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L’union fait la force

Publie le dimanche 26 octobre 2003 par Open-Publishing

Ras le bol d’entendre dire et de lire ici ou là et le plus souvent par
des professionnels et artistes du spectacle vivant qu’on se réveille
enfin, qu’on fait mine enfin de s’intéresser à ce qui se passe dans le
champs social et politique quand nos petits intérêts de porte monnaie et
nos privilèges sont en jeu "et avant où étiez-vous ?"

Où on était avant !!?!!

Le militantisme, la colère, la révolte, l’action ne sont pas des virus
qu’on attrape comme ça du jour au lendemain.

Les planqués restent planqués et laissent les autres se battre en
espérant au mieux, si "ça s’arrange" bénéficier de "l’arrangement", au
pire, si ça ne s’arrange pas, avoir travaillé suffisamment à leurs
petits intérêts personnels pendant que les autres luttaient, pour passer
à travers les gouttes. Les planqués restent planqués. Les mous aussi.

Ceux qui luttent aujourd’hui n’ont pas attendu pour la plupart d’entre
eux qu’on touche à leurs pseudo "privilèges" pour plonger dans la
bataille. Ils ont une longue pratique de la lutte, de la résistance, du
militantisme, de la colère, de l’action, sinon leur engagement ne
tiendrait pas un mois. Ce sont des artistes, des professionnels, en
prise directe, jour après jour, dans leur pratique artistique, leurs
créations, leur travail de terrain, avec la réalité sociale, les
problèmes de société, travaillant avec ceux qu’on appelle les exclus,
les en difficultés, les marginaux, les condamnés et bannis d’avance par
la société, militant presque au corps à corps avec les tentés du FN, les
élus obtus, l’obscurantisme, l’ignorance, les fanatismes de tout poil...

Parce que leur engagement dans l’art vivant est lié inextricablement
avec le besoin vital de défendre une certaine idée d’un art bien vivant,
qui s’adresse à des gens vivants, une pratique de leur art en prise
directe sur la société, et non pas dans une rhétorique institutionnelle,
mais dans la réalité au quotidien... un engagement auprès deS publicS,
depuis des années, et non pas du seul public policé et conquis d’avance,
lecteur de Télérama (quoique avec celui-là aussi il y aurait beaucoup à
faire !)

Parce que notre art, plus que tout autre, se nourrit et est
indissociablement lié au monde et à la société, en tant qu’art vivant.
Parce qu’on peut être créateur, inventant des formes esthétiques
nouvelles, une parole artistique forte et particulière, et ne pas être
pour autant enfermé dans sa bulle de verre à compter, une coupe de
champagne à la main, les cadavres des laissés pour compte. Les artistes
en bulle de verre ont une parole asséchée et des audaces artistiques de
vieilles bigotes institutionnelles. Ils sentent le rance et portent un
art mort.

Je ne dis pas que tous les artistes militants sont des artistes géniaux.
Je dis que les artistes coupés du monde, les artistes désengagés, sont
des artistes déjà morts et c’est pire. Et ce ne sont pas eux
actuellement qui se dressent et luttent, et ce ne sont pas leurs petites
prises de position stratégiques et tempérées par où pousse le vent qui y
changent quoique ce soit.

Cette crise dans laquelle nous sommes plongés a permis, non pas de
réveiller soudainement le militantisme politique et social des artistes
de spectacle vivant, mais de faire sortir enfin chaque parole de son
isolement, de réunir les énergies de ceux qui luttaient, chacun à sa
manière, avec les outils et armes à sa portée, avec ses petits ou gros
moyens, de façon solitaire. De se rencontrer et de se rendre compte que
oui nous défendons une même idée du monde, et que nous étions engagés
depuis des années dans des combats similaires.
Et si cette crise a eu le mérite supplémentaire de provoquer une prise
de conscience et un réveil chez d’autres, eh bien tant mieux ! Parce que
je ne crois pas que ces consciences réveillées se rendorment de si tôt.

Carole Thibaut