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LA SOUVERAINETE-COMMISSION, UNE THEORIE TRANSITOIRE VERS L’ALTERDEMOCRATIE ?
Publie le vendredi 6 octobre 2006 par Open-Publishing2 commentaires

CONTRIBUTION SUR LA RECHERCHE DES RUPTURES POUR SORTIR DE LA "DEMOCRATIE REPRESENTATIVE" ET ALLER VERS L’ALTERDEMOCRATIE.
de Christian DELARUE membre du CA d’ ATTAC et Secrétaire national du MRAP
Ce texte reprends celui intitulé "La souveraineté-commission : une souveraineté populaire ?" car à la réflexion cette souveraineté-commission - qui va être explicitée ci-dessous - ne me semble pas se dégager véritablement du système restrictif de la démocratie libérale.
Elle constitue sans doute un progrès démocratique par un recul de la souveraineté nationale mais on ne saurait parler de réelle souveraineté populaire dans la mesure ou son champ d’expression consiste au simple choix de gouvernants d’une part sans incurssion dans l’entreprise et d’autre part sans extension dans le choix de production de valeur d’usage via la planification écosocialiste démocratique.
1. - De la nécessité d’aller plus loin que la souveraineté-commission.
En fait, la souveraineté-commission ne constitue une théorie transitoire que si l’alterdémocratie est clairement posée comme but. A défaut il s’agit d’une option mouvementiste, parfaitement compatible avec la "fin de l’histoire", avec ce monde-ci.
Si l’on veut bien considérer que la question de la démocratie directe, forme pure de la démocratie, ne peut se réaliser que dans des conditions de temps et de lieux difficiles à réunir ; alors se pose la question de la démocratie dite représentative. .La réunion côte à côte de ces deux termes - démocratie représentative - constitue un monstre épistémologique !
Il s’agit de plus d’un monstre idéologique puisque cette notion légitime la séparation de la société civile et de l’Etat et masque les rapports sociaux qui les clivent. Cependant, c’est bien à partir d’elle qu’il faut partir pour démocratiser la société et passer après rupture franche à l’alterdémocratie.
La représentation pose le problème de la capacité de la partie à représenter le tout. Son concept est au cœur de la notion de « démocratie représentative ». Mais il existe plusieurs conceptions de la représentation. Il y a là un enjeu assez peu discuté.
La démocratie libérale, et notamment sa forme parlementaire réalise un compromis entre la représentation-incarnation et la représentation-commission. Ce compromis ne signifie pas positionnement équilibré loin de là entre ces deux conceptions. La démocratie bourgeoise se fonde sur la représentation-incarnation, une conception éloignée de la souveraineté populaire réelle. Mais le passage à une souveraineté-commission ne constituerait qu’une étape vers l’alterdémocratie.
Pour décrire ces deux notions je reproduis ici un court extrait issu d’une contribution d’ André DEMICHEL intitulée « Une théorie à refaire : la démocratie représentative » publiée en 1983 dans Procès - Cahier d’analyse politique et juridique n°11-12 .
2. - Les deux formes de la démocratie représentative.
Du point de vue théorique, il existe deux conceptions possibles de la représentation, deux conceptions dont les conséquences politiques sont fondamentalement différentes.
a) La première conception est celle de la représentation incarnation.
Elle a pour point de départ la notion de souveraineté nationale. Si en effet, c’est la nation, entité abstraite et individuelle, qui est souveraine, nul citoyen ne peut invoquer un droit propre à être représenté. Les représentants ne peuvent donc être considérés comme mandataires de ceux qui les ont désignés. Ils incarnent, au sens strict, l’entité nationale qui n’a, on l’a dit, d’existence que par eux.
D’où un certain nombre de conséquences au niveau de la théorie du mandat. Incarnant un corps indivisible, les représentants ne peuvent avoir qu’un mandat général. Incarnant une entité abstraite, ils ne peuvent être pourvus d’un mandat impératif. Qui en effet pourrait bien leur donner un tel mandat ? Et il en résulte que la possibilité de révocation n’existe pas, pas d’avantage l’obligation de rendre compte.
Le droit de dissolution lui-même est, dans cette perspective, incohérent. Constitutionnellement, en effet le corps législatif s’identifie à la nation pendant un certain délai. La dissoudre, avant le terme constitutionnel, c’est mettre en cause la nation elle-même. Et pour en appeler à qui, sinon à des électeurs qui n’ont aucune part de souveraineté, mais une simple fonction de désignation ?
Il est de même évident que les décisions des représentants ne peuvent faire l’objet d’aucune sorte de ratification. Qui en effet pourrait bien avoir compétence pour approuver les actes d’un corps législatif qui est juridiquement la Nation souveraine ?
b) Toute différente est la notion de représentation conçue comme simple commission.
La base de cette conception, c’est la souveraineté populaire. Le peuple souverain n’est ni abstrait ni indivisible. Sa volonté, c’est la volonté collective de ses membres, dégagée le cas échéant, par la procédure majoritaire. Cette volonté, normalement, ne se représente pas. Mais cette représentation est en pratique inévitable. Et elle doit alors prendre la forme d’une simple commission.
Il suit de là que le mandat des représentants est nécessairement impératif. Car il n’y a pas de commission qui n’ait un contenu. Et ce mandat peut être local, le peuple, contrairement à la Nation, étant divisible. Par ailleurs, le droit de dissolution devient logique. Il prend en effet le sens d’un arbitrage du peuple, sollicité de dire si l’attitude de ses représentants correspond au mandat qui leur a donné et, éventuellement, de préciser ce mandat en le renouvelant. Et c’est dans la même perspective qu’il faut interpréter les procédures de « démocratie semi-directe ». Elles donnent la possibilité au peuple, périodiquement de préciser et de compléter le mandat donné à ses représentants. Et cela est indispensable dans la mesure où le mandat impératif ne peut couvrir les situations imprévues.
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1 Contributions pour la commission "Démocratie" d’ATTAC.
De la critique de démocratie réellement existante à l’alterdémocratie que nous voulons !
Sur Bellaciao ou attac35
1 - Démocratie libérale : l’hypocrisie nécessaire
2 - Alterdémocratie et antiracisme
3 - De la "représentation" à la "gouvernance néolibérale" ou du dévoiement de la critique de la représentation à son rétablissement possible.
4 - Républicains et altermondialistes
5 - Altercitoyen
6 - Pour une alterépublique
Messages
1. > LA SOUVERAINETE-COMMISSION, UNE THEORIE TRANSITOIRE VERS L’ALTERDEMOCRATIE ? , 8 octobre 2006, 10:03
La démocratie en général, abstraction faite des liens qui entretiennent les relations d’un citoyen, d’un groupe de citoyens ou de l’ensemble des citoyens (démos) avec l’État de leur société (kratos), ne peut être traitée que comme instrument politique au même titre que l’autocratie, la tyrannie ou l’anarchie. Tout instrument est adapté à la réalisation d’un objet particulier, il est au service de ceux qui le manipule et sa forme dépend essentiellement du résultat de sa pratique.
« L’alterdémocratie », comme instrument politique, est un mot vide de sens car toute alternative à la démocratie ne peut être que la tyrannie, l’autocratie ou l’anarchie. Dans la pratique, c’est le rapport de pouvoir entre le citoyen et son Etat qui qualifie une démocratie. Ce rapport va de la dictature de l’Etat sur ses citoyens à la dictature des citoyens sur leur Etat, les alternatives au pouvoir des citoyens sur leur Etat s’y inscrivent. Quelle que soit la forme que prend la démocratie comme instrument politique, ce sont les rapports de force entre l’Etat et ses citoyens qui déterminent les alternatives politiques à la démocratie.
L’alterdémocratie se résume à l’autocratie si la politique renforce le pouvoir de l’Etat ou à l’anarchie si elle renforce le pouvoir des citoyens, abstraite des ses alternatives elle n’est plus qu’un mot creux que l’imaginaire peut habiller à sa guise.
Stelios
1. > LA SOUVERAINETE-COMMISSION, UNE THEORIE TRANSITOIRE VERS L’ALTERDEMOCRATIE ? , 28 octobre 2006, 11:41
Le terme d’alterdémocratie s’oppose à la démocratie représentative actuelle, à la démocratie restreinte actuelle. J’ai quand même indiqué des domaines d’intervention qui font de l’alterdémocratie une démocratie étendue .
Je réponds en outre que le terme de citoyen est aussi abstrait et englobant. Voici en guise de développement un texte (publié sur Bellaciao) sur cette critique.
Christian DELARUE
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ALTERCITOYEN :
CITOYEN CONFINE, SEPARE, EXCLUS ou CITOYEN D’EMANCIPATION
de Christian DELARUE
Face à la mondialisation capitaliste sous ses trois formes marchande, financière et d’appropriation privée, ATTAC a placé le citoyen au centre de son dispositif intellectuel et militant afin d’une part d’en assurer sa promotion - le citoyen dispose d’un rôle mineur dans les démocraties réellement existantes - et d’autre part pour assurer la construction d’un autre monde vraiement autre par l’activité citoyenne.
Un défi, une gageure ! Je tiens cette promotion du citoyen pour ambiguë dès lors que le peuple est ignoré (il ne figure pas dans Alter, le nouveau dictionnaire altermondialiste), que l’égalité n’est pas assurée et que la "démocratie participative" ne tend bien souvent qu’à des faux-semblant d’intervention citoyenne.
La notion de citoyen qui fait le lien entre deux "cultures" présentes au sein d’ ATTAC, la culture de mouvement et culture de gouvernement, semble s’accommoder de la vision libérale d’une société globale clivée entre société civile et Etat. Pour autant il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : Contre le citoyen instrumentalisé par le néolibéralisme l’altermondialisme a raison de défendre et promouvoir le citoyen collectivement engagé pour la libération des peuples.
I. - CITOYEN ENTRE SOCIETE CIVILE ET ETAT : LE CITOYEN INSTRUMENTALISE PAR LE NEOLIBERALISME.
Le citoyen est le bouche-trou des théories libérales . Sans lui le vide de la séparation aliénante entre l’Etat et la société serait intolérable.
A) Le citoyen comme masque de la séparation entre société civile et Etat :
On ne voit pas d’emblée cette séparation entre société civile et Etat puisque l’accent est mis d’une part sur les notions englobantes, d’autre part sur les rapports de médiation qui masquent la séparation.
Les libéraux aiment les notions englobantes, les entités unies sous un destin commun sans conflit ni rapports sociaux. Ils aiment la Nation, la famille, l’entreprise. Si structuration il y a c’est sur le mode de la complémentarité dans la hiérarchie : l’Armée et le drapeau pour la nation, le père pour la famille, le chef d’entreprise propriétaire et manager pour l’entreprise. Le seul clivage mis en avant par les libéraux mais qui camoufle tous les autres c’est celui de la société civile contre l’Etat. Il fait le bonheur des libéraux et sociaux-libéraux et ce quelque soit leur positionnement de part et d’autre de ce clivage, qu’ils soient acteurs de la société civile ( patrons ) ou acteurs étatiques (élu ou haut fonctionnaire).
La théorie libérale est celle ou "tous les chats sont gris" ou il n’y a ni bourgeois ni prolétaire, ni Etat de classe .La théorie constitutionnelle classique enseignée dans les universités et tout particulièrement celle de la démocratie ignore les rapports sociaux qui clivent la société et donc les inégalités structurelles distributrices de pouvoirs institués, de dominations, d’exploitation, d’oppression .
B) Les médiations entre société civile et Etat :
Cette théorie et ses diverses variantes prend la société civile comme un tout et met en rapport cette société civile et l’Etat. A ce stade il sera évoqué soit les "corps intermédiaires" entre la société civile et l’Etat, autrement dit les associations, syndicats qui mettent en mouvement la société civile ; soit la théorie de la représentation qui légitime les pouvoirs de l’Etat démocratique et séculier . La théorie de l’Etat de droit ne vient qu’ensuite compléter ce dispositif.
– La médiation sociale : Les associations peuvent avoir un positionnement ambigu par rapport à l’Etat car soit elles viennent compléter bénévolement son action (jugée insuffisante au regard des besoins non satisfaits) tout en le percevant comme un outil neutre, soit elles portent une critique qui atteint la nature même de l’Etat, notamment son rôle de "Conservateur" de la propriété privée des moyens de production et d’échange ou son rôle de redistribution des richesses au profit des riches. Une association qui s’inscrit dans une perspective et une dynamique altermondialiste ne saurait s’accomoder d’un rôle d’accompagnement social du libéralisme. Cette ambiguîté n’épargne pas les syndicats de salariés pourtant inscrits au coeur du conflit de résistance face aux attaques de la classe patronale.
– La médiation individuelle : Avec l’invention de la représentation, la société civile est individualisée sous la forme du citoyen, doté du pouvoir "un homme = une voix" . Cette théorie adopte ce faisant une vision contractuelle de la représentation par laquelle chaque citoyen opère délégation de souveraineté . Elle en vient alors à décrire les mécanisme de représentation, souligner les distortions, etc. Elle va étudier les rapports entre le mandataire et le mandant et la meilleure représentation possible. La population est y est conçue comme une addition de citoyens qui délèguent leur souveraineté en se faisant représenter.
II. - POUR UNE CITOYENNETE D’EMANCIPATION ET DE LUTTE
A ) Un engagement fondé sur la critique de la représentation et l’invention de l’Etat séparé (2) : Car il y a aussi un autre statut de la représentation, inspiré de Marx : celle-ci serait la forme d’organisation politique de la société civile-bourgeoise (1). C’est alors le mouvement d’organisation politique de la société qui est le point de départ : "L’élection est le rapport réel de la société civile bourgeoise réelle à la société civile bourgeoise du pouvoir législatif, à l’élément représentatif. Ou : l’élection est le rapport immédiat, le rapport direct, qui n’est pas simplement de représentation, mais d’être, de la société civile-bourgeoise à l’Etat politique" ( ) La représentation est d’abord ce par quoi s’institue l’Etat politique. Ce qui donne lieu à une double critique formelle et de contenu.
– Formelle : Les députés de la société civile bourgeoise sont une société qui n’est pas en liaison avec ses commettants par la forme de l’instruction de la commission. Formellement ils sont commis mais dès qu’ils le sont réelement ils ne sont plus des commis. Ils sont censés être des députés, ils ne le sont plus.
– Matérielle : En ce qui concerne les intérêts , c’est l’inverse qui a lieu. Ils sont commis en tant que représentant de l’affaire universelle mais représentent réellement les affaires particulières.
B) Le citoyen engagé pour la libération du peuple et des peuples...
Pareille critique aide à voire l’intervention de l’Etat dans la société sur le mode foncièrement inégalitaire, notamment dans son rôle essentiel et primordial de conservation et promotion de la propriété privée , rôle camoufflé par le discours socialibéral de "justice sociale" et de "démocratie participative" des élites politiques et administratives . L’Etat n’est pas neutre et la société civile est elle-même clivée entre peuple et dirigeants, entre salariés et patrons. Dès lors, la lutte citoyenne se mène contre le néolibéralisme agissant tant dans la société civile qu’au coeur de l’Etat . Car le néolibéralisme s’emploie à détourner les aspirations de chacun à la maîtrise individuelle et collective du destin commun, à la participation aux choix de la production sociale de l’existence.
...et pour l’égalité : Une telle participation ne saurait se concevoir avec les autres inégalités notamment racistes. Si des camarades d’ ATTAC souhaitent se placer plus sous les auspices de Jaurès que de ce Marx-là afin d’en appeler à "lier le combat laic et le combat social" (cf B Teper ) alors soyons clair et faisons dire à Jaurès qu’il approuve ce qui est au coeur d’une dynamique citoyenne et républicaine à savoir l’égalité "une et indivisible". Il en va de la lutte contre le sexisme et le racisme. Et le racisme diffusé sous le discours sécuritaire contemporain est bien la dynamique radicalement anticitoyenne, antiégalitaire incompatible avec la construction d’un autre monde possible.
Christian DELARUE Rennes Secrétaire national du MRAP Membre du CA d’ ATTAC France
notes :
1) Lire "Marx, l’Etat et la politique" par Antoine ARTOUS Syllepse
2) Sur la double séparation à surmonter : ATTAC mouvement anti/altermondialiste donc mouvement d’émancipation ! Christian Delarue http://bellaciao.org/fr/?page=article&id_article=19670
De : Christian DELARUE
mercredi 27 septembre 2006