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En soutien aux camarades des aéroports
par Quentin
Publie le lundi 19 décembre 2011 par Quentin - Open-PublishingLe poëte du prolétariat en 1933.
CitroënDe Jacques PrévertÀ la porte des maisons closesC’est une petite lueur qui luit…Mais sur Paris endormi, une grande lumière s’étale :Une grande lumière grimpe sur la tour,Une lumière toute crue.C’est la lanterne du bordel capitaliste,Avec le nom du tôlier qui brille dans la nuit.Citroën ! Citroën !C’est le nom d’un petit homme,Un petit homme avec des chiffres dans la tête,Un petit homme avec un sale regard derrière son lorgnon,Un petit homme qui ne connaît qu’une seule chanson,Toujours la même.Bénéfices nets…Millions… Millions…Une chanson avec des chiffres qui tournent en rond,500 voitures, 600 voitures par jour.Trottinettes, caravanes, expéditions, auto-chenilles, camions…Bénéfices nets…Millions… Millions…Citron… CitronEt le voilà qui se promène à Deauville,Le voilà à Cannes qui sort du CasinoLe voilà à Nice qui fait le beauSur la promenade des Anglais avec un petit veston clair,Beau temps aujourd’hui ! le voilà qui se promène qui prend l’air,Il prend l’air des ouvriers, il leur prend l’air, le temps, la vieEt quand il y en a un qui crache ses poumons dans l’atelier,Ses poumons abîmés par le sable et les acides, il lui refuseUne bouteille de lait. Qu’est-ce que ça peut bien lui foutre,Une bouteille de lait ?Il n’est pas laitier… Il est Citroën.Il a son nom sur la tour, il a des colonels sous ses ordres.Des colonels gratte-papier, garde-chiourme, espions.Des journalistes mangent dans sa main.Le préfet de police rampe sous son paillasson.Citron ?… Citron ?… Millions… Millions…Et si le chiffre d’affaires vient à baisser, pour que malgré toutLes bénéfices ne diminuent pas, il suffit d’augmenter la cadence et deBaisser les salaires des ouvriersBaisser les salairesMais ceux qu’on a trop longtemps tondus en caniches,Ceux-là gardent encore une mâchoire de loupPour mordre, pour se défendre, pour attaquer,Pour faire la grève…La grève…Vive la grève !Jacques Prévert