Accueil > LE DERNIER MOT

LE DERNIER MOT

Publie le vendredi 9 février 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

« Taisez-vous, Elkabbach ! » lançait Georges Marchais il y a presque 30 ans (1 février 1978). Aujourd’hui, le PCF se fait tout petit et les Elkabbach se sont multipliés. Leur suffisance est telle (bien que pas nouvelle) que leur arrogance devient intolérable même à des Bayrou.

Mais le temps où les plateaux télé pouvaient s’enflammer voir la délicieuse vidéo est révolu.

Comme partout, et d’abord dans les grandes entreprises et les lieux de consommation matérielle, sportive et culturelle, les milices veillent : les entrées de plateaux sont filtrées, de petites frondes sont organisées avec quelques « jeunes de banlieue » triés sur le volet pour faire accroire que la contestation existe, les équipes techniques se battent pour leur droit à la précarité valorisée et non plus pour dénoncer leur complicité objective dans le déroulement de la propagande-spectacle médiatique (mais ni plus ni moins que la plupart des travailleurs parmi lesquels les "résistants"ont été, et sont toujours plus, victimes des chasses aux sorcières anti syndicales et/ou de la connivence des centrales syndicales).

Mais contre quoi s’agit-il de se battre ? La droite étouffée par sa suffisance "décomplexée" se prend toute seule à son propre piège, même s’il y a peu de chance qu’elle s’autodétruise. D’où la dénonciation de l’ordre sarkosien constitué du patronat médéfien des marchands d’armes propriétaires de l’essentiel des médias et donc patrons des "journalistes", même si ceux-ci n’ont pas besoin d’ordres pour sévir tant leur adhésion aux "valeurs" de leurs patrons est grande.

Ainsi, même si on est pas d’accord avec le PS, le traitement médiatique infligé à S. Royal nous est insupportable, sans parler du mépris envers les autres "petits" candidats.
Mais ceci est le type même de réaction « fabriquée » par le système de la « démocratie bourgeoise ». Car il renvoie à une représentation "idéale" d’un fonctionnement social référant à une justice (d’où le « sentiment » d’injustice) conçue comme "équilibre" entre deux éléments (la fameuse balance), c’est-à-dire égalité des « forces » au sens physique (poids, énergie, etc.).

Un homme étant censé "peser" le même "poids" qu’un autre, une voix = une voix. Dans ce système issu des révolutions bourgeoises, visant à nous persuader (à « incorporer » dit Bourdieu) de l’existence d’un "ordre juste" dévoyé par les faquins, la liberté d’expression, n’est que celle des dominants (c’est-à-dire des possesseurs du « monopole des dominations » (N. Elias) et de leurs affidés, en l’occurrence les journalistes et autres intellectuels du sérail. Mais la « presse » au sens large, n’a jamais été "libre", pas plus au XIX° siècle que la télé dans le monopole d’état gaullien où sévissaient déjà les Elkabbach ou dans le monopole marchand où ils sévissent toujours. Car la Liberté, Égalité, Fraternité, n’a rien à voir là-dedans (sinon en tant que propagande).

Il ne s’agit pas d’une "captation" par une caste d’un domaine social qui serait l’« expression » existant en soi et qu’il suffirait de leur (re ?)prendre pour que ça aille mieux. Il s’agit au contraire d’un domaine social « créé » par la caste monopoliste pour gérer ses intérêts reposant sur l’exploitation et l’ignorance du plus grand nombre (par la propagande à travers les livres scolaires, la littérature et les journaux de masse, qualifiés tendancieusement de « populaires »). Ce qui n’est possible évidemment que parce qu’ils possèdent déjà les monopoles de la force et de la levée de l’impôt et des taxes (c’est pourquoi la forme État leur est "toujours" nécessaire), ce que la focalisation sur la liberté d’expression vise à faire oublier alors même que le raccourci est saisissant des industriels marchands d’armes (avec ce que ça suppose d’osmose avec l’appareil militaire), propriétaires de l’industrie de l’"information" et du divertissement (ce n’est pas un gauchiste qui a appelé ça le « complexe militaro-industriel »).

C’est pourquoi ce qui est important ce n’est pas seulement les connivences, coucheries et autres des journalistes, politiques, intellectuels et financiers entre eux (même s’il faut les montrer comme le font si bien P. Carles, Acrimed, Le Plan B et quelques autres), mais le dispositif lui-même qui fait que, de toute manière, ce sont eux qui ont toujours le dernier mot. Parce que c’est un système fait par eux et pour eux (ce qui élimine le faux problème des journalistes honnêtes et défenseurs des "petits", même si ce n’est pas humainement indifférent : ça reproduit inévitablement, organiquement le phénomène du porteur de parole, c’est-à-dire de la confiscation de la parole, même au "corps défendant" du journaliste non cynique(!?)).

Or le lieu de l’exploitation est le lieu de travail (extorsion de plus value et aliénation). Tous les lieux de travail : usine, atelier, grande surface, centre d’appel, établissement et service sociaux, bureaux, école, université (pour le personnel de service, administratif, les enseignants, les étudiants), etc. Le système médiatique a pour fonction de masquer cette réalité, c’est-à-dire de faire en sorte qu’elle ne soit pas accessible à la représentation, aussi insaisissable que l’inconscient, donc non "maniable" par la parole, donc par la pensée, donc empêchant la parole collective, donc l’action collective (c’est pourquoi, dire que les prolos n’auraient pas besoin de le théoriser parce que « nous on le vit » est une fumisterie). D’où, logiquement, la place infime des luttes ouvrières dans les médias (PLPL N°13 ; Le Plan B N°1).

D’où la « disparition » de la classe ouvrière. Point besoin de la notion de complot (même si ces gens-là complotent à l’occasion), il suffit de la volonté intéressée d’une classe hégémonique de conduire le troupeau (Foucault), de gouverner le navire (cybernétique), de gérer la force de travail (gouvernance) : effacés, les travailleurs ; gros mot, lutte des classes ; fantasme, l’exploitation de l’homme par l’homme. Si l’idéologie est bien la représentation mentale organisée du monde nécessaire à l’être humain pour s’y repérer et y agir (c’est-à-dire y produire des effets concrets), l’animal social qu’il est ne peut la construire qu’à partir des situations sociales dans lesquelles il est impliqué. Mais qui fabrique les situations dans lesquelles il construit cette représentation de la réalité et qui la conditionnent (qui permettent donc de la manipuler) ? La représentation de la société et de la place de l’homme dans le monde que peut avoir le même être humain, réalisant la même activité (aiguiser des lames, par exemple) selon qu’il vit dans une société holiste dite primitive, dans une usine au milieu de centaines d’autres ouvriers ou comme artisan propriétaire de sa tpe, ne peut à l’évidence être la même (même si les deux derniers peuvent voter presque indifféremment Besancenot ou Le Pen, Royal ou Sarkozy), ce qui a à voir évidemment avec le moulin à vent de Marx produisant les rapports sociaux féodaux.

Mais en fait ce n’est plus le même être humain ni la même activité. Le premier a été exterminé ou "assimilé" (miam-miam), le deuxième a été mis au travail par la force et la misère provoquée, le troisième inscrit son activité autonome dans un cadre juridico-fiscal et concurrentiel imposé. Exterminé, mis au travail, imposé par les détenteurs des monopoles de la force et de la levée d’impôt sont les diverses manières que la bourgeoisie utilise pour réaliser sa domination. La représentation alors dominante qu’il impose est de faire considérer cet état de chose comme naturel, c’est-à-dire non issu du rapport de force, par ceux qui le subissent. Pour cela il va utiliser à son profit des outils culturels comme la religion, la "culture" et l’art. Ces appareils idéologiques (dans lesquels les "agents" (curé ou chanteur "engagé" par exemple), dépendent néanmoins du "marché" pour vivre, ce qui explique que ce qui paraît contestataire au départ n’est qu’alibi du système.

Mais ne nous y trompons pas, ce n’est pas parce que c’est contestataire que ça a du succès, c’est parce que le système en a besoin pour annihiler la contestation qu’il le promeut dans ses circuits de production et de distribution ; de la même manière que, si l’on suit la mode, on porte les vêtements que les "créateurs" ont décidé de nous vendre tout en nous faisant croire que c’est nous qui en avons le désir) visent à ôter aux travailleurs (salariés est un euphémisme puisque la définition même du travailleur est d’être celui qui échange sa force de travail contre un salaire, tour de passe-passe de base de l’échange inégal) leurs moyens de luttes, à commencer par les moyens de la conscience (représentation maîtrisée) de classe (histoire, mécanisme et visibilité de l’exploitation), puis d’organisation collective (syndicalisme de gestion et de service à la place du syndicalisme de lutte, division syndicale, impossibilité d’avoir les concepts opératoires pour « parler » la situation commune tous ensemble ). Cette représentation « naturalisante » (« c’est dans l’ordre des choses » ; « c’est mon destin » ; « c’est parce que je ne le mérite pas » ; « c’est de ma faute » ; « on n’y peut rien », etc.) n’est néanmoins possible que parce le contexte situationnel s’y prête.

Pour prendre un exemple : le capitalisme a eu besoin, dans la phase de construction du monopole, de détruire les autonomies et identités régionales. D’où répression des indépendantismes (luttes régionalistes qu’on présente évidemment comme passéistes et terroristes) et des langues (patois). C’est le principe de la tabula rasa (table rase) cartésienne, l’idéologie de la raison universelle (la rationalité et son corrolaire, le progrès) représentant la modernité par rapport aux particularismes régionaux. Par ce dispositif on supprime les références possibles à cette histoire (à part quelques farfelus occitanistes, bretonnants ou autres dont on réduit l’expression, et qui se réduisent pour certains, à une forme folkloriste). Après le passage par l’Etat nation (au prix de quelques guerres fructueuses en sentiments nationalistes), on établit une nouvelle régionalisation (décentralisation s’appuyant sur une pseudo démocratie participative pour rallier la petite et moyenne bourgeoisie (pmb)), dans un cadre supra national (l’Europe), conforme aux besoins du marché généralisé et à la circulation des marchandises nécessaires aux capitalistes.

Et le bon peuple va être successivement gascon, français et européen au gré des intérêts de ses maîtres mis en forme par nos « grands » intellectuels des lumières (Rousseau, Voltaire, Victor Hugo, etc.), ce qui justifie tout à fait que Sarkosy puisse citer sans vergogne Jaurés ou autres. Et nous voilà sans armes conceptuelles pour penser le lien entre identité et universalité, sinon dans la forme oiseuse du « penser global, agir local » alors qu’il faudrait l’inverser et plutôt « penser local, agir global ». Après tout, les peuples originels, des indiens au papous, n’avait pas besoin de la mondialisation pour se penser éléments du monde global (c’est ainsi qu’ils s’appelaient "les êtres humains", ce qui montre assez leur niveau de conscience). Mais eux ont quasi disparu, donc ils avaient torts.

Contre cette entreprise, toutes les démissions, omissions, des soi-disant progressistes, sur ces enjeux (voir le toujours excellent Plan B N°6 qui vient de sortir) anéantissent les possibilités de développer la conscience des mécanismes de cette exploitation, qui ne se fera pas par les seules vertus du déterminisme historique, parce qu’on ne peut plus croire béatement que « la vie l’emportera » (Lénine).

Cela dit et redit, le problème que pose Lénine reste entier et plus acide qu’avant :
« Sous le pouvoir des Soviets, il s’insinuera dans votre parti et dans le nôtre, le parti du prolétariat, un nombre encore plus grand d’intellectuels bourgeois. Ils s’insinueront dans les Soviets et dans les tribunaux, et dans les administrations, car on ne peut bâtir le communisme qu’avec le matériel humain créé par le capitalisme ; il n’en existe pas d’autre. On ne peut ni bannir, ni détruire les intellectuels bourgeois, il faut les vaincre, les transformer, les refondre, les rééduquer, comme du reste il faut rééduquer au prix d’une lutte de longue haleine, sur la base de la dictature du prolétariat, les prolétaires eux-mêmes qui, eux non plus, ne se débarrassent pas de leurs préjugés petits-bourgeois subitement, par miracle, sur l’injonction de la Sainte Vierge, sur l’injonction d’un mot d’ordre, d’une résolution, d’un décret, mais seulement au pris d’une lutte de masse, longue et difficile, contre les influences des masses petites bourgeoises.

(...). Parmi les ingénieurs soviétiques, parmi les instituteurs soviétiques, parmi les ouvriers privilégiés, c’est-à-dire les plus qualifiés, et placés dans les meilleures conditions dans les usines soviétiques, nous voyons continuellement renaître tous, absolument tous les traits négatifs propres au parlementarisme bourgeois ; et ce n’est que par une lutte répétée, inlassable, longue et opiniâtre de l’esprit d’organisation et de discipline du prolétariat que nous triomphons – peu à peu - de ce mal ».

Ce à quoi Staline donnera la réponse suivante chiffrée en millions de morts et de souffrances : « C’est donc en terrain solide, puisque sur le roc du matérialisme dialectique, que nous nous plaçons quand nous considérons le corps physiologique comme le modèle du corps social. (...).Au coeur des choses il y a le parti.(...). Bien entendu, il existe des cellules inutiles, « parasites » ; certaines cellules, même, sont nuisibles. Les organes digestifs et d’excrétion – que nous nommons, comme vous le savez, « les organes » tout court, tant le rôle qu’ils jouent est primordial – président à leur transformation (ce sont nos camps de travail et de rééducation dont on n’a pas toujours bien compris à l’étranger la valeur morale exemplaire dans une société communiste), voire à leur élimination pure et simple lorsque ces cellules sont définitivement irrécupérables. Certaines cellules voudraient s’incruster indûment à une place qui n’est pas naturellement la leur : là résidera toujours, même dans une société communiste, la base sociale de l’hostilité de classe au communisme. Des « purges » régulières dans le parti et dans la société sont destinées à leur ôter cette prétention ridicule et à les déloger. »

Nous sommes tous des produits du capitalisme qui forge lui aussi aussi son « homme nouveau » démocratique bourgeois depuis trois siècles au prix d’innombrables souffrances et génocides, et si nous refusons aujourd’hui de penser que le changement puisse passer par la médecine stalinienne et la loi du parti et de son guide, certains semblent de plus en plus appeler de leurs voeux qu’il passe à nouveau par l’épuration nazie. Nous avons en premier lieu à nous interroger sur nous-mêmes.

Par ailleurs, l’insurrection électorale Chavezienne à la Bové (sauf que pour Chavez, l’insurrection n’a pas été seulement électorale) est certes tentante pour espérer prendre à son compte le monopole de la domination mais paraît encore plus illusoire en France que la démocratie participative façon Poitou-Charente. Prendre le pouvoir par les urnes dans une dynamique insurrectionnelle suppose la capacité de mettre immédiatement en place une nouvelle constitution en virant tous les rouages institutionnels qui permettent aujourd’hui aux "partis de gouvernements" de tenir le territoire et les réseaux d’affidés ; de réaliser dans le même mouvement l’occupation des unités de production en organisant la production nécessaire et la libération du temps de concertation collective pour définir les besoins individuels et sociaux à satisfaire ainsi que les moyens compatibles avec une occupation décente de la planète.

Ce qui implique forcément d’envisager l’affrontement avec les forces militaires et policières qui, même si elles sont issues du "peuple" préfèrent dans leur majorité l’ordre nouveau à l’homme nouveau et prennent généralement le parti des démocrates ou fascistes bourgeois et de la baston contre leurs "frères" ouvriers. Quel que soit le mode choisi, en armes ou non violent, cela ne s’improvise pas. L’illusion parlementariste des pmb altermondialistes (ce n’est pas une injure, c’est une désignation socio-politique) qui semble leur faire croire que le peuple pourrait prendre le pouvoir par les urnes sans changement radical, ne peut que donner raison aux suspicions sur les raisons de la candidature Bové. La seule candidature à même de répondre à ce programme avec une possibilité de transition moins redoutable est forcément celle du PC (vraiment rénové ?) dans l’ouverture et la compétence que représente sa candidate.

Dommage qu’elle ait si peu de chances malgré les (ou un petit peu à cause des) militants enthousiastes mais à la capacité d’anathèmes si peu à la hauteur, pour certains en tout cas sur Bellaciao, de la position qu’ils défendent, restant en cela dans l’ordre du spectaculaire médiatique, dans lequel, parce que c’est leur ordre, les dominants auront... le dernier mot.

S’il ne faut pas se tromper d’ennemi, il est aussi nécessaire de surveiller celui qui sommeille en soi.

AA

Messages

  • Je ne sais qui derriere AA fait cette analyse ô combien d’actualité et il me prend l’envie d’écrire Lenine avait raison lorsqu’en 1916 il décrivait dans un essai de vulgarisation,appelé plus tard "L’IMPERIALISME STADE SUPREME DU CAPITALISME" l’évolution du libre échange en monopole ,puis en cartel ,les moyens coercitifs des regroupements ,l’appropriation de tous les moyens et la socialisation intégrale de la production ,mais l’appropriation reste privée detenue par une poignée de monopolistes.

    Ce stade aujourd’hui atteint ,la solution reste bien entendu difficile à mettre en oeuvre et suppose la mise en mouvement de "masse" considérable .La nécessaire conscience tant individuelle que collective pour cette mise en mouvement ne peut se reveler qu’à travers un formidable débat d’idées directement lié à l’action sociale et ce sur tous les fronts.

    Ne pas craindre l’affrontement idéologique sur les solutions petites bourgeoises ou populo- réformistes à la bové me semble indispensable.

    L’apport même limité du PC ,dans la campagne électorale,semble être le seul appui fiable sur lequel l’on puise compter .Le travail important que réalise MG. Buffet dans cette période est sans aucun doute inestimable pour l’avenir ,même s’il est insuffisament reconnu par nos élites révolutionnaire !

    Roger bretagne

  • Je me souviens parfaitement de cette itnitiative de la CGT pour des raisons que je tairais ici chacun me comprendra ......

    Revoir Alain Guinot Alors secretaire du CCJ CGT aujourd hui secretaire confédéral en charge de la NVO Et un certain nombre de camarades apres 25 ans c est sympa .... Et surtout la geule d Elkabbach et de ses acolytes .....

    Ce type d initiative n est plus possible aujourd hui non pas par manque de volonté mais par le flicage rappellez vous le matraquage des intermittents CGT et de la coordination a la star act ....

    Mais qui sait nous arriverons bien a réitérer ce type d actions salutaires ...

    CF Vitry 94