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Lazare Ponticelli, ou "quand l’Italie c’était l’Afrique d’aujourd’hui"... Hommage
Publie le jeudi 13 mars 2008 par Open-Publishing
Un "rital" qui s’est battu dans deux armées
Parcours. Ponticelli a défendu son pays d’accueil avant d’être appelé en Italie.
de JEAN-DOMINIQUE MERCHET
Le dernier poilu est un immigré italien arrivé en France en 1906. Un "rital" débarqué seul et sans papiers, gare de Lyon, à l’âge de 9 ans, fuyant la misère de son village natal, dans les monts d’Emilie-Romagne.
Lazare Ponticelli, qui a fêté son 110e anniversaire en décembre 2007, a de manière assez exceptionnelle participé deux fois à la Première Guerre mondiale : d’abord dans les rangs de l’armée française, puis dans ceux de l’armée italienne. Depuis la mort de Louis de Cazenave, le 20 janvier, Lazare Ponticelli est donc l’ultime survivant des 8,5 millions de soldats français qui prirent part à la guerre de 1914-1918. Il est, malgré lui, devenu un symbole. Après l’avoir longtemps refusé, il a accepté, fin janvier, le principe "d’obsèques nationales, sans tapage important ni de grand défilé, au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes".
S’il souhaite une « messe aux Invalides en hommage à [ses] camarades morts dans cette horreur de la guerre », il préfère, en revanche, être inhumé dans le caveau familial du cimetière d’Ivry (Val-de-Marne). L’idée d’obsèques nationales pour le dernier poilu avait été approuvée par Jacques Chirac en novembre 2005.
Sa date de naissance n’est pas connue avec précision. Officiellement, il s’agit du 7 décembre 1897, mais il est probable qu’il s’agisse d’une erreur. Il aurait été inscrit à l’état civil le 27, puis le chiffre 2 aurait été effacé. Mais sa mère racontait avoir accouché le 24 et se rappelait qu’une tempête de neige qui frappait alors la région avait empêché toute sortie pendant trois jours. L’Italie dans laquelle le petit Lazare voit le jour est un pays où sévit une extrême pauvreté. C’est l’Afrique d’aujourd’hui, sans l’aide humanitaire. Ni école ni médecin, la faim au ventre et l’émigration pour seul horizon. A 9 ans, après la mort de son père, il décide de rejoindre, à Paris, une partie de sa famille - dont sa mère, qui l’a quasiment abandonné. Sa vie va ressembler alors à celle d’un personnage de Charles Dickens. Hébergé par des hôteliers italiens, il trouve des petits boulots, s’en sort sans aucune aide sociale et crée dès 1913 - il a 16 ans - une petite entreprise de ramonage !
En 1914, lorsque éclate la guerre, il souhaite aussitôt s’engager pour défendre le pays qui l’a accueilli, mais il est à la fois trop jeune et de nationalité étrangère. Il finit par rejoindre le seul corps qui l’accepte, la Légion étrangère, comme des milliers de volontaires venus s’enrôler pour défendre la France. Au 4e régiment de marche du 1er étranger, il retrouve par hasard son frère, au milieu de nombreux Italiens, souvent des « garibaldistes ».
En décembre 1914, son unité est engagée sur le front de l’Argonne. Durant trois semaines, il découvre les tranchées et le feu de l’artillerie allemande. Puis son régiment est renvoyé vers l’arrière, pour apprendre qu’il est dissous. Car, en mai 1915, l’Italie entre en guerre au côté de la France. Un accord entre les deux pays prévoit que l’armée française doit renvoyer ses combattants italiens vers leur pays natal. Lazare Ponticelli, démobilisé, refuse, et c’est entre deux gendarmes qu’il sera reconduit à Turin. Il est aussitôt incorporé chez les Alpini, les chasseurs alpins, pour aller combattre les Autrichiens dans le Tyrol. Blessé au visage, il ne sera renvoyé au front qu’en 1918.
Ces souvenirs de guerre - que nous publions ci-dessus - sont-ils l’exact reflet de la réalité ? Plus de quatre-vingt-dix ans après, les faits, racontés oralement des centaines de fois, ont pris la forme de récits légendaires qui témoignent de l’expérience des combattants de la Grande Guerre. C’est sans doute comme cela qu’il faut d’abord les lire aujourd’hui.
Démobilisé en 1920, Lazare Ponticelli revient en France où il se lance dans les affaires avec deux de ses frères. Ils créent une entreprise de chaudronnerie et de constructions métalliques. Installée dans le XIIIe arrondissement de Paris, elle va rapidement prospérer. Naturalisé français en 1939, Lazare participera à des activités de résistance sous l’Occupation, avant de prendre finalement sa retraite en 1960. Le groupe Ponticelli emploie aujourd’hui 4 000 salariés. Le « rital » a bien réussi. Il lui restait à devenir le der des ders.
A lire : Hommage à Lazare Ponticelli de Raymond Muelle, Philippe Guyot, Clément Ragot et Fabienne Mercier-Bernadet. Editions l’Esprit du livre. 20 euros.
http://www.liberation.fr/transversa...

Hommage national au soldat Ponticelli
Les obsèques auront lieu lundi matin aux Invalides pour le dernier poilu de la guerre 14-18, mort mercredi matin à l’âge de 110 ans.
Quelques semaines avant sa mort, il avait finalement donné son accord pour un hommage national, « au nom de tous ceux qui sont morts durant la Grande guerre » ; les obsèques de Lazare Ponticelli, le dernier poilu de la Première guerre mondial mort mercredi à l’âge de 110 ans, auront donc lieu lundi matin aux Invalides à Paris.
L’hommage prendra la forme d’une messe et sera célébré « en présence des plus hautes autorités de l’Etat » – dont le président de la République – mais aussi de la Légion étrangère, à laquelle avait appartenu Lazare Ponticelli.
Les hommages se sont succédé toute la journée : Jacques Chirac (« Sa disparition est un moment important dans notre Histoire et notre mémoire collective »), François Fillon (« Il représentait une génération qui a donné ses vingt ans pour la France »), sans oublier l’invariable Jean-Marie Le Pen (« L’exemple (des poilus) doit nous rappeler que la patrie française a toujours besoin d’être défendue, aujourd’hui face aux torrents migratoires, au rouleau compresseur de l’Europe antinationale, et à la décadence généralisée »).
La Légion étrangère a aussi rendu hommage au dernier poilu de la grande guerre mais aussi « plus ancien légionnaire immatriculé ». Se disant « attristée par la mort de son dernier poilu de la Grande Guerre », elle précise dans un communiqué qu’elle « rendra un hommage particulier au soldat et à l’homme » lors de la cérémonie nationale prévue dans les prochains jours aux Invalides. Lazare Ponticelli, rappelle-t-elle, « avait servi dans les rangs de la Légion étrangère de 1914 à 1915, au sein du 4e Régiment de marche du 1e étranger, unité surnommée « Légion garibaldienne » et composée exclusivement de légionnaires italiens. »
Engagé à l’âge de seize ans, Lazare Ponticelli s’était illustré notamment dans les combats meurtriers de la forêt d’Argonne, rappelle la Légion.
Lazare Ponticelli est mort « dans une relative tranquillité », a précisé mercredi à l’AFP Jean-Luc Laurent, maire MRC de la ville du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) où il vivait. « Il n’est pas parti dans la souffrance, il n’allait pas bien depuis quelques jours », a ajouté M. Laurent. Outre des funérailles nationales, organisées par la République, Lazare Ponticelli fera l’objet d’un hommage local au Kremlin-Bicêtre, dont il était citoyen d’honneur, a encore dit le maire de la ville, qui a rendu visite à sa famille mercredi en milieu d’après-midi.
Lazare Ponticelli avait dans un premier temps refusé l’idée d’avoir des obsèques nationales comme le proposait le gouvernement. Mais il avait finalement décidé d’accepter un hommage national « au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes », pendant la Première guerre mondiale.