Accueil > L’embrasement - Clichy sans clichés (video)

L’embrasement - Clichy sans clichés (video)

Publie le jeudi 11 janvier 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

Clichy sans clichés

Arte. Une remarquable fiction revient sur l’affaire qui a embrasé les banlieues françaises en novembre 2005.

Le 27 octobre 2005, trois jeunes de Clichy-sous-Bois poursuivis par la police se réfugient dans un transformateur EDF. Deux y mourront électrocutés, le troisième grièvement blessé trouvera la force de donner l’alerte.

Dès le lendemain du drame, le ministre de l’Intérieur soutient une version mensongère des faits : il n’y a pas eu de course-poursuite. Il faudra attendre huit jours pour que soit ouverte une information judiciaire.

Cette vérité, niée au plus haut sommet de l’Etat, sera le détonateur d’une explosion sans précédent des banlieues françaises. Trois semaines d’émeutes ont réveillé la mauvaise conscience d’une société sourde à la détresse de ses cités. Plus d’un an après, du côté des autorités, le silence a remplacé les déclarations tonitruantes. Les institutions démocratiques ont failli, des familles ont été méprisées, c’était à 17 km de Paris, surtout n’en parlons-plus…

Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Cinq mois après les faits, Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, les avocats des familles de Bouna et Zyed, et de Muhittin, le survivant, publient L’Affaire Clichy, Morts pour rien, un livre d’entretiens dénonçant la tentative d’étouffement de la vérité. Grâce à la productrice Fabienne Servan-Schreiber, leur « passion citoyenne » pour cette affaire trouve aujourd’hui un relais à la télévision, sous la forme inattendue d’une fiction. Libre adaptation du livre, L’Embrasement en restitue la force d’engagement et la dimension humaine. Chose rare, le projet sera finalisé en six mois grâce à la mobilisation de toute une équipe. Echéance électorale oblige.

Le premier à entrevoir la trame d’une fiction sous les mots des deux avocats, c’est Marc Herpoux, coscénariste du téléfilm. Il impose très vite sa conviction, qui sera aussi celle de Philippe Triboit, réalisateur et coauteur : pour exister, la fiction doit décoller des faits. En élargissant le propos au-delà des contours de l’affaire, L’Embrasement éclaire, à la manière d’un instantané, un peu de la réalité humaine qui se cache derrière le malaise des banlieues. Il a été conçu comme un objet romanesque à part entière intégrant sans complexe une dose de suspense ou d’émotion. Et introduit pour cela des personnages imaginaires : Alex, le journaliste Belge et son regard distancié, Sylvie, une policière au bord de la dépression, et un jeune émeutier, Ahmed, partagé entre rage et chagrin. Des personnalités à la fois justes et emblématiques qui ne croisent jamais les protagonistes réels pour ne pas influer sur le cours des événements.

Malgré les précautions, le choix de la fiction pour traiter un dossier aussi brûlant a de quoi susciter le doute. Difficile, en effet, de ne pas s’interroger sur la mise en image d’une affaire toujours en cours d’instruction (1). Pourtant, loin de constituer un obstacle, cette situation a guidé l’écriture du scénario. Tout ce qui est montré est avéré par les témoignages, le rapport de l’IGS (2) – la police des polices –, et le PV d’audition de Muhittin (3). Ces éléments sont distillés tout au long du film en réponse aux déclarations du ministre de l’Intérieur intégrées à la narration. Dans ce démontage cru de la version officielle, le film affirme sa raison d’être et comble, contre toute attente, un trou de mémoire collectif. Qui, sur la scène médiatique, s’est soucié de demander des comptes à Nicolas Sarkozy, et aux pouvoirs publics, pour la gestion catastrophique de cette affaire ? « Le but est d’intéresser des gens qui a priori ne se sentent pas concernés par le sujet », explique Philippe Triboit. Une démarche à laquelle Jean-Pierre Mignard adhère totalement : « Nous soutenons tout ce qui peut empêcher l’étouffement de l’affaire, à la condition qu’il n’y ait aucun risque de polémique préjudiciable à nos clients. »

De ce pari risqué aurait pu naître le pire, il en sort le meilleur : une œuvre dense, rigoureuse et engagée. « L’Embrasement est un film politique au sens républicain du terme, pas un film militant, explique Philippe Triboit. La manière dont il s’est fait était aussi importante que son contenu. » Rien n’aurait été possible sans l’approbation des familles et leur relecture vigilante du scénario. Le tournage sur les lieux du drame a aussi permis la participation de nombreux habitants de Clichy.

S’il adopte le point de vue des victimes, le téléfilm – et c’est sa grande force – évite toute vision manichéenne du fossé qui sépare les jeunes, la police, les institutions, les politiques. A aucun moment il ne s’agit de pointer du doigt des coupables, et encore moins de stigmatiser les forces de l’ordre. « Nous n’avons pas pu rencontrer les policiers de Livry-Gargan [il n’y a pas de commissariat à Clichy, NDLR], regrette Marc Herpoux, mais nous avons vu des reportages sur le mal-être des policiers en banlieue. Ils subissent une pression énorme. »
Mesuré et nuancé, le film ne tombe pas pour autant dans la démonstration tiède, ni même dans une forme d’angélisme. Il s’attache à travers le regard d’Alex, le journaliste belge, à remplacer par des visages et des destins individuels des termes génériques chargés de fantasmes. Et explore jusque dans sa plus absurde réalité un monde où « les jeunes courent parce que la police les course, et la police les course parce que les jeunes courent… ».

Courir comme Zyed, Bouna et Muhittin, parce qu’on n’emmène pas ses papiers pour jouer au foot, courir pour ne pas passer des heures au commissariat, et pour ne pas faire déplacer les parents un soir de ramadan… Cette vérité-là, aussi simple et éclairante soit-elle, n’a jamais fait les gros titres.
Isabelle Poitte

(1) Deux plaintes ont été déposées, l’une pour non-assistance à personne en danger, la seconde pour mise en danger délibérée
de la vie d’autrui.

(2) Début décembre, un rapport de l’IGS établit qu’il y a eu deux poursuites successives dont l’origine est l’intrusion de quelques jeunes sur un chantier privé. Il pointe également « la légéreté » d’un des policiers et le manque d’initiative de plusieurs autres, qui n’ont pas jugé utile d’appeler les services EDF.

(3) Les conditions de cette audition menée à l’hôpital ont été qualifiées de « manquement à la déontologie » par la Commision nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

A VOIR
L’Embrasement (TT), vendredi 12, 20h40, Arte.
Télérama n° 2973 - 6 Janvier 2007
http://television.telerama.fr/

L’embrasement

Vendredi 12 janvier à 20h40
Retour sur la mort de deux adolescents à Clichy-sous-bois qui a provoqué les émeutes de l’automne 2005. Une autopsie du drame en forme d’enquête, qui dénonce le mensonge d’Etat et explore avec acuité la crise des banlieues. La diffusion du film sera suivie d’un débat.

Messages

  • Sarko on le connait, mais la photo suggérant le salut facho était elle nécessaire à la compréhension de l’article.

  • Je viens de voir le film et le débat...Peut-être est-ce inutile de dire que mes yeux se sont embués.Il a fallu deux morts pour que les politiques commence a propoper des solutions pour améliorer la vie des banlieues(ce qui n’est pas encore fait d’après les dires des maires de clichy ou de la sarcelle...)mais il a fallu un film pour que l’on reparle de l’enquête qui est en cours ?!!Ces policiers ont belle et bien poursuivis Zyed et Bouna et ils les ont bien laissés faire(comme les messages radios le montrent)Sarkozy dans tout ça,n’a fait qu’affirmer au départ qu’il n’y avait eu aucne course-poursuite et si son escuse est de dire que l’enquête à ce moment-là ne permettait pas de l’affirmer elle n’était pas suffisement non plus avancée pour qu’il puisse clamer haut et fort qu’aucune course poursuite ne s’est produite !!Et maintenant ?est-ce que l’on entend parler ces politiques sur l’enquête ?sur les banlieues tout simplement,cela fait plus d’un an que les habitants ont fait comprendre leur désespoir et cela fait plus d’un an que rien n’a bouger !!Voilà il n’y a plus d’émeutes,l"l’affaire" Zyed et Bouna se tasse, ca fait plus d’un an maintenant et puis de toute manière cela n’avait rien avoir avec les émeutes vu qu’il n’y a eu AUCUNE victimes...Zied,Bouna...et même la personne agée de 60 ans mais aussi le reporter lynché...mais non tout ça oublié basta, ca sert a rien d’en discuter car c’est passer...Détrompez vous....si on continu comme ça les évènements de 2005 ne seront rien face aux évènements à venir...
    P.s : Tous les hommes naissent égaux, la différence est celle de la société dans laquelle il est éduqué et élevé...Victor Hugo a dit (Claude Gueux, à lire absolument) : "Cet homme, certes, était bien né, bien organisé, bien doué. Que lui a-t-il donc manqué ? Réfléchissez.
    C’est là le grand problème de proportion, dont la solution, encore à trouver, donnera l’équilibre universel : Que la société fasse toujours pour l’individu autant que la nature.
    Voyons Claude Gueux.Cerveau bien fait, coeur bien fait, sans nul doute. Mais le sort le met dans une société si mal faite , qu’il finit par tuer.
    Qui est réellement coupable ?Est-ce lui ?Est-ce nous ?
    Questions sévères, questions poignantes, qui sollicitent à cette heure toute les intelligences, qui nous tirent tous tant que nous sommes, par le pan de notre habit et qui nous barreront un jour si complètement le chemin qu’il faudra bien les regarder en face et savoir ce qu’elles nous veulent.Celui qui lit ces lignes essaira de dire bientôt peut-être de quelle façon il les comprend.
    Quand on est en présence de pareils faits, quand on songe à la manière dont ces questions nous pressent , on se demandent à quoi pensent ceux qui gouvernent, s’ils ne pensent pas à cela."
    Victor Hugo à écrit ses lignes en rapport avec la peine de mort mais il suffirait de recalquer ce texte à aujourd’hui, qui aurait immaginer que Victor Hugo avait deviné ce qui allait se passer 1 demi siècle avant 2005 ?
    pensée à Zyed,bouna et toutes les victimes mortes pour rien...

  • la police qui court derrière les jeunes qui courent parceque la police court derriere eux....ça hélas je l’ai vu moult fois ! les controles d’identité,en plein été,à 10 matraque à la main, faisant fuir des gamins assis tranquilement dans le gazon devant mon immeuble...j’ai vu !l es mères exsaspérées par ces controles recevant du gaz lacrymo, j’ai vu.
    si à la fin du téléfilm j’avais les yeux rougis....Devant le type ,synergie police,au débat,là j’ai vu rouge ! (et j’ai changé de chaine ! )

  • salut c’est moi, j’ai 4 enfants jeunes ages, et j’ai peur pour eux dans leur vivant. peur des gens qui nous gouverne , dans le monde entier, y’a qu’a voir , et lire entre les lignes pour saisir toute la puissance par laquelle on nous soumet a notre impuissance. leur force a ses politiques c’est la notre, mais l’exemple et là. doit-on éviter de donner le baton pour ne pas se faire tapper avec ? bien sur il ne faut pas, et c’est bien pour cela qu’il faut aller aux urnes pour le choix du baton !!!
    moussa

  • un film politiquement correct, donneur de leçons, qui brosse la banlieu dans le sens du poil, avec les clichés classiques du vilain flic fachiste sanguinaire, et le pauvre petit banlieusard victimisé... Scénario pauvre et politisé dans la lignée directe des "Louis la brocante" ou ’L’instite". Un navet comme je n’en avais pas vu depuis longtemps, risible tout au plus, navrant sûrement... Pauvre en tous cas...