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LA VIOLENCE DU CALME

Publie le vendredi 1er août 2003 par Open-Publishing

Sur le chômage, le travail, l’assistanat

Voici un petit extrait d’un livre de V.FORRESTER publié en 1980 aux Editions
du seuil POINTS-Essai : " LA VIOLENCE DU CALME ! "

Chômage, Dramatique, on l’admet. Il est inadmissible comme le travail. Et
aussi parce qu’il valorise celui-ci. Le rend par sa rareté (par l’absurde)
désirable en soi et satisfaisant. J’entends par travail non pas soi-même en
travail, non pas le travail naturel qui répond et commande aux pulsions du
soi, mais travail étymologiquement issu de "tripalium" : instrument de
torture, et défini dans le ROBERT par exemple , comme : "écon. Activité
économique des hommes (aidés ou non par des machines) productrices d’utilité
sociale. Nous dirons plutôt de délabrement d’une population par la
dégradation, la déportation effective et/ou affective de ses éléments. Et
qui instaure l’autorité patronale comme de droit divin. La hiérarchie comme
dogme. Une hiérarchie toute arbitraire. Gestion des entreprises oppressives
voire répressives, et qui tient la subordination du salarié pour un fait
avéré.

Rien de naïf, rien d’innocent dans le comportement des puissances
économiques. L’entreprise est aussi et surtout un lieu où parquer les
individus, dès lors à "surveiller et punir"*. Toute l’organisation qui
ressemble davantage à une opération, tend à créer des mentalités
subalternes. Scandaleux, chaque matin, ces millions d’hommes et de femmes
qui entre dans un lieu carcéral, l’usine ou le bureau. Ces adultes renoncés
comme tels, mis sous tutelle, et qui ont à répondre de chacun de leur geste,
gardés à vue comme leurs enfants (cheptel futur) le sont dans les écoles.

Pourtant quel geste plus aliénant, pour un salaire minimal, d’avoir à vendre
totalement son temps, accepter la suspicion, d’être supposé menteur, et
d’être contrôlé. Obéir sur tous les plans.

Demander l’autorisation de se rendre aux toilettes. Etre réprimandés, punis
pour avoir manqué à des règlements intérieurs arbitraires, et que seul le
besoin oblige à accepter, pour avoir failli, soi-disant, à l’intérêt de
l’entreprise, c’est à dire d’un "entrepreneur".

Pour une peccadille, pour avoir fumé, bavardé, mangé, émis une opinion, pris
du retard, l’employé risque de voir sa vie, celle des siens bouleversées par
un licenciement.

S’il y a mort d’homme sur le lieux de travail, l’employeur reconnu coupable
d’une négligence, le plus souvent due à quelque économie sordide et
criminelle, risque une amende qui ne modifiera en rien son destin. Que
"l’intérêt de l’entreprise" commande le transfert (souvent à la suite d’une
mauvaise gestion dont l’employeur n’a pas à répondre devant ses employés),
force est aux salariés de se déraciner et de suivre cette "entité",
l’entreprise à laquelle il "appartient" mais qui ne lui accorde aucun
statut.

Arbitraire encore plus aberrant, ce travail est une manne octroyée, et qui
peut être supprimée sur une immense échelle. Quel pire esclavage que d’être
réduit à quémander, à quêter ce qui vous asservit, ce qui même souvent vous
tue. Que d’être manipulé, au point de trouver humiliant de se voir refuser
les conditions d’une humiliation quotidienne et la négation de toute
autonomie !

Cette humiliation du sujet, cette subordination sont devenus les termes
mêmes de son identité.

On oblige à chercher du travail qu’il n’y a pas (*ou à des conditions
tellement inacceptables).*ajout personnel

On octroi comme une charité honteuse (la honte de la charité devrait plutôt
revenir à qui peut la faire quand d’autres en ont besoin !) et sévèrement
restreinte, de quoi subsister mal et même dangereusement, au prix de quelles
détériorations du corps, de la santé et dans l’angoisse d’être privé de la
contrainte inadmissible instaurée par le "travail".

Perte du travail, liée à celle de l’honneur, de l’identité au sens d’être
inutile, superflu, de n’être plus aimé.
L’imbécile humiliation d’être assisté comme si tout n’était pas toujours
organisé, distribué comme en garderie d’enfants.

Comme si la dette n’était pas incommensurable à l’égard de qui se voit
départi de sa vie lorsqu’il travaille et lorsqu’il ne travaille pas, d’une
vie qui nourrit le désastre qui la vise.

L’honneur ?, c’est de ne pas accepter : de prendre. Quant à l’utilité !
creuser des trous, les obturer, visser des trucs, taper sur des machins,
transcrire des listes, additionner les profits que d’autres font sur votre
dos, étudier comment vendre des choses inutiles, vendre ces redondances,
flagrant d’utilité, ne seraient que celle de remonter la machine à créer les
zombis qui la servent.

" Lorsque l’on mendie au lieu d’exiger et de prendre, il ne faut pas s’
étonner de recevoir si peu. Mais lorsque l’on ne sait ni ce que l’on peut,
ni surtout ce que l’on veut, que faire d’autre que mendier et essuyer les
coups de ses maitres ? " Alain C. revue Dissensus