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Justiciers et réformistes

Publie le mardi 29 juin 2004 par Open-Publishing


de Raniero La Valle

26 juin, Naela Zwaiter, professeur de langue et
littérature à l’Université de Nablus, sœur de Wael
Zwaiter, le premier Palestinien tué en 1972 à Rome par
les Services israéliens, était à Rome. Trente ans se
sont écoulés et les Palestiniens n’ont pas obtenu
justice, c’est-à-dire une terre libre et une vie
normale, ni de l’Onu, ni des Etats-Unis, ni de
l’Europe, ni de Rabin, ni de Shimon Peres, ni de la
première Intifada des pierres, ni de la deuxième
Intifada des attentats et des suicides, ni de la « 
guerre contre le mal » de Bush. A la question : « En
quoi les Palestiniens peuvent-ils espérer aujourd’hui ?
Il n’y a pas eu de réponse, ils peuvent résister mais
pas espérer, en tout cas pas d’un espoir terrestre et
politique. C’est afin que cet espoir ne s’éteigne pas
qu’en Italie et en Occident il y a eu des hommes et
des femmes comme Tom Benetollo (Président de l’ARCI,
l’association qui regroupe les maisons du peuple,
récemment disparu : NdT) . Mais jamais comme
aujourd’hui l’espoir a été une vertu difficile et son
objet improbable. Et quand, comme en Palestine, mais
aujourd’hui aussi en Irak, en Tchétchénie et dans tous
les lieux qui entreront de la même façon dans les
chroniques de demain, la vie est rendue pire que la
mort, alors elle ne vaut plus rien et c’est pourquoi
on l’ôte à soi même et aux autres.

Guerre et terrorisme sont les grands exécuteurs de
cette sentence. Mais il y a d’autres justiciers, les
médicaments brevetés, la dette, la faim, la soif, les
génocides religieux et tribaux, qui sont à l’œuvre
sans qu’on les dérange, il suffit de les soustraire à
la vue, comme on le fait avec l’Afrique, que nous
avons mis toute entière dans un nouveau, gigantesque
apartheid.

Les justiciers ont donc beaucoup de noms, mais les
sentences extrajudiciaires qu’ils exécutent sont
écrites ailleurs, aux pompes à essence, dans les
conseils d’administration des I (une des « I » de
Berlusconi) (Impresa = Entreprise : NdT), dans les
Banques mondiales, dans les Salles ovales ou carrées
des Commandants en chef, dans les mosquées, dans les
synagogues et dans les télé prédications des sectes
chrétiennes. Les pacifistes, ceux qui voulaient
éloigner les troupes d’occupation de l’Irak, ont été
accusés d’extrémisme. D’accord, un monde en paix, sans
invasions, une vie normale, mourir de maladies
incurables et pourtant soignées, sont désormais des
projets politiques extrêmes. Mais le réformisme, celui
selon lequel « les élections on les gagne au centre »,
est-il un remède suffisant ?

Le réformisme serait la guerre mais sans tortures,
l’invasion achevée par les autochtones eux-mêmes,
l’Otan mais seulement pour entraîner les troupes
coloniales, les Palestiniens à Gaza tenus en respect
par les Egyptiens, les indésirables cantonnés au-delà
du mur, l’occupation sans résistance, la résistance
sans terrorisme, les brevets qui ferment un œil sur
les médicaments clonés pour les miséreux. Que des
défaites assurées.

C’est vrai, les modérés ne sont pas comme des néo
conservateurs, qui veulent dominer par le désespoir,
ils se proposent plutôt de gouverner le désespoir, en
le rendant inoffensif. Tous les deux se trompent,
parce qu’ils ne connaissent pas l’âme humaine : la
seule politique possible est d’éliminer le désespoir,
en redonnant forme à l’espoir.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa

28.06.2004
Collectif Bellaciao