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Il y a cent un ans, tout juste, la grande loi du 9 décembre 1905

Publie le samedi 9 décembre 2006 par Open-Publishing
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Par Laurent Fabius

La grande loi du 9 décembre 1905, il y a 101 ans tout juste, en veillant, comme disait Jules Ferry, à ce que « la République s’arrête au seuil des consciences », a posé les fondements de notre pacte laïc. On dit souvent de notre pays qu’il est isolé sur ce plan ; peut-être est-il plutôt en avance ? Le bénéfice remarquable de cette loi votée sur le rapport de Jaurès est d’avoir ouvert une période de pacification entre la République et les Eglises. Préservons la précieusement.

Pour autant, reconnaissons que les questions se posent aujourd’hui en des termes différents d’il y a un siècle. La France et les Français ont changé. Nous devons être attentifs à la diversité de la société moderne, à ce qui est devenu son « métissage ». Il s’agit désormais de faire vivre ensemble, dans une même société, ouverte au monde, plusieurs religions, et - on l’oublie parfois - de garantir le droit de ne pas croire à ceux qui ne croient pas. Dans leur immense majorité, les croyants et leurs représentants respectent le pacte laïc ; dans leur inspiration ouverte, les religions sont porteuses de paix et de dialogue. Mais il existe aussi au sein des grands monothéismes, des courants fondamentalistes. Ils sont minoritaires, ils sont actifs. La République doit savoir être ferme. En pratiquant une laïcité sereine.

Une clarté de langage et de comportement.

Une laïcité sereine, c’est réaffirmer par exemple qu’il n’est pas dans notre tradition républicaine que des dirigeants politiques fassent étalage de leurs convictions religieuses et de s’en tenir à cette règle. C’est aussi, lorsqu’on est ministre, ne pas se faire le promoteur des cultes dont on ne devrait être que le garant impartial, ni s’appuyer sur les tendances les plus extrêmes de telle religion : c’est une erreur. Discours laïc d’un côté et pratiques communautaristes de l’autre : ce jeu est très dangereux, qui consiste à légitimer des personnes ou des groupes qui se réclament d’une interprétation maximaliste de la religion en espérant tel « bon procédé » en retour. La République, ce n’est pas cela !

Une laïcité sereine implique aussi une certaine constance dans les positions. Le ministre de l’Education Nationale, au travers de ses positions successives, invente un personnage nouveau qui serait fils de Molière et de Beaumarchais : une sorte de Barbier Ridicule. Un de ses prédécesseurs et certainement ami déploie une forme nouvelle de cohérence en étant à la fois l’auteur d’une circulaire prohibant le voile à l’école, en en constatant l’échec mais en récusant toute loi. Cependant qu’un autre Ministre s’en va rechercher le blanc-seing des autorités religieuses étrangères et nationales certains textes législatifs ou décisions administratives ! Il faut une loi claire ; il faut aussi un gouvernement qui le soit.

La laïcité pour tous.

Pour notre part, nous souhaitons, par une démarche de laïcité pour tous qui devrait être enseignée d’abord aux futurs enseignants, des mesures qui commencent par l’école, puis aillent au-delà. J’en ai cité plusieurs. Le droit est aujourd’hui précis pour les agents des trois fonctions publiques, qui doivent respecter une stricte neutralité religieuse, il l’est moins pour les usagers des services publics ou pour l’usage que l’on peut faire de ces services. La commission Stasi avait relevé certains compléments souhaitables à la loi hospitalière, les gynécologues, dans leur appel au secours, nous rappellent cette nécessité. Cela pourrait être renforcé par une charte rappelant les principes laïcs dans les services publics, comme l’a proposé le Parti socialiste. Plutôt que segmenter les questions, probablement d’ailleurs aurait-il été meilleur de procéder au vote d’une loi d’ensemble sur la laïcité, distinguant dans ses différents articles le cas de l’école, de l’hôpital ou de l’entreprise. Nous attendons des avancées sur tous ces points.

Un projet pour la République.

Car l’enjeu décisif est celui-ci : comment articuler la réaffirmation de la laïcité avec un véritable projet Républicain pour la France ? Comment consolider le vivre ensemble ? Les inégalités nourrissent chez beaucoup de nos compatriotes un scepticisme qui se change en abstention et un repli sur soi qui peut mener au communautarisme.

Ces risques sont d’autant plus forts quand s’ajoute au sentiment d’injustice pour aujourd’hui une véritable panne d’avenir. L’école ? L’université ? La culture ? La promotion sociale ? Un emploi intéressant et stable ? Ils apparaissent à beaucoup hors de portée, et réservés à d’autres ! On leur parle de devoirs et de droits, mais ces droits concrets ils ne les voient pas. La laïcité est un bon chemin pour préparer une société meilleure, fondée sur l’égalité des chances et sur la promotion des talents, avec pour chacun une possibilité d’accéder à l’emploi, à la formation, à un logement et à des responsabilités. Pour nous, la République sociale prolonge la République laïque. C’est cette vision qui fait défaut.

Quand la République n’offre plus à tous ses enfants une communauté de réalités et de rêves, quand, dans un pays pluriel, ce garant de la cohésion qu’est l’Etat est mis en cause plutôt que cité en exemple, quand la nation est confondue à tort avec le chauvinisme, et l’Europe avec le laissez-faire, quand le projet d’ensemble manque, alors les communautarismes grandissent. Le moment venu, nous croyons que c’est aux socialistes et aux forces de gauche qu’il appartiendra de reprendre le chemin : le chemin nécessaire de la laïcité vivante et de l’égalité en actes.

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