Accueil > L’hypothèse communiste doit-elle être abandonnée ?

L’hypothèse communiste doit-elle être abandonnée ?

Publie le vendredi 9 novembre 2007 par Open-Publishing
12 commentaires

de Badiou Alain

Extraits de l’ouvrage "de quoi Sarkozy est-il le nom ?".

Je voudrais pour conclure 12, situer cet épisode Sarkozy, qui tout de même n’est pas une des pages grandioses de l’histoire de France, dans un horizon plus vaste. Disons une sorte de fresque hégélienne de l’histoire mondiale récente. Etant entendu que par histoire "récente", je ne pense pas, comme les journalistes, à la triade Mitterrand-Chirac-Sarkozy, mais au devenir de la politique d’émancipation, ouvrière et populaire, depuis à peu près deux siècles. Depuis la Révolution française et son écho progressivement universel, depuis les développements les plus radicalement égalitaires de cette révolution — entre les décrets du Comité robespierriste sur le maximum et les théorisations de Babeuf — nous savons (quand je dis "nous", c’est l’humanité abstraite, et le savoir concerné est le savoir universellement disponible sur les chemins de l’émancipation) que le communisme est la bonne hypothèse.

En vérité, il n’y en a pas d’autre, en tout cas, je n’en connais pas d’autre. Quiconque abandonne cette hypothèse se résigne à la minute même à l’économie de marché, à la démocratie parlementaire (qui est la forme d’État appropriée au capitalisme), et au caractère inévitable, « naturel », des inégalités les plus monstrueuses. « Communisme », qu’est-ce à dire ? Comme l’argumente Marx dans les Manuscrits de 1844, le communisme est une idée relative au destin de l’humanité générique. Il faut absolument distinguer cet usage du mot, du sens, entièrement usé aujourd’hui, de l’adjectif « communiste » dans les expressions comme « partis communistes », « monde communiste », pour ne rien dire de « Etat communiste », qui est un oxymore auquel on a prudemment et logiquement préféré l’obscur syntagme « État socialiste ». Même si, comme nous le verrons, ces usages du mot font partie du devenir historique, par étapes, de l’hypothèse. En son sens générique, « communiste » signifie d’abord négativement, comme on le voit dans le texte canonique, Manifeste du parti communiste, que la logique des classes, de la subordination fondamentale des travailleurs réels à une classe dominante, peut être surmontée.

Ce dispositif, qui est celui de l’Histoire depuis l’Antiquité, n’est pas inévitable. Par conséquent, le pouvoir oligarchique, cristallisé dans la puissance des Etats, de ceux qui détiennent la richesse et en organisent la circulation, n’est pas inéluctable. L’hypothèse communiste est qu’une autre organisation collective est praticable, qui éliminera l’inégalité des richesses et même la division du travail : tout un chacun sera un « travailleur polyvalent », et, en particulier, les gens circuleront entre le travail manuel et le travail intellectuel, comme du reste entre la ville et la campagne. L’appropriation privée de richesses monstrueuses, et leur transmission familiale par héritage disparaîtra. L’existence d’un appareil d’Etat coercitif, militaire et policier, séparé de la société civile, n’apparaîtra plus comme une nécessité évidente. Il y aura, nous dit Marx, tenant ce point pour son apport majeur, après une brève séquence de « dictature du prolétariat chargée de détruire les restes du vieux monde, une longue séquence de réorganisation, sur la base d’une « libre association » des producteurs et créateurs, laquelle supportera un « dépérissement de l’Etat ». « Communisme » ne désigne que cet ensemble très général de représentations intellectuelles.

Cet ensemble est l’horizon de toute initiative, si locale et limitée dans le temps soit-elle, qui, rompant avec l’ordre des opinions établies (soit la nécessité des inégalités et de l’instrument étatique de leur protection), compose un fragment d’une politique d’émancipation. Il s’agit en somme d’une Idée, pour parler comme Kant, dont la fonction est régulatrice, et non d’un programme. Il est absurde de qualifier les principes communistes (au sens que je viens de dire) d’utopie, comme on le fait si souvent. Ce sont des schèmes intellectuels, toujours actualisés de façon différente, et qui servent à produire, entre différentes politiques, des lignes de démarcation. En gros, étant donné une séquence politique, ou bien elle est compatible avec ces principes, et elle est émancipatrice au sens large, ou bien elle s’y oppose, et elle est réactionnaire. « Communisme » est, en ce sens, une hypothèse heuristique d’usage très fréquent dans la polémique, même si le mot n’apparaît pas. S’il est toujours vrai, comme l’a dit Sartre, que « tout anticommuniste est un chien », c’est que toute séquence politique qui, dans ses principes ou son absence de tout principe, apparaît formellement contradictoire avec l’hypothèse communiste en son sens générique, doit être jugée comme s’opposant à l’émancipation de l’humanité tout entière, et donc au destin proprement humain de l’humanité.

Qui n’éclaire pas le devenir de l’humanité par l’hypothèse communiste (quels que soient les mots qu’il emploie, car les mots importent peu) le réduit, en ce qui concerne son devenir collectif, à l’animalité. Comme on sait, le nom contemporain, c’est-à-dire capitaliste, de cette animalité, est : « concurrence ». Soit la guerre des intérêts, et rien d’autre. En tant qu’Idée pure de l’égalité, l’hypothèse communiste existe à l’état pratique depuis sans doute les débuts de l’existence de l’Etat. Dès que l’action des masses s’oppose, au nom de la justice égalitaire, à la coercition de l’Etat, on voit apparaître des rudiments ou des fragments de l’hypothèse communiste. C’est la raison pour laquelle, dans un fascicule dont le titre était De l’idéologie, écrit en collaboration avec le regretté François Balmès, et publié en 1976, nous proposions d’identifier des « invariants communistes ». Les révoltes populaires, par exemple celle des esclaves sous la direction de Spartacus, ou celle des paysans allemands sous la direction de Thomas Münzer, sont des exemples de cette existence pratique des invariants communistes.

Cependant, sous la forme explicite que lui donnent certains des penseurs et activistes de la Révolution française, l’hypothèse communiste inaugure la modernité politique. C’est elle qui jette bas les structures mentales de l’Ancien Régime, sans pour autant s’articuler sur les formes politiques « démocratiques » dont la bourgeoisie va faire l’instrument de sa conquête du pouvoir. Ce point est essentiel : dès le début, l’hypothèse communiste ne coïncide nullement avec l’hypothèse « démocratique » qui conduira au parlementarisme contemporain. Elle subsume une autre histoire, d’autres événements. Ce qui, éclairé par l’hypothèse communiste, semble important et créateur est d’une autre nature que ce que sélectionne l’historiographie démocratique bourgeoise. C’est bien pourquoi Marx, donnant ses assises matérialistes à la première grande séquence effective de la politique d’émancipation moderne, d’une part reprend le mot « communisme », d’autre part s’écarte de tout « politicisme » démocratique en soutenant, à l’école de la Commune de Paris, que l’Etat bourgeois, fût-il aussi démocratique que l’on veut, doit être détruit. Eh bien, je vous propose de juger à votre tour ce qui importe ou pas, de juger les points dont vous assumerez les conséquences, sur l’horizon de l’hypothèse communiste. Encore une fois, c’est la bonne hypothèse, on peut en convoquer les principes, quelles que soient les déclinaisons ou les variations qu’ils subissent dans des contextes différents.

Dans un entretien, Sartre dit en substance « Si l’hypothèse communiste n’est pas bonne, si elle n’est pas praticable, alors cela veut dire que l’humanité n’est pas une chose en soi très différente des fourmis ou des termites. » Que veut-il dire par là ? Que si la concurrence, le « libre marché », la sommation des petites jouissances et les murs qui vous protègent du désir des faibles sont l’alpha et l’oméga de toute existence, collective ou privée, la bête humaine ne vaut pas un clou. C’est à ce « pas un clou » que Bush, sous l’abri du conservatisme agressif et de l’esprit de croisade, que Blair-le-pieux, sous l’abri de sa rhétorique militariste, que Sarkozy, sous l’abri de la discipline « travail, famille patrie », veulent réduire l’existence de l’immense majorité des humains vivants. Et la « gauche » est encore pire, de ne juxtaposer à ces violences vides que sa propre longanimité creuse, son vague esprit de charité, en sorte qu’au concurrentiel morbide, à la victoire en carton-pâte des fils et filles à papa, au ridicule surhomme de la finance déchaînée, au héros shooté des Bourses planétaires, elle n’oppose, la gauche, que les mêmes acteurs avec un peu de gentillesse sociale, un peu d’huile de noix dans les rouages, des miettes de pain béni pour les déshérités, n’empruntant en somme à Nietzsche que la figure exsangue du « dernier homme ».

En finir une fois pour toutes avec Mai 68, c’est consentir à ce qu’il n’y ait d’autre choix pour nous qu’entre le nihilisme héréditaire de la finance et la piété sociale. Il faut alors non seulement reconnaître que le communisme s’est effondré en Union Soviétique, non seulement reconnaître que le PCF est misérablement défait, mais il faut aussi et surtout abandonner l’hypothèse que Mai 68 était une invention militante précisément consciente de l’échec du « communisme » d’État. Et donc que Mai 68, et plus encore les cinq années qui suivirent, inauguraient une nouvelle séquence de l’hypothèse communiste véritable, celle qui se tient toujours à distance de l’Etat. Et certes, personne ne savait où tout cela pouvait mener, mais on savait en tout cas que ce dont il était question était la renaissance de l’hypothèse. Si ce dont Sarkozy est le nom impose qu’il faille abandonner toute idée d’une semblable renaissance, si la société humaine est une collection d’individus qui poursuivent leurs intérêts, si telle est éternellement la réalité, il est certain que le philosophe peut et doit abandonner la bête humaine à ce triste destin. Mais nous ne laisserons pas le triomphal Sarkozy nous dicter le sens de l’existence, ni les tâches de la philosophie. Car ce à quoi nous assistons n’impose nullement le renoncement à l’hypothèse communiste, mais seulement la considération du moment où nous en sommes de l’histoire de cette hypothèse.

12. Tout le développement sur l’hypothèse communiste était esquissé dans mon séminaire du 13 juin 2007. Cf. les références de la note 1.

IX L’histoire de l’hypothèse communiste, et son moment actuel

Donc, une fresque historique s’impose, où situer notre effort. Il y a eu deux grandes séquences de l’hypothèse communiste : celle de sa mise en place, de son installation ; et celle de la première tentative de sa réalisation.

La première séquence va de la Révolution française à la Commune de Paris, disons de 1792 à 1871. Elle dure donc à peu. près quatre-vingts ans. Cette séquence comporte toutes sortes de phénomènes politiques entièrement nouveaux dans toutes sortes de pays du monde. Cependant, on peut dire que, en ce qui concerne les péripéties majeures, elle est essentiellement française. Marx en personne assignait certes le fondement philosophique de la séquence à l’Allemagne (la dialectique hégélienne), et sa tournure scientifique à l’Angleterre (la naissance de l’économie politique), mais son contenu politique réel, dans l’ordre de la pratique, à la France (le mouvement ouvrier français 13.) Cette séquence lie, sous le signe du communisme, le mouvement populaire de masse et une thématique de la prise du pouvoir. Il s’agit d’organiser le mouvement populaire, sous des formes multiples — manifestations, grèves, soulèvements, actions armées, etc. — autour de la thématique d’un renversement.

Ce renversement est évidemment un renversement insurrectionnel qu’on appelle « révolution >. Cette révolution supprime la forme de la société (la propriété privée, l’héritage, la séparation de l’humanité en nations, la division du travail, etc.), et instaure l’égalité communiste, ou ce que les penseurs ouvriers, si bien analysés par Jacques Rancière 14, nomment la « communauté des Egaux ». L’ordre ancien va être abattu par une combinaison de sa propre corruption immanente et de la pression, éventuellement armée, du mouvement populaire. C’est aussi à ce moment qu’apparaît le paramètre particulier du mouvement ouvrier. Les vieilles catégories révolutionnaires, le petit peuple des villes, les artisans, les étudiants et les intellectuels, la masse paysanne pauvre, sont transformées, relevées, par la fonction dirigeante de la classe ouvrière * Cette séquence est close par la nouveauté saisissante et l’échec radical de la Commune de Paris. La Commune a été la forme suprême de cette combinaison de mouvement populaire, de direction ouvrière et d’insurrection armée. Elle a montré la vitalité extraordinaire de cette formule : elle a pu exercer un pouvoir de type nouveau pendant deux mois, dans une des plus grandes capitales de l’Europe, avec l’appui interne de nombreux révolutionnaires étrangers, notamment des Polonais, ce qui montrait la force du concept marxiste d’Internationale.

Mais elle a également montré ses limites. Car elle n’a pu ni donner à la révolution une envergure nationale ni organiser efficacement la résistance quand la contrerévolution, avec l’appui tacite des puissances étrangères, a pu compter sur un appareil militaire efficient. La deuxième séquence va de 1917 (la Révolution russe) à 1976 (la fin de la Révolution culturelle en Chine, mais aussi la fin du mouvement militant surgi partout dans le monde aux alentours des années 1966-1975, et dont l’épicentre, du point de vue de la nouveauté politique, a été Mai 1968 en France et ses conséquences dans les années qui suivirent). Cette deuxième séquence dure une cinquantaine d’années. Mais remarquons aussi qu’elle est séparée de la première par une coupure d’à peu près la même longueur (plus de quarante ans). Cette deuxième séquence, très complexe, et qui contient aussi, dans son bord terminal, ce dont nous sommes les héritiers, est dominée par la question du temps. Comment être victorieux ? Comment, contrairement à la Commune de Paris, durer face à la sanglante réaction des possédants et de leurs mercenaires ? Comment organiser le nouveau pouvoir, le nouvel Etat, de façon à ce qu’il soit à l’abri de sa destruction par ses ennemis ? La grande question de Lénine est de répondre à ces questions.

Et ce n’est certes pas pour rien qu’il a dansé sur la neige quand le pouvoir insurrectionnel a duré, en Russie, un jour de plus que la Commune de Paris. Durant cette seconde séquence, le problème n’est plus l’existence d’un mouvement populaire et ouvrier agissant sous l’hypothèse communiste, ni non plus l’idée générique de révolution, sous sa forme insurrectionnelle. Le problème est celui de la victoire et de la durée. On peut dire qu’il ne s’agit plus de formuler et d’expérimenter l’hypothèse communiste, mais de la réaliser. De ce point de vue, la maxime générale est celle formulée par Lénine, qui est en substance : « Nous entrons dans la période des révolutions prolétariennes victorieuses ». C’est la raison pour laquelle les deux premiers tiers du XXe siècle sont dominés par ce que j’ai appelé « la passion du réel 15 » : ce que le XIXe siècle a rêvé et expérimenté, le XXe doit l’accomplir intégralement. Cette obsession de la victoire et du réel s’est concentrée dans les problèmes de l’organisation et de la discipline, elle est tout entière contenue, à partir de 1902 et du Que faire ? de Lénine dans la théorie et la pratique du parti de classe, centralisé et homogène. On peut dire que les partis communistes ont incarné, dans leur « discipline de fer ", le réel de l’hypothèse communiste.

Cette construction caractéristique de la deuxième séquence de l’hypothèse, le parti, a en effet résolu la question léguée par la première séquence, notamment par la Commune de Paris, qui en avait été l’apogée et la fin : la question de la victoire. En Russie, en Chine, en Tchécoslovaquie, en Albanie, en C orée, au Vietnam, et même à Cuba un peu autrement, sous la direction de partis communistes, la complète révolution de l’ordre politique et social l’a emporté, par l’insurrection ou la guerre populaire prolongée, et a duré, sous la forme de ce qui a été nommé « l’État socialiste ». Après la première séquence, qui était sous le signe de la formulation de l’hypothèse communiste et de sa réalité en tant que mouvement, il y a bien eu une deuxième séquence, sous le signe de son organisation disciplinée et militarisée, de sa victoire locale et de sa durée. Comme il est normal, la seconde séquence a créé à son tour un problème qu’elle n’avait pas les moyens de résoudre en utilisant les méthodes qui lui avaient permis de résoudre le problème légué par la première séquence. En effet, le parti, approprié à la victoire insurrectionnelle ou militaire remportée contre des pouvoirs réactionnaires affaiblis, s’est révélé inapte à la construction d’un Etat de dictature du prolétariat au sens de Marx, soit un Etat organisant la transition vers le non-État, un pouvoir du non-pouvoir, une forme dialectique du dépérissement de l’État.

Sous la forme du Parti-Etat, on a au contraire expérimenté une forme inédite d’Etat autoritaire, voire terroriste, en tout cas très séparé de la vie pratique des gens. Nombre de réalisations de ces États « socialistes » ont été remarquables, dans les domaines notamment de l’éducation, de la santé publique, de l’idéologie quotidienne (valorisation formelle du travailleur ordinaire), de l’ordre public. Sur le plan international, ces États ont suffisamment fait peur aux États impérialistes pour les contraindre, au dehors comme au dedans, à des prudences que nous regrettons fort aujourd’hui, où l’arrogance du capitalisme parvenu à son stade suprême ne connaît plus de limites. Cependant, le principe étatique était en lui-même vicié et finalement inefficace. Le déploiement d’une violence policière extrême et sanglante n’a aucunement suffi à le sauver de son inertie bureaucratique interne, et dans la compétition féroce que lui ont imposée ses adversaires, il n’a guère mis plus de cinquante ans à montrer qu’il ne l’emporterait jamais. C’est à ce problème du Parti comme inadéquat à assurer la durée réelle et la transformation créatrice de l’hypothèse communiste que sont consacrées les dernières convulsions importantes de la deuxième séquence : la Révolution culturelle en Chine et la nébuleuse nommée « Mai 68 » en France. En Chine, la maxime de Mao sur ce point est : « Sans mouvement communiste, pas de communisme ».

Il faut à tout prix tremper le parti dans le mouvement de masse pour le régénérer, le dé-bureaucratiser, et le lancer dans la transformation du monde réel. La Révolution culturelle 16 tente cette épreuve, et devient vite chaotique et violente, tant la définition de l’ennemi est soit incertaine, soit dirigée contre l’unique pilier de la société : le parti communiste lui-même. Mao n’y est pas pour rien, dès lors qu’il déclare : « On ne sait pas où est la bourgeoisie ? Mais elle est dans le parti communiste ! » Finalement, faute de soutien donné aux expériences les plus radicales de décentralisation de l’Etat (la « Commune de Shanghai », au début de 1967), il faudra rétablir l’ordre ancien dans les pires conditions. En France, après Mai 68 le motif dominant est que l’action collective organisée doit créer de nouveaux lieux politiques, et non en était Lénine au tout début du XXe siècle, quand la question : « Que faire ? » admet des réponses expérimentales précises, dans un contexte général dominé par l’adversaire, et qui va, lentement mais sûrement, vers cette accélération des phénomènes subjectifs que propose toujours la guerre.

Rappelons en effet qu’entre la première et la deuxième séquence, entre le dernier Marx et le premier Lénine, il y a quarante ans d’impérialisme triomphant. De la répression de la Commune de Paris à la guerre de 14, on a l’apogée de la bourgeoisie, qui occupe la planète, qui dévaste et pille des continents entiers. Je parle de séquences de l’hypothèse communiste, mais ces séquences sont séparées par des intervalles dans lesquels ce qui l’emporte, en termes d’équilibre et de stabilisation, n’est aucunement l’hypothèse communiste. On y déclare au contraire que cette hypothèse est intenable, voire absurde et criminelle, et qu’il faut y renoncer. Ainsi nous retrouvons Sarkozy : en finir avec Mai 68 une fois pour toutes. Ce qui nous autorise à revenir à l’interrogation : où en sommes-nous ? Admettons qu’à échelle mondiale, la deuxième séquence se soit achevée vers la fin des années soixante-dix du précédent siècle. Admettons que depuis, tirant les leçons des expériences critiques qui ont marqué le bord terminal de cette séquence, Mai 68 et la Révolution culturelle, dans diverses situations, divers collectifs cherchent la voie d’une politique d’émancipation adéquate au temps présent.

Alors, nous sommes dans le contexte d’une nouvelle période intervallaire, une période de triomphe apparent de l’adversaire. Nous pouvons décrire, par exemple, sans découragement ni concession, ce qui se passe en France, c’est-à-dire la réapparition de formes, incorporées à l’État, du pétainisme transcendantal. Ce n’est pas un phénomène aberrant ou discordant, qui devrait nous déprimer. C’est une cristallisation locale du fait que nous sommes dans une période intervallaire, comme il y en a déjà existé une, fort longue, à la fin du XIXe siècle et au début du Or, nous savons que, dans ce genre de circonstances, ce qui est à l’ordre du jour est l’ouverture d’une nouvelle séquence de l’hypothèse communiste. Le seul problème étant celui de l’étendue de la catastrophe qu’une fois encore la guerre, cette inévitable convulsion de l’impérialisme, imposera à l’humanité, pour prix de l’avancée, de l’avancée d’un pas, de cela seul qui organisera son salut : l’égalitarisme communiste, cette fois à l’échelle du monde entier. Nous qui avons connu Mai 68 et la Révolution Culturelle, nous devons absolument transmettre aux militants dispersés de l’hypothèse communiste une certitude rationnelle, déjà immanente à ces intenses moments politiques : ce qui va venir ne sera pas, ne pourra pas être, la continuation de la seconde séquence.

Le marxisme, le mouvement ouvrier, la démocratie de, masse, le léninisme, le Parti du prolétariat, l’Etat socialiste, toutes ces inventions remarquables du XXe siècle, ne nous sont plus réellement utiles. Dans l’ordre de la théorie, elles doivent certes être connues et méditées. Mais dans l’ordre de la politique, elles sont devenues impraticables. C’est un premier point de conscience essentiel : la deuxième séquence est close, et il est inutile de vouloir la continuer ou la restaurer. La vérité, dont encore une fois la venue fut esquissée dès les années soixante du dernier siècle, est que notre problème n’est ni celui du mouvement populaire comme porteur d’une nouvelle hypothèse, ni celui du parti prolétarien comme dirigeant victorieux de la réalisation de cette hypothèse. Le problème stratégique lié à la troisième séquence, à l’ouverture de laquelle nous travaillons, est autre chose. Comme nous sommes dans une période intervallaire dominée par l’ennemi, et que les expériences nouvelles sont très circonscrites, je ne suis pas en état de vous dire ce qu’est, à coup sûr, l’essence de la troisième période qui va s’ouvrir.

Cependant, la direction générale, disons la philosophie abstraite de la chose, me semble dicible : ce dont il s’agit concerne un nouveau rapport entre le mouvement politique réel et l’idéologie. C’est bien ce que déjà sous-entendaient l’expression « révolution culturelle », et l’énoncé de Mao : « Pour avoir de l’ordre dans l’organisation, il faut d’abord avoir de l’ordre dans l’idéologie. » C’est aussi ce que sous-entendait l’idée, commune après Mai 68, de « révolutionnarisation des esprits ». L’hypothèse communiste comme telle est générique, elle est le « fond » de toute orientation émancipatrice, elle nomme la seule chose qui vaille qu’on s’intéresse à la politique et à l’histoire. Mais la présentation de l’hypothèse est ce qui détermine une séquence : une nouvelle manière pour l’hypothèse d’être présente dans l’intériorité des nouvelles formes d’organisation et d’action. Bien entendu, d’une manière ou d’une autre, nous cumulerons les enseignements théoriques et historiques issus de la première séquence, et la fonction centrale de la discipline victorieuse, issue de la seconde.

Cependant, notre problème n’est ni l’existence en mouvement de l’hypothèse, ni sa victoire disciplinée au niveau de l’État. Notre problème est le mode propre sur lequel la pensée, ordonnée par l’hypothèse, se présente dans les figures de l’action. En somme : un nouveau rapport du subjectif et de l’objectif, qui ne soit ni mouvement multiforme animé par l’intelligence de la multitude (comme le croient Negri et les altermondialistes), ni Parti rénové et démocratisé (comme le croient les trotskystes et les maoïstes ossifiés). Le mouvement (ouvrier) au XlXe et le Parti (communiste) au XXe siècle ont été les formes de présentation matérielle de l’hypothèse communiste. Il est impossible de revenir à l’une ou l’autre formule. Quel pourra bien être alors le ressort de cette présentation au XXIe siècle ? Notons qu’au XIXe siècle, la grande question a d’abord été, tout simplement, celle de l’existence de l’hypothèse communiste.

Quand Marx dit que le spectre du communisme hante l’Europe, il veut dire : l’hypothèse est là, nous l’avons installée. La deuxième séquence, celle du parti révolutionnaire à la discipline de fer, de la militarisation de la guerre de classe, de l’Etat socialiste, a sans doute été la séquence d’une représentation victorieuse de l’hypothèse. Cependant, cette représentation a conservé les caractéristiques de la première séquence, singulièrement l’idée du renversement (« le monde va changer de base »), l’idée de la révolution comme échéance globale. Disons que la victoire était encore pensée comme victoire de la forme première de l’hypothèse. Ce qui est à l’ordre du jour pour nous, depuis l’expérience négative des Etats socialistes, et depuis les leçons ambiguës de la Révolution culturelle et de Mai 68 — et c’est pour cela que notre recherche est si compliquée, si errante, si expérimentale —, c’est de faire exister l’hypothèse communiste sur un autre mode que celui de la première séquence.

L’hypothèse communiste reste la bonne hypothèse, je l’ai dit, je n’en vois aucune autre. Si cette hypothèse doit être abandonnée, ce n’est pas la peine de faire quoi que ce soit, dans l’ordre de l’action collective. Sans l’horizon du communisme, sans cette Idée, rien dans le devenir historique et politique n’est de nature à intéresser le philosophe. Que chacun s’occupe de ses affaires, et n’en parlons plus. Donnons raison à l’homme aux rats, comme le font du reste quelques anciens communistes, soit avides de prébendes, soit désormais dépourvus de tout courage. Mais tenir sur l’Idée, sur l’existence de l’hypothèse, cela ne veut pas dire que sa première forme de présentation, centrée sur la propriété et sur l’État, doit être maintenue telle quelle. En fait, ce qui nous est imparti comme tâche, disons même comme devoir philosophique, c’est d’aider à ce que se dégage un nouveau mode d’existence de l’hypothèse. Nouveau par le type d’expérimentation politique auquel cette hypothèse peut donner lieu. Nous sommes instruits par la deuxième séquence et ses tentatives terminales : nous devons revenir vers les conditions d’existence de l’hypothèse communiste, et non pas seulement en perfectionner les moyens. Nous ne pouvons nous satisfaire de la relation dialectique entre l’Etat et le mouvement de masse, de la préparation de l’insurrection, de la construction d’une organisation disciplinée puissante.

Nous devons, en réalité, réinstaller l’hypothèse dans le champ idéologique et militant. Soutenir aujourd’hui l’hypothèse communiste dans l’expérimentation locale d’une politique, expérimentation qui nous permet de maintenir, contre la domination réactionnaire installée, ce que j’appelle un point, c’est-à-dire une durée propre, une consistance particulière : voilà la condition minimale pour que le maintien de l’hypothèse apparaisse aussi comme la transformation de son évidence. A cet égard, nous sommes plus proches d’un ensemble de problèmes déjà examinés au XIXe siècle que nous ne le sommes de la grande histoire des révolutions du XXe siècle. Nous avons affaire, comme à partir de 1840, à des capitalistes absolument cyniques, de plus en plus animes par l’idée qu il n y a que la richesse qui compte, que les pauvres ne sont que des paresseux, que les Africains sont des arriérés, et que l’avenir, sans limite discernable, appartient aux bourgeoisies « civilisées » du monde occidental.

Toutes sortes de phénomènes du XIXe réapparaissent : des zones de misère extraordinairement étendues, à l’intérieur des pays riches comme dans les zones délaissées ou pillées, des inégalités sans cesse grandissantes, une coupure radicale entre le peuple ouvrier, ou sans travail, et les classes intermédiaires, la dissolution complète du pouvoir politique dans le service des biens, la désorganisation des révolutionnaires, le désespoir nihiliste de fractions étendues de la jeunesse, la servilité d’une large majorité des intellectuels, l’activité expérimentale serrée, mais très encerclée, de quelques groupes à la recherche des moyens contemporains de l’hypothèse communiste... Et c’est sans doute pourquoi, comme au XIXe siècle aussi, ce n’est pas de la victoire de l’hypothèse qu’il est question aujourd’hui, tout le monde le sait bien, mais des conditions de son existence. Et ça, c’était la grande question des révolutionnaires du XIXe siècle : d’abord, faire exister l’hypothèse. Eh bien, telle est, dans la période intervallaire qui nous oppresse, notre tâche. Et elle est exaltante : par la combinaison des constructions de la pensée, qui sont toujours globales ou universelles, et des expérimentations politiques, qui sont locales ou singulières, mais transmissibles universellement, assurons l’existence nouvelle, dans les consciences et dans les situations, de l’hypothèse communiste.

13. Pour la fonction du « mouvement ouvrier français » dans la genèse du marxisme, parallèle à celles de la « philosophie allemande » et de « l’économie politique anglaise », on lira le très beau texte de Lénine, Les trois sources et les trois parties constitutives du Marxisme 14. Sur la genèse, au XIXe siècle, de la figure ouvrière comme référence politique et idéologique, ses conséquences dans le champ de la pensée, la doctrine qui s’y lie de la « communauté des égaux », il faut évidemment lire les grandes oeuvres de Jacques Rancière, notamment ces deux très beaux livres que sont La nuit des prolétaires (1981) et Le maître ignorant (1987). 15. J’ai proposé une analyse détaillée de la « passion du réel » comme forme subjective typique du XXe siècle dans mon livre Le siècle (Le Seuil, 2005). 16. Pour avoir une idée de ce que je pense de la Révolution Culturelle chinoise et de l’usage que j’en fais, on lira la brochure La Révolution Culturelle : la dernière révolution ?, publiée dans le cadre des Conférences du Rouge Gorge que Natacha Michel et moi-même avons créées et dirigées entre 2001 et 2005.

Pour se la procurer, utiliser les références de la note 5. 17. Sur Mai 68, saisi dans son essence politique véritable, et non comme une « crise » culturelle de la jeunesse, on lira la conférence de Natacha Michel, O Jeunesse ! O Vieillesse !, publiée dans le cadre des conférences du Rouge Gorge. Cf. notes 16 et 5. Natacha Michel, grande romancière, a inventé la prose où déplier cette expérience. Qu’on lise La Chine européenne (Gallimard, 1975) et Circulaire à toute ma vie humaine (Le Seuil, 2005). 18. Parmi les séquences politiques, longues ou brèves, identifiées comme travaillant, dès le milieu des années soixante-dix, à réinstaller l’hypothèse communiste (même si le mot était souvent honni), c’est-à-dire à transformer, à contre-courant de la domination du capitalo-parlementarisme, le rapport entre la politique et 1’Etat, on peut citer : les deux premières années de la révolution portugaise ; la toute première séquence, notamment dans les usines, du mouvement Solidarnosc en Pologne ; la première phase de l’insurrection contre le Shah d’Iran ; la création en France de l’Organisation politique ; le mouvement Zapatiste au Mexique.

Aujourd’hui, il faut enquêter sur la vraie nature du lien au peuple d’organisations que limitent, du point de vue des leçons universelles qu’on peut en tirer, leur allégeance religieuse : le Hezbollah au Liban, et le Hamas en Palestine. Il faut aussi prêter attention aux innombrables soulèvements ouvriers et paysans en Chine, aux actions des « maoïstes « en Inde et au Népal... La liste n’est aucunement close.

Messages

  • Badiou le dernier grand philosophe révolutionnaire de la gauche. Ca fait du bien de lire ce genre de texte.

  • bonjour,

    Merci de votre interet pour Badiou,
    sa traversée du desert semble achevée,pour des raisons inconnues,l’air du temps ou bien les medias sont ils en manquent de “nouveaux philosophes” ?

    Il est pourtant present sur le terrain des luttes et sur l’Internet depuis des années par le site : l’Organisation politique (travailleurs des foyers),qui exprime la pratique collective reelle a laquelle il participe :

    http://www.orgapoli.net/

    • je dirais que si Badiou "revient" ou semble émerger c’est tout simplement que le désarroi de ceux qui espèrent et pensent encore est tel que toutes idées construites, ayant des logiques philosophiques étayées par l’histoire, sont bienvenues ; nous pensons tous que la gross catastrophe est pour bientôt, le radicalisme du capitalisme, la fin des ressources pas chères, la possible fin du capitalisme "démocratique" vers une forme de totalitarisme est en train de naître à l’évidence aux USA et dans une certaine mesure en Europe. Il se peut qu’il n’advienne pas, mais on ne voit pas bcp d’obstacle. Les grands équilibres économiques sont bouleversés par l’accroissement des activités en Inde et Chine, à quelle sauce piquante allons-nous être mangé, et au delà, comment le monde, l’humanité va s’en sortir ?

      Ce texte est passionnant une invite à réfléchir à plusieurs, à militer - peut-être est-il est encore temps ? mais certainement plus pour très longtemps ... ainsi ne va pas le monde !

      Vieux rat.

  • Je dois dire que ce texte m’a foutu les larmes aux yeux.
    Je l’ai enregistré pour le relire plus prondondément.

    Que dire de plus entre regrets, lucidité, mélancolie et espérance ?..Rien pour ce qui est d’avenir, rien pour les valeurs d’humanité, les valeurs de l’humanité. Elles ne sont pas mortes, juste dans un sommeil triste, une longue contraction de nos colères et de nos forces.

    Soleil Sombre

    • Des fois,par pirouette d’autres par humour ou désespoir, souvent les deux ou les trois, je persiste à affirmer qu’avec un bon rapport de force, l’Utopie est à portée de la main.

      Et là, d’un seul coup , je ne suis pas tout seul à croire encore à la matérialité de l’Utopie et de sa nécessité.

      Ca fait du bien de voir rerougir l’horizon

    • L’echec du commuinisme ne vient-il pas justement du fait qu’on a cessé de faire de l’hypothèse communiste une hypothèse pour en faire une thèse, en voulant instaurer le communisme ?

      Ce que ne me semble pas voir Badiou (à une première lecture rapide) c’est que le communime a échoué précisément partout ou il a été posé comme une thèse c’est-à-dire comme une idée à laquelle il fallait bien que la réalité se plie puisque qu’il s’agissait de réaliser cette hypothèse ou idée !
      C’est l’idée que l’émancipation humaine puisse procéder de la mise en oeuvre d’idées qui cessent d’être hypothétiques pour être thétiques qui est à l’origine du fait communiste comme dictatorial !

      Ce qui signifie que si le communisme doit être une hypothèse et doit le rester il ne peut être mis en oeuvre comme tel.
      Il y a une différence fondamentale entre mettre en oeuvre une politique avec le communisme comme idéal régulateur et mettre en oeuvre le communisme comme tel !

      Dans le premier cas le communisme éclaire une action qui l’éclaire en retour et peut le tranformer profondément, et le peuple garde en permanence la maîtrise de l’oeuvre.

      Dans le deuxième cas, la volonté d’instaurer le communisme fait de celui-ci une oeuvre déja élaborée, qui s’impose au peuple qui n’est plus maitre de cette oeuvre mais seulement sa main d’oeuvre ! C’est là que la maitrise lui échappe, que le communisme s’impose comme dictature parce qu’il est pensé par ceux qui le portent politiquement comme ce qui doit être instauré !

      Le communisme ne peut vivre et triompher qu’en étant une hypothèse pour l’action (un guide dira Marx) et jamais une thèse à laquelle plier la réalité ! Jamais une idée à réaliser !

      Cela c’est la définition même de l’idéalisme et c’est cet idéalisme qui a fait de l’hypothèse communiste la thèse d’un crime ! Ce qui explique la tournure qu’a pris le communisme au 20ieme siècle c’est cet idéalisme, cette religiosité persistante jusque dans une pensée qui se voulait non religieuse, qui voulait soumettre le réel à l’idée, réaliser La libération, au lieu de libérer en donnant aux hommes les moyens d’êtres maitre d’oeuvre de leur histoire, de leur expérience, de leur faire ; Maitre d’oeuvre et non main d’oeuvre !

      Le communisme comme paradis enfin accessible au lieu de rester ce qui peut éclairer un chemin et surtout la possibilité d’ouvrir un chemin vers la liberté là est l’impasse ;

      Tout est là pour moi et, encore une fois, certainement pas dans dans le fait que l’idée pure aurait été devoyée par des salauds ou des imbéciles ou qu’elle aurait été oubliée dans sa pureté, dans ses fondamentaux !

      Il faut penser cela pour être à la hauteur des catastrophes passées et des exigences du présent.
      Badiou (et d’autres) nous y aide en nous tournant vers le fondamental ! Il ne faut certainement pas prendre ce qu’il dit pour une réhabilition et une justification pure et simple de notre identité communiste, comme si nous pouvions nous dire " j’ai donc raison d’être et de rester communiste" !

      Non, je lis Badiou jusque dans le réserves que je formule, comme celui qui nous dit " nous avons à être enfin communistes à le devenir parce que rien de ce qui a été fait jusqu’à présent dans le réel comme dans la pensée pratique de l’action n’a été fidèle, non a une idée pure , mais a une pensée en acte et une pratique adéquate à cette pensée !

      LE COMMUNISME N’EST PAS UN IDEAL A REALISER !!! Voilà la phrase de Marx qu’il faut penser et penser encore et dont il faut tirer toutes les conséquences.
      Pas une thèse à faire entrer dans le réel mais une hypothèse servant de guide pour l’action, qui restera donc toujours un simple guide, un instrument entre les mains d’une peuple qui doit l’utiliser pour satisfaire ses intérêts et non agir pour réalisé l’intérêt supérieur que serait ce communisme en lui même !
      Il n’y a pas d’intérêt supérieur, au dessus de l’histoire qui serait le communisme et donc aussi d’intérêt supérieur du parti !

      Il n’y à que l’intérêt du peuple, rien d’autre ! Que le communisme représente l’intérêt du peuple, c’est et cela doit rester une hypothèse à vérifier pour et par ce qu’elle apporte, qu’on peut et doit modifier si nécessaire, qu’il doit être de la liberté du peuple de rejeter si cette hypothèse s’averrait fausse !

      Le communisme comme queque chose, une société, un ordre à instaurer voilà le monstrueux en nous ! Voilà ce qu’il y a de plus anti marxiste en nous !! Voilà qui explique aussi son histoire !

      Gilles

    • Je lis ce que tu écris , Gilles , et je constate que le vieux débris maoïste Badiou , parvient à te faire croire à sa sincérité alors qu’il use simplement d’habiletés pour tenter de ressusciter son vieux fond de commerce totalitaire marxiste-léniniste.

      Les crimes de Mao n’ont jamais perturbé sa digestion , pas même ceux de Pol Pot , par contre la démocratie le fait gerber.

      C’est un maoïste jacobinier comme le montre l’infâme association qu’il fait entre le journaliste François-Noël ( dit Gracchus ) Babeuf et les terroristes de Robespierre . Cà aussi c’est un oxymore .
      Babeuf avait en aversion les conspirateurs et les sanguinaires . Il n’a jamais fait de conjuration , même des égaux . Par contre la jacobinière et en premier lieu , Fouché , patron des mouchards , ont bel et bien conspiré contre lui pour l’envoyer à la guillotine. C’est Fouché en personne qui me l’a appris . Je n’ai pas ce salopard en sympathie , mais j’ai lu ses mémoires et il en parle dedans.

      Une trentaine d’année après l’exécution de Babeuf , le jacobin Buonarroti a refilé un vieux paquet de papiers jaunis imprimés , en disant que c’étaient des écrits de Babeuf. L’histoire de France qui depuis , les attribue comme Buonarroti , à Babeuf , n’indique aucune réserve à propos de leur authenticité . Alors forcément , ces textes jacobins transforment notre ami Babeuf en auteur d’écrits carrément schizophènes .

      Je me permets juste de protester au nom de Babeuf qui fut un authentique ami des droits de l’homme. Ses écrits authentiques ne plaisaient pas du tout aux jacobins coupeurs de têtes et fabricants de charniers . Ils l’ont relooké à leur sauce mensongère parce qu’ils ne supportaient pas d’avoir un tel adversaire à leur gauche.. Quand un texte de Babeuf est jacobin , çà veut tout simplement dire que c’est du Buonarroti et pas du Babeuf . C’est en prison que Babeuf avait rencontré ce type , sans savoir que c’était un homme de Fouché . La suite nous apprend que pour Babeuf , ce fut une rencontre mortelle . Pour Blanqui puis Lénine , le jacobin Buonarroti fut le maître à penser côté méthodes totalitaires.

  • Le monde ouvrier, dans le sens historique et social de l’expression, était le pourvoyeur de voix pour les partis de gauche, diverses raisons ont oeuvré à son effritement, voire sa disparition.
    Sans aborder toutes les causes profondes de ces désagrégations, il est possible toutefois d’en dégager certaines qui apparaissent comme essentielles.

    L’une des premières, à priori la moins évidente, est une question de sémantique liée en partie aux tribulations de mai 68. Car, en dehors du fait que le monde ouvrier ait pris le train en marche de la révolte étudiante, puis dont ses syndicats ont voulu se l’approprier, pour finir par le saboter avec l’aide d’un parti communiste conscient d’avoir été débordé, même si des accords de Grenelle négociés en catimini ont apporté quelques avantages au sort des travailleurs, ou peut-être à cause de tout cela, à la suite de cette révolution essentiellement intellectuelle, sous prétexte de redonner un semblant de qualification soit-disant plus acceptable et plus dans l’air du temps à diverses professions, l’on a alors appelé celles-ci : Technicien de machin, Technicien de truc, Agent de truc, Agent de machin et ainsi de suite ; même le traditionnel facteur est devenu le préposé. L’honneur des travailleurs s’en sentit revigorer, oubliant de fait des avantages sociaux et des salaires mal revalorisés. Pourtant il n’y avait pas de quoi pavoisé, puisque l’on avait subitement oublié que le terme ouvrier vient d’oeuvre, donc celui qui conçoit ou exécute une oeuvre. Et que l’ouvrage ainsi effectué porte un nom simple : celui qui tourne une pièce métallique est un tourneur, celui qui fond de la fonte est un fondeur et celui qui balaie est un balayeur, sans que ces qualificatifs soit péjoratifs. Au contraire, c’est la dénomination, vrai, du travail réalisé auquel, quelque soit la tâche, on doit la même considération et respect. A la suite de quoi, sans que cela paraisse, déjà ces appellations subliminales avaient déstabilisé la cohésion du monde ouvrier.

    Parallèlement à à cette prétendue embellie de la condition ouvrière, une autre mutation était en gestation : celle du patronat traditionnel. Le capitalisme à la « papa » allait disparaître, absorbé lui aussi par le monde moderne.

    Certes on aura toujours du mal à encenser les grands patrons d’antan, car se fut après de dures tractations dont ils tentaient d’atténuer l’âpreté par un paternalisme bon enfant, puis devant leur intransigeance il aura fallut des grèves innombrables et longues pour permettre aux travailleurs de conquérir quelques avantages, ils ont donc le plus souvent privilégié l’enrichissement de leurs patrimoines au dépend de la qualité de vie de leurs ouvriers. Mais, pour beaucoup, ils étaient les descendants de ces nouveaux patrons qu’avaient façonné la révolution industriel de la fin du XIXéme siècle - particulièrement dans l’industrie lourde et le textile - et portaient en héritage un certain savoir faire, connaissaient leur métier, perpétuant le sens de l’oeuvre qu’avaient légué leurs ancêtres, en quelques sortes des hommes de l’art. D’ailleurs certains se complaisaient à se faire appeler, par exemple : « Maître de Forge ». Pour ces raisons, malgré une primauté en direction de leurs bas de laine, on les vit réinjecter des capitaux dans les entreprises, favoriser la technologie et la recherche, ne passant pas nécessairement au premier plan la rentabilité d’un quelconque cours boursier.

    Seulement voilà, dans les années 70, la société de consommation est en pleine expansion. Pour satisfaire les besoins des populations, les industriels durent augmenter les capacités de production des entreprises, par là même, les agrandir, voire les moderniser à outrance – entre parenthèse, si la robotisation réduisit les accidents corporels, elle engendra chez les travailleurs d’autres sortes d’accidents du travail, liées en particulier au stress et autres traumatismes psychiques. Un besoin de capitaux importants se fit sentir. Pressés par l’explosion du marché, et devant une alternative alléchante permettant de s’enrichir encore davantage, ils vont oublier allégrement le traditionalisme industriel de la vieille Europe et s’inspirer des capitalistes américains en faisant appel à des investisseurs. Le pas était franchit, un siècle de savoir-faire finissait entre les mains de financiers qui n’en avaient cure, seuls les dividendes de l’argent investi allaient devenir primordiaux.
    Cependant, la mutation ne se fit pas brutalement, les investisseurs ont joué, dans un premier temps, le jeux de la croissance du pays dans lequel ils avaient investi. Puis, peu à peu, la mondialisation aidant, concrétisée en 1995 par la mise en place définitive de l’OMC (une forme similaire existait depuis 1947) ils ont été chercher où il était possible d’engranger dans un temps record le maximum de profits.

    Se ne sont pas là les seules raisons de l’éclatement de la classe ouvrière française – par exemple l’abandon d’énergie traditionnelle comme le charbon, etc.

    Notre pays en est devenu un pays de service, avec en prime, une vocation touristique aléatoire.

    L’union que constituait le monde ouvrier n’est plus, avec comme corolaire l’effritement du Parti Communisme dans lequel celui-ci puisait sa principale force et son électorat. L’individualisme est de rigueur. Avant, même si ce ne fut pas toujours facile, face à des conditions de travail difficile on regardait la valeur de l’homme avant la couleur de sa peau ou celle de son origine. On se réunissait plus fréquemment pour discuter de politique, commenter un journal : l’Huma par exemple, voire aborder un peu d’idéologie, soit à l’usine, au bistrot du coin ou dans les réunions de famille. Les médias modernes, la télé en particulier, ont donc aussi leur part dans l’absence de communication entre les individus. De plus, maintenant qu’il y a moins de travail, et plus diversifiés, les liens sociaux qui auraient pu se créer n’existe plus. Le voisin est le concurrent.

    C’est en partie à travers toutes ces thématiques nouvelles que Le Pen et Sarkozy, entre autres, vont piocher, afin de récupérer des électeurs déstabilisés et qui sont prêts à concevoir qu’une solution extrême comme celle qu’il propose va régler leurs problèmes.

    Par ailleurs, j’ai bien peur pour l’avenir du parti communiste qui n’a pas compris avec la disparition de la classe ouvrière que la montée de l’anti-libéralisme venait d’ailleurs, du plus profond du peuple et ceci en dehors des partis politiques traditionnels.

    Michel Mengneau

  • Attention à ne pas confondre discipline (la conspiration des égaux) et principe hiérarchiste.

    Copas

    • Oh ! Copas ! C’est trop court ça ! t’as rien à répondre à Gilles ? tu m’étonnes. Mais ça va venir peut-être....

    • Je pense que pour une grande partie des choses je suis d’accord avec Gilles , mais comme d’hab on se fie à la fumée des mots pour lesquels on ne met pas mêmes marchandises.

      Sur le fond je ne suis pas sûr que l’appel à la discipline chez Badiou ne recouvre plusieurs bouillabaisses.... J’aimerai qu’il précise un peu plus ce qu’il entend là. Je suis assez méfiant quand on me parle de discipline...

      Ca nécessite précisions.

      Copas

    • C’est vrai je viens de relire là, il se chauffe à la couleur des mots...

      Il ne faut pas toujours regarder dans les textes et les proclamations des explications d’un échec supposé du communisme, toujours ne pas se rendre compte qu’il y a des choses plus puissantes, des actes plus puissants que les discours. Ah là là....

      Qu’on appelle cela communisme ou tarte à la guimauve, les mécanismes à l’œuvre concrets , la gestion de la société, à tous niveaux, par une caste, peut emprunter tous les discours, dire qu’il fait beau sous la pluie, ça ne changera rien de la réalité.

      S’attaquer au discours est une bévue, s’attaquer au communisme alors qu’il faut s’attaquer à une caste, ses mécanismes d’ascension, une belle connerie. Et surtout empêche de comprendre et pousse à recommencer sans cesse et sans cesse les mêmes conneries.

      On part du présupposé du communisme et on regarde l’échec , on s’en prends donc purement à l’idéologie supposée, mais les castes, les systèmes bureaucratiques furent des cathédrales du mensonge, le discours sur le communisme étant totalement inverse aux actes concrets, il ne faut donc pas s’en prendre aux actes qu’ils n’ont pas eu, aux discours qu’ils n’ont pas mis en pratique, jamais mis en pratique.

      Qu’arrive-t-il quand on dit qu’on est pour le pouvoir des travailleurs et qu’on fait strictement , férocement et criminellement l’inverse ? La bourgeoisie et les gentils peuvent-ils dire ensuite : Vous voyez, le communisme, ça ne marche pas, c’est un échec...

      Pour les bourgeois , après avoir eu une peur de l’autre monde (que les soit-disant communistes soient vraiment communistes) ils exultent de soulagement et clament leur triomphe moral.

      Pour les gentils c’est vachement plus compliqué, prenant le discours pour du bon pain ils se mettent à cogner sur l’idée en se disant, en une recherche infinie et sans rivage, que, dans le discours il doit y avoir un vice, un défaut...

      et ils cherchent et creusent et reviennent les poches vides et l’oppression toujours sous les yeux.

      C’est que le vice est ailleurs, tout simple, une couche sociale qui s’infiltre entre la bourgeoisie défunte et des travailleurs , des classes déshéritées n’ayant pas encore capacité suffisante à contrôler, n’ayant pas organisations pour contrôler, droits et libertés garanties pour endiguer la tendance au despotisme inhérente à ceux que la société délègue pour gérer. Le plus déterminé et le plus volontariste des hommes, quand il a pouvoir sans contrôle se met lentement à estimer que c’est la plus ordinaire des choses, l’habitude du commandement administratif une seconde nature, l’obéissance des travailleurs à son pouvoir une donnée naturelle et évidente, etc...

      L’idéologie, la bataille idéologique est toujours très importante, mais les forces réelles sous-jacentes à une société, et j’approuve Marx là dessus, sont celles qui font réellement l’histoire, avec des gourdins ou pas, des livres de compte et des oukases ou pas, des exploitations et des oppressions... Les discours là dedans des serviteurs zélés à une justification des choses et de leurs marches sous le soleil.

      Quelque part, dans l’objectif du communisme il y avait l’espérance que la réalité des choses rejoigne l’idéologie des hommes, que la société soit plus simple à vivre de ce point de vue. Mais malheureusement ce fut pile poil l’inverse. Jamais le discours s’éloigna tant de la réalité, sauf sur les idées de la soumission, de la hiérarchie, de l’obéissance , des bonnes mœurs où là le discours fut proprement bourgeois-facho.

      Allez savoir pourquoi , hein !

      Cop