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Sur le causse, la fête de toutes les causes
José Bové a été accueilli par plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Par Matthieu ECOIFFIER et Edouard LAUNET
samedi 09 août 2003
Libération
Causse du Larzac envoyés spéciaux
ur quelque 100 hectares du Larzac a surgi une ville de dizaines de milliers
d’habitants, bourdonnante malgré la chaleur accablante. Alentour, les routes
sont bloquées par des kilomètres de bouchons. Les plaques d’immatriculation
donnent une liste quasi exhaustive des départements français. Les pompiers
distribuent des bouteilles d’eau. On n’attendait pas autant de monde, et pas
aussi vite. Le pic ne sera atteint que samedi après-midi, avant la grande
nuit de concert. Dans les campings les tentes se touchent : « Si tu as une
place dans ton duvet, dis-le ici », invite une pancarte sur le stand de la
Confédération paysanne.
Le la de Bové. A 16 heures, José Bové, poing levé, est accueilli en rock
star sur la « scène Transgenik », l’un des trois grands plateaux de concerts.
D’emblée, il donne le ton : « Septembre ne sera pas un mois chaud mais
brûlant, où tout le monde doit être dans la rue. » Longue ovation du public,
rassemblant des militants de toutes causes et des gens de tous âges - de la
prévingtaine à la grosse soixantaine. « Je fais le pari que dans un mois nous
allons mettre l’OMC en échec à Cancun », lance encore Bové. Acclamations. Et
puis cette sommation à Raffarin, dénoncé avec Chirac comme complice de la
« marchandisation du monde » : « Que le gouvernement mette l’OMC en débat dès
septembre, avant le sommet. »
Forum social. La « marchandisation », voilà bien l’ennemi commun à Larzac
2003, qui a vite pris des allures de grand forum social. Un chapelet de
stands rassemble ceux qui cherchent des alternatives dans tous les domaines
imaginables, de l’agriculture bio jusqu’aux méthodes d’accouchement (lire
ci-contre). Tout autour, c’est une forêt de tentes, et des spectacles donnés
par des troupes d’« artistes en lutte ». Partout on se motive : « Nous devons
croire en notre capacité de changer l’histoire », entend-on souvent. « I
arribarem » (« On y arrivera » en occitant) sur les tee-shirts. L’atmosphère
n’est pas encore celle de la fête mais de l’échange. Le mouvement social du
printemps entre en résonance avec le combat anti-OMC. La convergence des
luttes donne au rassemblement une homogénéité, même si un militant CFDT
agitant un drapeau du syndicat se fait prendre à partie (sans violence).
La presse, le plus souvent bienvenue, ne doit toutefois pas trop la ramener
: des « médias partout, infos nulle part » fusent ça et là quand les caméras
se font trop pressantes. Les journalistes sont venus d’un peu partout :
Norvège, Afrique du Sud, Canada, etc. Même Al-Jezira, la désormais célèbre
chaîne du Qatar, est présente. Les « PC santé » tentent de faire face à une
cascade d’insolations et de brûlures cutanées. Sous les buissons, sous les
semi-remorques le moindre carré d’ombre est pris d’assaut. Sur la scène
Transgenik, François Dufour (Confédération paysanne, Attac) fait acclamer le
paysan propriétaire des terres où se déroule le rassemblement en un
singulier écho de Woodstock.