Accueil > Encore combien de morts ?
de Pierre Laurent
Combattre la guerre par la guerre ? Terreur contre terreur ? Londres signe après Madrid le tragique constat d’échec de cette politique de la force.
Londres a été rattrapée hier par l’engrenage de la terreur. Quatre attentats simultanés, visant à la même heure bus et métros, ont plongé des centaines de familles londoniennes dans l’horreur, et toute la ville dans la stupeur. La capitale, à peine remise d’une nuit de fête après l’attribution des JO, est brutalement passée de la liesse au deuil. Aucun lien, évidemment, entre ces deux événements. La date et la méthode employée pourraient en revanche ne rien devoir au hasard. Le G8 débutait hier ses travaux à Gleneagles en Écosse, au nord du Royaume-Uni, sous la présidence d’un Tony Blair qui apparaît plus que jamais comme l’allié le plus zélé des Américains en Irak.
Et le procès du chef islamiste Abou Hamza, installé à Londres avant d’y être arrêté il y a quelques mois, devait débuter ces jours-ci. Enfin, la méthode des explosions simultanées, visant un crime de masse dans les transports en commun, rappelle celle de Madrid et laisse peu de doute sur l’origine terroriste de cette opération, revendiqué par un groupe proche de la mouvance al Qaeda. Coïncidence encore ? Comme si l’horreur des attentats de Londres ne suffisait pas, la branche irakienne d’al Qaeda dirigée par le Jordanien Zarkaoui a annoncé dans la même journée l’exécution de l’ambassadeur d’Égypte récemment enlevé.
À nouveau, ce sont donc des centaines de victimes innocentes qui paient le prix de cette spirale - infernale. Les terroristes islamistes tuent lâchement, aveuglément, pour exploiter et radicaliser le désordre du monde, au profit de leurs visées extrémistes. Du même coup, ils offrent à tous les va-t-en-guerre le prétexte d’intensifier leurs actions militaires et sécuritaires à travers la planète. Avec les résultats que l’on sait, toujours plus de guerre et de morts, toujours plus de domination et de misère. Dans cette sinistre confrontation, tous les peuples sont perdants. Les victimes de Londres s’ajoutent à toutes celles, irakiennes, américaines, indonésiennes, madrilènes... qui s’accumulent depuis septembre 2001 au nom de la guerre entre le Bien et le Mal. Bush et ses alliés ne donnent plus de limite à leur occupation guerrière en Irak. Quant aux islamistes les plus radicaux, ils continuent d’engranger les bénéfices de leur rhétorique antiaméricaine comme on vient encore de le voir avec la victoire de Mahmoud Ahmadinejad en Iran.
Une nouvelle fois, ces attentats interpellent l’humanité tout entière. Comment lutter sérieusement contre ces actes terroristes inqualifiables sans isoler leurs auteurs, autrement dit sans éradiquer les souffrances, les inégalités, les fractures qui défigurent le monde et le transforment en un immense champ de manoeuvre pour tous les prophètes du désespoir ? Combattre la guerre par la guerre ? Terreur contre terreur ? Londres signe après Madrid le tragique constat d’échec de cette politique de la force. L’heure n’est vraiment pas à serrer les rangs derrière la politique de Bush, moins encore aujourd’hui qu’hier. Il n’est pas à édifier des barrières, des murs, qui d’ailleurs n’arrêtent ni les armées ni les terroristes.
Le moment est venu d’unir les peuples, tous les peuples, autour d’une autre conception du monde. Le G8 a poursuivi hier ses travaux, pour donner, paraît-il, le signe qu’il ne cédait pas au terrorisme. Un signe de force ? Encore un. Pour faire quoi ? Si les mesures de sécurité nécessaires doivent évidemment être prises, n’est-ce pas au-delà un message d’espoir qu’il conviendrait d’abord d’adresser aux peuples du monde, et d’abord aux plus déshérités. Le message que le monde doit changer et que cela ne se fera pas avec une pluie de bonnes paroles, aussitôt contredites par l’accélération de politiques de domination économique, politique et culturelle, et de pillage néocolonial.
Combien de morts faudra-t-il encore dénombrer avant que le G8 accepte d’entendre cet appel et cesse de dicter au monde sa conduite du fond de ses palaces bunkerisés ?