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Le militantisme est-il un problème de pouvoir d’achat ?

Publie le vendredi 31 octobre 2008 par Open-Publishing
7 commentaires

de Slovar

Ségolène Royal vient à quelques jours du congrès de Reims de lancer son pavé dans la marre : « Le PS a perdu 80.000 militants en un an et demi ; je trouve cela très douloureux. Et je trouve scandaleux qu’on aille demander 100, 120 ou 150€ à des gens qui doivent régulariser deux ans pour pouvoir voter. Pour que le parti soit fort, il faut le plus de militants possibles. Si demain, c’est mon équipe qui a la responsabilité de gérer le parti, je ne consulterai même pas : l’adhésion sera à 10 ou 20€, pour tout le monde. Sauf pour les élus, qui cotiseront en fonction des indemnités qu’ils reçoivent. »

Ramener la perte de crédibilité et d’adhérents du Parti Socialiste à un montant plafond me semble un raccourci assez simpliste. Qui peut croire qu’il suffit de faire des prix discounts comme chez LIDL ou ALDI pour attirer les candidats militants à la marche en avant du Parti et surtout les classes « populaires » ou « moyennes ». Si l’objectif est de retrouver les précédents adhérents à 10 ou 20€, on peut s’interroger sur l’opportunité de faire revenir des militants à l’engagement si peu durable.

Le militantisme est en crise depuis bien longtemps et il faut avoir plus de 50 ans pour se souvenir des militants arpentant les cages d’escalier des foyers populaires. L’engagement politique demande une foi si tenace qu’il faut lui sacrifier sa vie personnelle et quelque fois professionnelle. Militer en étant salarié du privé est un exercice à haut risque.

Combien ont encore aujourd’hui cette foi ?

Les partis politiques ont abandonné (parfois volontairement) beaucoup de problèmes de société au monde associatif qui est aujourd’hui, trop souvent, le seul interlocuteur de ceux qu’on ne voit plus. L’état qui protège a laissé place à la délégation vers d’autres. Alors, à quoi bon se concerner pour la politique puisque de toute façon... Le militantisme, aujourd’hui, il est dans les ONG ou dans les Restos du Cœur, DAL où on trouve des militants qui agissent et dont un certain nombre sont des chômeurs ou précaires.

Les chômeurs, les partis politiques les ont vraiment oubliés. Coluche avait particulièrement raison lorsqu’il disait : "un chômeur qui vote c’est comme un crocodile en visite dans une maroquinerie" La souffrance du manque de travail s’ajoute à l’oubli d’une société qui ne connaît que ceux qui bougent, travaillent (plus pour gagner... ) et pourraient adhérer à un parti ou un syndicat. Et dire qu’il existe encore des syndicats qui s’opposent à ce que les chômeurs et précaires puissent être représentés dans les négociations avec l’état ou le patronat par un groupement indépendant. Ils sont des millions à se f..... complètement du prix de l’adhésion.

Où sont les partis politiques pour eux et comment les amener au militantisme ?

Reconquérir un électorat "populaire" c’est être présent systématiquement et physiquement auprès de tous ceux dont l’entreprise licencie ou ferme. C’est en utilisant systématiquement TOUS les recours (conseil d’état, conseil constitutionnel, BIT, cours de justice européenne, ...) pour ralentir ou stopper le massacre social organisé par la majorité présidentielle. C’est en arrêtant de dire que seule l’Europe peut (alors que le parlement européen est majoritairement conservateur) régler nos problèmes quotidiens. Un parti politique auquel on adhère est un parti qui lutte aux côtés de ceux qui sont agressés socialement et économiquement.

Alors, même si le geste se veut généreux, il ne suffira pas à donner envie à des citoyens qui attendent de quitter le clan de ceux "qui perdent quoi qu’il arrive"

Au-delà de l’énorme crise financière et socio économique, ils attendent qu’on leur dise ce qui changerait vraiment en cas de victoire du Parti Socialiste et elles sont nombreuses les attentes.

• Retour au droit du travail avant dé tricotage par les députés de la majorité et stricte application par une augmentation significative des prérogatives de l’inspection du travail

• Interdiction ou forte taxation des emplois précaires permanents au profit des entreprises qui emploient des temps complets

• Suppression des contrats de mission et autres contrats intermittents (demande d’extension demandée par l’UMP)

• Suppression de la notion d’emplois "raisonnables" pour les demandeurs d’emploi

• Maintien et amélioration du SMIC national (voir les débats au Sénat sur les revenus du travail )

• Création avec les collectivités locales ou territoriales d’entreprises d’économie mixte (classiques ou coopératives)

• Suppression des toutes les aides à l’emploi qui sont devenues le bonheur des chasseurs de primes ( pas d’aide pas d’emploi ... pas d’emploi. J’ai connu ça pendant 10 mois de chômage, jusqu’à ce que j’apporte une aide d’état pour pouvoir travailler)

• Création à partir des fonds propres des banques d’un établissement bancaire réservé à tous ceux qui sont au-dessous du seuil de pauvreté en lieu et place du RSA scélérat.

• Suppression des franchises médicales

• Suppression des dépassements d’honoraires médicaux qui obligent dans certains cas à ne pas se soigner

• Annulation de l’allongement de durée de cotisation pour une retraite digne.

Beaucoup me diront que c’est exactement ce qu’on pense au Parti Socialiste. Et bien, si le cas qu’on le dise, vite et FORT. Il est incroyable qu’on puisse penser à recruter des militants tout en continuant à déclarer dans les media que le parti est en train de chercher des idées (Idées qui au demeurant sont fournies par des experts ou des « think tanks » mais plus par des militants ou sympathisants.

Pour beaucoup de français, le clivage droite/gauche est encore vivace et le fait d’entendre que les fondamentaux du socialisme ne semblent plus être dans l’air du temps les laissent pantois.

En gros, ils attendent de savoir si ce qui s’était levé en 1981 peut encore arriver. Foin de la flexisécurité, de la formation à tout âge et autres tutorats pour les + de 50 ans, les Français veulent un avenir pour eux et leurs enfants.

A quoi bon militer même pour 1 € si le futur ne consiste qu’à fournir une béquille ou une perfusion à des acteurs économiques qui quoi qu’il arrive continueront à mieux vivre qu’eux ?

Pour avoir envie de combattre les injustices, il faut que le mouvement ou le parti politique soit clair dans ses choix et donne une vraie direction à défaut d’un projet de vie. Si c’est pour adoucir la mondialisation ou brosser dans le sens du poil les organisations patronales (qui de toute façon combattront toujours la gauche) il ne faudra malheureusement pas s’étonner que l’indifférence devienne de la révolte que ce soit par le bulletin de vote ou par la rue.

Slovar les Nouvelles

http://slovar.blogspot.com

Messages

  • Militer en étant salarié du privé est un exercice à haut risque.

    Je confirme, surtout quand y a la rage.

  • Non le militantisme ne se résume pas seulement a un problème de pouvoir d’achat.Tout simplement les militants paient les pots cassés et en plus ils sont pris pour des cons,alors...momo11

  • Merci Revizor de commencer a mettre les pieds dans le plat des partis politiques tels qu’ils existent.

    quand ces partis seront ils obligés de fournir les vraies statistiques sur leurs adherents, a savoir quelle est la proportion d’employés des collectivités locales,departementales regionales ;associations satellites qui d’office doivent adherer pour garder leurs emplois.

    Et sont obligés donc de voter pour les elus qui les emploient.

    Ce que pudiquement les notables appellent le vote economique...

  • Il y a eu une lourde défaite du mouvement social dans beaucoup d’états du monde je dirai entre les années 75 et 85, une décennie qui vit le cassage de communautés de résistance (comme la sidérurgie, le changement d’échelle des usines de l’automobile, etc), bref le reflux de la montée qui culmina en 68 dans le monde et qui finit réellement par la déroute américaine en Indochine.

    Cette crise de fond, construite sur un recul de la classe (invertion des taux de profit début 80) tresse un contexte dont nous ne sortons pas aisément.

    Les années 95 2002 voient une ré-émergence lente, à compter de 2002 on voit des attaques très violentes sur les derniers bastions de résistance, couplées à des mobilisations importantes mais sporadiques, ne permettant pas aisément de reconstruire des équipes militantes qui maillent le territoire toutes organisations du mouvement ouvrier liées.

    Nous sommes toujours dans cette situation de convalescence qui marque toute la difficulté du militantisme entre de vieilles générations largement à genoux et .... ben âgées , ET l’apparition au militantisme de jeunes générations à l’engagement sporadique qui ne fabrique pas aisément une politisation permanente et surtout un militantisme permanent.

    La question de l’accélération de la crise du capitalisme actuellement ne permet pas encore une résistance forte qui fait sortir dans la rue , occupant les usines et les entreprises, fourmille d’inventivité militante, se structure, car cette crise, même si démonstration est faite qu’elle est un attentat extrêmement grave contre les peuples et les classes ouvrières, ne développe par encore au concret toute la puissance de ses effets.

    Autrement dit, beaucoup comprennent théoriquement ce qui se passe (le glissement sondagier vers la gauche de la gauche, etc) et ont une dent contre le capitalisme, ils voient les nuées du cyclone arriver mais ils n’en mesurent pas encore dans leur chair tous ces effets.

    On est dans le stop du stop and go.

    Une manif du MJCF (même si peut maline dans sa façon de mobiliser) ne permet rien, strictement rien, en mobilisation (il est insuffisant de remettre en cause partis et syndicats là dessus, si les gens étaient prêts, même sur de mauvais mots d’ordre et sur une façon de faire peu maligne, il y aurait eu des milliers de gens à aller voir, pour le principe .... et le plaisir), car elle est dans ce creux d’expectative.

    La manif de Strasbourg , bien plus conséquente normalement , n’a levé que des rangs clairsemés de plusieurs centaines de personnes...

    Il nous faut prendre acte de tout cela.

    Parallèlement il existe de très grands succès de militantisme (comme certains réseaux de solidarité) montrant que des forces sont disponibles pour un travail de longue haleine.

    Mais c’est sur le terrain du cœur du mouvement social que ça coince.

    Je pense qu’une partie va déferler bientôt quand les conséquences de l’agression capitaliste dans le cadre de la crise économique va secouer violemment et en peu de temps la société .

    Dans les deux sens (un côté néo-fasciste et un côté de gauche).

    Continuer de se battre, de proposer , de militer, de manifester, faire des propositions qui règlent les questions des erreurs du passé, et....