Accueil > Je hais le nouvel an

Je hais le nouvel an

par Antonio Gramsci via FR

Publie le mercredi 31 décembre 2014 par Antonio Gramsci via FR - Open-Publishing
27 commentaires

Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année.

C’est pourquoi je hais ces nouvel an à échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan et son budget pour l’exercice à venir. Ils font perdre le sens de la continuité de la vie et de l’esprit. On finit par croire sérieusement que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette ses erreurs etc. etc. C’est un travers des dates en général.

On dit que la chronologie est l’ossature de l’Histoire ; on peut l’admettre. Mais il faut admettre aussi qu’il y a quatre ou cinq dates fondamentales que toute personne bien élevée conserve fichée dans un coin de son cerveau et qui ont joué de vilains tours à l’Histoire. Elles aussi sont des nouvel an. Le nouvel an de l’Histoire romaine, ou du Moyen Âge, ou de l’Époque moderne.

Et elles sont devenues tellement envahissantes et fossilisantes que nous nous surprenons nous-mêmes à penser quelquefois que la vie en Italie a commencé en 752, et que 1490 ou 1492 sont comme des montagnes que l’humanité a franchies d’un seul coup en se retrouvant dans un nouveau monde, en entrant dans une nouvelle vie. Ainsi la date devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée, sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et laisse place à un intervalle de lumière éblouissante.

Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle.

Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.

Aussi pour cette raison j’attends le socialisme. Car il jettera à la poubelle toutes ces dates qui désormais n’ont aucune résonance dans notre esprit et, s’il en créera d’autres, elles seront au moins les nôtres, et non pas celles que nous devons hériter, sans bénéfice d’inventaire, de la bêtise de nos ancêtres.

Antonio Gramsci, 1er janvier 1916

version italienne ici :
http://bellaciao.org/it/spip.php?article34700

Messages

  • Entre sincérité et hypocrisie , nous sommes des millions à sacrifier notre temps et notre énergie à ce rite étrange à chaque changement d’année que sont les " Bonne année " et " Meilleurs voeux " ; rappelons-nous que sur le même ton endiablé , des imbéciles élus éructèrent "C’est la guerre " il y a tout juste un siècle ; et des millions d’autres répétant presque en chantant cette litanie , baïonnettes en avant pointées vers les frontières ennemies . Ho , certes diront les optimistes invétérés , nous vivons encore bien et des accidents , des catastrophes , il y en a toujours eu ; on sent bien pourtant que nous ne pourrons continuer très longtemps à vivre ainsi alors que des relents de putréfaction commencent sérieusement à nous faire douter sur le sens de nos vies et ses limites . Personnellement , je conserve au fond de moi la même joie simple à partager : celle d’un monde meilleur . Mais dit comme ça , ça sonne creux et eau de rose , il faut donc préciser : il ne s’agit plus de rendre meilleur ce vieux monde usant de maints subterfuges rhétoriques et euphémismes discursifs pour nous convaincre que ce bidonville mondial est une vitrine d’hypermarché ; un monde meilleur , plus convivial moins abstrait ( commençons déjà par déconstruire cette folie ravageuse "des droits de l’homme " ) ne se bâtira que sur les ruines de l’ancien . Autre idée plus précise : la multiplication des écrans ( du simple pare-brise de la bagnole au téléphone portable en passant par le télé ) nous ont accoutumés à jouir du spectacle des désastres sans que nous ayons à lever le petit doigt ; or rien de ce qui se transforme ne peut se réaliser sans notre consentement , notre volonté et notre implication réelle . Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons sentir des forces longtemps endormies s’ébrouer en nous et autour de nous , des forces morales et intellectuelles dirigées vers un but unique : l’abolition de ce monde pourri .

    • "Entre sincérité et hypocrisie , nous sommes des millions à sacrifier notre temps et notre énergie à ce rite étrange à chaque changement d’année que sont les " Bonne année " et " Meilleurs voeux " ; rappelons-nous que sur le même ton endiablé , des imbéciles élus éructèrent "C’est la guerre " il y a tout juste un siècle"

      quel amalgame stupide !!
      le même ton entre ,les souhaits de bonheur de joie et une déclaration de guerre ??
      où t’a s vu ça ?
      nulle part !
      ce n ’est pas un rite étrange qui fait que depuis des millénaires les hommes font la fête en fin d’année,c ’est tout simplement pour féter le solstice d’hiver,enfin les jours vont rallonger et la vie reprendre un peu plus vive,tout comme il y des fêtes depuis des millénaires en juin pour le solstice d’été,jour le plus long.

      C’est cela l’humanité,la joie d’être ensemble ,avec ses amis,sa famille,et d’être heureux un moment hors du travail lourd et ennnuyeux.
      la joie,l’échange,le rire,la danse,le plaisir de manger et de boire de danser toute la nuit.
      et dans notre société communiste tout cela sera conservé et oui il y aura un autre sens plus profond plus humain mais la féte sera toujours là.
      un monde sans fête ? quelle tristesse !

    • l’abolition de ce monde pourri .}

      OUI ! je signe,mais pas pour un monde triste, pour un monde de solidarité et de fêtes en commun .

      LE COMMUNISME DOIT ETRE UN BONHEUR, CA DOIT ETRE SERIEUX ,MAIS
      JOYEUX

    • C’est cela l’humanité,la joie d’être ensemble ,avec ses amis,sa famille,et d’être heureux un moment hors du travail lourd et ennnuyeux.
      la joie,l’échange,le rire,la danse,le plaisir de manger et de boire de danser toute la nuit.
      et dans notre société communiste tout cela sera conservé et oui il y aura un autre sens plus profond plus humain mais la féte sera toujours là.
      un monde sans fête ? quelle tristesse !

      je modifie mon commentaire...

      oui 90.**.50.** c’est se que a ecrit Gramsci !!!

      Moi je cet lecture et pourtant le française c’est ne pas ma langue... moi je comprends que ne faut pas suivre les fêtes imposée par le pouvoir dans des dates précise, mais utiliser ca propre vie pour fêter notre existence et encore mieux si dans une société socialiste....

      Donc une rébellion contre le conformisme et le conservatisme bref un hymne a la liberté du bonheur qui ne se réduit pas a une seule soire par an... ;-)

  • Ma vision du communisme ne peux pas être triste et sans progrès, je suis plus pour : "des Ferrari, du champagne et du caviar pour tous le monde" que pour l’abolition des tout ce que peux rendre la vie plus facile et agréable, une de raison que mon fait haïr le concept stalinienne....

    Comme Babeuf dans ca tradition communiste, en recherchant le bonheur commun par « la communauté des biens et des traditions ». Dans le Manifeste des Égaux, publié le 9 frimaire an IV (30 novembre 1795), il affirme que le but de la société est le « bonheur commun », l’« égalité des jouissances ».... et certainement pas la grisaille...

    Comme ne pas comprendre Gramsci dans ces phrases :

    Voilà pourquoi je déteste le nouvel an. Je veux que chaque matin soit pour moi une année nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me renouveler chaque jour. Aucun jour prévu pour le repos. Les pauses je les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur nouvelle.

    Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues. Pas de jour de jubilation aux rimes obligées collectives, à partager avec des étrangers qui ne m’intéressent pas. Parce qu’ont jubilé les grands-parents de nos grands parents etc., nous devrions nous aussi ressentir le besoin de la jubilation. Tout cela est écœurant.

    En plus dans cet traduction de Gramsci manque une dernière phrase très important que donne un solution plus positive :

    "Aspetto il socialismo anche per questa ragione. Perché scaraventerà nell’immondezzaio tutte queste date che ormai non hanno più nessuna risonanza nel nostro spirito e, se ne creerà delle altre, saranno almeno le nostre, e non quelle che dobbiamo accettare senza beneficio d’inventario dai nostri sciocchissimi antenati."

    traduction faite par moi donc forcement pas parfaite :

    "Je attend le socialisme aussi pour cette raison. Pourquoi le jettera dans la poubelle toutes ces dates qu’ils ne ont plus de résonance dans notre esprit, et ils créeront l’autre, seront au moins les nôtres, et non celles que nous devons accepter sans bénéfice d’inventaire par notre très bêtes ancêtres."

    http://bellaciao.org/it/spip.php?article34700

    • Aussi pour cette raison j’attends le socialisme. Car il jettera à la poubelle toutes ces dates qui désormais n’ont aucune résonance dans notre esprit et, s’il en créera d’autres, elles seront au moins les nôtres, et non pas celles que nous devons hériter, sans bénéfice d’inventaire, de la bêtise de nos ancêtres.

    • ""sans bénéfice d’inventaire, de la bêtise de nos ancêtres.""

      justement l’inventaire fait que la fête des solstices n’était absolument pas une bétise !

      oui nous rajouterons nos fêtes le but est peut être que toute la vie soit une fête.

    • le but est peut être que toute la vie soit une fête.

      C’est exactement ce que dis Gramsci, non ?

      Il ne faut pas qu’on se sente "agressés" juste parce qu’on a fait un réveillon hier soir, bien légitime. Et que ce sentiment de "légitime défense" nous empêche de tirer du texte ce qui est une réflexion très intéressante sur les dates, les commémorations, le découpage de l’Histoire etc. Qui est un bon point de départ pour penser, échanger, débattre, d’accord pas d’accord, sans le prendre de façon trop simpliste ni premier degré.

    • je hais le nouvel an ,et je déteste NOEL depuis des lustres

      merci pour tous les commentaires ,une bonne santé ,car il faudra être costauds

      pour 2015 ? PAS VRAI FLANBY ?

    • ""Ma vision du communisme ne peux pas être triste et sans progrès, je suis plus pour : "des Ferrari, du champagne et du caviar pour tous le monde" que pour l’abolition des tout ce que peux rendre la vie plus facile et agréable""

      un peu provoc pour férrari et caviar ... ;-) mais je me reconnais dans le fond

    • un peu provoc pour férrari et caviar ... ;-)

      Pas vraiment, quoi que ;-)

      Le but est une société progressiste que tire vers le haut et pas vers le bas... bref pas une société avec des biens triste et de basse qualité comme on a vu dans certaine pays dit "socialiste" dans le passe...

      Je peux aussi dire : "des Kangoo et du cassoulet pour tous le monde" c’est déjà mieux que de "des trabant et du vodka frelate pour tous le monde" mais je pense que tu a compris ;-)

    • ""Je peux aussi dire : "des Kangoo et du cassoulet pour tous le monde" c’est déjà mieux que de "des trabant et du vodka frelate pour tous le monde" mais je pense que tu a compris ;-)""

      ha h a ha super !! bel humour,oui j’avais compris..je voulais juste ajouter un peu de respect et défense de la nature .

    • Le but est une société progressiste que tire vers le haut et pas vers le bas...

      Moi quand je prends ma Ferrari, je suis plutôt tiré vers le bas, vu à quelle hauteur on est assis :)

    • ok ok ok ;-))))) après la prise du pouvoir on va construire une Ferrari surélevé 4x4 modèle "spécial révolution" a énergie non polluante, un trône au fond pour produire du bio-méthane... ;-) et bien sur le tout d’un bel couleur rouge pour la circonstance ;-))))

    • GRAMSCI était un grand philosophe et un combattant révolutionnaire que l’on doit lire et relire ...Mais dans la vie , il devait être un peu chiant , non ?

      pour moi , militant de base et bac - 5, faire la révolution, c’est renverser la table pour que la classe des exploités élimine celle des exploiteurs , mais c’est aussi la joie , la fête , et peut m’importe la date ...

      Mais je dis ça , je ne dis rien ...

      BONNE ANNEE A TOUS

    • Mais dans la vie , il devait être un peu chiant , non ?

      C’est personnel et subjectif, ce qui est chiant, non ?
      Moi, c’est ceux qui ne remettent pas en question toute chose (dont les rituels) que je trouve ennuyeux...

      mais c’est aussi la joie , la fête , et peut m’importe la date ...

      Finalement tu es d’accord avec Gramsci, donc ! Il remet en question les dates "imposées", si j’ai bien compris, sans rejeter l’idée de joie ou de fête.

    • Exacte 90.**.133.***... je ne comprende pas comme est possible de ne pas etre capable de bien lire et interprète ce que a ecrit Gramsci pourtant je le trouve asse simple....

      Peut être que derriere les grand phrases et les grand discours pour le changement de la societe des certaines, reste encore une grand partie des positions conservatrices....

      L’anti conformisme est encore quelque scose difficile a intégrer... difficile d’immaginer un changement encore mois une révolution avec cet attitude, pourquoi ne pas feter quand on a envie sans avoir des impositions a des dates précise pour le plus déterminé par des priorite des consumations massives et de masse des produit inutiles sans parler de la coercition idéologique du pouvoir capitaliste que dans ces occasion nous bombarde le cerveaux. ....

    • tu as vu le point d’interrogation après chiant ? je pose une question à laquelle ni toi ni moi ne pouvons répondre car nous n’ avons pas vécu avec GRAMSCI , alors STP inutile de m’ expliquer qu ’au finale suis d’accord avec GRAMSCI sur les célébrations , moi je me fous totalement de faire la fête les jours pairs ou impairs et je ne me pose pas la question de savoir si la fête trouve ses origines dans des traditions bourgoises ou religieuses et je suis sûr d’ailleurs que ceux qui font semblant de s’extasier sur les propos de GRAMSCI sur ce sujet on sans doute fait réveillon à NOEL et NOUVEL AN et ne manque pas de fêter leur anniversaire ou ceux de leurs potes sans considérer qu’ils sacrifient au conformisme bourgeois...

      franchement je ne trouve pas ce texte très pertinant alors que d ’autres écrits de GRAMSCI me semble d’une actualité brulante comme ceux qui concernent le vieux monde qui se meurt mais tarde à faire la place au nouveau .

    • La pertinence est dans le sujet, cet article publié le mercredi 31 décembre 2014 - 20h24 est sans problème pertinente à 3h30 du début du nouvel an.... ;-)

    • OK ROBERTO , pour ce qui concerne la pertinence de l’horaire , mais je voulais parler , mal sans doute , de la pertinence de la critique de l’anticonformisme à partir de la " haine du nouvel an ", il y a , à mon avis , d’autres textes et de sujets plus pertinents pour faire l’ éloge de l’anticonformisme ...

      dans une démonstration , partir du général pour descendre vers le particulier me semble plus pertinent que l’inverse ...MAIS JE NE SUIS PAS GRAMSCI et je ne crois pas qu’il va se retourner dans sa tombe si je dis :

      BONNE ANNEE A L’ EQUIPE DE BELLACIAO

    • en fait richard tu n’as pas compris...

    • oui c ’est ça absolument !! ;-=

  • ...Même des révolutionnaires perdent "le sens de la continuité de la vie et de l’esprit", à découper arbitrairement l’Histoire en "périodes"convenues...
    Cf. Aragon, dans un entretien de 1967 avec Jean-Jacques Brochier, pour le Magazine littéraire : « Il y a dans ce que j’écris un principe d’unité ; les périodes, c’est peut-être très commode pour les historiens, mais dans la vie ça n’existe pas. »