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ITALIE : DES SYMBOLES ET DES CHOSES

Publie le samedi 8 décembre 2007 par Open-Publishing
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de Enrico Campofreda

Si les symboles ont, comme les mots et plus encore, une signification, la convocation précipitée – presque comme s’il s’agissait d’un évènement fatal ou annoncé par un prophète – des assises de cette « Chose » que l’on s’obstine à définir rouge peut offrir des réflexions initiales justement à partir du choix du futur symbole. Voilà que tombe le dernier fil, vraiment rouge celui-là, de la faucille et du marteau célébrés par des hymnes, par des odes et par des vies consacrées à des idéaux, et que l’on donne de l’espace à une griffe publicitaire qui sent l’entreprise sanitaire ou le centre aéré.

L’effacement de l’emblème historique, soit dit sans nostalgies muséales, est la perte définitive de l’identité, la section des racines familiales, l’exact contraire de la conservation présumée de la mémoire dont une certaine gauche atteinte de logorrhée a plein la bouche. Cela semble plutôt dans le droit fil de cet homme sans passé que l’Olivier a répandu des années durant à pleines mains.

Bien sûr, on ne moissonne plus le grain avec la faucille et l’Italie actuelle est un pays où les start-up sont majoritaires. Mais l’ouvrier, bien que minoritaire, tourmenté, humilié, abandonné par le Parti et le Syndicat, existe encore pour mourir bouilli comme aujourd’hui à Turin où, malgré l’atrocité du massacre, CGIL-CISL-UIL n’ont pas arrêté le travail ni pour protester ni en signe de deuil. Ils auraient mécontenté Luca Cordero.

Bien sûr le révisionnisme du PSI et du PCI a, lui aussi, été cause de la dispersion, au cours des dernières décennies, de la présence, de la conscience, de l’orgueil d’une classe qui était l’essence de la Gauche Italienne mais la gauche radicale au gouvernement a produit, en direction des nouvelles fragilités sociales que sont la précarité et le chômage internes, la migration étrangère, la dégradation des conditions de vie, plus de discours que d’actes

Ce que le peuple de la Gauche rouge et sûrement ses professionnels de la politique devraient discuter et que nous espérons qu’ils discuteront samedi et dimanche dans les hangars de la Foire de Rome est : ce que veut faire la Chose. Et comment.

Ce qui ne signifie pas tant être au gouvernement ou à l’opposition mais ce que l’on fait quand on choisit un certain chemin. En ce sens, l’ambiguïté de nombre de positions prises par toutes les âmes de ce qui s’apprête à s’appeler Gauche l’Arc-en-ciel – tous nos vœux et nos compliments pour la fantaisie – remonte à bien avant mai 2006, quand fut rédigé le programme qui les amena eux aussi au gouvernement. On doit beaucoup à Bertinotti ces positions assaisonnées et farcies de plein de sauces, du pacifisme au cent Nassiryia, en passant par le spiritualisme, l’éthique matérialiste, le mouvementisme et le ministérialisme. Et qu’on ne définisse pas cette salade composée comme pluraliste, elle ressemble davantage à un « chaos agité » oubliant les liens directs avec ceux qui mènent les luttes et à qui l’on promet, sans tenir, des solutions et de la visibilité.

Les choses où la Gauche de gauche s’est obstinément distinguée ces années-ci, et qui devrait être une occasion de réflexion et de correction, ont été l’envie d’être présents, de défiler et de faire carrière, ce qui devait servir, en paroles, à soutenir des courants idéaux et des mouvements – comme à la belle époque du Soleil de l’Avenir, de la Résistance, de l’Automne Chaud et de Soixante-huit – et qui de fait représente surtout l’ego personnel, son propre présent et l’hypothétique futur d’une petite caste de la politique.
Certains leaderismes réapparaissent justement quand on montre du doigt les partis en plastique des Berlusconi et des Veltroni mais sommes-nous sûrs que la nomenclature des Bertinotti-Diliberto-Pecoraro Scanio soit disposée à faire la place à de nouveaux représentants qui ne soient pas des dauphins ou des répliques ?

Et peut-on vraiment choisir des représentants de mouvement qui n’ont qu’eux-mêmes comme référence comme un certain Caruso ? Si on parle des batailles à mener, il n’y a que l’embarras du choix. On peut déjà pousser pour que soient signés les contrats de dizaines de catégories professionnelles, pour que soit appliquée une véritable et sévère législation contre les accidents de travail, pour l’abolition de la loi 30 restituant sa dignité à l’emploi, pour qu’on commence à opposer à la baisse du pouvoir d’achat des luttes contre les entreprises privées et publiques qui augmentent les coûts des services (énergie, transports, santé), pour que soit appliquée une véritable équité fiscale. Cela ne semble pas peu de chose si la Chose veut s’y attaquer. La Gauche de gauche est minoritaire au Parlement mais si elle doit vraiment y loger, qu’elle ne soit pas seulement présente mais qu’elle fasse peser le coeur et les intérêts des classes faibles sans se regarder dans le miroir et se maquiller pour de futures parades royales.

Enrico Campofreda, le 6 novembre 2007 publié dans alternativ@mente.info
Traduit de l’italien par Karl&Rosa

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