouvement pour pallier aux déficiences de l’aviation, suite à l’irruption volcanique en Islande.

Permettez‐moi de vous dire que vous avez franchi le Rubicon lors de cette intervention.

Que les ministres Woerth, Bussereau ou Estrosi profitent de l’occasion pour tenter de stigmatiser de manière grossière les cheminots en grève, nous n’en attendons pas moins d’eux quand on connaît les personnages et ce qui les anime. Mais qu’un dirigeant syndical de votre niveau se mette à aboyer avec les loups, permettez moi de vous dire que c’est purement scandaleux et offensant pour ceux qui se battent sur le terrain revendicatif et utilisent légitimement leur droit constitutionnel de faire grève dans le cadre d’une loi qui a déjà largement contraint ce droit. Tout au contraire, et comme l’ont fait de nombreux citoyens et élus de la République, vous auriez pu, en tant que syndicaliste, écrire au Président de la SNCF qui a tenté dans la période de remettre en cause le droit de grève pour qu’il ouvre dans les plus brefs délais la porte des négociations. Le fait que la fédération CFDT avec son groupe autonome (ex FGAAC) ait abdiqué devant la direction avant même le début du conflit, pas plus que les propos inadmissibles de votre responsable Bruno DUCHEMIN à l’issue de celui-ci, ne vous autorisaient à agir de la sorte.

Monsieur le secrétaire général, permettez moi de vous dire que dans une période où, les salariés ont et auront besoin de l’unité de l’ensemble des forces syndicales, ce sont de telles déclarations qui nuisent grandement à l’image de tout le syndicalisme et à notre capacité de nous rassembler pour servir la cause de tous les salariés.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le secrétaire général, l’expression de mes salutations syndicales.

Didier Le Reste

Secrétaire général

Source : ROUGE MIDI

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