Accueil > LE HOLD-UP MONDIAL

LE HOLD-UP MONDIAL

Publie le jeudi 20 mars 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

http://www.lemonde.fr/economie/arti...

Ça y est, on y est. Sans même réellement s’en apercevoir, on est en train de franchir les étapes qui nous mènent à une vraie crise financière.

Non, penses-tu. On trouvait que ce "système" plein de bon sens et d’intelligence. On ne s’était même pas aperçu de ses effets (sigh).

Et pourtant, on ne peut pas dire que les banques centrales aient été inactives : baisse des taux d’intérêt, mise à disposition de masses énormes de liquidités pour que les besoins de financement des banques et donc de l’économie continuent à être couverts.

En gros, on soutient les financiers (entendre, les milliardaires, les actionnaires, les puissants du monde. Vous savez, ceux qui écrasent les neuf dixièmes de la planète.)

Le problème est que les banques centrales se heurtent à deux difficultés majeures. La première, c’est que tout le monde, quasiment sans exception, manque et de lucidité et de franchise, si bien que beaucoup d’acteurs font comme si de rien n’était. Et puis, le système financier mondial n’est pas confronté exclusivement à un problème de liquidités mais surtout à un problème de fonds propres des banques.

Pour schématiser : le système bancaire est obligé de reprendre – en les dépréciant parce qu’ils risquent fort de ne pas être remboursés – une large partie des crédits qu’il avait "titrisés", c’est-à-dire revendus à des entreprises spécialisées qui les plaçaient sur les marchés sous forme de valeurs mobilières ; et cette contrainte va l’amener à resserrer sa politique de crédit.

blablabla à décripter...

A grande crise, grands moyens

Tout cela conduit à défendre l’idée suivante : si l’on veut éviter le pire, c’est-à-dire une vraie phase de dépression économique aux Etats-Unis et en Europe, il faut employer les grands moyens. Les grands moyens, c’est très facile à concevoir sur le papier et très compliqué à mettre en œuvre dans la réalité.

Cela consisterait à autoriser le système bancaire à étaler dans le temps ses reprises et ses dépréciations. Cela consisterait également à créer de grands instruments vraisemblablement publics qui récupéreraient une large partie de ces fameux actifs dépréciés et qui les cantonneraient en se donnant ainsi le temps et les moyens de mutualiser les pertes et de les étaler sur une longue période. Ce ne serait pas la première fois que l’on procéderait ainsi. Toute crise financière suppose à un moment de prendre en charge collectivement les pertes. Reste que plus l’on attend, plus cela coûte cher.

En clair : à la populace de payer ce pour quoi ils ne sont en rien responsables !

Mais analysons tout cela de plus près. Comme l’économiste américain Barry Eichengreen le soulignait récemment, il y a une sorte de nostalgie des temps passés, quand les banques jouaient un simple rôle d’intermédiation en prêtant de manière tout à fait raisonnable à des ménages et à des entreprises, et cela, dans le cadre de bilans parfaitement transparents et ajustés. Il suffirait donc de revenir au temps heureux où la titrisation n’existait pas, ou alors, autre version de la même approche, d’établir une régulation forte et définitive du système bancaire qui nous ramène à la période bénie des années 1960. Et c’est sûrement là l’une des tentations les plus fortes qu’ont aujourd’hui les autorités financières américaines et européennes.

La solution qui leur fout la trouille : renationalisation et partage.

Un mode de financement global

En réalité, le problème est beaucoup plus complexe, car la titrisation fait désormais partie d’un mode de financement global de l’économie mondiale dont elle n’est qu’un élément parmi d’autres et qui a dans l’ensemble joué un rôle positif. En fait, la titrisation n’est en aucune manière un objet isolé.

Elle va de pair avec la déréglementation des marchés financiers, qui a stimulé la création de nouveaux produits et permis aux établissements autrefois spécialisés d’exercer tous les métiers de la finance ; elle participe d’un environnement de dématérialisation totale des flux de capitaux à l’échelle mondiale ; enfin, elle résulte des nouvelles formes de régulation bancaire : les normes "prudentielles", définies à l’échelon international pour assurer la solidité des établissements de crédit, les obligent à avoir assez de fonds propres pour couvrir une certaine proportion des sommes qu’ils prêtent. Or, en "titrisant" leurs créances, les banques les faisaient sortir de leur bilan et n’avaient pas à augmenter leurs fonds propres en proportion.

Cela a eu pour résultat l’explosion des titrisations : elles ont augmenté de 150% en dix ans. Notamment, pour les asset based securities (titres basés sur des actifs), la variété la plus répandue de titrisations, les encours ont plus que doublé, passant de 1072 milliards de dollars en 2000 à 2238 milliards en 2007. Les chiffres évoqués ici concernent les Etats-Unis, mais se retrouvent à un degré moindre, très significatif cependant, en Europe. Ce qui est stupéfiant, c’est l’accélération du mouvement à partir de 2001, associé à la détérioration rapide du déficit commercial américain.

Faut-il pour autant le vouer aux gémonies, ce mouvement, comme cela pourrait être le cas ? Bien sûr que non. Le fait que les banques puissent sortir de leur bilan une partie des crédits a joué un rôle majeur dans cette économie de l’endettement porteuse de croissance mondiale. Jamais le déficit commercial américain n’eut été financé si l’on n’avait utilisé cette capacité de disperser les créances bancaires un peu partout à travers le monde. Jamais de nombreux financements, certes risqués, mais créateurs de valeur n’eussent pu avoir lieu si l’on n’avait eu cette capacité de décomposer et de répartir le risque. En réalité, il ne pouvait y avoir des transferts massifs d’épargne, constituée dans certaines parties du monde et investie ailleurs, sans cette innovation financière, ce qui est la version favorable de la mondialisation.

En résumé, les autres pays payent le déficit américain !

Ne nous trompons pas, ce moment de l’histoire financière mondiale ne s’arrêtera pas de sitôt, du moins tant que les niveaux de développement respectifs des grandes zones mondiales et leurs évolutions démographiques rendront nécessaires et souhaitables ces flux financiers. La question n’est donc pas de remettre en cause ces mécanismes mais de constater qu’ils ont été utilisés de manière excessive.

L’emballement de tout un système

Ces mécanismes de titrisation ont été détournés de leur véritable objectif, qui consistait à subdiviser un type de risque – les crédits immobiliers – pour répondre à une logique fondamentale du système bancaire : avoir en permanence une bonne gestion actif/passif (c’est-à-dire un équilibre entre le montant des engagements et les capitaux propres). Le mot-clé est l’excès : dans les cinq dernières années, on a assisté à l’emballement d’un système incontrôlé. On a beaucoup parlé de l’incroyable extension du crédit aux Etats-Unis, mais le mécanisme concerne aussi l’explosion des fusions-acquisitions : ces cinq dernières années ont été la période de toutes les folies, marquée par les dérives de la titrisation sous toutes ses formes.

En bref, ça pue l’arnaque. On s’en doutait !!!!

Messages