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Immobilier et ultralibéralisme

Publie le mercredi 5 septembre 2007 par Open-Publishing
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La crise immobilière qui vient de se propager et qui a nécessité une intervention de grande ampleur des Banques centrales US et européennes, met en évidences des aspects majeurs du système économique que l’on qualifie d’ultralibéralisme.

L’ultralibéralisme, issu de la théorie économique sur le néo libéralisme, est le système économique dominant en Europe. Il est surtout connu par ses conséquences les plus désastreuses comme les délocalisations, manifestations de la désindustrialisation massive qu’il génère en Europe, certes de manière non homogène, les privatisations quasi systématiques des sociétés de services étatisées et, plus généralement, un désengagement de l’Etat qui tend à abandonner y compris les secteurs où la solidarité devrait être la règle de base, comme l’éducation et la santé.

Une de ses caractéristiques les plus exposées tient à l’aspect majoritairement spéculatif de son action financière. Cela se révèle évidemment sur les places financières, mais aussi avec les opérations sur les matières premières par exemple. En fait avec ce système, tout a tendance à devenir un support à spéculation.

Ainsi, après une crise boursière largement due à l’action financière du néo libéralisme, vers 2005, d’importants fonds se sont tournés vers l’immobilier, y développant ce que l’on a qualifié de « bulle immobilière ».

Il est donc intéressant d’analyser ce qui se passe dans l’immobilier pour mettre en évidence quelques aspects fondamentaux de l’ultralibéralisme, mais aussi les conséquences de sa mainmise sur un secteur qui appartient au domaine du droit fondamental de l’être humain, en l’occurrence celui de se loger.

Dans le capitalisme qu’a analysé Marx, les choses avaient tendances à se commercialiser à leur « valeur ». Celle-ci pouvait, la plupart du temps, être reliée à quelque chose de tangible comme la quantité de travail cumulé pour produire un objet par exemple. Il en résultait un type d’exploitation de l’homme par l’homme lié aux rapports de production, plus exactement à la propriété privée des moyens de production.

Aujourd’hui, traduire le prix d’un logement à Paris en années de SMIC n’a plus aucun sens. On en est à des valeurs de 6000 à 8000 € par m2 en moyenne (à Boulogne-Billancourt autrefois ville populaire). La grande majorité des biens immobiliers ont maintenant une valeur spéculative. Cela est évidemment du à la spéculation qui sévit dans ce domaine, combiné au fait que, malgré la Loi SRU de 2000, on ne construit pas assez de logements de types sociaux. Et les dispositifs Loi Robien et autres, ne peuvent se classer dans cette catégorie : ils rapportent des intérêts de prêts aux Banques et les propriétaires font un placement financier qui leur procure gain et crédit d’impôt. A l’arrivée ce sont les locataires, parce que s’ils sont plafonnés les loyers sont tout de même conséquents, - plafond à 90% du marché « libre » avec la Loi Robien recentrée -, ainsi que les contribuables et les consommateurs qui paient tous ces rapports financiers. Ce drainage d’avantages financiers vers les couches privilégiées par l’intermédiaire du crédit d’impôt se généralise d’ailleurs.

Ainsi, on voit apparaître un nouveau type d’exploitation plus subtil qui consiste à faire payer les revenus des opérations spéculatives par les couches moyennes et défavorisées.
Et ceci est bien du à l’action d’un système, l’ultralibéralisme, puisque cette « exploitation » indirecte est le fruit de l’action d’un gouvernement qui le sert et de l’Europe actuelle, bâtie sur la promotion de ce système économique.

* D’abord l’action du gouvernement. Alors que l’immobilier atteint des valeurs totalement spéculatives, le gouvernement prend des mesures qui font que les acheteurs vont acquérir les biens à ce niveau de prix du marché (spéculatif). On peut donc estimer qu’au-delà de la valeur vraie d’un bien, - liée aux coûts de construction, quantités de travail et prix des matériaux que contient le bien, avec des indices de qualité -, les acquéreurs cautionnent et paient le surcoût spéculatif. (En fait, la politique qu’il faudrait mener en la matière pour que l’immobilier retrouve le chemin de la vérité des prix, est celle de la construction, à grande échelle, - soit 200000 -, de logements sociaux de qualité, où l’on mettrait en œuvre les techniques d’isolations et autres permettant d’économiser l’énergie).

* Quant au rôle de l’Europe ultralibérale, par l’intermédiaire de la Banque centrale européenne, il est encore plus fondamental à ce niveau. En effet, la spéculation généralisée sur les biens, matières, … caractéristique de ce capitalisme financier, génère un fort mouvement inflationniste parce que les objets, biens, matières ont toujours tendance à revenir vers leur valeur vraie. Si l’inflation s’installait réellement, elle annulerait les gains spéculatifs. Donc, il a été fixé à la BCE l’objectif prioritaire de stabiliser les prix. En conséquence, il revient ainsi indirectement aux couches défavorisées, soit la grande majorité des gens en dehors d’une « élite » que le système installe peu à peu, de payer la spéculation. Cela a, de plus, un intérêt économique et financier majeur qui réside dans le fait que celles-ci paient avec un argent qui a une vraie valeur, celle du produit de leur travail. On peut dire qu’elles apportent ainsi les liquidités qui sont nécessaires au système.

Tout cela n’est évidemment pas sans contradictions. En particulier, comme il s’est révélé dans la récente crise transnationale de l’immobilier, les Banques centrales, afin de juguler le mouvement inflationniste, sont obligées d’augmenter les taux d’intérêts. Ce qui a pour effet de mettre en difficulté ceux qui achètent ainsi que les locataires, absolument indispensables dans le montage De Robien, et d’hypothéquer ainsi le nécessaire apport de liquidités.

Ainsi, les Banques centrales sont obligées elles-mêmes d’amener ces liquidités qui font défaut sur le marché. Ce qu’elles ont fait à hauteur de 100 milliards d’euros dans le cadre de la crise actuelle. La contradiction réside dans le fait que cet apport est éminemment inflationniste, comme beaucoup d’analystes économiques l’ont souligné qualifiant ces Banques de « pompiers pyromanes ». Cela situe bien également la hauteur vertigineuse des gains spéculatifs dans le domaine de l’immobilier.

Malgré la formidable capacité d’adaptation du système capitaliste, dont l’ultralibéralisme figure peut-être le stade ultime, on peut tout de même se demander si tout cela ne va pas se traduire par un Krach majeur un jour prochain ?

Jean-Marie Berniolles

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