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« Nous n’avons pas baissé les bras »
Retraite, intermittents... la rentrée promet d’être chaude.
Libération
Par Matthieu ECOIFFIER et Edouard LAUNET
samedi 09 août 2003
« Les paysans se battent pour sauver le paysage agricole, et nous pour le
paysage culturel. » Agnès, comédienne Causse du Larzac envoyés
spéciaux
a rentrée sociale sera « brûlante », promet José Bové, porté par le succès
populaire qui se profile pour Larzac 2003. Mais qu’en pensent les
participants ? Ces contestataires de tout poil parviendront-ils ici à
s’accorder entre eux, au-delà du simple constat qu’il « existe une
alternative » dans l’éducation comme dans la culture ou l’agriculture ? Ici,
on navigue entre les stands « L’école imaginaire » de Sud-Education et la
« Culture en danger » fédérant les coordinations des intermittents. Ceux des
écolos de Réseau sortir du nucléaire et des anarchistes de la CNT, des
Occitans régionalistes et des grévistes du McDo de Paris.
Dès l’ouverture, hier, des forums, quelques signes avant-coureurs d’une
remobilisation militante sont apparus. Comme si les luttes du printemps
pouvaient se remettre à bouillir dans le creuset altermondialiste.
« L’affluence mon tre que malgré l’échec sur les retraites et le chômage des
inter mittents, les gens n’ont pas baissé les bras, estime Annie Coupé (G10
Solidaire). Certains profs grévistes ont eu 300 euros retenus sur leur fiche
de paie en juillet, ça aurait pu les abattre. Au contraire. Depuis ce matin,
tous ceux que je vois sont très en colère. »
« Cri de rejet ». Dès 13 h 30, les intermittents du spectacle sont en
assemblée générale sous une grande tente, se demandant « comment sortir de la
dualité festival-forum ». Comprendre : peut-on à la fois participer aux
débats et laisser se tenir deux nuits de concert qui ressemblent fort à un
festival ? Puis ils votent un texte affirmant qu’ils « feront tout pour
s’opposer à l’application du protocole » agréé hier. Certains proposent
d’importer ici le « rituel du grand cri », chaque soir à 19 h 30, inventé au
festival Chalons dans la Rue. « Un cri unanime de rejet de la politique
libérale qui s’installe en France », explique son promoteur.
Agnès, comédienne, et Yann, technicien lumière, arrivent de Paris où, la
veille au soir encore, ils ont occupé Beaubourg avec d’autres membres de la
coordination Ile-de-France. « Je suis venu ici pour m’informer directement
auprès des autres professionnels en lutte », dit Yann. Agnès estime parallèle
les combats des artistes et des paysans : « Ils se battent pour sauver le
paysage agricole, et nous pour le paysage culturel. »
Au stand du Syndicat de la médecine générale (SMG), Marie, généraliste, et
Anne, infirmière, assurent : « Pour nous aussi, un autre monde est possible.
Où l’assurance maladie serait réellement solidaire et universelle, où l’on
irait vraiment vers ceux que l’on prétend soigner. » Le SMG, proche d’Attac,
« vient ici pour discuter et réfléchir avec ceux qui refusent la
marchandisation des soins ». Marie et Anne ajoutent : « C’est dans la pratique
qu’on va chercher nos idées, comme les paysans du Larzac. »
Pour Annick Coupé, la sensibilité alter mon dialiste a pénétré profondément
les esprits : « Beaucoup d’enseignants font le lien entre ce qu’ils vivent et
ce qui se discute dans les grands sommets de l’OMC. Dans les manifestations,
on a vu des slogans "l’éducation n’est pas une marchandise" déclinés à
partir de ceux des altermondialistes. Le fait que Larzac 2003 s’annonce
comme un très grand succès confirme cette convergence. »
Education. Sur le stand de Sud-Etudiant, on n’a jamais vu autant de demandes
de renseignement dans aucun rassemblement similaire. A la tribune d’Attac,
deux étudiants toulousains promettent « une rentrée universitaire chaude » à
Luc Ferry, malgré ses annonces « lénifiantes » sur un budget à la hausse.
« S’il met en avant sa loi libérale sur la modernisation des universités, ca
va chauffer. Surtout que les enseignants chercheurs commencent à se
mobiliser. » Pour les participants qui guettent désormais les « provocations »
du gouvernement, sa capacité de dialogue et de conciliation à la rentrée
sera déterminante.
Et puis, du côté des enseignants de l’Aveyron, on compte sur la rencontre
avec les intermittents, dimanche, sous « l’arbre à palabres » pour mettre au
point des actions communes. « On peut imaginer des intermittents qui occupent
des écoles et inversement », projette Vincent Mespoulet (Sud-Education).