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L’hôpital public en danger

Publie le dimanche 27 mars 2011 par Open-Publishing
16 commentaires

Avec l’accélération des suppressions d’emplois dans les hôpitaux publics et les avantages croissants accordés par la droite aux cliniques privées, le service public hospitalier est à l’agonie. Face à cette destruction programmée, les luttes se multiplient, avec non seulement les personnels mais aussi les élus et la population. Une journée nationale de mobilisation est ainsi prévue le 2 avril prochain.

Plan hôpital 2012 : des suppressions d’emplois inédites

Nicolas Sarkozy a fixé en avril 2008 l’impératif d’un retour des hôpitaux publics à l’équilibre financier pour 2012, sans nouveaux financements possibles.

Pourtant, la droite a délibérément organisé la faillite financière des hôpitaux publics, en laissant filer leurs déficits pour cause de sous financement : 189 millions en 2006, 479 millions en 2007, environ 1 milliard en 2008, soit des déficits multipliés par 5 en 2 ans. Conséquence logique, la dette des hôpitaux grimpe aussi en flèche : 201 milliards en 2008 contre à peine 8,2 milliards il y a 10 ans.

Pour combler son déficit, chaque hôpital a dès lors l’obligation d’appliquer un plan de restructuration. La masse salariale représentant 70 % de la dépense des hôpitaux publics, ces plans consistent principalement à supprimer des emplois. En application de ce plan, pour la première fois en 2009 les hôpitaux publics ont perdu 10 000 emplois en France et 10 000 emplois supplémentaires en 2010. Et ce n’est qu’un début, puisque compte tenu des déficits structurels des hôpitaux publics (pour cause de sous financement), ce sont 15 000 emplois supplémentaires qui seraient supprimés en 2011 selon la Fédération hospitalière de France.

Ces suppressions d’emplois interviennent alors que le volume d’activité des hôpitaux s’accroit (+ 13 % en 2010), ce qui conduit à des situations intenables pour les personnels. Du fait de la pénurie de personnel, 14 % du personnel soignant a déjà des amplitudes horaires de travail qui dépasse 12h d’affilée.

Exemples de plans de restructuration 2012 :

 AP-HP : 4 000 suppressions prévues d’ici 2012
 Hôpitaux de Lyon : 800 postes supprimés d’ici 2013 (déjà 200 en 2009)
 Nancy : moins 650 postes prévus (soit près de 10 % de l’effectif)
 Le Havre : 387 suppressions prévues (150 emplois supprimés dès 2008)
 Caen : 208 suppressions prévues

La prime aux cliniques privées

Dans le même temps, la loi Bachelot a renforcé la place des cliniques privées qui devraient largement profiter de la saignée de l’hôpital public pour gagner encore des parts de marché. Or la France a déjà le record d’Europe pour la part du privé lucratif dans l’activité hospitalière : 34 % contre 25 % en Allemagne et en Italie et même 0% en Belgique et aux Pays-Bas où le privé lucratif est interdit. D’ores et déjà dans 70 villes françaises, le secteur privé est en situation de monopole sur certaines spécialités de chirurgie, ce qui oblige les patients à subir des dépassements d’honoraires non remboursés (66 % des dépassements pratiqués en cliniques ne sont pas couverts par les complémentaires santé).

Le taux de rentabilité des cliniques privées atteignait 16 % en 2005, permettant la distribution d’énormes dividendes à leurs actionnaires. La Générale de Santé a par exemple distribué en 2007 un dividende exceptionnel de 420 millions d’euros dans le cadre d’OPA réalisées sur d’autres cliniques. Le groupe privé avec ses 175 établissements continue de voir son chiffre d’affaires progresser (+3,1 % en 2009).

Loi Bachelot : marchandisation et mise en concurrence de l’hôpital

La loi Bachelot (votée au printemps 2009) ouvre aux établissements privés la possibilité de choisir à la carte les missions de service public qu’ils veulent exercer.

L’objectif est d’accroître la concurrence entre établissements (publics et privés), mais sans que les mêmes obligations soient imposées au privé.
Le privé lucratif sera ainsi libre d’exercer les missions les plus rentables en laissant au public les missions les plus complexes et les moins rentables notamment l’aide médicale d’urgence.

Par exemple, l’hôpital public fait face au débordement croissant des urgences avec 16 millions de passages par an dont plus de la moitié devrait relever de la permanence des soins (c’est-à-dire des médecins de garde qui disparaissent depuis que la droite a mis fin en 2003 à l’obligation pour les médecins de participer à la permanence des soins)

Organisation et tarification sur le modèle du privé

A travers la convergence tarifaire public privé et la systématisation de la tarification à l’activité prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale (la loi Bachelot fait l’impasse sur le financement de l’hôpital public pourtant critique), le gouvernement accélère par ailleurs la mise aux normes de marché des hôpitaux publics. La tarification se fera désormais au volume d’actes, sans tenir compte de la qualité qui peut varier pour un même type d’acte, ni des complications éventuelles liées à certains patients. Censé inciter à la productivité, ce système de tarification inspiré du privé conduit à un sous financement chronique des hôpitaux publics qui reçoivent les publics les plus difficiles (et notamment les multipathologies des personnes âgées et des SDF). Pour financer ces missions de service public, une dotation est prévue mais son niveau est calculé par défaut en fonction de ce qui reste sur l’enveloppe nationale une fois que les autres activités de soins ont été financées. Faute de garantie de financement de leurs missions de service public, les hôpitaux ferment donc massivement des lits pour maximiser les taux d’occupation. Cela conduit à des pénuries périodiques de lits et à des risques de crise sanitaire dont les plus pauvres seront les premières victimes. Cette convergence avec le privé va amputer à terme les hôpitaux de 30 % de leurs crédits. Prévue pour 2012, son application intégrale est finalement étalée jusqu’en 2018 suite aux dégâts qu’elle a déclenchés.

Avec la loi Bachelot, la gouvernance de l’hôpital public sera désormais calquée sur le modèle privé avec un directoire et un conseil de surveillance, où les usagers, les personnels et les élus locaux sont marginalisés.
L’autonomie apparente des hôpitaux est renforcée avec la possibilité pour le directeur de moduler les rémunérations des personnels ce qui va conduire à l’instauration d’un véritable marché des personnels au détriment des hôpitaux déjà en difficultés. Elle va accélérer le pillage de certaines spécialités médicales par le secteur privé et l’impossibilité pour l’hopital public d’offrir à tous l’accès à certains actes (allongement des listes d’attente avec comme seule alternative le privé et ses gigantesques dépassements d’honoraires).

Cette convergence du système public vers les normes du privé se fait au détriment des missions de service public des hôpitaux, obligés de les rogner pour survivre financièrement. Les établissements vont en effet chercher à sélectionner les malades et les pathologies, en se concentrant sur les plus rentables et les moins complexes. Dans de telles conditions l’hôpital public n’est plus en mesure d’offrir l’ensemble des traitements et des techniques permettant de traiter toutes les pathologies. Cela menacera aussi la formation des praticiens via les CHU, ce qui induira une privatisation de la formation du corps médical dans certaines spécialités, avec des inégalités accrues dans la qualité et la continuité des soins.

Le privé coute plus cher et soigne moins bien

Cette politique de privatisation est menée soit disant pour réduire les dépenses de santé. C’est une imposture intellectuelle.

La convergence tarifaire avec le privé et la tarification dite à l’activité sont destinées à créer un marché des soins qui sera inflationniste en terme de dépenses tout en réduisant la qualité globale des soins. Cette politique conduit à étendre aux hôpitaux la logique de paiement à l’acte de la médecine de ville, avec le risque de multiplier les actes sans utilité médicale. Cela a déjà commencé aujourd’hui avec la multiplication pas toujours justifiée des césariennes, des endoscopies, des pacemakers, des angioplasties…

aux Etats-Unis, où la santé est largement privatisée, les dépenses de santé représentent 16 % du PIB (69 ans d’espérance de vie “en bonne santé”, 30e rang mondial, données OMS), contre 11,4 % en France (72 ans d’espérance de vie “en bonne santé”).

Restructurations à la hache et liquidation des hôpitaux de proximité

Sous couvert de mutualisation et de mise en réseau des soins le gouvernement utilise les nouvelles « communautés hospitalières » ainsi que les désormais toute puissantes « Agences régionales de santé » (ARS) pour accélérer le recul de l’offre de soins. Il détourne ainsi les objectifs positifs de mutualisation et de décloisonnement qui sont pourtant urgents, compte tenu de la complexité et des inégalités du système de santé.
Le dévoiement voulu de ce système permettra notamment de dissimuler la poursuite de fait des fermetures d’établissements, en les vidant de la plupart de leurs services et en maintenant l’illusion de leur survie via une mise en réseau avec les plus gros hôpitaux et notamment les CHU.

100 000 lits d’hôpitaux supprimés depuis 10 ans

Diminution drastique du nombre de maternités :

1 379 maternités en 1975 / 694 en 2001 / 617 en 2007 / 584 début 2008
= un baisse de 60 % du nombre de maternités alors que la population française a augmenté de 18 % dans le même temps
D’ores et déjà près d’un quart des départements français n’ont plus qu’une ou deux maternités publiques :
• 8 départements ne comptent plus qu’une seule maternité publique : Haute Corse, Creuse, Gers, Haute-Loire, Lozère, Pyrénées Orientales, Tarn et Garonne, Haute-Saône)
• 15 autres départements n’en comptent que 2

Ces fermetures de maternités multiplient les risques sanitaires liés à l’éloignement (de nombreuses localités se trouvent ainsi à plus de 45 minutes de l’hôpital, délai considéré comme critique en cas de complications de grossesse).

Une autre politique de santé publique est possible

Extraits des propositions du Parti de Gauche :

 arrêt de la casse de l’Hôpital public par les agences de santé et moratoire sur toutes les fermetures de services et d’établissements

 plan de financement qui prenne en compte les besoins des citoyens, à partir de véritables diagnostics de territoire réalisés avec la population et les syndicats des personnels de la santé. Avec les collectifs locaux d’usagers et de professionnels, avec les syndicats, partout en France nous nous battrons au parlement et dans la rue pour un financement solidaire de la santé et de la sécurité sociale.

 augmentation des dotations publiques pour les centres de santé

 suppression des franchises et des déremboursements et remboursement des soins à 100 % par la protection sociale solidaire

 création d’un pôle public du médicament pour en finir avec les scandales comme celui du médiator qui illustre la main-mise du capitalisme sur le marché de la santé, au prix de la vie de nombreux patients.

 refus d’appliquer la directive européenne « services », qui prône la concurrence en matière de santé

Messages

  • La santé n’est pas une marchandise !!

  • L’hôpital public en danger

    Avec l’accélération des suppressions d’emplois dans les hôpitaux publics et les avantages croissants accordés par la droite aux cliniques privées, le service public hospitalier est à l’agonie. Face à cette destruction programmée, les luttes se multiplient, avec non seulement les personnels mais aussi les élus et la population. Une journée nationale de mobilisation est ainsi prévue le 2 avril prochain.

    • Ca fait bizarre de payer de + en + d’impots et taxes en échange de rien, et pas d’espoir puisque cet état démocratique se préoccupe si peu de santé et d’éducation .
      Je me demande combien de temps cette arnaque va durer...

    • payer de plus en plus pour un service qui se dégrade !

      mais c’est le b-a-ba de la politique de destruction mené par les idéologues libéraux.

      ceci est le premier étage de la fusée

      le deuxième c’est de dire que le privé peut nettement mieux faire

      ensuite on te dira que l’on baisse les impots pour tout le monde ( plus pour les riches que les pauvres ) pour te permettre de te payer les sevices publics privatisés ...............

      et la cerise sur le gateau, ça sera quand ce sont les travailleurs EUX-MEMES ( en particuliers les jeunes ) qui demanderont qu’on supprime les cotisations sociales pour gagner plus

      nous vivons une époque formidable !

    • > "Travailler pour le "fun", vaste sujet ; en GB la sécu fonctionne sur ce shéma (sauf que pas de liberté de choix pour les patients). Les queues sont si longues quelles traversent le "channel", jusqu’à Lille."

      Eh oui : "dites moi comment vous etes soignés, je vous dirai où vous vivez ; dites moi comment vous étiez soignés, je vous dirai que vous êtes en France."

      > "Ceci dit, je sais que certain toubids français (peu nombreux) sont, sincèrement, pour le fonctionnariat et la médecine de groupe. Je pense qu’ils doivent être aidés et aussi, comme les autres fonctionnaires, contrôlés."

      Je pense que ce n’est pas si sur. Ils veulent surement une participation publique quand ils remplissent un role publique (par exemple les déclarations de maladies obligatoires, les vaccinations pour la grippe Bachelot - là, je suis pas sur...). Pour le reste, c’est plutot récompense à l’activité. Le problème, c’est que les feignants restent à l’hopital, pour un revenu fixe et sans surprise, avec une grille de salaires à l’envers. Le problème, c’est que le travail du médecin se caractérise par le fait qu’il n’est pas rentable pour ceux qui "évaluent" le travail (des autres). Quelle est la valeur d’une consultation ? d’une opération ? d’un scanner ? C’est la valeur de votre santé. Indirectement. Et tout aussi indirectement la valeur de votre vie, in fine. Et la bonne santé de la nation a des conséquences indirectes sur la productivité, la ruine des caisses de retraites...On arrive pas à quantifier la qualité, alors on décide de façon arbitraire du revenu des médecins, qui, un peu las d’etre les dindons de la farce, finissent par passer en secteur 2 ( la sécu rembourse le forfait, mais vous payez ce que le médecin vous demande, si vous avez les moyens, sinon vous allez aux urgences) : je suis tombé sur un article où un généraliste expliquait pourquoi il avait fait cela : il avait perdu ses clé ! C’est bête, non ? Ca vous est arrivé ? Si oui, vous connaissez le tarif : c’était presque 500 FF pour 15 minutes de travail. Ca donne plus envie d’être serrurier que médecin, non ?
      Les médecins, à mon avis ne doivent pas être aidés. C’est leur role qui doit être défini, et soit ils sont rémunérés en fonction de la valeur de leur travail, soit on va être envahis par des serruriers, même pas polonais.

      > "Le médecin est payé en fonction de son temps de travail et non en fonction du nombre de ses patients."

       ?? C’est l’inverse. Soit il est salarié à l’hopital (donc non fonctionnaire, ni titulaire) et sa durée de travail est fixe, et il est payé de + en + cher au fur et à mesure qu’il vieillit, soit il est en libéral, et il est payé à "l’acte".

      > "Il doit y avoir un système de contrôle des médecins, comme il doit y avoir un système de contrôle dans toute profession. "

      Les médecins sont un peu controlés. Et pas qu’un peu, en fait :
      la DDASS,
      la sécu,
      le fisc,
      les assureurs,
      les sociétés dites savantes,
      ils ont tous droit à une fiche des Renseignements Généraux,
      les patients,
      les confrères-concurrents,
      les labos pharmaceutiques,
      les ARS,
      les préfets,
      le Conseil de l’Ordre,
      l’Europe (ça vous étonne ?),
      j’ai pas d’autre idée sur le coup, mais si vous trouvez que ça ne suffit pas pour surveiller des gens censés vouloir du bien à leurs prochains, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
      A moins que vous ne disiez "un" système...,auquel cas, oui UN seul système, mais qui tourne rond, et qui rendrait des comptes à la Nation. C’était peut-être l’idée initiale à l’origine de la création du conseil de l’ordre ?
      Par contre si vous voulez surveiller les flics, les administrateurs de l’hopital, les avocats, les députés, les maires, les administrateurs de la sécu (qu’ils s’acharnent à couler depuis des décennies), allons-y !!!

      > Moi j’aurais bien envie de pouvoir continuer à choisir mon médecin, ça semble légitime... Mais pourtant...
      Les parents (ou les élèves) choisissent-ils les enseignants ? Pourtant c’est un rapport du même degré "d’intimité", il me semble..."

      Je ne saisis pas l’analogie entre un cours à l’école, et, au hasard, un toucher rectal. Ou alors vous nous cachez des choses ;-)
      Mais il est plausible de considérer que si le médecin est fonctionnarisé, vous allez à celui qui vous est administrativement attribué. Un peu comme le médecin "référent" imposé par la droite (tiens ?).

      > "L’hôpital public en danger"

      Il ne l’est plus, il est mort. L’hopital a été divisé en "poles". Ce n’est pas qu’un nouveau gadget comme les "services", puis les "départements". C’est une véritables partition de l’hôpital qui concerne même les activités de gestion, l’hotellerie, etc. c-à-d que cela va faciliter la vente àla découpe. La gestion des fiches de paye ? Au mieux disant. La gestion des repas ? Au mieux disant. La gestion de la biologie ? Au mieux disant. Le bloc ? Au mieux disant. la gestion des (tremblez !!!) dossiers médicaux ? Au mieux disant. Cela va faire des économies en administratifs !! Ce n’est pas un mal. La question qui pourrait se poser : quel "pôle" va être privatisé en premier ? Je pense que de toute façons, cela se fera par région sanitaire. Par exemple la Générale de Santé possèdera la gestion des dossiers de malades de la région ile de France, Sodexo fera les repas des établissements de la région PACA,etc Ce ne sont que des exemples. Mais ne doutons pas de l’appétit des requins qui tournent autour de la santé publique.

      > "et la cerise sur le gateau, ça sera quand ce sont les travailleurs EUX-MEMES ( en particuliers les jeunes ) qui demanderont qu’on supprime les cotisations sociales pour gagner plus"

      Exact ! La lucidité, ça fait mal parfois.
      Sans parler des autres scandales comme les heures supp’ exonérées de charges.
      (A ce propos, les médecins, à l’hopital, ne font jamais d’heures supp’, même à 70 h par semaine. Les autres corps de métier, à 35h, moins le mercredi après-midi, moins le vendredi soir, ils en font des tas !). On verra bien leur tête aux jeunes, quand ils comprendront que le montant de leur retraite dépend de leurs cotisations. Au fait, non, je ne verrai pas ça ; et c’est tant mieux.