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LES LEÇONS DE GHAZA : L’impunité ne sera pas éternelle

Publie le dimanche 25 janvier 2009 par Open-Publishing
2 commentaires

LES LEÇONS DE GHAZA
L’impunité ne sera pas éternelle

Ce qui se joue en Palestine est aussi l’avenir du droit à la différence, du droit des peuples

Dans cette guerre, il y a un agressé et un agresseur, un colonisé et un colonisateur, un opprimé et un oppresseur.

Ghaza.

Le monde a vécu des moments tragiques, des dialogues de sourds, le détournement du sens des mots et de la censure, l’émotion face au carnage, le sentiment d’impuissance, de révolte. Cette guerre, question archi-politique et non religieuse, ni raciale, doit être interrogée. C’est un tournant dans les relations et les imaginaires entre les Palestiniens et les Israéliens, le Nord et le Sud, le monde musulman et l’Occident. Pour tous les analystes objectifs, un fait fondamental doit être gardé en vue quelle que soit la divergence des opinions : dans cette guerre, qui bafoue tous les principes, il y a un agressé et un agresseur, un colonisé et un colonisateur, un opprimé et un oppresseur.

Première leçon : Prise de conscience

Face à l’arrogance sioniste, la brutalité de sa soldatesque et la gravité de la situation, les peuples arabes, et des responsables politiques réagissent d’abord émotionnellement. Cependant, partout, l’immense majorité des manifestants ont fait preuve de maturité, gardé leur sang- froid, respecté les lois de la Cité, et ne sont pas tombés dans le piège des provocations. Peu ont appelé à la guerre, mais la plupart ont demandé l’arrêt de l’agression d’une population totalement démunie, soumise au blocus et aux bombardements. Cependant, des régimes arabes, malgré leur riche histoire nationaliste, sont paralysés par la crainte de voir une seule faction de la résistance, à l’idéologie contestée, profiter de la situation. Obnubilés par le rapport de force, prisonniers de visions défaitistes, ils se retrouvent incapables d’une analyse historique qui permet de définir leur stratégie. La tragédie de Ghaza risque de se répéter si la priorité n’est pas donnée à la mise en ouvre de mesures concrètes de pression, à de nouvelles alliances et à la volonté politique. Les armes de notre temps sont avant tout économiques et informationnelles. Il s’agit de comprendre les enjeux, de soutenir le mouvement de libération, et d’amener les adversaires à s’inscrire dans la négociation, sur la base du droit et non point de la loi de la jungle. Au sein des Palestiniens, pour défendre leur intérêt fondamental, l’indépendance et la liberté, il y a une unité à fonder, une stratégie à concevoir et un coût à assumer. La lutte de libération dans notre pays a triomphé sur ces bases. La résistance palestinienne, malgré ses limites, vient de démontrer qu’elle est capable de sacrifices.

Deuxième leçon : Tirer les leçons du passé

Le monde arabe et musulman commence à prendre conscience que durant des décennies, il n’a pas su gérer cette question centrale. La proposition de paix, adoptée à l’unanimité des pays arabes depuis 2002, fondée sur la normalisation avec Israël, en échange des territoires occupés en 1967, est conséquente. Mais elle restera ignorée si des mesures concrètes de sont pas prises. Des régimes arabes et ces dernières années des groupes manipulés, ignorants des réalités du monde, ont succombé à la provocation, alimentant la peur et la propagande islamophobe, dans le contexte de la mondialisation de l’insécurité. De leur côté, les Israéliens et des Occidentaux ne voient pas l’injustice, la disproportion entre les deux situations, celle de l’agresseur, Israël, face à celle de l’agressé, le Palestinien. Trop d’Israéliens et d’Occidentaux sont intoxiqués par la propagande sioniste qui est pourtant l’anti-judaïsme et l’anti-humanisme. Sans correction de l’autisme israélien et occidental, par des pressions arabes constructives, dont il faut supporter les conséquences, contrecarrer la désinformation au sujet de la juste cause palestinienne, restera une mission impossible, même si, fait décisif, Ghaza est devenue le symbole des opprimés, des faibles et des discriminés.

Troisième leçon : Changer la vision de l’Occident

Il faut tenir au droit à la critique. Le monde musulman a prêté le flanc. Si un travail de fond n’arrive pas à élever le niveau, rester à la fois ouvert et ferme et changer le regard de l’Occident au sujet de l’Orient, une guerre de mille ans s’annonce. La politique du deux poids, deux mesures, flagrante, au détriment des Palestiniens, a pris des proportions inadmissibles. Elle est, en outre, contraire aux intérêts des pays occidentaux. Cela ruine leur crédibilité, la sécurité de tous et l’idée d’un ordre mondial juste. L’Europe n’est pas quitte avec son passé. Des pouvoirs en Occident, traumatisés par le génocide des juifs d’Europe, ont encore mauvaise conscience.
L’instrumentalisation de l’innommable, la Shoah, constitue le socle du fait qu’Israël se place au-dessus de toute loi. L’inconscient collectif israélien a des difficultés à assumer l’histoire du judaïsme. Le sionisme, source de la politique inique mise sur le souvenir de la Shoah et la peur pour la mise au silence de toute critique à l’encontre de sa politique sauvage. L’Israélien gère l’immense catastrophe qu’a été pour lui la Shoah, par son exploitation pour se réfugier dans l’impunité. Il amplifie et ne montre que la souffrance des siens. L’agression sadique et la répression inhumaine du peuple palestinien sont à la fois le résultat de cette histoire et de calculs étroits liés à l’ambition d’hégémonie, à la désinformation, à la confusion entretenue au sujet de l’extrémisme mis en avant comme un épouvantail. Pour obtenir l’aval de la communauté internationale en vue de coloniser, de réprimer, de dominer, la propagande sioniste stigmatise, alimente le choc des civilisations, diabolise et inculque que tout musulman serait un extrémiste. Fondée sur l’amalgame, elle fait diversion, même si l’opinion internationale n’est pas dupe et que des courants dénoncent le bellicisme et les crimes de guerre. Le sionisme banalise le mal et fabrique des ghettos. L’impunité ne peut durer éternellement, si les Palestiniens sont unis et sauront conduire leur résistance, comme par l’Intifadha qui est un noble et original mouvement populaire.

Quatrième leçon : Cette guerre est une diversion

Comble de la partialité, les Occidentaux, décident de désarmer le Palestinien, la victime, le colonisé, et lui demandent de reconnaître son bourreau. L’Occident dit assurer la sécurité au colonisateur et évite de garantir au colonisé sa libération. Le cynisme consiste à projeter des mesures d’aide humanitaire, au lieu de prévoir une conférence internationale pour le règlement définitif de la création de l’Etat palestinien. Ghaza impose une question : comment Israël et les USA, et des pays européens consentants, peuvent -ils s’imaginer obtenir sécurité et paix en violant les règles de la guerre et en semant la mort et la haine ? Ce n’est pas un simple aveuglement, ou un racisme ordinaire. Israël et ses alliés considèrent que l’obstacle à l’hégémonie des USA, et du libéralisme sauvage, en premier lieu, est constitué par les peuples de culture musulmane. Un problème politique, la colonisation de la Palestine, est perçu comme stratégique dans les relations entre l’Occident et le reste du monde. L’invention d’un nouvel ennemi, a pour but non pas de lutter contre le terrorisme, mais de faire diversion, d’empêcher que les questions des crises et des inégalités que vit l’humanité soient abordées. L’Islam, perçu comme l’autre version de l’humain, est visé. Les réactions irrationnelles qui revendiquent son nom ne peuvent servir de prétexte à la guerre contre les musulmans. Empêcher que le peuple palestinien accède à l’indépendance c’est créer un abcès de fixation, une diversion, pour barrer la route au débat au sujet du système dominant. La vision idéologique postjudéo-chrétienne de l’histoire, cherche à imposer un seul langage et une seule conception de la modernité. Pour être à la hauteur du défi, le monde musulman doit revivifier ses capacités de civilisation, pas seulement se plaindre.

Cinquième leçon : La violence est totale

Il faut changer le rapport de force par une réponse globale, politique, culturelle économique. Il est logique d’affirmer que la question n’est pas religieuse. La culture politique moderne refuse d’écouter, réprime, et traite de terroristes tous ceux qui s’opposent à son totalitarisme. L’entité sioniste se veut à la pointe de la répression de toute dissidence. Diviser pour régner, multiplier les colonies, pour rendre irréversible la domination, est la ligne de l’entité sioniste, qui ne peut exister que dans le bellicisme. Politique systématique de morcellement des territoires occupés, de l’apartheid. Ghaza coupée du monde. Le tout habillé par la mise en place de stratagèmes et faits accomplis aux lieu et place du droit international. La venue du nouveau président américain Barack Obama peut être une opportunité de corriger cette politique vouée à l’échec. La politique démentielle du président sortant des USA se résume dans cet accord israélo-américain, cinq jours avant la fin de son mandat, qui réduit la question de la résistance à celle d’une « contrebande d’armes ». L’entité sioniste surarmée pour asseoir son rôle de gendarme du monde musulman, tente de fermer le jeu, mais il ne faut point renoncer à éclairer le nouveau président. Il s’agit de préciser que nul ne peut accepter de vivre à l’ombre d’un Etat qui ne ressemble à aucun autre, qui colonise et se place au-dessus de toutes les lois. « Terre promise » dans le discours théologique juif, concept contesté, devenant « Terre Permise ».

Sixième leçon : S’allier

Personne ne peut seul faire face aux incertitudes. Dans ce contexte, dialoguer, ce n’est point accuser l’autre, refuser la critique de soi, mais comporte des conséquences : droit à la dignité, à la démocratie pour tous. Les systèmes politiques sont appelés à pratiquer l’humilité, surtout après les grands séismes politiques et leurs répliques encore visibles, des temps modernes, depuis trois siècles : colonisations rapaces de peuplement, l’innommable figuré par Auschwitz, Hiroshima, le Goulag, Sarajevo, et aujourd’hui Ghaza, qui configurent le tombeau de la modernité. Aucune époque n’a été plus sombre. Mêmes barbares, les siècles obscurs fondés sur la cruauté n’ont jamais atteint ce degré sophistiqué de la déshumanisation et du refus de l’autre, dont le régime pulsionnel vise la destruction, la domination, dans une logique du chaos, de la loi du plus fort et du risque nucléaire. C’est ce que Ghaza subit. Pourtant, l’époque est aussi sans pareille en ce qui concerne la possibilité de résister et la passion de la liberté. La violence sioniste et néo-conservatrice américaine tentent d’empêcher de réinventer une nouvelle civilisation. Une nouvelle Andalousie qui fait défaut au monde. Ce qui se joue en Palestine est aussi l’avenir du droit à la différence, du droit des peuples. La Turquie, l’Iran, le Venezuela, la Bolivie, lieux de civilisations, et d’autres, ont conscience du risque historique.

Septième leçon : Revenir au raisonnement

Ce que les peuples de culture musulmane doivent comprendre a trait au fait que la force de la politique occidentale, malgré ses contradictions, repose sur l’exercice de la raison calculante. L’être moderne prend le risque de raisonner sans états d’âme. Le mondial musulman est en crise, mais cela est conjoncturel. La régression n’est pas fatale. Ce que le moderne, de son côté, doit comprendre réside dans le fait que le musulman a participé, et le peut encore, à la civilisation. L’Occident se mondialise. Ce qui pose problème, pour d’autres cultures, c’est cette hégémonie qui est imposée. Une vision du monde qui suscite des formes de déshumanisation. Les cultures traditionnelles dans le monde succombent dans la dépersonnalisation. Les musulmans de leur côté résistent, mais sans réformes internes et créativité cela restera insuffisant. L’époque actuelle est celle où il est vital que ce qui apparaît comme monde occidental et monde musulman liés, analysent leur devenir. L’Occident ne doit pas se laisser bercer par les avancées significatives qu’il a réalisées, et encore moins influencer par les milieux acquis au sionisme. Il doit faire le bilan sur son histoire et s’interroger sur les risques qu’il fait courir à l’humanité, de par la réfutation du droit à la liberté, à la différence et les inégalités qu’il impose. Le monde musulman, compte tenu de la justesse de sa cause, ne peut céder face aux oppressions, et doit s’interroger sur ses faiblesses, les pratiques internes fermées qui nuisent à ce qu’elles croient défendre et sur l’absence de systèmes démocratiques. Cette double résistance, par rapport à la situation interne et mondiale sera salutaire si elle prend en compte ces enjeux. Ghaza est le signe avant-coureur de lendemains qui appellent à la mobilisation sur une base démocratique. A cette condition, l’impunité dont jouit l’entité sioniste, qui détruit toute idée de Cité juste, ne sera pas éternelle.

Mustapha CHERIF (*)
(*) Philosophe algérien

www.mustapha-cherif.net

Messages

  • Parfaitement d’accord avec cet article : Israel doit etre jugee pour crimes de guerres. Ce massacre a GAZA est un tournant pour le palestiniens, les peuples du moyen-Orient et l’occident. : Pour les palestiniens, sans justice ou intervention exterieure ils seront en danger, d’ou le radicalisme. Pour les peuples de la region, la colere gronde face a leurs dirigeants impuissants, ce qui peut creer des instabilites. Pour l’occident c’est son credit et son image qu’il faut restaurer en cessant l’immobilisme et le deux poids deux mesures.
    Les dirigeants doivent se rendre compte que les gens, au dela de leur couleur ou appartenance, sont sensibles a l’idee de justice. Sans coup de main de la communaute internationale, c’est l’affrontement perpetuel !

    • L’article est parfait sur le fond. Et effectivement ya des choses à creuser.

      Mais en attendant, je vois qu’on parle de faire appel à la "Communauté internationale", qu’on parle de ne pas tomber dans le "piège" si on refuse le désarmement de la résistance, qu’on parle de soigner les blessures, de reconstruire.

      Ca c’est bien. Vu d’ici.

      Mais qui c’est la "Communauté internationale", sinon les fournisseurs d’armes des fascistes d’Israël ? Ou les impuissants de l’ONU qui votent à l’unanimité des décrets qui ne sont pas applicables en raison du veto du sponsor israélien, les USA ?

      Ne pas "tomber dans le piège" c’est militer pour qu’on envoie une frégate française au large de Gaza afin de désarmer encore plus les combattants de la résistance ?

      Ne pas "tomber dans le piège" c’est accepter de laisser désarmer les combattants gazaouis comme on a voulu le faire du Hiz’bullah au Liban ?

      Ou ils seraient les Libanais maintenant si ça avait eu lieu ?

      Et soigner les blessures, c’est faire comme il y a dix ans ? : financer la reconstruction de Gaza, de l’aéroport aux infrastructures civiles, avec l’argent ds travailleurs européens et mondiaux, pour enrichir les "compagnies multinationales du BTP".

      Puis de tout redémolir tous les dix ans avec quelques milliers de morts en prime. A croire qu’on a inventé le "mouvement perpétuel".

      Dans un autre registre ça me rappelle Lady Di et Doddy Al Fayed. Elle finançait l’institution qui fournissait les jambes de bois des victimes des mines AP, et lui était le fils du plus grand marchand d’armes du Monde et du plus gros fournisseur de ce type de mines.

      Y’en a marre de ces propos dégoulinants qui laissent croire, ou qui voudraient faire croire, surtout à ceux qui ne sont pas sous les bombes, qu’il suffit de bonne volonté pour arrêter les assassins du Monde.

      Y a pas un exemple dans le Monde, depuis qu’il a une histoire connue, ou le droit à l’existence face à des gangsters meurtriers s’est règlé autrement que par les armes. Et tout ceux qui ont voulu le faire sans les armes n’ont JAMAIS abouti à un vrai changement. et en général, ensont morts.

      Et qu’on ne me ressorte pas l’Inde de Ghandi, ni l’Afrique du Sud.

      En Inde si Ghandi a eu gain de cause, c’est pas parce qu’il a envoyé quelques milliers d’adeptes se faire massacrer "pacifiquement". C’est simplement que l’empire Britannique avait changé sa stratégie et avait compris qu’il valait mieux faire exploiter les richesse d’un pays par ses propres ressortissants pour le plus grand profit et tranquillité de la Couronne royale d’Angleterre.

      Et en Afrique du Sud, ceux qui savent ou on en est actuellement savent qu’on a simplement remplacé les Blancs qui étaient aux commandes pour les grandes compagnies diamantaires et aurifères, par des larbins noirs à leur service. Et les Blancs continuent de s’enrichir et de tirer les ficelles.

      Y a qu’à regarder ce que c’est l’inde Ghandiste aujourd’hui, et sa partition pakistanaise, avec quelques centaines de têtes nucléaires de part et d’autre.

      Ou à s’interresser à une Afrique du Sud dont tout le monde se fout aujourd’hui sous prétexte qu’elle est "contrôlée" par des Noirs au lieu des Blancs. Et surtout "contrôlée" par la Banque Mondiale et le FMI. Ces deux dernières institutions étant elles plus que "blanches".

      Alors faire semblant de croire qu’il pourra y avoir une "paix" au Moyen-Orient tant qu’existera sur les lieux un état avec un Gouvernement fasciste, marionnette des USA, à moins que ça ne soit le contraire, c’est un délire d’enfant de 5 ans quifait n caprice.

      Je ne dis pas que l’état israélien doit disparaître, (Encore qu’il n’a jamais apparu officiellement*), mais que son gouvernement et son système politique sont criminels et dangereux pour ses voisins et le Monde entier.

      Mais y en a qui ne veulent voir que ce qui ne les dérange pas.

      Et comme disait un célèbre philosophe, "ça n’est pas parce qu’elle met sa tête dns le sable que l’autruche ne se prend pas les coups de pied au cul !!!!!!".

      G.L.
      ............................................. ;

      * Pour qu’un "état" soit officiellement un "état" il faut qu’il ait des frontières définies, et au moins un Constitution qui "fixe" le fond et l’esprit de la Gestion politico-économique et de la Loi.

      Israël n’a ni l’un, ni l’autre, en dehors des frontières et des lois fixées par la Torah : Du Jourdain à l’Euphrate, c’est "Eretz Israyel". Et la Loi rabbinique, datant d’il y a 3000 ans. C’est peu pour fixer réellement un "pays" moderne par rapport à ses voisins du Monde.

      Sans compter que du "Jourdain à l’Euphrate" ça veut dire qu’il comprend aussi dans son futur territoire revendiqué, la Jordanie, une partie de l’Egypte, l’Irak jusqu’à Bagdad, et occasionnellement le Liban et la Syrie.

      C’st sûr que ça doit pas faire plaisir aux autres pays concernés.