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L’Iran s’envole pour une mission de bonne volonté
Publie le mardi 8 juillet 2008 par Open-PublishingL’Iran s’envole pour une mission de bonne volonté
Diplomatie multilatérale
Par Kaveh L Afrasiabi
Asia Times Online, 7 juillet 2008
article original : "Iran takes off on a goodwill mission"
Cette semaine, le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, est en Malaisie pour participer au sixième sommet du Groupe des Huit pays islamiques en développement (le D-8). Il espère approfondir la propre version iranienne de la diplomatie multilatérale. Ceci fait suite à un ensemble récent de propositions iraniennes qui engagent Téhéran dans un rôle constructif pour traiter des questions internationales ; et qui a aussi pour objectif de convaincre le Groupe des Huit (le G-8), qui se réunit simultanément à Tokyo, de "regarder l’Iran sous un autre angle" (pour paraphraser le ministre iranien des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki).
Bien que n’étant pas exactement un contrepoids au G-8, le D-8 n’en est pas moins important en tant que voix montante dans les affaires économiques mondiales. En effet, il représente près de 15% de la population mondiale et inclut deux membres importants de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), l’Iran et le Nigeria. Le D-8 a été fondé en 1997 et les autres participants sont l’Egypte, le Pakistan, la Turquie, l’Indonésie, la Malaisie et le Bengladesh.
Les sommets du D-8 et du G-8 abordent tous deux des problèmes aussi collectifs que les prix pétroliers et alimentaires qui s’envolent. De son côté, le G-8 qui devrait discuter de la question nucléaire de l’Iran ce mardi, à la lumière de la réponse iranienne officielle faite aux "Six" sur l’Iran [Iran Six], déclarant que l’Iran est prêt à entamer des négociations sérieuses. Il est donc d’importance vitale pour l’Iran, à cet instant critique, d’avoir un soutien international solide et de renforcer son image de partenaire pour gérer les problèmes mondiaux.
Vendredi dernier, l’Iran a exprimé l’espoir que les "Six" - les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne - préparent le terrain pour arriver à un accord détaillé avec une "vue d’ensemble constructive", basée sur les points communs des deux ensembles de propositions échangés ces derniers mois entre l’Iran et les "Six", sur le programme nucléaire de Téhéran.
Le sommet du D-8 de cette année s’intitule "Coopération Innovante" et la proposition iranienne d’un groupe de travail sur l’agriculture a déjà été approuvée. Ceci, en retour, pourrait se traduire par des contributions extérieures de l’Iran plus importantes, à la fois aux pays pauvres en aide directe et à des agences internationales telles que le Fonds International pour le Développement Agricole, suivant ainsi les pas de l’Arabie Saoudite.
L’Iran a déjà offert un soutient technique et financier pour le développement agricole au Soudan et la portée de tels efforts de la part de l’Iran s’accroîtra très probablement. Sur une note liée, avec l’Iran qui ne contribue aux efforts de maintien de la paix des Nations-Unies qu’avec une seule personne, loin derrière les autres nations du D-8 (selon de récentes statistiques de l’ONU), l’Iran pourrait être sur le point de prendre quelques initiatives sur ce front.
Une question importante au sommet du D-8 sera de voir si oui ou non cette organisation bancale peut secouer 10 années de léthargie et commencer à mettre en application quelques-uns des accords atteints par ses membres lors des sommets précédents. Ils incluent des accords commerciaux préférentiels, des unions douanières et la facilitation d’obtention de visas pour les hommes d’affaire du D-8.
Vu la querelle sur la "règle d’origine" qui promet de rester non-résolue dans l’immédiat, il reste toujours des obstacles majeurs à résoudre sur ces deux premières questions, qui handicapent les objectifs nobles de ce groupe consistant à améliorer le commerce inter-régional de façon importante.
L’autre initiative du D-8, dans le domaine de la coopération dans l’aviation civile, est particulièrement importante pour l’Iran à cause des sanctions et de la volonté des "Six" de s’en servir comme argument de négociation avec l’Iran, conditionnant ces sanctions à la satisfaction par l’Iran de leurs exigences nucléaires, telles que celle d’arrêter les activités d’enrichissement d’uranium.
En ce qui concerne les prix élevés de l’énergie qui affectent durement les membres non pétroliers du D-8, comme l’Egypte, qui a rencontré un mécontentement populaire sur sa politique d’augmentation des prix énergétiques, il faudra plus qu’une coordination avec le Fonds pour le Développement International de l’OPEP pour combler le fossé entre les membres pétroliers et les membres non-pétroliers du D-8.
Certaines concessions mutuelles, comme des propositions d’aide pétrolière de la part de l’Iran, seraient plutôt nécessaires pour recevoir un soutien solide sur les questions nucléaires et de sécurité régionale, que des poids-lourds comme l’Egypte peuvent potentiellement offrir.
Egalement important pour le D-8 est de coordonner la politique avec le membre leader de l’OPEP, l’Arabie Saoudite, qui est aussi un membre leader de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). Pourtant, l’Arabie Saoudite a refusé de rejoindre cette organisation et, qui plus est, elle est en conflit avec l’Indonésie sur la sécurité des lignes aériennes.
Sur le plan conceptuel, le D-8 représente un sous-groupe au sein de l’OCI qui peut devenir une source d’initiative économique, non seulement pour l’OCI mais aussi pour le Mouvement des Non-Alignés (MNA). L’OCI et le MNA ont tous deux un besoin urgent de renouveau intellectuel et le D-8 a l’avantage d’agir à la fois comme un pont opportun et comme un moteur pour les idées "innovantes".
Cependant, il y a une tendance en Iran à se concentrer seulement sur les bénéfices et à ignorer les coûts financiers et autres qui les accompagnent. Mais cette approche n’est tout simplement pas satisfaisante et l’Iran doit maintenant détourner une partie de son aubaine pétrolière en direction de la coopération inter-régionale.
Le problème avec cette stratégie est que le gouvernement iranien est confronté à des questions économiques majeures chez lui, avec les deux maux que sont une inflation forte et un chômage important. Ahmadinejad a promis d’introduire des réformes économiques radicales dans un futur proche en collaboration avec le parlement iranien (Madjlis), qui vient juste d’annoncer la constitution d’une nouvelle commission spéciale sur la réforme économique.
Mais les réformes économiques intérieures et les politiques économiques extérieures, telles que celles couvertes par le sommet du D-8, marchent ensemble. Pourtant, le gouvernement iranien les traite souvent comme des questions distinctes. A ce stade, un des problèmes est que l’initiative du D-8 sur des échanges commerciaux préférentiels doit se conformer à la politique commerciale de l’Iran, comme ses restrictions d’import-export et de tarifs douaniers élevés pour certaines denrées agricoles.
Ces derniers ne sont pas tout à fait conformes aux normes de l’Organisation Internationale du Commerce (OMC) et représentent encore un autre obstacle pour permettre à l’Iran d’accéder à l’OMC. Ceci pourrait être facilité par une négociation couronnée de succès avec les "Six", à la lumière du dernier ensemble de mesures d’encouragement qui promet de soutenir la demande d’adhésion à l’OMC de l’Iran dans l’éventualité d’une coopération de l’Iran sur la question nucléaire.
Les ministres des affaires étrangères des "Six", dans leurs lettres d’accompagnement de cet ensemble de mesures d’encouragement faites à l’Iran, ont exposé spécifiquement que les négociations peuvent commencer dès que l’Iran se pliera à l’exigence d’arrêter ses activités d’enrichissement d’uranium. Toutefois, comme le font remarquer certains experts sur l’Iran, il n’y aura pas grand chose d’autre à négocier si l’Iran accepte cette condition préalable. Et les diverses questions - la durée, la nature et l’étendue de cette suspension devront être discutées dans des négociations directes.
L’approche iranienne a apparemment touché une corde sensible de l’Union Européenne et le chef des affaires étrangères de l’UE, Javier Solana, a indiqué par l’intermédiaire de son porte-parole qu’il est prêt à entamer les négociations avec le négociateur en chef nucléaire de l’Iran, Saïd Djalili, dans un futur proche.
A Téhéran, bien que le porte-parole du gouvernement, Gholamhossein Elham, ait réitéré l’absence de changement dans la politique nucléaire de l’Iran, l’élan pour une approche nouvelle, flexible et constructive, s’est intensifié et pourrait bientôt culminer dans le scénario dont on parle beaucoup de "suspension contre suspension", dans lequel l’Iran placerait ses centrifugeuses en mode "pause", c’est à dire, les ferait fonctionner sans enrichir réellement à travers l’injection gazeuse et, en échange, il y aurait un arrêt des sanctions internationales contre l’Iran.
Etant donnés de tels développements probables, la diplomatie US-Iran pourrait aussi en bénéficier, notamment après que le Président George W Bush a aussi insisté sur l’importance d’une "diplomatie multilatérale" vis-à-vis de l’Iran. Egalement important, d’autres questions mondiales pressantes, ainsi que la réponse opportune de l’Iran sur l’initiative des "Six" à la veille du sommet du G-8, ont, pour toutes raisons pratiques, mis en suspens la "diplomatie guerrière contre l’Iran" de Washington.
Après tout, les Etats-Unis font partie des "Six" et cela signifie que la Maison Blanche a l’option de devenir une partie intégrante du dialogue Iran-UE qui s’approche. Les sommets de cette semaine à Tokyo et en Malaisie représentent une occasion unique de faire avancer l’objectif noble d’une diplomatie multilatérale et beaucoup dépend de la diplomatie intelligente des participants à ces deux sommets.
Copyright 2008 Asia Times Online Ltd/Traduction : JFG-QuestionsCritiques