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La "plaisanterie" du consentement éclairé
Publie le jeudi 6 septembre 2007 par Open-Publishing1 commentaire

de Sonia Shah
Journaliste (Canada). Auteure de The Body Hunters. Testing New Drugs on the World’s Poorest Patients, à paraître en octobre 2007 dans une traduction française de Pierre Saint-Jean, éditions Demopolis, Paris ; www.soniashah.com
A peine un pour cent des Indiens bénéficient d’une assurance-maladie. De ce fait, la plupart des habitants paient d’avance leurs soins de santé, et les liens personnels tissés avec le médecin revêtent une importance particulière. Le rapport de forces entre médecins et patients est ainsi très différent de ce que l’on observe dans les pays occidentaux.
Selon M. Farhad Kapadia, médecin investigateur à l’hôpital Hinduja de Bombay, seuls ceux qui « n’ont absolument pas le choix » acceptent de se dispenser du point de vue d’un médecin et de se soumettre à un protocole sélectionné de façon aléatoire par un ordinateur – sans savoir à quelle « branche » de l’expérimentation ils seront affectés. En d’autres termes, les personnes qui participent aux essais cliniques sont les plus pauvres, celles qui vivent dans l’espace social le plus éloigné de tout univers médicalisé.
Les responsables américains de la Food and Drug Administration (FDA) se disent néanmoins confiants dans la capacité des sujets à se protéger eux-mêmes, en donnant ou en retirant leur consentement. Pour M. Robert Temple, directeur médical à la FDA, mettre en question la capacité des patients démunis à donner un consentement serait une attitude condescendante. « Il ne faut pas les traiter comme s’ils étaient incapables d’atteindre leurs propres objectifs », nous a-t-il expliqué. Etre analphabète et pauvre n’est certes pas un obstacle infranchissable : les concepts scientifiques utilisés au centre de recherche sont probablement étrangers à ces personnes, mais ils ne sont pas incompréhensibles.
Des anthropologues médicaux ont trouvé un moyen de vérifier si un consentement est « éclairé » ou non. En interrogeant par questionnaire trente-trois participants thaïlandais à un essai de vaccin contre le VIH, ils ont découvert que trente d’entre eux n’avaient pas été correctement informés. De même, une étude portant sur l’essai d’un contraceptif réalisé au Brésil a révélé qu’aucun des sujets n’avait été informé de façon satisfaisante. Et, lors d’un test réalisé à Haïti sur la transmission du VIH, 80 % des participants en ignoraient les finalités précises (1).
« Le consentement éclairé, c’est une plaisanterie », va jusqu’à déclarer un enquêteur à la National Bioethics Advisory Commission. « Comment une personne qui n’a jamais entendu parler de bactéries ou de virus pourrait-elle donner son consentement éclairé ? dit un autre. Cette idée de consentement de l’individu... Cela n’existe pas. Les gens font ce qu’on leur dit de faire. »
Depuis 2001, considérant que les protections qu’elle garantit sont trop contraignantes, la FDA tente de prendre ses distances avec la déclaration de Helsinki. En 2001, elle s’est opposée à l’intégration de nouveaux amendements limitant les essais avec placebo, et reste hostile à plusieurs paragraphes de la déclaration. La tendance générale s’est confirmée l’été dernier lorsque l’Institute of Medicine, l’un des premiers organes consultatifs des Etats-Unis dans le domaine scientifique, a recommandé de lever les interdictions de facto qui empêchaient de conduire des essais cliniques sur des prisonniers et, dans un même élan, a qualifié de « myopes » tous les défenseurs du consentement éclairé qui pendant des décennies s’y sont opposés (2).
(1) Punnee Pitisuttithum (sous la dir. de), « Risk behaviors and comprehension among intravenous drug users volunteered for HIV vaccine trial », Journal of the Medical Association of Thailand, Bangkok, janvier 1997 ; Daniel W. Fitzgerald (sous la dir. de), « Comprehension during informed consent in a less-developed country », The Lancet, Londres, 26 octobre 2002.
(2) Lawrence O. Gostin (sous la dir. de), Ethical Consideration for Research Involving Prisoners, The National Academies Press, Washington, DC, 2006 ; et « Testing new drugs on prisoners : The easy out », The Boston Globe, 17 août 2006.
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/05/SHAH/14713
mai 2007 Page 18
Messages
1. La "plaisanterie" du consentement éclairé, 7 septembre 2007, 17:45
En France aussi l’expérimentation de médicaments dans les hôpitaux requiert le consentement éclairé du patient.
Il existe aussi hélas en France des personnes sous-informées qui sont facilement manipulables par des médecins qui gagnent la plupart du temps à pratiquer ces expérimentations quelques participations à de pseudo-congrès ayant toujours lieu dans des pays de rêve et le plus lointains possible, accompagnés par la personne de leur choix.
Le comble de la tartufferie est de demander le consentement éclairé à des malades hospitalisés en psychiatrie.
Au pire la personne ne saura même pas ce qu’on lui propose, au mieux, elle prendra pendant le temps de l’expérimentation qui dure, par exemple pour un antidépresseur, trois semaines,
un placebo qui, comme chacun sait, a peu d’effet sur une vraie dépression.
Au bout des trois semaines, il en faudra trois autres pour mettre en place un vrai traitement connu et efficace.
Trois semaines perdues en HP quand on sait les réticences du milieu social et professionnel à en accepter l’idée, ce n’est pas pour le coup une promenade de santé !
Et quand, infirmière, vous protestez, on vous met en garde en vous rappelant que vous travaillez dans un service de recherche et que vous devez obéissance à Monsieur l’agrégé.
Bigoudène.