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Garde à vue et poursuites pour un militant des droits de l’homme
Publie le samedi 24 décembre 2005 par Open-PublishingUn militant pro-tibétain a été placé en garde à vue pendant la visite du premier ministre chinois en France, et fait l’objet d’une enquête et d’une plainte tout à fait surréalistes !

Samedi 3 décembre au soir, une inscription à la peinture rouge marquée "LIBERTE AU TIBET" a été faite devant le Consulat de Chine (qui abrite un bureau des affaires militaires), à la veille de l’arrivée en France, sous état d’urgence, du 1er ministre chinois.
Une personne passant sur les lieux aurait vu les responsables de cet acte et immédiatement appelé la police, en signalant le numéro de la plaque d’immatriculation de la voiture qu’aurait utilisée ces personnes. Ce courageux délateur (ca existe encore) s’empressera ensuite de faire une déposition au commissariat.
L’affaire a fait grand bruit puisqu’elle serait immédiatement remontée jusqu’au ministère (voire même plus haut, d’après la police !)
En tant que propriétaire du véhicule, j’ai rapidement été contacté par la police, informé de l’enquête en cours et convoqué pour une audition.
Arrivé à 10H mercredi 7, j’ai immédiatement été informé de mes "droits" (dont celui de contacter un avocat) et placé en garde à vue : on m’a enlevé mes lacets, ma ceinture, et toutes mes affaires personnelles, minutieusement inspectées. Puis j’ai été interrogé pendant une heure, on m’a informé de la déposition faite par le "témoin" et qu’une plainte pour dégradation allait être déposée par la mairie d’Issy les Moulineaux. Après une attente menotté à un banc (!), j’ai ensuite pu rencontrer un avocat pendant une demi-heure au sous-sol dans une minuscule pièce munie de chaises scellées au sol, puis j’ai été placé à l’isolement dans une cellule exigue (2 mètres sur 2) après avoir dû enlever mes chaussures.
On m’a amené un repas (un plat de nouilles réchauffé) puis fait sortir le temps de prendre mes mensurations (avec une balance qui ne fonctionnait pas) et mes empreintes digitales (les dix doigts séparément, puis ensemble), et la photo d’usage, de profil puis de face avec un panneau contenant mon nom et un matricule.
J’ai ensuite été replacé dans ma cellule insonorisée, avec comme seule occupation possible le piétinement sur place ou l’attente sur une banquette en bois scellée au sol, et sous l’oeil vigilant et infatigable d’une caméra de surveillance, avec comme seules compagnies le son de la ventilation et la lumière blaffarde d’un néon. Dans la cellule d’à côté, séparée par un mur épais, je perçois les coups répétés du détenu d’à côté, un adolescent qui frappe sur la vitre pour signaler qu’il vient de vomir sur le sol. Il m’expliquera plus tard, lorsque nous serons tous deux menottés sur un banc, qu’on lui reproche d’avoir eu un marqueur dans sa poche et qu’il a eu une altercation avec un professeur à ce sujet et que c’est la seule raison de son embastillage.
J’ai enfin été sorti de ma cellule, mais pour être emmené par deux policiers à mon domicile pour une perquisition. Fouillant le domicile de fond en comble, le grand pochoir qui aurait servi à l’action en question n’est pas trouvé, et pour cause. Ils emmennent néammoins comme éventuelles pièces à conviction, un drapeau tibétain, une pancarte, quelques tracts et documents, des bombes de peinture et des vêtements.
Puis je suis ramené au commissariat, pour une confrontation à l’aveugle (un "tapissage" ou tentative d’identification) avec le ou les témoins. Je suis placé avec un panneau numéroté, aligné avec 4 policiers en civil, et le(s) témoin(s) nous observent à travers une glace sans tain. On nous prend en photo et on me demande de mettre une paire de lunettes, trouvée chez moi et qui correspondrait à un signalement. Pas facile de voir à travers lentilles et lunettes en même temps.
Le témoin ne m’identifiera pas : il désignera un des policiers !
Je suis ensuite replacé dans ma cage du sous-sol pendant plus de deux longues heures, sans autre occupation que de me demander ce que peut bien faire ici, au cachot, en France, un militant des droits de l’homme !
On vient finalement me chercher et je retrouve le lieutenant officier de police judiciaire qui a rédigé toute une série de procès verbaux, que je suis invité à lire et à signer.
On me signale que je serai convoqué une nouvelle fois avant la fin de la semaine, pour un entretien avec le délégué du Procureur du Parquet de Nanterre. La mairie ayant porté plainte (!) on me dit qu’on me proposera de payer les frais de nettoyage du mur, en échange de l’abandon des poursuites.
Sous peine de quoi un procès pourrait avoir lieu.
Je serai relâché à 19H15, soit plus de 9H après avoir été placé en garde à vue.
Un procès serait-il souhaitable, permettant ainsi de dénoncer cette arrestation arbitraire d’un militant des droits de l’homme, et de médiatiser la cause tibétaine ?
Deux jours après la garde à vue, j’étais reconvoqué au commissariat. Ils m’informent alors que les frais de nettoyage s’élevent à 462 euros... un peu cher, sachant qu’ils n’ont fait que passer un coup de peinture blanche sur un ou deux mètres carrés.
Ils me remettent une convocation au Tribunal de Grande Instance de Nanterre, pour comparaître devant le délégué du Procureur, le 3 janvier 2006.
Je suis "impliqué dans une affaire susceptible de justifier des poursuites pénales", pour une "dégradation ou détérioration commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice".
Si un accord se réalise, l’affaire pourrait être classée. Si aucun accord n’intervient, "des poursuites pourront alors être engagées", par le parquet ou par la mairie.
Note : cette action-peinture n’était bien entendu revendiquée par aucune association, ni par l’expéditeur de ce message, qui ne fait que relayer cette information.