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LE "VOILE VOSGIEN" : M AOUNIT – C DELARUE – G KERFORN et la Fédé 40

Publie le lundi 8 octobre 2007 par Open-Publishing
6 commentaires

LE VOILE DU GITE VOSGIEN : POSITIONS de Mouloud AOUNIT – Christian DELARUE – Gérard KERFORN et de la Fédé 40 du MRAP

Voici quatre expressions différentes sur l’affaire dite « du voile du gîte vosgien ».

1 ) L’expression de Mouloud AOUNIT président du MRAP, parue sur le journal France Soir à été posté sur Bellaciao hier dimanche 7 octobre 2007 (12h04) :
- "UN REEL RACISME ANRI-ARABE" en ce cas ?

http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=53335

avec des commentaires dont "LA VOILOPHOBIE N’EST PAS NECESSAIREMENT L’ISLAMOPHOBIE INDISTINCTE" Christian DELARUE

2 ) Christian DELARUE secrétaire national du MRAP a fait un premier commentaire* (posté sur le blog chrismondial)

- PAS DE GENERALISATIONS ABUSIVES : Distinguons le racisme qui sévit en France du cas évoqué.

Certes il y a bien un racisme anti-arabe en France et en Europe. Il suffit de lire les rapports annuels sur le sujet. Mais le refus du voile ne manifeste pas nécessairement un racisme contre les arabes, ni même un refus de l’islam. Il y a bien un racisme qui se déploie sous couvert de la critique de l’islam. J’en ai souligné les modalités notamment avec l’affaire REDEKER. Mais il ne faut pas généraliser.

Pourquoi faut-il se garder de la généralisation ? Souvent ce qui est critiqué, notamment "à gauche" mais pas seulement, c’est juste un aspect particulier de l’islam et non l’islam dans sa variété qui peut être respecté et même pratiqué. Toutes les femmes pratiquant l’islam ne portent pas le voile. Faut-il le rappeler ? Il y a toute une gamme de comportements allant des femmes "ordinaires" (pas nécessairement sous habits occidentaux d’ailleurs) jusqu’aux "femmes-sandwicht" de la religion totalement recouverte en noir (1) Je dirais que c’est l’aspect excessif (voire offensif et insupportable en lieux clos pour certains) qui est perçu comme opprimant tant pour les laïcs que pour des féministes. On ne saurait alors parler d’islamophobie raciste en ce cas. Il faudrait distinguer ici les lieux publics (principe de liberté) et les lieux clos ouverts au public ou des personnes doivent durablement rester ensemble (principe de respect mutuel ou le compromis doit être recherché).

« Excès du religieux », c’est donc l’aspect ostensible qui déplait à beaucoup de français de mentalité laïque. Mouloud n’ignore pas cela ; c’est pourquoi il parle de « détournement de la loi à des fins racistes ». Eh bien je serais nettement plus prudent que lui sur ce plan. Je me garderais bien d’une généralisation à partir d’un rejet des signes ostensibles ou ostentatoires. Autant il a raison de dire que « seule l’école est concerné par la loi » (du 15 mars 2004) autant il a tort de conclure systématiquement au racisme. Je critique de même ce que dit aussi l’avocat G Welzer qui affirme abruptement "qu’elle s’est tout simplement dit "je ne veux pas d’Arabes chez moi". C’est possible mais c’est loin d’être sûr ! Je me garderais d’une affirmation aussi péremptoire !

Mouloud AOUNIT a encore raison de dire que la loi ne s’applique pas dans les banques et les administrations mais il a tort de voir du racisme quand seul le voile est demandé de retrait mais pas la personne elle-même qui continue de travailler sans voile et le remet en sortant du travail. Un vrai raciste islamophobe ne supporterait pas l’individu islamisé y compris avec le voile retiré. Il ne lui adresserait pas la parole. Certains ne supportent pas d’avoir l’équivalent d’un gros crucifix sous les yeux constamment du matin au soir. Mais cela ne va pas plus loin. Vous ne voyez pas la différence ?

3 ) Gerard KERFORN, membre du CA du MRAP, a ensuite fait une critique de l’article posté sur le blog chrismondial - contre une lecture communautariste - avant que la fédération des Landes du MRAP ne prenne la position suivante :

MRAP 40 : A PROPOS DU VOILE ET DU PROCES D’EPINAL

http://www.mrap-landes.org/article1.php3?id_article=221

Le procès d’Epinal où la propriétaire d’un gîte rural a refusé d’accueillir une musulmane, relance le débat autour du voile dans le MRAP. Dans une interview accordée au journal France-soir, Mouloud Aounit président du MRAP national, assimile cet acte de discrimination à l’égard d’une musulmane à du racisme anti-arabe. La fédération tient à rappeler qu’elle ne partage pas la réduction du racisme à sa dimension communautaire. Tous les musulmans ne sont pas arabes, tous les arabes ne sont pas musulmans, toutes les musulmanes ne portent pas le voile tandis que d’autres le combattent.

Une enquête menée par le CEVIPOF atteste que la grande majorité des populations issues de l’immigration étaient favorables à la loi sur les signes religieux et les musulmans eux-mêmes très partagés sur la question. Ce constat est confirmé par l’acceptation largement majoritaire de la loi sur les signes religieux lors des rentrées scolaires. La fédération des Landes et la LDH avaient invité Vincent Tiberj du Cevipof pour exposer les conclusions de l’enquête.

Il est donc regrettable que progressivement, le message central du MRAP, sous la pression de l’activisme d’un islam politique minoritaire, fer de lance de la bataille contre la loi sur les signes religieux, procède des stéréotypes qui enferment les populations concernées dans une vision stigmatisante et conflictuelle. La maquillage altermondialiste de l’islam politique, qui hypnotise tant certaines franges de l’antiracisme, ne change pas la nature rétrograde de ce courant religieux.

Concernant plus précisément l’affaire du gîte des Vosges.

La position de la fédération est claire : favorable à la loi sur les signes religieux à l’école, elle ne saurait admettre que la femme voilée soit interdite de l’espace public ou se voit refuser l’accès à un service, elle défendra donc toute personne victime de discrimination. du fait de sa religion.

La fédération contrairement au MRAP national qui progressivement a abandonné toute dimension critique du voile, le banalisant dans le libre-arbitre des choix personnels, entend cependant rappeler systématiquement les fondements oppresseurs de ce symbole religieux.

Elle condamne de la même façon d’autres phénomènes religieux qui portent atteinte aux droits de l’homme, voire menacent la vie de populations entières (Eglise de Rome sur la question du préservatif).

Dans le cas du gîte des Vosges, l’affaire se complique dans la mesure où les deux protagonistes apparaissent comme des militantes, l’une d’une laïcité sectaire, l’autre de l’islam politique pro voile.

La première a choisi une défense politiquement liée au mouvement de Philippe De Villiers et à l’Opus Dei, ce qui indique une conception bien particulière de la laïcité et pour le moins un manque de cohérence des secteurs laïques qui la soutiennent.

La seconde à partir de la mosquée D’Evry, organise un mouvement visant à imposer dans le monde du travail un modèle anglo-saxon peu conforme à la tradition laïque de la France.

La fédération ne cautionne pas une laïcité sectaire tournée principalement contre la religion musulmane. Mais elle refuse aussi toute instrumentalisation de la lutte contre les discrimination par des activistes de l’islam politique pro-voile.

Les duettistes du national-républicanisme et de l’islam politique n’aident pas à la paix civile ni au rapprochement entre les citoyens.

Messages

  • Bonjour

    Je crois effectivement qu’il y a une confusion dangereuse et entrenue qui sert les intérêts des plus extrêmistes. Le problème est que la question du voile a été posée dans le cadre de la laicité alors qu’elle aurait du être posée dans le cadre du droit des femmes. La propriétaire du gite s’est d’ailleurs présentée comme féministe, mais l’état ayant placé cette question sous le signe de la laïcité le débat est complètement pollué. Personnellement je ne vois rien de choquant dans le port de la kippa ou le turban des Sikhs. Je dois dire qu’en tant que femme, et féministe au sens où je défends l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, le port du voile est pour moi le symbole choquant d’une infériorité revendiquée et je comprends très bien les réactions épidermiques comme celles de la propriétaire du gite. Et j’aimerai bien qu’une musulmane progressiste et défenseuse de l’égalité des droits et des chances m’explique comment elle concilie cela avec le port du voile.
    bien cordialement
    michelle

  • Il est de bon ton de critiquer les occidentaux en general a propos du voile et accoutrement religieux mais n’oublions pas les regles pour les etrangers non musulmans ou residents en Iran par exemple et dans les pays du Golfe, (pas seulement zones tribales du Pakistan) dernierement regions de l’Inde, alors si c’est la loi,la regle d’un pays je l’accepte. Le racisme existe malheureusement dans notre bonne vieille Europe et il ya des lois, que font les pays musulmans gouvernement,religieux pour defendre ou proteger les ressortissants et visiteurs dans ces pays, la loi musulmane ne devrait alors s’appliquer selon cette grande majorité dans le monde entier, merci pour les leçons tolerance, mais vous ne passerez pas...
    Paix aux hommes de bonne volonté.
    Jean Michel.

  • Ecrire que l’Opus Dei défend une laïcité sectaire c’est plutôt drôle mais manifeste une grande méconnaissance de sa spiritualité.

    Renaud Louis

    • QUE PENSER, QUE PROPOSER SUITE AU VERDICT SUITE AU VERDICT "JULIENRUPT" (VOILE VOSGIEN) ?

      La propriétaire d’un gîte rural de Julienrupt, dans les Vosges, a été condamnée par le tribunal correctionnel d’Epinal pour avoir refusé d’accueillir une cliente qui portait un voile islamique.

      http://www.lepoint.fr/content/a_la_une/article?id=204489

      Cette femme de 54 ans a été reconnue coupable de discrimination religieuse.. On a discuté en séance et dans les couloirs sur le point de savoir s’il fallait caractériser la discrimination de raciale ou de religieuse. Ce n’est pas anodin. Nul doute que des débats vont se tenir sur cette différence. Cette décision peut faire date.

      Cette différence souligne une double hypocrisie. La deuxième portant sur le voile indique qu’il va falloir étendre le champ ouvert en 2004.

      I - LUTTER CONTRE UNE DOUBLE HYPOCRISIE.

      Le racisme avance masqué, il faut donc le dénoncer (A). Mais à l’inverse un certain discours globalisant risque de tordre le bâton dans l’autre sens en portant des accusations injustifiées. La critique de la « voilophobie » ne sautait être sommaire ! (B)

      A - Oui un "RACISME PERNICIEUX" se déploie en ce moment.

      Il n’est d’ailleurs pas si nouveaux puisque déjà en 2003, donc avant la loi du 15 mars 2004 des préjugés et des actes antiarabes et antimusulmans se sont banalisés. Je ne pense pas avoir relativisé cet aspect ainsi que le laisse penser le message "en réponse à C DELARUE" . Simplement je pense, à la différence de Mouloud AOUNIT, que des compréhensions se sont fait jour depuis 2004. Une prise de conscience s’est développée entre islamophobie globale débouchant sur du racisme et critique ou blasphème du voile soit comme signe religieux ostensible oppresseur des autres soit comme symbole d’aliénation pour les femmes.

      Reste que le racisme sous toutes ses formes constitue un réel problème en France et en Europe qui nécessite le renfort du mouvement antiraciste. Car il y a besoin d’un mouvement antiraciste fort en France mais un mouvement en capacité d’éviter les amalgames .A cette heure je suis dubitatif. . Je ne conçois pas un tel mouvement qui se met sans débat en ordre de bataille derrière un rapport, que dis-je derrière quelques passages d’un rapport . Autrement dit , on ne peut prendre comme un dogme la phrase répétée ces jours-ci : "Selon le rapport de l’ONU de sept 2007 , l’islamophobie constitue, dans le contexte actuel, la forme la plus grave de diffamation des religions. C’est une forme contemporaine de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance". Il existe un racisme généré par l’islamophobie mais aussi des rejets de certains abus de l’islam et notamment d’un islam politisé qui ne sont pas raciste.

      Le mouvement antiraciste doit s’attacher plus encore à développer son volet social, son ancrage altermondialiste, notamment sur l’extension des logiques sécuritaires et guerrières.

      B - DERRIERE LE VOILE : LAICITE et FEMINISME ou RACISME ANTI-ARABE / RACISME ANTI-MUSULMAN

      Derrière le voile, il ne faut pas s’abstenir de l’analyse avant de conclure. La "voilophobie" n’est pas systématiquement raciste. "LA VOILOPHOBIE N’EST PAS NECESSAIREMENT L’ISLAMOPHOBIE INDISTINCTE". Le voile met en jeu plusieurs éléments :

       d’une part la ‘liberté de religion’ qui n’est pas sans limite. Des compromis sont à rechercher. Le droit international protège la liberté religieuse mais ignore la laïcité.. La mentalité laïque est à conquérir contre l’esprit religieux ostensible ou ostentatoire

       d’autre part le racisme caché derrière le refus du voile car en ce cas c’est en fait toute la personne avec sa croyance voir son appartenance ethnique qui est rejetée. C’est du racisme islamophobique ou du racisme anti-arabe (il faut analyser de près).

       Mais on ne saurait procéder constamment par soupçon facile et générateur d’amalgame. Les choses sont plus compliquées dans la vie réelle. Ainsi, de nombreuses personnes non racistes ( y compris des musulmanes ) ne supportent pas le voile soit comme féministes soit comme personnes attachées à la mentalité laïque.

      Mais il faut bien prendre garde à distinguer le comportement ou l’apparence de la personne elle-même. Autrement dit distinguer le voile comme accessoire facultatif (outil objectif d’oppression) qui peut être enlevé
      au moins pendant le temps du vivre en commun et la personne qui ne doit pas se sentir rejetée pour sa croyance religieuse (de quelque religion qu’il s’agisse) encore que la croyance religieuse puisse elle aussi être critiquée sans que cela se comprenne comme une attaque à la personne même.

      Le voile est ressenti d’une part comme *une oppression extravertie

      Autrement dit comme un message offensif vers l’extérieur, c’est-à-dire contre les autres, les proches, ceux qui subissent la présence constante du signe ostensible.

       Les personnes de mentalité laïque, sensibles au prosélytisme religieux insidieux mais permanent (je crois, je crois, je crois, croyez, croyez...) refusent souvent le voile à ce titre. Ils ne rejettent ni les arabes ni les musulmanes, ni l’islam. Ils sont tolérants. Ils s’opposent juste à un instrument d’oppression, pas plus. Ils ne sauraient être accusés de racisme.

       Des hommes non sexistes ou antisexistes éprouvent comme une oppression le message insidieux du voile : les hommes seraient tous incapables de maîtriser leurs désirs, ils seraient trop concupiscents et même aisément violeurs. En général ils partagent le point de vue féministe du voile-aliénation.

      Le voile est d’autre part perçu comme outil d’oppression introvertie

      Autrement dit comme une aliénation, c’est-à-dire tournée à l’encontre de la personne même qui le porte. Les féministes sont sensibles à cet aspect. On pourrait dire que l’on ne libère pas une personne malgré elle. Que c’est à la personne elle-même de faire son trajet de libération. Les féministes n’ignorent évidemment pas cela. Reste que de nombreuses femmes ne supportent pas le voile à ce titre et uniquement à ce titre et que dès lors elles ne sauraient être assimilées à des racistes.

      Les deux volets - laic et féministe - de la critique se combinent souvent dans la réalité.

      II - LUTTER SUR PLUSIEURS FRONTS : ANTI RACISME, ANTISEXISME, COMBAT SOCIAL ET ALTERMONDIALISTE...

      ...MAIS AUSSI EXTENSION DE LA LAICITE !

      Qu’il faille poursuivre la lutte antiraciste comme la lutte antisexiste le tout dans un cadre élargi d’un combat social de type altermondialiste est une nécessité . Il faut aussi poursuivre le travail engagé en 2004 (A) en tenant compte des effets pervers (B).

      A) LA FRANCE DISPOSE D’UN POINT D APPUI...

       UNE AVANCEE : La loi interdisant les « signes religieux ostensibles » a constitué une avancée par rapport aux textes fondateurs (les lois de 1881, 1882 et 1886) qui ne concernait que les locaux, les programmes scolaires et le personnel enseignant mais pas les élèves ou les mères accompagnatrices. Une avancée car l’envahissement pénible des signes religieux ne provient pas seulement du crucifix isolé en hauteur sur le mur d’une classe ou d’éventuels propos religieux d’enseignants mais aussi du nombre de personne supportant constamment du matin au soir des signes religieux
      ostensibles ..Le partage entre l’institution soumise à la laicité et ses usagers libres est dépassé. Ce partage est en fait maintenu mais la loi du 15 mars 2004 va plus loin encore.

       UNE DISTINCTION CAPITALE : La distinction entre signes discrets autorisés et signes ostensibles interdits constitue un principe fondamental pouvant donner contenu clair pour l’humanité à ce que l’on peut appeler « la mentalité laïque » . L’esprit laïc, que n’est pas l’athéïsme, doit enfin progresser au plan historique et mondial . Pour l’heure la mentalité laïque peine à sortir de la préhistoire du fait de la puissance du pouvoir religieux et patriarcal archaïque. De plus en plus d’individus, y compris des croyants, et de quasiment toutes les religions, sont gênés par l’affichage de signes par trop ostensibles. Ils préfèrent adopter des signes discrets voire garder pour eux leur croyance.

      B) ... MAIS IL FAUT ËTRE TRES PRUDENT !

       DES INSUFFISANCES DANGEREUSES : Si la loi du 15 mars 2004 pouvait encourir la critique c’était plutôt du fait que rien n’était prévu, notamment dans le privé, pour recevoir les jeunes musulmanes à l’affichage religieux ostensible . La déscolarisation des élèves est un fait à prendre en considération pour des militants laics responsables tout comme d’ailleurs pour des féministes. Je le souligne, même si cela ne fait pas plaisir aux laics et aux féministes anti-voile, car il ne faudrait pas qu’un gouvernement prenne pour les lieux de production des mesures irresponsables génératrices d’exclusion .

       POUR UNE EXTENSION : Pour moi, cette philosophie de la loi du printemps 2004 ne saurait rester limitée aux portes de l’école . Sont également concernés les autres lieux clos qui sont des lieux de partage contraint de l’espace . Cela concerne principalement les lieux de travail . Toutes les entreprises ne peuvent prévoir des lieux distincts pour les femmes voilées et les femmes non voilées. Le passage par la loi semble difficile, sauf s’il s’agit d’une loi indicatrice qui ouvre sur des discussions et des compromis. Le principe étant de favoriser le vivre ensemble le plus possible et donc d’éviter le licenciement.

       UNE METHODE : Le principe se couple aussi avec l’idée que l’émancipation ne s’obtient pas par la répression. Il s’agit de trouver un compromis entre liberté de porter un signe et souci de ne pas oppresser une autre personne par ce port constant et proximal.

      Christian DELARUE

      Secrétaire national du MRAP
      10/10/07

    • UN SIMPLE FOULARD ? UN VULGAIRE FICHU ? ou AUTRE CHOSE... (GITE "JULIENRUPT" VOSGES )

       "DISCRIMINATION RELIGIEUSE"

      Tel est le verdict du jugement du 9 octobre 2007 tranchant le conflit entre Horia DEMIATI musulmane voilée et Fany TRUCHELUT propriétaire du gite de Julienrupt dans les vosges. D’une part c’est une victoire contre le racisme qui frappe les musulmans, d’autre part la présence de l’objet-voile laisse planer une ambiguité, donc une insatisfaction. D’un côté un motif de contentement, de l’autre le sentiment de confusion. Car peut-on généraliser ce verdict de discrimination religieuse à chaque demande d’enlèvement du voile ou ce cas était-il particulier car le voile n’était que masque d’un racisme anti-musulman. Avec un contexte différent - épuisement de l’idéologie du ’choc des civilisations" - que va-t-on choisir comme positionnement ? Est-ce que l’on distinguera enfin la musulmane et sa religion ou le seul voile. Pout l’heure il semble bien qu’il faille recevoir les musulmanes voilées et donc éviter l’exclusion discrimination, mais rien n’empêche de dire nonobstant que le voile est honni . En effet le verdict aurait été différent si la musulmane ostensible avait été reçu dans le gîte mais en précisant que son accoutrement offensif indisposait ! Car on peut haïr les signes religieux trop ostensibles mais se garder de préconiser l’exclusion du travail ou du logement. Reste le problème de devoir travailler plusieurs heures et plusieur jours avec une femme voilée à ses côtés, qui est une situation jugée insupportable par beaucoup car ressentie comme une oppression religieuse plus pénible encore qu’un crucifix sur un mur.

       TRANSFORMER PAR LE LANGAGE LE COUTEAU EN PETITE CUILLERE

      Du coup, sous l’effet de ce jugement, on contate paradoxalement un retour de textes banalisant le voile islamique . Pourtant le port d’un fichu ou d’un foulard ne pose de problème à personne y compris à la propriétaire du gîte vosgien. Je pourrais parier qu’elle a pu en mettre un dans les dix ans qui viennent de s’écouler. Pour ma part, j’avoue qu’il m’arrive de mettre un bonnet (quand il neige) et un casque (quand je suis en moto). Donc si l’on veut être sérieux, il faut bien dire qu’il s’agit d’autre chose. A partir du moment ou le voile est porté été comme hiver, dehors comme dedans ce n’est plus un simple fichu c’est autre chose.

      NB : La "découverte" par le climat date de juin 1989 à Epinal (dans les Vosges déjà et encore)
      L’ article de Ghislaine Ottenheimer (2) explique qu’à la faveur de récréations, alors qu’il faisait très chaud, la Directrice, voyant une fillette suer, lui aurait demandé de retirer son foulard, ce que la fillette refusa de faire. Au delà de l’anecdote[2], Ghislaine Ottenheimer insiste bien sur l’époque et sur le climat : « Mais de quel droit, sous quel prétexte s’offenser du port d’un couvre-chef quel qu’il soit, en plein hiver ? Là, à la faveur des premiers rayons de soleil, la directrice a testé le caractère emblématique et religieux de ce fichu. ». (archive MRAP)

      I – ANALYSES CRITIQUES D’UN EMBLEME

      A) DECONSTRUIRE

       DONC AUTRE CHOSE

      Le voile islamique est outil de voilage et outil d’un certain islam. Il est d’une part un étendard pour l’extérieur et d’autre part pour de nombreuses féministes un instrument d’aliénation pour celles qui le portent. Cet outil de communication idéologique dit objectivement deux choses : je crois en Dieu, je crois en Dieu en permanence ce qui finit par insupporter. L’intolérance suscite le rejet. Il dit aussi je suis une femme respectable, ce qui signifie un double insulte :
       pour un femme sans voile : tu n’es qu’une femme-objet (pour s’en tenir à des termes neutres qui ne sont pas ceux ordinairement employés) ;
       pour les hommes : vous ne me verrez pas comme femme séduisante car vous êtes violeur ou du moins trop concupiscent pour me voire aussi comme être humain dans le même mouvement.

       L’AMALGAME D’UN CERTAIN ANTIRACISME

      La phrase ci après montre que le travail de "désimbrication" n’a pas été suffisamment fait : "les personnes interrogées (9) qui adoptent des positions à la fois féministes et antiracistes sont celles qui s’opposent le plus à la loi (de mars 2004), qui refusent de la justifier au nom de la laïcité, de désigner l’Autre (ici les Musulman-e-s) comme différent et de le stigmatiser". Il ne faut en effet pas se tromper de stigmatisation.

      Cependant, il y a un réel mensonge à amalgamer la critique et la phobie du voile islamique à la phobie de l’islam dans sa globalité. C’est le piège du "faux nez" (7). C’est contraire aux pratiques d’analyse que le MRAP met en oeuvre par ailleurs. D’une certaine manière on pratique ici ce que l’on critique sous le terme d’islamophobie ! On reste dans la prise de position inverse - technique classique du mauvais antiracisme de simple renversement - sans passer par la distinction.

      Effectivement le MRAP dénonce à raison " l’amalgame entre islam -intégrisme -islamisme radical" avec pour exemple "l’affaire des bagagistes de Roissy qui se sont vu retirer leurs badges en raison de leurs pratique religieuse" (qui n’avait rien d’anti-laïque ou de sexiste). Effectivement, une argumentation historique et sociologique dès plus conséquente pèse pour dire que la phobie du voile PEUT cacher un racisme anti-musulman. Mais il n’y a pas de causalité automatique. Il importe de dire qu’il s’agit d’une possibilité de dérapage, d’une forte probabilité mais pas d’une nécessité absolue. De nombreux laïcs et de nombreux antisexistes ou féministes sont critiques et phobiques du voile sans être raciste . "N’allons pas dire - écrit Eric FASSIN - que les femmes des quartiers, en dénonçant la violence qu’elles subissent, ou les féministes laïques, en s’insurgeant contre l’oppression sexiste, sont racistes, ni même qu’elles ne sont que les alibis du racisme" (8)

      B) RECONSTRUIRE

       PEDAGOGIE ANTIRACISTE : LES DISTINCTIONS A REPETER CONSTAMMENT

       De nombreux antiracistes critiquent le voile, ils le haïssent mais cela s’arrête strictement au voile. Autrement dit ce rejet ne porte ni sur la personne ni sur la religion. Donc pas sur l’Autre. La religion musulmane est diverses : certains religieux pensent que le voile est une obligation mais pas tous. L’islam d’emprisonnement et d’affichage offensif est très minoritaire en France : peu de jeunes filles et de femmes musulmanes portent le voile.

       En conséquence plutôt que de reprendre la distinction l’islam invisible et l’islam visible je distinguerais s’agissant des individus l’islam discret et pacifique d’un l’islam ostensible et offensif. A l’égard de ce dernier on ne saurait se montrer tolérant.. Il faut certes respecter la loi mais être aussi à l’offensive.

       LA PEDAGOGIE LAIQUE

      A l’égard de l’islam discret et pacifique dans les relations interpersonnelles la rencontre est possible et même source de richesses. Par contre l

      e signe religieux ostensible voile ou kippa est contraire à la mentalité laique qui se contente de signes discrets, ceux-ci manifestant un bon compromis entre liberté d’afficher sa religion sans oppresser l’autre. Le signe religieux discret symbolise le souci d’un espace pacifique, ce qui caractérise la laïcité. Comme le souligne le comité de Vitrolle du MRAP (1) un tel espace permet la rencontre sans que les croyances, restant intimes (ou du moins discrètes), soit un obstacle relationnel.
      Un exemple de résistance anti-laïque : "Demander qu’on enlève le crucifix dans l’enceinte de l’Assemblée nationale du Québec, c’est méconnaître l’historicité des civilisations et réduire la laïcité à des gestes mesquins." Geste mesquin que de vouloir enlever un voile comme un crucifix ? Car un voile comme une croix ou une kippa çà s’enlève aisément. Il suffit d’adopter des signes discrets pour satisfaire la mentalité laïque et les critiques de nombreuses féministes. Parler de racisme anti-voile c’est, à la limite, ne pas comprendre ce qu’est le racisme réel, ce que subissent celles - ceux qui ne peuvent enlever tout qui les racise : cheveux frisés, peau mat ou noire, etc.... Et de plus, cela ne signifie pas mépris de la religion (que nous pouvons néanmoins critiquer) que les croyants peuvent pratiquer librement en respectant la législation sur la laïcité. Cela ne signifie pas acceptation des discriminations pour les croyances religieuses.

      II – ANALYSE CRITIQUE DES AUTRES PRESUPPOSES

       SORTIR DE LA VISION DES TROIS COMMUNAUTES FONDAMENTALES

      Dans une contribution au Monde Mouloud AOUNIT (3) écrit : "La France républicaine des années 2000 serait-elle composée de trois communautés, une majoritaire "catho-laïque" repliée sur elle-même, et deux minoritaires, juive et musulmane, qui seraient susceptibles de s’affronter à tout moment ?" Le propos vise à sortir la lutte antiraciste de la sectorisation de la tribalisation. Ce qui est positif.
      Mais le même propos devrait conduire à une vision plus contrastée des processus de communautarisation. En fait il n’y a pas plus UNE communauté catho-laique unifiée qu’UNE communauté musulmane unifiée. On pourrait en dire de même pour les juifs de France. Sans doute y a-t-il des points communs qui justifient cette vision en trois communautés mais les différences voire les conflits internes semblent plus importants. Ce qui devrait inciter à relativiser la vision tricommunautaire bien rigide. D’autant que le fractionnement en de multiples sous communautés est renforcée par la diversité du religieux.

       PRENDRE ACTE DE LA DIVERSITE DES INTERPRETATIONS RELIGIEUSES

      Quand on évoque le "retour du religieux" on oubli pour les trois grandes religions monothéistes que l’unanimité d’interprétation des textes et plus encore que l’uniformité dans la diffusion des normes et prescriptions religieuses est un mythe. Au-delà d’un corpus fondateur de chacune, on repère rapidement en quelque sorte des "théologies" dans chaque religion et les pratiques qui en sont issues sont encore plus diverses dans chaque religion. La diversité domine tant au plan historique qu’au plan géographique. On trouvera donc pour chaque religion toute la gamme des visions du monde allant du libéral progressiste acquis relativement à la laicité et à l’égalité des sexes aux visions réactionnaires, à l’intégrisme le plus violent.

       PRENDRE ACTE DES EFFETS D’INTEGRATION

      Il faudrait ajouter certains effets de la logique républicaine d’intégration-assimilation qui quoi qu’on en pense (elle est passible de vives et justes critiques) vient renforcer la tendance à mentalité laïque.

      Ici et maintenant on ne peut plus aisément raciser la jeune fille voilée par simple effet de l’évidence avec le réel. Ce phénomène de racisation ne peut se produire que dans les sociétés ou islam et voile vont ensemble comme une "seconde nature". Au temps de la colonisation toutes les femmes étaient voilées (énormément du moins) et donc le "racisme anti-voile" était un réel racisme islamophobique (avant le mot) lié au colonialisme. Aujourd’hui le nombre de musulmanes non voilées est immensément supérieur à la petite minorité de jeunes filles voilées, et l’effet d’amalgame ne joue plus automatiquement . Pour beaucoup, la phobie discriminante est très circonscrite à l’objet-voile et ne saurait donc être, sauf délire paranoiaque (10), une islamophobie raciste. Parler d’islamophobie non raciste - car très circonscrite à l’objet voile - laisse d’ailleurs entendre qu’il existe bien une islamophobie raciste. Mais c’est à l’analyse de le montrer. On ne peut recourir à l’évidence comme du temps de la colonisation.

      Christian DELARUE
      Secrétaire national du MRAP
      27 octobre 2007

      Addendum : - CIRCONSCRIRE L’OPPRESSION

      Dire et répéter que le voile signifie, au-delà de la conscience de celle qui le porte, « oppression » (religieuse et/ou sexiste) doit s’accompagner d’un propos de prudence qui vise à relativiser "l’agression". Il faut ici promouvoir une sorte intelligence des rapports humains car il est facile de devenir soi-même oppresseur en luttant contre l’oppression. Au cas présent de devenir raciste islamophobe.

      Pour être plus précis - vu mes responsabilités antiracistes - je ne voudrais pas être mal compris . Mon net rejet du voile ne m’empêche nullement de réagir quand par exemple un chauffeur de bus de ma ville interpelle de façon injurieuse une jeune femme voilée dans son bus. Pas d’injure aux jeunes filles voilées ! Le respect de l’humanité de la personne est de droit au-delà de ce qui nous heurte dans son comportement.

      Quant à l’éventualité d’une loi sur l’interdiction des signes religieux ostensibles dans les lieux publics clos ceux ou l’on doit rester en permanence avec de tels individus offensifs, je renvoie au texte écrit sur ce sujet (5).

      Notes :

      1 cf. Différences n° 254 Article intitulé Laîcité, soupçons,tensions... Comment tenter de « désarmer Dieu ? »

      2 cf. site MRAP rubrique archive sous rubrique voile

      3 Contre l’antiracisme tribal, par Mouloud Aounit LE MONDE 15.06.06
      http://www.mrap.fr/interventions/monde

      4 Lire la suite sur sisyphe : Laïcité et accommodements raisonnables au Québec par Léon Ouaknine
      http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2752

      5 Que penser, que proposer suite au verdict "julienrupt" (voile vosgien) sur ce blog

      6 Lire aussi : Qu’est-ce que la laïcité ? par Bernard Teper du vendredi 19 octobre 2007
      article publié dans la lettre 31
      http://www.ufal.info/media_flash/1,article,181,,,,,_Qu-est-ce-que-la-laicite.htm

      7 Gérard Bouvier, cité dans la presse avec ces propos : « Le tribunal ne s’est pas laissé abuser par les arguments pseudo-féministes et pseudo-laïcs avancés par Madame (...). Ces arguments sont un faux-nez derrière lequel on trouve un comportement raciste. » .

      8 Eric FASSIN p 242 de "De la question sociale à la question raciale".

      9 De l’affaire du voile à l’imbrication du sexisme et du racisme site du Mouvement des indigènes de la République

      10 On peut cependant dire que pour l’extrême droite et une certaine droite la "théorie" ou plutôt l’idéologie du "Choc des civilisations" a réactivé en quelque sorte le vieux racisme anti-musulmans de l’époque coloniale. Une telle idéologie et une telle peur reste cependant en grand écart par rapport au réel français et européen. Elle ne saurait être majoritaire. Nous serions alors en plein fantasme paranoïaque de masse. Ce serait un délire "cimenté" par une idéologie de moins en moins rationnelle, de moins en moins théorisée et théorisable, donc plus proche d’une croyance vulgaire.

  • Un peu d’humour ah que vachement grinçant : pour bien marquer l’appartenance à la religion musulmane, pourquoi ces femmes ne porteraient pas en plus, bien en évidence, une étoile jaune ? ouahahahaha !