Accueil > Italie : Un référendum aux allures de duel
de Auriane Boudin
Les électeurs italiens sont appelés, depuis hier et jusqu’à ce soir, à voter par référendum pour ou contre le projet de révision constitutionnelle qui modifierait le rôle des pouvoirs régionaux et de l’exécutif. Ce texte, issu du gouvernement précédent, est majoritairement rejeté par la gauche de Romano Prodi
Moins de trois mois après les élections législatives, quatre semaines seulement après des municipales partielles, 47 millions d’électeurs italiens sont à nouveau appelés aux urnes, dimanche 25 et lundi 26 juin. Il s’agit pour eux de confirmer ou de rejeter par voie de référendum une révision constitutionnelle héritée du gouvernement Berlusconi. Le texte, voté par l’ancienne majorité de centre droit en novembre 2005, est une refonte considérable de la Constitution de 1947, visant à renforcer les pouvoirs régionaux et le rôle du président du Conseil.
Nouveau duel Prodi/Berlusconi
Appuyée par Forza Italia, la formation de Silvio Berlusconi, la réforme constitutionnelle a été soutenue du bout des lèvres par les autres composantes de la coalition de centre droit au cours de la campagne électorale. L’Alliance nationale (droite conservatrice) de Gianfranco Fini, et les démocrates chrétiens de l’Union des démocrates du centre ont appelé à voter "oui", tout en reconnaissant que le texte était imparfait et qu’il devrait être amendé par la suite.
Cette réforme, adoptée avec les seules voix de la droite après trois ans de débats parlementaires, se heurte à l’opposition de la gauche, aujourd’hui au pouvoir. Massivement unie autour du "non", elle dénonce "une atteinte à l’unité nationale", redoutant une dérive vers le fédéralisme et une aggravation de la fracture entre la riche Italie du Nord et le Mezzogiorno, déshérité. Romano Prodi, l’actuel chef du gouvernement, a considéré que les réformes envisagées détruiraient l’unité nationale et affaibliraient le chef de l’Etat et que leur mise en œuvre coûterait au pays plus de 250 milliards d’euros. "C’est une insulte faite à notre pays et un détournement des règles qui gouvernent l’Italie", a-t-il estimé, appelant clairement à voter "non". Dans son camp, Prodi a pour allié l’ancien président Carlo Azeglio Ciampi, pour qui la Constitution en l’état est "merveilleuse, essentielle et plus d’actualité que jamais".
Renforcer les pouvoirs du président du Conseil
Si le président du Conseil appelle à voter contre, son prédécesseur Silvio Berlusconi juge indigne tout autre choix que le "oui". "Il Cavaliere", évincé aux élections d’avril dernier et à qui le référendum donne une chance de reprendre pied sur l’échiquier politique, affirme que la révision constitutionnelle peut régénérer un mode de gouvernement suranné.
Les changements proposés sont les plus ambitieux jamais envisagés depuis l’adoption de la Constitution en 1948. Parmi eux, il est question d’accorder aux 20 régions qui composent l’Italie une autonomie et des "compétences exclusives" dans les domaines de l’éducation, de la santé et des administrations locales.
Par ailleurs, en permettant au président du Conseil de dissoudre le parlement, de démettre des ministres - ce qui, actuellement, ne peut être fait sans un vote du parlement - le texte renforce ses moyens. Il prévoit cependant de priver le chef du gouvernement de son droit de veto actuel sur la nomination ou le renvoi de ministres.
En ce qui concerne le pouvoir législatif, le Sénat, chambre haute du parlement, serait transformé en un organisme fédéral qui se concentrerait sur les questions régionales. Le nombre de sénateurs passerait de 315 à 252 et celui des députés de 630 à un maximum de 521. Il ne serait plus nécessaire que tous les projets de loi soient approuvés par les deux chambres du parlement, cela restant réservé seulement pour les lois de première importance, l’objectif étant d’accélérer le travail parlementaire.
Pour l’heure, aucun élément ne permet de prévoir quelle sera l’issue du vote mais si le "oui" l’emporte, le texte stipule que les changements constitutionnels ne se traduiront pas pleinement dans les faits avant 2016. avec Reuters