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Introduction de MGB au colloque "1956 et le PCF"

Publie le mercredi 29 novembre 2006 par Open-Publishing
14 commentaires

Mesdames, Messieurs,
Chers amis, chers camarades,

Je voulais d’abord vous remercier de l’organisation de ce colloque, ici, aux archives départementales de Seine-St-Denis, où les archives de notre Parti sont aujourd’hui déposées.

Je souhaiterais commencer mon intervention sur « le PCF et l’année 1956 » en reprenant certains des propos, qu’Aimé Césaire, alors député de Martinique, écrivit à Maurice Thorez, pour lui expliquer les raisons de sa démission du Parti communiste français :

« Il est très vrai de dire qu’au lendemain du rapport Khrouchtchev, nous avons tressailli d’espérance.

« On attendait du parti communiste français une autocritique probe ; une désolidarisation d’avec le crime qui le disculpât ; pas un reniement mais un nouveau et solennel départ ; quelque chose comme le parti communiste fondé une nouvelle fois... Au lieu qu’au Havre, nous n’avons vu qu’entêtement dans l’erreur ; persévérance dans le mensonge ; absurde prétention de ne s’être jamais trompé ; bref, chez des pontifes plus que jamais pontifiant, une incapacité sénile à se dépendre de soi-même pour se hausser au niveau de l’évènement et toutes les ruses puériles d’un orgueil sacerdotal aux abois ».

Derrière ces mots, extrêmement durs, c’est évidemment toute la désillusion et la rage d’un homme, communiste, qui assiste, impuissant, à la dérive de l’organisation pour laquelle il n’avait jusque alors cessé de se battre.

Car que d’occasions manquées en cette année 1956 !

Bien sûr, il y a cette assurance en la force, jamais démentie, du parti communiste. Car cette année commence bien pour le PCF. Le 2 janvier, il recueille près de 26% aux élections législatives. 150 députés communistes sont élus.

Sa position institutionnelle et donc aussi ses choix stratégiques en sont, d’apparence, clairement confortés.

Fort de ce soutien populaire, face à la droite, notre parti appelle à la constitution d’un nouveau Front populaire, et soutient, pour la première fois depuis des années, un gouvernement, celui de Guy Mollet. Le PCF commence à sortir, petit à petit, de l’isolement politique qui était le sien depuis 1947.

Mais sous cette apparence de force, malgré l’aura considérable acquise pendant l’Occupation et par tout ce qu’il a construit à la Libération, le Parti communiste est déjà, en cette année 1956, fragilisé par dix années de guerre froide. Dix années où, assiégés par l’offensive d’une droite particulièrement revancharde contre tous les acquis de la Libération, les communistes se sont aussi fermés aux évolutions de la société.

De cette année, l’histoire a ainsi retenu le vote des pouvoirs spéciaux pour le gouvernement Mollet en Algérie. Ce vote nous fut et nous est encore reproché. Certains en ont profité pour chercher à détourner vers le PCF les responsabilités autrement plus lourdes des dirigeants politiques d’alors, de droite et de gauche, dans le déclenchement et la conduite de cette guerre coloniale.

Mais quoi qu’il en soit, il reste un malaise devant ce vote qui ne cesse d’apparaître, à tort, comme une relative tolérance au déclenchement, par d’autres, de cette guerre ignoble. Cette incompréhension est d’autant plus forte qu’elle contraste avec le comportement en tout point remarquable de notre parti durant la guerre d’Indochine, mais aussi avec le soutien plein et entier que nous avons apporté ensuite à la lutte émancipatrice du peuple algérien.

Cette même année 1956, la direction du PCF a simplement dissimulé le rapport secret de Nikita Khrouchtchev devant le 20ème congrès du PCUS. J’ai eu l’occasion, en février dernier dans l’Humanité, de souligner la lourde responsabilité qu’ont prise les dirigeants du PCF en choisissant, sur cette question fondamentale, le silence.

Ce n’est qu’en janvier 1977 que le Comité central du Parti communiste français s’est clairement départi de ce qui apparaît aujourd’hui comme la glorification d’un stalinisme d’un autre âge, et a officiellement reconnu que les membres de la délégation du PCF au XXème congrès du PCUS avaient bien eu connaissance de ce rapport longtemps « soi-disant attribué au camarade Khrouchtchev ».

Je précise, sur ce point, que le compte-rendu de ce Comité central est désormais accessible au public, et que dans le même temps, nous réfléchissons actuellement à la réduction du délai de communication de nos archives de 30 à 25 ans.
A peine quelques mois plus tard, le PCF choisissait de faire bloc et d’apporter son soutien, total, à la répression, par les troupes du Pacte de Varsovie, de l’insurrection hongroise. Dans cette répression, nous aurions pu comprendre combien la politique des Etats socialistes contredisait les idéaux qui nous animent, et combien elle salissait notre combat. Nous aurions pu voir, dans ce soulèvement incontestablement populaire, l’incapacité du système soviétique à concrétiser les idéaux du communisme, et donc la nécessité de tout remettre à plat. Nous n’y avons vu qu’un complot.

Qui se souvient, dans le même temps, que c’est cette même année 1956 que la direction du Parti se prononça contre la contraception et donc contre le droit des femmes à disposer pleinement de la maîtrise de leur corps ?

Que d’occasions manquées de se saisir de tous ces évènements, de toutes ces évolutions sociales, pour prendre, en cette année 1956, un « nouveau et solennel départ » !

Je sais combien étaient dures, à cette époque, les conditions sociales dans les entreprises. Je sais tout autant que la classe ouvrière, toujours plus nombreuse, n’était encore que marginalement admise au partage des fruits de la prospérité naissante des années 50. Je sais combien personne, à l’époque, n’avait vraiment senti l’ampleur des changements qui allaient naître, l’ampleur des transformations qui se jouaient dans le monde, comme, par exemple, allait le révéler la crise de Suez. Je sais aussi combien la bataille des idées était totale, et la pression de l’anticommunisme forte. Tout ceci ne facilitait pas, bien au contraire, l’engagement plein et entier, confiant, des camarades dans ce monde aussi inquiétant, par tous ses bouleversements, que visiblement hostile.

Mais quoi qu’il en soit, qu’avions nous à craindre de nos idées et de nos valeurs ; qu’avions nous à craindre des remises en cause qui renforcent et grandissent ? Qu’avions nous à renoncer à être pleinement communistes, c’est-à-dire ouverts, attentifs aux attentes des Françaises et des Français, attachés à soutenir tous les combats qui, quelque soient leurs formes, vont dans le sens de l’émancipation humaine ?

Il est difficile de trouver des réponses satisfaisantes à ces interrogations. C’est d’ailleurs le grand mérite de ce colloque que de chercher à avancer, sur cette question où, je crois, les portes de la recherche restent pleinement ouvertes. Mais quoi qu’il en soit, les faits sont là, têtus, à nous rappeler que le Parti préféra les certitudes du passé à l’effervescence d’un monde et d’idées qui bougent ; il fit, par ses choix stratégiques, le choix du communisme des mots plutôt que du communisme des actes.

Le Parti était alors tellement fort qu’il ne vit pas combien il venait de perdre de crédit. 1956, ce fut au final la fracture entre le Parti communiste et de nombreuses couches de la population, notamment intellectuelles, qui avaient pourtant toujours regardé d’un œil favorable les combats qui étaient alors les nôtres. Ce décrochage, jamais il ne fut véritablement rattrapé. Que de temps avons-nous passé depuis à écoper les suites de cette cassure, plutôt qu’à faire vivre et déployer les combats du jour, plutôt qu’à porter l’espoir de l’émancipation humaine ?

Car cette ambition, notre conviction qu’il est possible de faire vivre les hommes et les femmes autrement, elle reste là.

Nous la tenons de l’activité des militants et élus communistes en 1956, avant et après 1956. Nous la tenons de cette présence formidable à la porte des usines, dans leurs quartiers, à l’écoute des souffrances de leurs voisins et de leurs collègues ; nous la tenons de cette mobilisation quotidienne pour la défense des intérêts de notre peuple.

Au-delà des graves erreurs commises en 1956, ce sont aussi ces valeurs qui ont été transmises aux hommes et aux femmes qui composent le Parti communiste. Et ce sont ces combats que nous nous efforçons de faire vivre, malgré les difficultés de chacune des différentes époques que nous avons traversées, malgré un anticommunisme qui n’a jamais disparu, malgré tout notre rejet du stalinisme.

Qui s’en étonnerait ? C’est bien d’abord cette idée d’émancipation que rejettent nos adversaires. Travaillons donc, sans crainte aucune, à faire revivre l’idée communiste par nos actes, par une curiosité permanente, par notre contribution effective à la réussite de toutes les luttes émancipatrices, sociales, féministes, écologiques, démocratiques.

Face au capitalisme mondialisé, face à toutes ces politiques libérales, face aux souffrances vécues au quotidien par tant d’hommes et de femmes, notre combat est d’une forte actualité, d’une grande urgence. C’est donc le regard lucide sur nos erreurs passées, conscients de l’impact terrible qu’aurait tout repli sur soi du Parti communiste, que nous continuerons, plus que jamais, à chercher à avancer sur la voie d’un communisme qui serait l’oeuvre, avant tout, des hommes et des femmes eux-mêmes.

Permettez-moi de terminer cette intervention en citant une nouvelle fois Aimé Césaire, que j’ai rencontré vendredi dernier : « Alors ? Alors il nous faudra avoir la patience de reprendre l’ouvrage ; la force de refaire ce qui a été défait ; la force d’inventer au lieu de suivre... » C’est aujourd’hui ce que nous essayons de faire !

Je vous remercie de votre attention.

Messages

  • Le PCF ferait mieux d’assumer les positions qu’il a prise à l’époque plutôt que de repeter comme un perroquet la propagande bourgeoise sur les évenements de 1956.

    Quant à "l’immense espoir suscité par le rapport Kroutchev" , il s’agit tout simplement de l’enterrement définitif du marxisme-léninisme et de l’abandon d’un projet révolutionnaire en France au profit d’une "voie parlementaire vers le socialisme" qui a purement et simplement amené le parti à la remorque de la SFIO.

    De reniements en reniements le PCF a perdu la confiance des milliers d’ouvriers désespérés par l’absence de perspectives réellement révolutionnaires.

    Romain.

  • "C’est cette même année 1956 que la direction du Parti se prononça contre la contraception et donc contre le droit des femmes à disposer pleinement de la maîtrise de leur corps..."
    Tiens je savais pas, dites donc on revient de loin... Le Planning Familial était bien seul à l’époque...

  • de toute facon le pcf a toujours été un parti bourgeois, toujours à défendre l’ordre bourgeois, on l’a vu en mai 68, en espagne en 36 contre les anars et les troskistes, en participant à des gouvernements allant contre les interets des classes populaires, la hongrie en est un exemple parmi tant d’autres, je crois qu’un jour il faudra que le pcf et d’autres composantes du mouvement ouvrier se penche plus serieusement sur leur propre histoire, comme aussi celle sur le role du pc lors de la guerre d’algerie, le pc que je sache n’a pas appelé à une gréve générale au lendemain des massacres de 400 algeriens tués par la police de papon . oui il y aurait beaucoup de choses à dire sur le plus grand parti anti communiste de l’histoire, le pcf. clément, un militant communiste sans chapelle

    • Comme quoi le fait de ne pas avoir de chapelle ne garantit de rien , surtout de l’ignorance .
      reprends tes manuels et revois tes leçons , par delà cet aspect amusant des choses , tu en connais beaucoup toi , des partis politiques qui ont donné leurs archives pour que les historiens puissent y travailler ?
      j’attends avec impatience l’ouverture des archives des mouvements trotskystes ou encore celles de la SFIO .
      pour le PCF , un conseil , commence par la guerre du RIF , tu sais au Maroc !
      claude de Toulouse .

    • le pc que je sache n’a pas appelé à une gréve générale au lendemain des massacres de 400 algeriens tués

      et d’ailleurs peut-etre même qu’il n’y était pas pour rien, il les aurait pas un peu aider des fois les flics le PCF ?
      et puis hein, faut s’rappeller de Nestor Makhno, et les marins de Kronstadt, c’est pas le PCF de Buffet qui les a massacrés, les marins de Kronstatd, peut-etre ? Hin faudrait voir à pas oublier. Enfin moi ce que j’en dis ....
      Allez Patron, remettez nous donc une tournée ....

      Sans rire, et tu te dis communiste ...... triste époque.

      Jips

    • j’ai simplement dis qu’il n’avait pas appelé à une gréve génerale ce qui aurait du etre le minimum, je ne sous entendait pas autre chose, mais peut etre certains ne comprennent pas le francais, répondez moi seulement sur ce que je viens de dire pas sur autres choses, sinon on pourrait parler de marty et de tillon mais on n’en finirait pas

  • J’APPRÉCIE ÉNORMÉMENT...

    ...cette contribution de Marie-Georges BUFFET.
    Comprendre d’où l’on vient pour savoir où l’on va et comment on y va, çà me paraît une des choses essentielles de la vie.

    Préciser aux militants d’aujourd’hui sur quelles erreurs du passé nous devons faire la lumière, c’est indispensable pour nous communistes, mais je crois que ce l’est aussi pour le peuple, celui qui nous observe sans haine mais qui doute de nous.

    NOSE

  • Y en a toujours pour reproché au PCF d’avoir voter les pleins pouvoirs à Guy Mollet (à juste titre) pour mener la guerre en Algérie - Mais c’est marrant jamais personne pour reprocher aux socialistes de les avoirs demandés. Pareil pour la résistance ont va ergoter sur l’entrée en résistance du PCF pour mieux occulter le fait que les autres étaient aux abonnés absents - et que les cocos était déjà dans les prisons (décret Sérol). Les nazis n’ont même pas eu besoin de courir après eux des français les ont livrés en bonne et due forme. Le courage c’est d’assumer son histoire y compris les pages sombres, ses conneries. Mais nous avons un recul qui devrait nous inciter à la modestie.

  • soyons clair le rôle des troskos - c’est dans toutes les circonstances de stériliser le mouvement ouvrier pour mieux laisser le champ libre aux socio-libéraux il y a là une sainte alliance objective sinon de jure mais au moins de fait

  • Bertolt Brecht écrivait que ne pas connaître l’histoire, c’est se condamner à la revivre…
    L’ensemble des archives de direction (Comité central, Bureau politique, Secrétariat), des supports papiers aux microfilms en passant par les enregistrements sonores, a été numérisé, classé et mis à disposition des chercheurs et du public.
    Si quelqu’un peut citer un autre cas de dépôt dans un service public de fonds d’archives d’une organisation politique, merci de nous en faire part…
    Ces fonds sont considérés comme une source d’une richesse inestimable par de nombreux historiens, chercheurs en sciences sociales et politiques, en France comme à l’étranger.
    Alors saluons cette initiative, et ignorons les commentaires au raz des paquerettes.

    Francis G de Quincy