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Le 17 octobre 1961 : Un crime contre l’humanité à Paris

Publie le mercredi 19 octobre 2005 par Open-Publishing
7 commentaires

Le 17 octobre 1961, alors qu’ils manifestent pacifiquement contre le couvre-feu imposé depuis une dizaine de jours aux "français musulmans d’Algérie", des centaines d’Algériens sont massacrés en plein Paris par les forces de police sur ordre du Préfet de l’époque, Maurice Papon.

Alors que le bilan officiel fait état de deux morts, de nombreux témoins (dont des policiers en repentance), intellectuels, cinéastes ou historiens, après analyse des faits et recueils de témoignages, contredisent de façon cinglante le discours officiel : les décès et disparitions se comptent en centaines, les arrestations en milliers. C’est la plus grande rafle depuis celle du Vel d’hiv, et comme pour celles-ci, les bus de la RATP ont été réquisitionnés pour transporter les victimes vers les centres de rétentions où ils furent torturés(1)(2).

Après des décennies de censure étatique, il a fallu l’acharnement de quelques citoyens et le courage de deux archivistes (Brigittee Lainé et Philippe Grand), qui ont bravé tous les risques pour mettre au jour des documents accablants, pour obtenir une ébauche de reconnaissance officielle de ce crime d’état.

En 2001, sur décision de la municipalité de Paris, une plaque commémorative est posée sur le pont Saint-Michel, l’un des lieux d’où furent jetés dans la Seine des manifestants sévèrement amochés, évanouis ou déjà décédés. Quelque louable que soit l’initiative, elle ne traduit pas hélas l’ampleur de la répression, ni n’évoque l’idée de crime contre l’humanité ou la criante responsabilité de l’Etat français.. La cérémonie au cours de laquelle a été posée cette plaque fut au demeurant boudée par l’ensemble des partis politique français, hormis le front national dont une vingtaine de militants vinrent perturber la cérémonie, dans l’indifférence des forces de police, et sans sonner lieu à la moindre poursuite judiciaire. Comme s’ils jouissaient d’une certaine impunité dès lors qu’il s’agit de s’en prendre à des Maghrébins, en 1995, des manifestants du même parti avaient jeté le jeune marocain Brahim Bouarram dans la Seine où il fut noyé.

La non reconnaissance par l’Etat français du massacre du 17 octobre 1961 relève du même cynisme que celui opérant sans rupture depuis la pseudo-décolonisation en Afrique : soutien en sous-main de la sécession biafraise au Nigeria (1 million de morts) et massacres à grande échelle en pays bamiléké au Cameroun dans les années 60, complicité dans le génocide des Tutsi Rwandais en 1994(3) , soutien actif à la dictature algérienne... Les exemples où la France s’est déshonorée sont légion, à cette différence près que le théâtre des "opérations" était ce jour-là notre propre capitale.

L’Etat français en Algérie et ailleurs : Coloniser, exterminer...

L’examen minutieux des archives de la colonisation française a révélé de stupéfiantes découvertes. Lors des conflits coloniaux engagés par la France en Afrique du Nord et ailleurs, des méthodes éradicatrices ont été couramment employées : enfumades, massacres de prisonniers et de civils, razzias, destructions de cultures et de villages - De nombreuses mesures racistes et discriminatoires ont été élaborées puis appliquées au cours de la conquête et de la colonisation de l’Algérie.(4) Puis elles ont été étendues aux nouveaux territoires de l’empire tels que l’Indochine, la Nouvelle-Calédonie et l’Afrique Occidentale française. Quarante ans après le début de la colonisation en Algérie, près d’un tiers de la population avait été exterminée (plus de 800 000 victimes, souvent des femmes, des enfants et des viellards dont le seul tort est de n’avoir pas pu fuir devant les colonnes de l’Armée d’Afrique). La conquête puis la colonisation difficiles et meurtrières de l’Algérie doivent être considérées comme une sorte de vaste laboratoire au sein duquel des concepts - ceux de "races Inférieures", de "vie sans valeur" et d’"espace vital" , etc. - furent forgés. De même, on inaugure de nouvelles techniques repressives - l’internement administratif et la responsabilité collective notamment - qui, avec le Code de l’indigénat adopté en 1881, firent de l’Etat colonial un état d’exeption permanent n’ayant rien à envier au régime de l’Apartheid. Plus tard, l’internement fut même importé en métropole pour s’appliquer, à la fin des années 1930, aux étrangers d’abord, aux communistes ensuite puis aux Juifs après l’arrivée de Pétain au pouvoir.

La guerre de décolonisation

La deuixième Guerre d’algérie, entre 1954 et 1962, a aussi fourni d’innombrables atrocités : en témoignent les 500 000 victimes et l’institutionnalisation de la torture. Pour la première fois ont été appliquées les fameuses méthodes de la guerre révolutionnaire" élaborées après la défaite de Dien Bien Phu, faites de terreur, de "rouleau compresseur", de guerre psychologique, de commandos de supplétifs chargés de semer l’horreur au sein des populations civiles, de torture, d’intoxication médiatique et de coups tordus en tous genres, certains montrés dans le film maintes fois censuré de Gillo Pontecorvo, La bataille d’Alger. Ces méthodes seront par la suite enseignées par les militaires français dans le monde entier, notamment aux USA, dans les dictatures latino-américaines ainsi qu’au Rwanda(5) et servent aujourd’hui même d’exemples pour l’armée d’invasion en Irak.

La Françalgérie

Au lendemain de la guerre d’indépendance, le pouvoir en Algérie se trouve rapidement confisué par deux entités complémentaires : la Sécurité militaire (SM devenue DRS) et une junte d’officiers (nombre d’entre eux sont issus de l’armée française et n’ont que très tardivement rejoint le camp des indépendantistes - certains en 1962 même -, à temps pour pénétrer en Algérie telle une armée de colonisation pour fonder une dictature qui sévit encore aujourd’hui). Ce binôme contrôle le pays en sous-main pendant trois décennies avant de prendre le pouvoir ouvertement et par la force en 1992, prétextant empêcher le basculement du pays dans la barbarie suite au succès électoral des islamistes, Ce sont alors les mêmes méthodes héritées du système colonial qui servirent pour plonger le pays dans dans une violence inouïe, durant près d’une décennie : escadrons de la mort, faux maquis, faux barrages, commandos d’égorgeurs encadrés par des militaires, liquidations ciblées d’intellectuels, de journalistes et d’opposants politiques - dont le président Mohamed Boudiaf en juin 1992, lorsqu’il entreprit d’échapper à la tutelle des généraux pour fonder une démocratie -, attentats contre les civils, éliminations d’étrangers, massacres collectifs (plus de 400 en une nuit à Raïs, plus de 800 à Relizane), le tout sur fond d’intoxication médiatique incriminant quasi exclusivement le "terrorisme islamiste". Sous couvert de guerre civile, c’est une guerre contre les civils qui a été menée, d’ "éradication", qui fit quelque 200 000 morts, près de 20 000 disparus, le déplacement interne d’un million et demi d’individus, l’exode vers l’étranger des forces vives du pays et le démentèlement méthodique de la sociéte civile et du tissu économique(6)(7)(8).

Pour conserver les milliards de dollars du pillage du pétrolé et préserver un système de corruption organisé autour de commissions et rétrocommissions prélevées sur les contrats commerciaux du pays (avec notamment la France, premier partenaire extérieur), la junte mafieuse ne recule devant rien. Pour faire régner la terreur et fair etaire les revendications, elle instrumentalise des Groupes islamiques armés et crée même de vrai-faux GIA pour continuer à bénéficier de l’aide française et américaine contre le "terrorisme". Il est avéré que cette manipulation de la violence islamique était connue de la France et notamment à la DST liée depuis toujours à la SM, y compris lorsque le GIA a frappé Paris en 1995.

C’est aussi en France que sont liquidés les minces espoirs de constitution d’une commission d’enquête internationale sur les manipulations de la violence par le pouvoir, après infiltration et détournements des comités de soutien à l’Algérie. Le gouvernement français a finalement conclu, après un voyage de Jack Lang sur place, à l’inutilité d’une telle commission. L’état français continu de soutenir de régime des généraux, sans jamais mettre en doute sa facade "démocratique" et encore moins s’attaquer à ses dérives mafieuses (aux multiples bénéficiaires "souterrains" de part et d’autre de la métirannée).

Discrimination et racisme en France(9)

Politique criminelle de logement : les cruels incendies à Paris ont montré l’aspect criminel d’une politique de logement qui touche de plein fouet les migrants. Forts d’arguments mensongers, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que des expulsions médiatiques de squats habités par des personnes en instance de relogement.

Discrimination à l’embauche : un rapport officiel (le rapport Fauroux-Juillet 2005), dénonce une fois de plus le racisme dans le monde du travail. Un autre rapport celui de la CNDS en 2004 dénonce le racisme dans la police.

Contrôles au facies et violences policières : l’impunité des policiers assassins, auteurs de crimes que nos médias nomment "bavures policières", l’impunité de nos "représentants" politiques qui qualifient publiquement de "sauvageons" ou veulent "nettoyer au karcher" la jeunesse de notre pays, ne laissent guère entendre d’ambiguïté sur la cohérence et la continuité qui unissent le passé dégoûtant au présent provoquant "Pourquoi me tutoyer vous ?" interroge dans son livre Alex Ursulet, avocat parisien d’origine martiniquaise, humilié et passé à tabac par trois policiers.

La loi du 23 février 2005, véritable provocation unjurieuse, impose dans les écoles publiques le mensonge de la seule existence d’aspects "positifs" de la colonisation (du jamais vu dans une démocratie !).

Répression et expulsions des sans-papiers : selon le réseau Education sans frontières, la liste des enfants et adolescents arrêtés, mis en rétention, menacés d’expulsion, expulsés, ne cesse de s’allonger ( L’Huma du 16/09). La Cimade a même relevé le cas d’un bébé d’un mois placé dans un centre de rétention. Alors que l’obtention de l’Aide médicale de l’Etat devient un parcours du combattant, le gouvernement atteint des sommets quand il fait tout pour expulser une rescapée du génocide des Tutsi rwandais, infectée par le VIH. Enfin, la récente tentative du ministre François Baroin de remette en cause le droit du sol en outre-mer montre la volonté d’en finir avec les principes fondateurs de la République.

En conclusion : faute d’avoir assumé ce passé colonial, d’en avoir tiré les leçons, nous voyons donc ressurgir aujourd’hui ses relents sous toutes ses formes, dont la population française "de souche" n’est pas indemme, comme l’attestent les lois liberticides que Nicolas Sarkozy s’apprête à promulguer. Cette résurgence de la mise sous tutelle des peuples apparaît également dans le scandaleux "traité d’amitié" que s’apprête à signer Jacques Chirac avec Abdelaziz Bouteflika - Le premier offrant au second un "pardon" frelaté comme exploit qu’il exibera pour asservir davantage le peuple algérien ; Un traité qui méprise ce dernier, réduit à un "indigénat" renouvelé et qui consacre le triomphe d’un Etat corrompu, criminel.

Brel la mobilisation citoyenne n’a jamais été aussi vitale, Le choix aujourd’hui est simple : soutenir de façon active toutes les initiatives d’opposition démocratique dans les anciennes colonies, ou subir l’importation des pratiques dictatoriales que l’Etat français y a essaimées depuis une demi-siècle de fausses décolonisations. C’est la survie de la démocratie sur toute la planète qui est en jeu...

A lire :
(1) Olivier le Cour Grandmaison, Le 17 octobre 1961 : Un crime d’état à Paris (collectif, la Dispute, 2001)
(2) Jean Luc Einaudi, Octobre 1961 (Fayard, 2001)
(3) François Xavier Verschave, la Françafrique (Sotck, 1998)
(4) Olivier le Cour Grandmaison, Coloniser, Exterminer, sur la guerre et l’etat colonial (Fayard, 2005)
(5) Marie Monique Robin, Escadrons de la Mort, l’ecole française (La découverte, 2004)
(6) Lounis Aggoun et Jean Baptiste Rivoire, Françalgerie, crimes et mensonges d’etats (La découverte, 2004)
(7) Nesroulah Yous, Qui a tué à Bentalha ? (La découverte, 2000)
(8) Habib Souaïda, La sale guerre (Gallimard, 2001)
(9) Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, La fracture coloniale ( La découverte, 2005)
 
Tract élaboré par l’association Survie Paris ile de France
210, rue st martin
75003 Paris
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Fax : 01 44 61 03 20
anonyme article:44229
le 18/10/2005 à 00h48

Messages

  • Un nouveau 17 octobre est-il possible ?Tous les ingrédients sont présents :
     une "guerre au terrorisme"
     une population musulmane sur le sol français
     des politiciens avide de pouvoir et prêt à tout pour l’avoir ou le conserver
     des incitations à la haine de la part des médias

    Divers témoignages attestent de provocations et de haine lors de contrôle de police,certes ce n’est pas nouveau,mais le climat actuel anti-Musulman,anti-Arabe permet des dépassements.Ces dépassements sont-ils autorisés ou encouragés ? Quels sont leurs buts ? "Laisser se défouler" les policiers ?provoquer des émeutes pour les réprimer et prouver que le pouvoir est apte à assurer la sécurité ?N’oublions pas que les élections de 2007 arrivent (bi idnillah),que tous les coups (surtout les mauvais)sont permis,que des coups fourrés sont à prévoir et qu’ils se feront forcément sur le dos des Musulmans (non je ne suis pas paranoïaque).En attendant,je vous laisse lire le témoignage(il y en aurait tellement d’autres) de Habib Souaïdia le militaire algérien qui a dénoncé les massacres de l’armée dans son livre"La sale guerre"edit. la découverte.

    Témoignage de Habib Souaïdia
    Paris, le 3 octobre 2005

    Je suis un homme qui croit fermement à la justice et aux droits de l’homme. Comme un homme qui a souffert de la persécution organisée dans son pays par un régime autoritaire. J’ai payé le prix fort pour mes idées en refusent l’intolérance et l’inacceptable. En mai 2000, j’ai du quitter mon pays, l’Algérie, et devenir un réfugié sans patrie : je vis depuis en France, où j’ai obtenu le statut de réfugié politique en 2001. En exil, et malgré les risques de ma démarche, j’ai travaillé pour faire connaître la vérité sur les multiples violations des droits de l’homme en Algérie et sur la nature du régime militaire algérien, notamment avec mon livre La Sale Guerre, publié à Paris en fé-vrier 2001.

    Il n’est pas toujours facile d’être déraciné. Cela devient difficile lorsqu’on est humilié dans le pays a qui on a demandé protection et sécurité et qui vous a accueilli. Cela devient carrément pénible lorsqu’on est arrêté sans aucun motif par les représentants de cet État puis battu, humilié et mis en cellule durant 24 heures comme un criminel.

    C’est ce qui m’est arrivé le samedi 17 septembre 2005 à Paris, et qui m’a valu de passer mon plus terrible week-end depuis que je suis en France. Mon seul tort – peut-être – est d’être d’origine magrébine et de m’être trouvé au mauvais moment au mauvais endroit.
    J’écris ces lignes dans le seul but de dénoncer les faits graves de brutalité policière dont j’ai été victime à la station de métro Châtelet ce samedi-là, en fin d’après-midi. Je n’étais ni recherché ni soupçonné ou menaçant, je rentrais simplement et tranquillement chez moi. Et soudain, alors que je marchais dans un couloir du métro, au milieu de plein d’autres anonymes, voilà que mon physique semble avoir inspiré un groupe de policiers : l’un d’eux me fait signe, et j’ai compris qu’il allait me demander mes papiers. Prêt à obtempérer, tant ce type de demande est devenu habituel, je me suis dirigé calmement vers lui en glissant ma main dans la poche intérieure de mon blouson, où se trouvaient mes papiers, pour les lui présenter. Et c’est alors qu’il a paniqué : mettant une main sur son arme, il m’a brutalement plaqué au mur avec l’autre.

    Très choqué, j’ai demandé ce qui se passait. En guise de réponse, le policier a continué à me crier dessus : « Sale... [il s’est retenu de dire le mot suivant], vous n’avez rien à demander ! Tu vas voir ce que c’est de vouloir protester ! Ici, tu la fermes ! » En même temps, ses collègues m’ont passé les menottes. Une policière a pris mes papiers dans la poche intérieure de mon blouson, où je leur avais dit qu’ils étaient, et j’ai été fouillé avec une extrême brutalité. J’ai protesté contre ces pratiques. Alors, ils m’ont plaqué au sol et ils ont commencé à me frapper dans tous les sens, comme s’ils voulaient me transformer en serpillière. J’étais collé au sol comme si j’avais été frappé par la foudre. J’ai bien hurlé, j’ai bien protesté, mais menotté et plaqué au sol, j’étais totalement impuissant. Les coups de genou continuaient à venir s’écraser sur mon dos et ma colonne vertébrale. Des coups réguliers et incessants. Portés d’une façon caractéristique, dont j’ai compris plus tard comment ils font mal sans laisser de traces. Comme un naufragé qui coule et s’étouffe sous les coups et le poids de quatre grands gaillards déchaînés, j’ai tenté de me débattre, évidemment sans résultat.

    Après plus d’une demi-heure de ce passage à tabac, j’ai été amené, toujours menotté, au poste de police de la station de métro « Les Halles », où j’ai été accusé de « rébellion » par une officier de police judiciaire, qui n’a écouté aucune de mes explica-tions. Ma carte de résidence dans les mains, réticente, elle m’a dit : « Monsieur le réfugié politique est donc mécontent ? » Plus tard, « le réfugié politique » est devenu pour les policiers, par moquerie, mon nouveau nom.

    Après qu’une deuxième fouille ait été effectuée, toujours très brutalement, ils m’ont demandé de signer un procès-verbal, que j’ai refusé de signer. Avec une agressivité rare, l’officier qui avait tapé le PV m’a fait comprendre que je ne quitterai pas ce poste de police sans avoir signé ce PV, et que c’était « lui qui décidait ». Je me suis permis de lui dire qu’il n’avait pas à être agressif et je lui ai répété que je n’avais pas l’intention de signer. Il a répliqué : « Je t’emmerde », puis m’a demandé de le suivre.

    Devant un couloir étroit, il a demandé à deux de ses adjoints de me déshabiller. J’ai enlevé ma veste, je leur ai montré mon pantalon et les deux policiers m’ont hurlé des-sus : « On vous a dit de vous déshabiller, vous enlevez tout ! » Quelques instants après, je me suis retrouvé tout nu devant une caméra accrochée en haut du mur. Lorsque j’ai voulu me rhabiller et que je me suis retourné, ils ont, avec une ironie malsaine, fait des remarques indignes de la part d’agents de police : « De toute façon, il n’y a rien à cacher… On a déjà tout vu », me dirent-ils en désignant la caméra et en rigolant.
    Après m’être rhabillé, j’ai du ensuite aller faire les empreintes, puis les photos, avant d’être enfermé dans une cellule. J’ai croisé alors plusieurs policiers. Contre chacun d’eux, il serait possible de se plaindre compte tenu de leurs propos et de leurs atti-tudes. Certains disaient à leur collègues : « Vous l’avez bien eu, l’écrivain ! » (Mme Claire Petit, témoin de mon agression, les avait prévenus lors de mon arrestation que j’étais écrivain et réfugié politique.) Un autre lui a répondu : « Il l’a bien mérité, après tout c’est “la machine” qui nous l’a envoyé. » (Je ne sais pas ce qu’il voulait dire par là, peut-être la station Châtelet ? Un autre a parlé de la « matrice des B ».)
    Vers 20 heures, j’ai été transféré (dans un fourgon de police, menotté et entouré par quatre agents, comme un criminel) à un autre poste de police, qui se trouve Gare du Nord. Pour suivre la procédure, on m’a envoyé un avocat commis d’office. Mais, loin de m’écouter et de m’aider, celle-ci m’a dit, en substance : « Ce n’est pas grave. De toute façon, vous devez rester vingt-quatre heures en garde à vue et demain ils vont vous relâcher. »

    J’ai dormi sur l’un des bancs en bois de la cellule, où étaient également détenues six autres personnes. Réveillé à 8 heures, je me sentais très mal. J’ai été amené au poste, mais je tenais à peine debout et je n’arrivais pas à avancer au même pas que les poli-ciers ; alors l’un des policiers m’a de nouveau bousculé contre le mur pour me menotter. On m’a demandé à nouveau de signer un PV m’accusant de « rébellion ». Un policier, en lisant le PV, m’a jeté : « Il a 35 ans, quelle honte ! Vous avez compris ce que c’est que d’être mis en garde a vue ! Avancez et vite ! » L’officier de police judiciaire m’a dit : « Si vous ne signez pas, votre garde à vue sera prolongée de 24 heures. » J’ai encore refusé de signer et on m’a ramené dans la cellule. Puis, un peu plus tard, un policier est revenu, insistant pour que je signe. Ce que j’ai fini par faire, n’ayant plus qu’une envie : sortir de ce cauchemar.

    Avant d’être relâché, la chef du poste de police, avec un geste d’humeur, m’a balancé un sac où se trouvaient mes affaires. J’ai été relâché vers 12 h 30, le dimanche 18 septembre, après que m’ait été remise une convocation devant le juge du Tribunal de grande instance de Paris, pour le 5 décembre 2005.
    Comment et pourquoi un étranger se retrouve-t-il arrêté et maltraité devant des dizaines de passants, alors qu’il n’a commis aucun crime ? En vertu de quels critères certains policiers choisissent-ils d’interpeller certains passants et pas d’autres ? Serait-ce en fonction de leur origine ? Pourtant, l’article 225-1 alinéa 1er du Code pénal sti-pule que : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, […] de leur apparence physique, […] de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

    Au nom de quelle justice peut-on obliger quelqu’un à se mettre tout nu devant une caméra, et dans quel but ? Qu’est-ce qui autorise ces policiers à agir ainsi, avec un sadisme inqualifiable et la claire volonté de m’humilier ? Pourquoi cette violence, ces agressions intolérables ? L’attitude des policiers ne laisse malheureusement qu’une seule réponse : j’ai été victime d’une séquestration abusive tout simplement parce que je suis un Arabe ; méprisé en tant que personne, j’ai subi une entreprise de déshumanisation avec menaces, humiliation et violences psychologiques.

    Comment peut-on tolérer de tels comportements alors que, selon l’article 7 alinéa du code de déontologie de la police, le policier doit « le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques » ? Comment ne pas se révolter, alors que la France dispose d’une panoplie de moyens pour empêcher des telles fautes ?

    • Tous les ingrédients sont effectivement à nouveau réunis. On peut y ajouter la complicité, au moins passive, d’une large part de l’opinion publique. Le racisme de la police française est en effet régulièrement dénoncé que ce soit par des ONG ou par des observateurs de l’Union Européenne. Ni les partis politiques, ni les médias, ni les professionnels de l’indignation ne s’en sont jamais inquiétés. Alors les citoyens... Quand aux députés, ils en sont à voter des lois glorifiant le colonialisme français (loi du 23 février 2005).
      Demain Sarkozy...
      Après demain Papon...
      La France éternelle quoi...

    • mais si toi tu es arabe, est-ce que eux qui t’ont battu, sont de vrais français ? tu sais ça me fait rappeller la fameuse phrase du général degaulle qui disait ceci : ’’ mais qu’est-ce que tous ces Martinez, Sanchez, Roméo, Chiesa et autres qui veulent se considérer plus français que les vrais français....? ’’. Donc, il faut relativiser.

      Habibi.

  • AMNESIE, DOUCE AMNESIE...

    l’Etat français n’a bien sur jamais entendu parler de ces crimes dignes de la Gestapo faciste. Papon non plus. Et puis il sagissait de bougnouls terroristes, alors vous comprenez ma chère ?
    40 ans après c’est toujours le même SILENCE ASSOURDISSANT de la part des "autorités" de la patrie des droits de l’homme. Combien de temps encore ?
    Raul

    • pour nos gouvernants,

      le tombeau ideal de toutes ces victimes de la barbarie de notre monde civilisé c est l OUBLI...........n oublions pas ....transmettons ....communiquons....l oubli c est la pire des maladies.....

    • je sais que mon intervention va m’attirer des tas de noms d’oiseaux , mais ce n’est pas grave !
      a trop vouloir prouver on ne prouve plus rien.
      je ne suis pas colonialiste pour autant que ce mot ait un sens aujourd’hui , je n’approuve pas le statut des indigenes appliqué en algerie ou ailleurs ! je ne suis pas un suppot de l’armée francaise et de ses methodes en algerie, que j’ai condamné quand j’en ai été informé , ces elements etant posés , melanger la politique de la france sous la royauté au XIXeme siecle la politique de la IIIeme republique de la IV et de la Veme permet des raccourcis audacieux d’un point de vue historique .
      tout d’abord lors de la conquete , l’algerie etait une colonie de l’empire turc , il n’y avait pas d’etat algerien à l’epoque , cela n’excuse rien mais relativise !
      par ailleurs parler de 800 000 morts lors de la conquete ,me parait totalement abusif , meme si chaque mort est un mort de trop , abusif car la connaissance du niveau de population en algerie etait plus qu’approximative à l’epoque , et aucun chiffre officiel sur les victimes de la conquete n’a jamais été publié par qui que ce soit !
      pour la france on peut imaginer pourquoi , mais alors d’ou sort ce chiffre ?
      Cet article dit des choses tres justes , mais trop d’approximations lui font perdre de son interet.
      je propose à l’auteur d’etudier les invasions mongoles , tartares ou l’invasion de l’amerique du sud puis du nord par les europeens , le nombre de morts dans chaque cas et de faire le lien avec les politiques actuelles de la mongolie exterieure , de l’espagne , de la grande bretagne ou encore de la france .
      aujourd’hui nous avons une politique et un comportement vis à vis des francais d’origine nord africaine , ou africaine tout court , qui est proprement scandaleux , discrimination dans l’emploi , le logement , au faciés ......etc , et je crois que cent lignes sur ces politiques ou ces comportements valent mieux qu’une histoire réecrite sur deux cent ans d’histoire de france que peu de francais connaissent ,qui n’a de cesse de les culpabiliser alors qu’ils n’en sont pas responsables , alors qu’ils sont totalement responsables des comportements d’aujourd’hui !
      claude de toulouse

  • Bonjour

    Un simple témoignage sur cette journée noire,ce crime contre l’humanité.

    En ce 17 octobre 1961,j’ai 1 an,en effet je suis né le 17 octobre 1960.Mon père est militant au FLN et ma mère à la CGT....ma mére insiste pour que mon pére reste à la maison pour mon anniversaire .Défiant l’ordre formel du FLN,mon pére est resté à la maison,la suite vous la connaissez....

    En cette année 2005,je viens d’avoir 45 ans,militants plus que jamais à la cgt

    Ceux qui vivent sont ceux qui luttent
    Amitié
    Christian