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Après l’irruption de manifestants sur le plateau du journal de
20 heures, Jean-Jacques Aillagon devait recevoir hier soir les responsables
de la chaîne
France 2 : questions sur une intrusion
S’il n’avait décidé de consacrer sa journée du 11 novembre à un court aller
et retour en Lorraine pour constater les dégâts subis, dans la nuit de
vendredi à samedi dernier, par la basilique de Sion (voir nos éditions du 10
novembre), sans doute le ministre de la Culture et de la Communication
aurait-il convoqué les responsables de France 2 à la première heure hier.
Mais il a dû attendre la toute fin d’après-midi pour entendre les
explications d’Olivier Mazerolle, directeur de l’information, et de
Christopher Baldelli, directeur général de France 2.
Au cabinet du ministre, hier matin, on assurait qu’il ne ferait ensuite
aucune déclaration nouvelle. S’exprimant immédiatement après l’intrusion sur
le plateau du journal de 20 heures présenté par David Pujadas d’une poignée
d’intermittents déterminés, Jean-Jacques Aillagon n’avait pas caché, dans un
communiqué très sec, sa contrariété : « Cette prise en otage du journal
télévisé contredit gravement le principe de la liberté de l’information
reposant sur l’exclusive responsabilité des rédactions. » A traduire : on ne
peut admettre qu’un journaliste laisse son fauteuil à des manifestants. Mais
David Pujadas avait-il le choix ? Le ministre aurait-il préféré que l’on
coupe l’antenne comme TF 1 l’avait fait le 18 octobre dernier lorsque le
plateau de « Star Academy » avait été envahi ?
Hier, dans le grand bâtiment qui abrite Francetélévisions, les questions
légitimes portaient évidemment sur l’étonnante porosité qui a permis aux
manifestants d’accéder jusqu’au coeur de France 2, le plateau du journal de
20 heures. On imagine quelles difficultés rencontrerait sur son chemin un
groupe d’infirmières ou de sans-papiers... Comment imaginer que dans une
institution qui est elle-même l’un des plus importants des employeurs
d’intermittents du spectacle de France, certaines facilités n’aient pu être
ménagées aux pacifiques assaillants ?
Philippe Harrouard, directeur adjoint de l’information, qui s’exprimait hier
dans une dépêche de l’Agence France Presse, soulignait, après avoir
fermement condamné cette opération de piratage, que les quelque soixante-dix
à quatre-vingts intermittents ont pénétré dans le bâtiment « en escaladant un
muret et en passant par une grande grille, ouverte pour permettre un montage
de décor ». Une explication assez vague, on en conviendra, et qui paraît
inquiétante. Ainsi l’immeuble de Jean-Paul Viguier n’est-il qu’une passoire
? N’a-t-on pas le souvenir qu’il faille passer des portillons pourtant, pour
accéder aux deux corps de bâtiments qui se développent autour d’une « rue »
centrale ? A France 2 hier, Jean-Michel Carpentier, rédacteur en chef du 20
heures, confirmait le passage par une porte à décors et s’interrogeait sur
les conditions de son ouverture : « A-t-elle été ouverte de l’intérieur ou de
l’extérieur ? Nous ne le savons pas. » Une enquête interne devait être
ouverte hier pour préciser ce point.
Quant au choix qu’a fait l’équipe du journal de laisser la parole aux
intermittents, Jean-Michel Carpentier se félicite « du sang-froid remarquable
de David Pujadas qui, par son calme, a surpris les manifestants, évitant que
cette intervention ne dégénère ».
Comme l’avait dit le matin même Christopher Baldelli, directeur général de
France 2, le rédacteur en chef du journal de 20 heures précisait hier que
l’équipe avait tout fait pour éviter la coupure d’antenne et décidé très
rapidement de permettre une brève prise de parole.
Hier, par de nombreux courriels et coups de téléphone, les téléspectateurs
ont approuvé le choix de l’antenne et salué le calme du présentateur. La
rédaction s’est également montrée très soulagée de la tournure prise par les
événements. Les manifestants, qui ont pris la parole à 20 h 22, après un
reportage sur le prince Charles, sont ensuite restés un moment dans les
locaux avant d’évacuer les lieux.
Hier soir, au cours du journal de 20 heures, la rédaction devait donner la
parole à l’Unedic dans le souci « du respect de l’équilibre » ainsi que
l’avait annoncé Christopher Baldelli, répliquant ainsi et aux manifestants
et à Jean Voirin, secrétaire général de la fédération CGT du spectacle, qui
avait cru bon d’approuver « totalement » ces méthodes.
D. C. et A. H. le figaro
[12 novembre 2003]